Définition de ROMPRE

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : ron-pr'

DÉFINITIONS

1
Mettre en fragments, enfoncer, démolir.
Il m'a rompu les dents, sans m'en laisser une seule
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Jérém. Lament. III, 16
Aussitôt il [Samson] rompit ces cordes comme on romprait un filet
de Jean JUVÉNAL DES URSINS dans ib. Juges, XVI, 12
Voyez si vous romprez ces dards liés ensemble
de Jean de LA FONTAINE dans Fables, IV, 18
Depuis plus d'une semaine Je n'ai trouvé personne à qui rompre les os ; La vertu de mon bras se perd dans le repos
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Amph. I, 2
Tel Hercule filant rompait tous ses fuseaux
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Lutr. V
[Athalie] Rit des faibles remparts de nos portes d'airain ; Pour les rompre elle attend les fatales machines
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Ath. V, 1
Il faut vingt-six milliers pour rompre une pièce de dix pieds de longueur sur huit pouces d'écarrissage
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Hist. nat. part. exp. Oeuv. t. VIII, p. 177
Le Nil rompait ses digues ; il se fit des ouvertures qui submergèrent une grande partie de la contrée
de Denis DIDEROT dans Opin. des anc. phil. (Égyptiens).
Rien que pour toucher sa mantille, De par tous les saints de Castille, On se ferait rompre les os
de Alfred DE MUSSET dans l'Andalouse.
Se rompre un bras, une jambe, se les fracturer.
Se rompre une veine, éprouver la déchirure d'une veine.
Il [Valentinien] se rompit une veine, et tomba demi-mort entre les bras de ses officiers
de Esprit FLÉCHIER dans Hist. de Théodose, I, 33
Se rompre le cou, faire une chute dans laquelle on se tue ou se blesse grièvement.
Le traître assurément a reçu de l'argent de mes débiteurs pour me faire rompre le cou
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans l'Av. III, 14
J'ai dix ou douze charpentiers en l'air.... qui sont à tous moments sur le point de se rompre le cou
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 96
Sémantique : Fig. et familièrement. Rompre le cou à quelqu'un, lui faire perdre ses espérances de fortune, d'avancement.
On dit dans le même sens : se rompre le cou par sa mauvaise conduite, par son imprudence.
Sémantique : Fig. Rompre l'anguille au genou, voy. ANGUILLE.
Il rompra tout si on ne le marie, se dit ironiquement d'un fanfaron.
2
Déchirer.
Le traître, l'autre jour, nous rompit de ses mains Un mouchoir qu'il trouva dans une Fleur des Saints
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Tart. I, 2
Notre ami [Corbinelli] était sur un testament qu'il [Vardes] a rompu
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à Moulceau, 3 sept. 1688
Elle a trois fois écrit, et, changeant de pensée, Trois fois elle a rompu sa lettre commencée
de Jean RACINE dans Phèdre, V, 5
Sémantique : Terme d'imprimerie. Rompre une forme, séparer les lettres qui la composent, et les remettre dans leurs cassetins.
Aujourd'hui on dit de préférence distribuer.
Sémantique : Terme de gravure. Rompre une planche, la briser ou la rayer de manière qu'elle ne puisse plus servir.
3
Sémantique : Terme de l'Écriture. Rompre le pain, faire la cène, la communion.
Ayant rompu les pains, il les donna à ses disciples, afin qu'ils les présentassent au peuple
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Évang. St Marc, VI, 41
On dit que vous avez communié avec lui [Jacques Clément] en rompant tous une hostie
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Dial. Henri III, la duch. de Montpensier.
Sémantique : Fig. Rompre le pain de la parole de Dieu aux fidèles, prêcher la parole de Dieu.
4
Dans les tournois et les anciens combats, rompre une lance, rompre la lance, briser une lance en courant ou en combattant contre quelqu'un.
Sémantique : Fig. Rompre une lance avec quelqu'un, contre quelqu'un, disputer en règle avec lui sur quelque sujet.
Tessé avait, dès l'arrivée de Catinat, rompu lance contre lui
de Louis de Rouvroy, duc de SAINT-SIMON dans 96, 20
Sémantique : Fig.
On vit les dialecticiens aller d'école en école rompre des arguments, comme alors les chevaliers allaient de tournoi en tournoi rompre des lances
de Etienne Bonnot de CONDILLAC dans Disc. de récep.
Sémantique : Fig. Rompre une lance pour quelqu'un, prendre son parti dans une conversation, dans une dispute.
Rompre en visière, briser une lance dans la visière.
Sémantique : Fig. Rompre en visière à quelqu'un, lui dire en face et brusquement quelque chose.
Je ne romps jamais en visière aux gens pour le bien, non plus que pour le mal que j'en veux dire
de Roger de RABUTIN, Comte de Bussy, dit BUSSY-RABUTIN dans Lett. t. IV, p. 221, dans POUGENS
Ce chevalier était le même qui m'avait surpris chez la Remy, et qui semblait né pour me rompre partout en visière
de Pierre de MARIVAUX dans Pays. parv. 6e part.
5
Rompre un condamné, rompre avec une barre de fer les os des bras et des jambes à un condamné.
Le vieillard Martin est rompu vif en attestant Dieu de son innocence jusqu'au dernier soupir
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Dict. phil. Certain.
Aussi peu que je croirais l'histoire de la force de l'imagination de cette femme qui, ayant vu rompre les membres à un criminel, mit au monde un enfant dont les membres étaient rompus
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Hist. anim. ch. X
Nature : Absolument.
On ne fait ici que pendre et rompre
de Gui PATIN dans Lett. t. II, p. 180
6
Gâter des voies de communication.
Les chemins sont tout rompus des torrents
de Claude Favre de VAUGELAS dans Q. C. VI, 4
L'on sait il y a quelques jours que les impériaux ont rompu leur pont sur le Mein
de Paul PELLISSON dans Lett. hist. t. II, p. 74
Il y pleut sans cesse [à Livry], et je crains fort que vos chemins.... ne soient rompus
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 27 mai 1675
Il suffirait de rompre deux ou trois chaussées près de la ville [Bourgneuf] pour en rendre toutes les avenues impraticables
de Charles de SÉVIGNÉ dans dans SÉV. t. XI, p. XXXVI, édit. RÉGNIER
Sémantique : Fig.
Il faut penser, chrétiens, que nous étions nés pour ne mourir pas ; et, si notre crime nous a séparés de cette source de vie immortelle, il n'a pas tellement rompu les canaux par lesquels elle coulait avec abondance....
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans 1er sermon, Purification, 1
Rompre les ponts, les passages, les gués, etc. les rendre impraticables pour ne pas être poursuivi par l'ennemi.
7
Sémantique : Fig. Rompre ses fers, ses chaînes, s'échapper de prison.
Mais où garder des lions [Condé et Conti] toujours prêts à rompre leurs chaînes ?
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans le Tellier.
Rompez vos fers, Tribus captives
de Jean RACINE dans Esth. III, 9
Rompre ses fers, ses chaînes, ses liens, se dégager d'une passion, d'un attachement.
8
Rompre la glace, la casser, afin de faciliter le moyen de cheminer.
Sémantique : Fig.
Je vous ai souhaité un lot à la loterie, pour commencer à rompre la glace de votre malheur ; cela se dit-il ?
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à Bussy, 3 avril 1681
Sémantique : Fig. Rompre la glace, affronter, surmonter les premières difficultés que présente une affaire.
Boufflers.... rompit glaces et lances, et ne donna aucun repos au roi
de Louis de Rouvroy, duc de SAINT-SIMON dans 234, 120
Rompre la glace se dit aussi pour faire trêve à la froideur, aux compliments, et commencer à s'entretenir familièrement, confidentiellement.
9
Sémantique : Fig. Rompre la paille, voy. PAILLE, n° 4.
10
Sémantique : Fig. Rompre la tête, les oreilles à quelqu'un, le fatiguer par trop de bruit, ou l'importuner par des discours hors de saison.
D'assez d'autres propos il me rompit la tête
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat. VIII
Ne me rompez pas davantage la tête
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Mis. IV, 3
Je vous écrivis, mercredi, ma fille, assez confusément au milieu de deux ou trois personnes qui me rompaient la tête
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 421
Dandin : Retirez-vous, vous êtes une bête. - Chicaneau : Monsieur, voulez-vous bien.... - Dandin : Vous me rompez la tête
de Jean RACINE dans Plaid. II, 11
Madame est malade ; je ne veux pas lui rompre la tête de ces bagatelles
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Théât. d'éduc. l'Amant anonyme, IV, 2
Se rompre la tête à quelque chose, s'y appliquer trop fortement et inutilement.
Rompre la tête, se dit aussi des choses qui fatiguent la tête.
Hébert me mandait.... qu'elles [mes affaires] vous avaient bien rompu la tête
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à Mme de Guitaut, 26 août 1693
Un pauvre homme avec une Histoire générale sur les bras, et trente ouvriers qui lui rompent la tête, n'est guère en état de parler longtemps à ses amis
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. Thiriot, 22 juill. 1755
11
Sémantique : Terme de guerre. Rompre une troupe, l'enfoncer, la mettre en désordre.
S'il vous souvient encor du combat où les Perses Eurent sitôt rompu les escadrons romains
de Jean de ROTROU dans Bélis. V, 5
Trois fois le jeune vainqueur s'efforça de rompre ces intrépides combattants
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Louis de Bourbon.
Dans cette fameuse bataille [de Chéronée], pendant qu'il [Philippe] rompait les Athéniens
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. I, 8
Pyrrhus voyant que les Romains étaient rompus par ces animaux [les éléphants]
de Charles ROLLIN dans Hist. anc. Oeuv. t. VII, p. 375, dans POUGENS
Il [Tourville] présuma avec capacité que le vent.... obligerait les vaisseaux [ennemis] qui étaient à l'île d'Ouessant de sortir de ce poste, parce qu'il les repoussait et les rompait contre l'île
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 6 août 1689
12
Terme militaire. Rompre les divisions, les pelotons, partager les divisions en pelotons et les pelotons en sections dans une colonne qui est en marche.
Rompre le carré, reformer en colonne une troupe qui formait le carré.
Rompre les rangs, ses rangs, ne plus garder les rangs.
La foule rompt ses rangs quand les chevaux sont passés
de Anne Staël-Holstein, dite Mme DE STAËL dans Corinne, IX, 1
13
Congédier, renvoyer. Rompre une assemblée, une diète.
Rompre le camp, renvoyer les troupes dans leurs quartiers.
Rompre une armée, en renvoyer les différents corps.
Le duc d'Anjou rompit son armée à la fin de juin
de ANQUET. dans Ligue, I, p. 303
Rompre une partie de jeu, la quitter.
Rompre sa maison, son train, congédier son train, sa maison.
Rompre sa table, cesser de tenir table.
Rompre son ménage, cesser de tenir ménage.
Être cause qu'une société se disperse.
Un incident assez singulier rompit cette joyeuse société
de Jean-François MARMONTEL dans Mém. VI
Dans un sens analogue, rompre un nombre de personnes, le diminuer, l'entamer.
M. de la Vieuville est mort.... il a rompu le premier le nombre des chevaliers [de l'ordre du Saint-Esprit]
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 4 févr. 1689
14
Au trictrac, rompre son plein, être obligé de lever une des deux dames qui complètent chaque case du plein.
15
Arrêter, détourner le mouvement droit d'une chose.
Rompant tous ensemble le cours de l'eau
de Paul PELLISSON dans Lett. hist. t. I, p. 141
Elle [une tour] n'était point mise là pour rien ; c'était un paravent, et elle rompait.... la première impétuosité [de la bise]
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 1er juin 1689
Pour rompre la violence de ses eaux trop impétueuses [de l'Euphrate]
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. III, 4
Ils rompaient l'effort du bélier avec des cordes qui en détournaient le coup
de Charles ROLLIN dans Hist. anc. Oeuv. t. III, p. 528, dans POUGENS
Il [Charles XII] s'élance dans la rivière, suivi de son régiment des gardes ; cette foule rompait l'impétuosité du flot ; mais on avait de l'eau jusqu'aux épaules
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Russie, I, 16
Nous savons, par notre art, diriger et rompre les efforts de l'eau
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans 4e époque nat. Oeuvr. t. XII, p. 201
Batavia est situé dans l'enfoncement d'une baie profonde couverte par plusieurs îles de grandeur médiocre, qui rompent l'agitation de la mer
de Guillaume Thomas, abbé RAYNAL dans Hist. phil. II, 19
Sémantique : Par extension.
Toute votre chambre me tue ; j'y ai fait mettre un paravent tout au milieu, pour rompre un peu la vue
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 24
Rompre un coup, en amortir l'effet.
Leurs jambes roides et paresseuses [de l'unau et de l'aï] n'ont pas le temps [dans une chute] de s'étendre pour rompre le coup
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Quadrup. t. VI, p. 84
Aux jeux de dés rompre le coup, arrêter, détourner une chance des dés en les empêchant de rouler librement.
On die de même : rompre le dé.
Sémantique : Fig. Rompre le dé, interrompre.
Tout le monde ensemble ne retiendra pas un grand parleur auprès d'un autre qui lui aura rompu le dé
de Paul SCARRON dans Rom. com. II, 10
Sémantique : Fig. Rompre un coup, le coup, empêcher d'avoir lieu, prévenir.
....Et que le plus souvent ils [les dieux] nous secourent si à propos qu'ils rompent le coup à de grands inconvénients qui étaient préparés pour nous arriver
de François de MALHERBE dans le Traité des bienf. de Sénèque, IV, 4
Il faut rompre ce coup qui me serait fatal
de Pierre CORNEILLE dans Poly. V, 1
Le cardinal de Tournon rompit habilement un si dangereux coup
de MÉZERAY dans Abr. de l'hist. de France, 1534
16
Sémantique : Terme d'escrime. Rompre la mesure à son adversaire, le mettre hors d'état de porter le coup qu'il voulait.
Rompre la mesure, reculer en parant.
Rompre la semelle, reculer de la longueur du pied.
17
Rompre les chiens, les rappeler et leur faire quitter ce qu'ils chassent.
Les clefs de meute parvenues à l'endroit où pour mort le traître se pendit, Remplirent l'air de cris : leur maître les rompit, Bien que de leurs abois ils perçassent les nues
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. XII, 23
Le 16 janv. 1686 : Monseigneur courut le loup, et fit rompre les chiens à dix grandes lieues d'ici ; il revint assez à temps pour être à la comédie
de DANGEAU dans I, 282
Sémantique : Fig. et familièrement. Rompre les chiens, interrompre un discours qui pourrait avoir quelque inconvénient. Il a heureusement rompu les chiens.
Il se dit aussi pour ne pas accepter, ne pas croire.
Mais le mari, qui se doutait du tour, Rompait les chiens, ne manquant au retour D'imposer mains sur Mme Féronde
de Jean de LA FONTAINE dans Féronde.
18
Sémantique : Terme de dioptrique. Synonyme de réfracter. Tous les corps transparents ont la propriété de rompre les rayons de lumière qui les traversent.
19
Sémantique : Terme de peinture. Rompre les couleurs, les mêler pour en adoucir l'éclat.
20
Sémantique : Terme rural. Rompre une terre, la labourer pour la première fois après un long chômage. Rompre un pré.
21
Sémantique : Terme de brasserie. Rompre la couche, remuer les grains dans le germoir.
Rompre trop jeune, retirer le grain du germoir avant qu'il soit assez avancée.
22
Rompre la laine, faire le mélange des laines de différentes couleurs que l'on veut employer à la fabrication des draps mélangés.
23
Interrompre.
J'ai rompu vos discours d'assez mauvaise grâce, Vous le pardonnerez à l'aise de vous voir
de Pierre CORNEILLE dans le Ment. I, 5
Mon abord importun rompt votre conférence
de Pierre CORNEILLE dans Gal. du Palais, III, 4
Il rompt l'ordre commun, et devance le temps
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Mélic. I, 4
Ce passage pensa rompre notre entretien
de Blaise PASCAL dans Prov. VIII
Une affaire qui survint au dervis rompit notre conversation jusqu'au lendemain
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Lett. pers. 134
Rompre un tête-à-tête, survenir dans la compagnie de deux personnes.
Que penseraient les domestiques, s'ils la voyaient recevoir un homme sans la demoiselle de compagnie qui n'est chez elle que pour rompre les tête-à-tête ?
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Mme de Maintenon, t. II, p. 172, dans POUGENS
Rompre le sommeil de quelqu'un, éveiller quelqu'un, troubler son sommeil.
Rompre le fil de son discours, passer tout d'un coup d'un sujet à un autre.
Vous rompez, vous avez rompu le fil de mon discours, se dit à un interrupteur.
Rompre le silence, mettre fin au silence.
Un effort de douleur rompant enfin ce long et morne silence
de Esprit FLÉCHIER dans Turenne.
Rompre le silence, signifie aussi cesser de se taire.
Tu frémiras d'horreur si je romps le silence
de Jean RACINE dans Phèd. I, 3
Qu'attendez-vous ? rompez ce silence obstiné
de Jean RACINE dans Andr. III, 6
Rompre quelqu'un, l'interrompre.
....Tu n'es pas supportable De me rompre sitôt....
de Pierre CORNEILLE dans Mél. II, 4
Le maréchal de Villeroy voulut le rompre [le duc de Gesvres] en parlant à quelqu'un
de Louis de Rouvroy, duc de SAINT-SIMON dans 73, 196
Rompre la monotonie, empêcher que quelque chose ne soit monotone.
Si l'artiste introduit une façade dans son tableau, il ne manquera pas d'en rompre la monotonie par quelque artifice
de Denis DIDEROT dans Pensées sur la peint. Oeuv. t. XV, p. 199, dans POUGENS.
Rompre l'eau à un cheval, l'empêcher de boire tout d'une haleine.
24
Sémantique : Terme de commerce maritime. Rompre charge, transborder. Sans rompre charge, sans transbordement.
25
Rompre la mesure, faire qu'un vers n'ait pas sa mesure.
Et malheur à tout nom qui, propre à la censure, Put entrer dans un vers sans rompre la mesure
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art p. II
26
Empêcher d'avoir lieu.
Ce prompt retour me perd et rompt votre entreprise
de Pierre CORNEILLE dans Nic. I, 4
Le ciel rompt le succès que je m'étais promis
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, V, 2
....Ce qu'on diffère est à demi rompu
de Pierre CORNEILLE dans Poly. I, 1
J'en suis fâché, car cela rompt une pensée qui m'était venue dans l'esprit
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans l'Av. IV, 3
Je sais un sûr moyen Pour rompre cet achat où tu pousses si bien
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans l'Ét. I, 10
Cet homme me rompt tout
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Éc. des f. III, 4
Ils conjuraient ce Dieu de veiller sur vos jours, De rompre des méchants les trames criminelles
de Jean RACINE dans Esth. III, 4
Sachons ce qui peut rompre ou servir ses projets
de Jacques DELILLE dans Parad. perdu, VI
Rompre les desseins, les mesures de quelqu'un, empêcher qu'il ne les mette à exécution.
Jaloux des bons desseins qu'il tâche d'ébranler, Quand il [le démon] ne les peut rompre, il pousse à reculer
de Pierre CORNEILLE dans Poly. I, 1
Allons, madame, allons employer toute chose Pour rompre le dessein que son coeur se propose
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Mis. V, 8
Si vous aviez été à Paris.... vous auriez rompu toutes mes mesures, je le sens
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 13 nov. 1689
Quand Assuérus, surpris par les artifices d'Aman, voulut exterminer tout le peuple juif, Dieu rompit ce dessein impie
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Politique, VI, III, 2
Que l'amour, qui semble aussi le vouloir troubler [le mariage de Marie-Thérèse et de Louis XIV], cède lui-même.... il y a des mesures prises dans le ciel qu'il ne peut rompre
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Mar.-Thér.
Rompre un enchantement, en détruire l'effet.
Les prières de l'hermite Pierre et le mérite de la contrition de Renaud rompent l'enchantement [d'Armide]
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Ess. poés. ép. VII
Rompre un voyage, un départ, une promenade, une partie, les empêcher.
Elle vient me prier de souffrir que sa flamme Puisse rompre un départ qui lui percerait l'âme
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Éc. des mar. III, 2
À rompre un rendez-vous qui dans ce lieu l'appelle
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans les Fâch. III, 4
8 janvier 1686 : on assure qu'il a changé de résolution et que son voyage est rompu
de DANGEAU dans I, 279
4 mai 1686 : la pluie rompit cette promenade-là
de DANGEAU dans I, 329
Je rompis cette partie, où elle aurait été appréciée au-dessous de sa valeur
de Denis DIDEROT dans S. la princ. d'Ashkow.
Rompre son dessein, son entreprise, y renoncer.
Je crois que Brute même, à tel point qu'on le prise, Voulut plus d'une fois rompre son entreprise
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, III, 2
Je m'en vais réparer l'erreur que j'ai commise, Et, dès ce même pas, rompre mon entreprise
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans l'Ét. I, 10
Rompre son voyage, ne pas faire le voyage qu'on avait projeté.
Je crois qu'il [Coulanges] n'en rompra pas [à cause du voyage de Rome] le voyage de Grignan
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 18 sept. 1680
Me voilà coupable encore pour n'avoir pas deviné son voyage, et n'avoir pas en conséquence rompu le mien
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Lett. à Mme Latour, 25 déc. 1763
27
Détruire.
Il [Dieu] a rompu leurs piéges
de François de MALHERBE dans I, 2
Un amant dédaigné souvent croit beaucoup faire, Quand il rompt le bonheur de ce qu'on lui préfère
de Pierre CORNEILLE dans Sur. II, 1
Des crimes qui rompent la société, qui abrégent la vie, et qui déshonorent Dieu en toutes manières
de Nicolas MALEBRANCHE dans Rech. vér. Éclairc. liv. I, t. IV, p. 110, dans POUGENS.
Lui seul réunissait les gens de bien, rompait les liaisons des factieux
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans le Tellier.
Arnauld, des novateurs tu découvres la fraude, Et romps de leurs erreurs les filets captieux
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Ép. III
28
Faire cesser, mettre fin à.
Sa fureur à la fin rompit sa modestie
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Élég. IV
Je t'ai voulu sur l'heure apprendre cet amour, Pour te tirer de peine et rompre ta colère
de Pierre CORNEILLE dans la Place Roy. V, 6
Mon amour généreux Qui d'un si grand héros rompt le sort malheureux
de Pierre CORNEILLE dans Médée, II, 5
Comme la douceur, selon l'Écriture, rompt la colère, on peut dire aussi que l'humilité dissipe l'envie
de Esprit FLÉCHIER dans Sermons, Envie.
Ô Christ, ô soleil de justice, De nos coeurs endurcis romps l'assoupissement
de Jean RACINE dans Hymnes, Ales diei nuncius.
Pour revenir, il faut rompre des inclinations que le temps a fortifiées
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Fausse conf.
29
Rendre nul, en parlant d'amitié, de relations, de paix, de traité, etc.
Et soyez sûr que même le trépas Ne peut rompre des noeuds que l'amour ne rompt pas
de Pierre CORNEILLE dans Rod. II, 4
[Que] La Perse ait osé rompre une paix si profonde
de Jean de ROTROU dans Bélis. I, 6
Muse, redis-moi donc quelle ardeur de vengeance De ces hommes sacrés rompit l'intelligence
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Lutr. I
Que cette âme renonce tout d'un coup à ses plaisirs, rompe les attachements les plus vifs....
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Lazare
C'est le seul traité [de G. Penn] entre ces peuples [les sauvages d'Amérique et les chrétiens] qui n'ait point été juré, et qui n'ait point été rompu
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Dict. phil. Quakers, II
Entre tous les liens qui serrent les hommes, un des plus difficiles à rompre est celui du bienfait dont l'amour-propre est flatté
de Denis DIDEROT dans Claude et Nér. I, 66
Rompre un mariage, rompre un projet de mariage.
Argante : Cela m'aurait donné plus de facilité à rompre ce mariage. - Scapin : Rompre ce mariage ? - Argante : Oui. - Scapin : Vous ne le romprez point
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Scapin, I, 6
30
Manquer à une obligation, à un engagement.
Je romps une foi due aux secrets de ma reine
de Pierre CORNEILLE dans Rodog. III, 1
Je sais de quels serments je romps pour vous les chaînes
de Jean RACINE dans Andr. III, 7
Rompez, rompez tout pacte avec l'impiété
de Jean RACINE dans Ath. I, 1
En faisant ses voeux [de chanoinesse], elle [Mme de Tencin] songea aux moyens de les rompre, et son directeur fut l'instrument aveugle qu'elle employa pour ses desseins
de Charles Pinot, sieur DUCLOS dans Oeuv. t. V, p. 418
Faire rompre.
Hélas ! je ne craignais que tes beautés de Grèce, Et je vois qu'une Scythe a rompu ta promesse
de Pierre CORNEILLE dans Toison d'or, III, 3
Leur devoir violé doit-il rompre le mien ?
de Pierre CORNEILLE dans Oedipe, II, 4
Rompre le jeûne, enfreindre la loi du jeûne, en mangeant avant l'heure prescrite, ou en mangeant quelque chose de défendu.
Ces petites incommodités qui vous ont servi de raison autrefois pour me le faire rompre [le carême]
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 19 févr. 1690
Rompre le jeûne, signifie aussi cesser de jeûner, manger après le jeûne.
Les premiers fidèles qui ne le rompaient [le jeûne] qu'après le soleil couché
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Jeûne.
Rompre sa prison, s'évader.
La Babylone dont il faut rompre les prisons pour entrer ou pour retourner à notre patrie, c'est le monde avec ses plaisirs et ses vanités : c'est là que nous sommes captifs et errants
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. II, 6
Rompre son ban, sortir des lieux où l'on était relégué.
31
Fatiguer extrêmement.
J'ai fait quelques efforts pour me relever ; efforts inutiles qui m'ont rompu et ne m'ont pas soulagé
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans 1er sermon, Conception, 2
32
Dresser, accoutumer. Rompre quelqu'un au travail, aux affaires. Rompre la main d'un enfant à l'écriture.
Il le faut rompre à l'âpreté des exercices
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Ém. II
Rompre l'humeur, le caractère d'un enfant, le rendre doux et docile.
Rompre un cheval, l'assouplir.
Rompre le cou d'un cheval, l'obliger à plier l'encolure à droite et à gauche pour la rendre flexible, afin que l'animal obéisse aisément aux deux mains.
33
Nature : V. n. Se casser, se briser.
Mon épée en ma main en trois morceaux rompit
de Pierre CORNEILLE dans le Ment. II, 5
Les vents me sont moins qu'à vous [chêne] redoutables ; Je [le roseau] plie et ne romps pas
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. I, 22
Un pressoir que l'on serre jusqu'à ce que la corde rompe
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 13 nov. 1676
Notre essieu rompit hier dans un lieu merveilleux
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 8 mai 1680
Il se peigne, il s'apprête ; L'ivoire trop hâté deux fois rompt sur sa tête
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Lutr. V
Les poiriers rompent de fruits cette année
de Jean de LA BRUYÈRE dans XIII
Des poutres qui avaient chacune supporté, sans se rompre, pendant un jour entier neuf milliers, avaient rompu au bout de cinq ou six mois sous la charge de six milliers
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Expér. sur les végét. 1er mém.
Des pièces de bois ainsi chargées n'ont pas rompu, mais elles ont plié considérablement
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans ib.
Les greniers rompent, ils sont pleins au point de s'enfoncer sous le poids.
Si nous mettions dans nos travaux la moitié de cette constance [des courtisans], nos greniers chaque année rompraient
de Paul Louis COURIER dans Simple discours.
Sémantique : Fig. Il rompra plutôt que de plier, il périra plutôt que de céder.
....c'est un joug qu'à peine il recevra. - Je l'y forcerai bien ; s'il ne plie, il rompra
de François L'Hermite, sieur du Soliers, dit TRISTAN L'HERMITE dans M. de Chrispe, III, 6
Il vaut mieux plier que rompre, il vaut mieux céder, obéir que de se perdre.
On verra beau jeu si la corde ne rompt, se dit de grandes espérances, de belles promesses.
34
Terme militaire. Passer de l'ordre en bataille à l'ordre en colonne. Rompre par divisions, par pelotons. Rompre à droite, à gauche.
35
Sémantique : Terme d'escrime. Reculer. Rompez. Il rompit d'une semelle.
36
Renoncer aux relations d'amitié avec quelqu'un.
Quel astre, de votre heur et du nôtre jaloux, Vous a précipité jusqu'à rompre avec nous ?
de Pierre CORNEILLE dans Sophon. IV, 9
On a bien de la peine à rompre quand on ne s'aime plus
de François, duc de LA ROCHEFOUCAULD dans Max. 351
Ces passages me firent tant d'horreur, que je pensai rompre là-dessus
de Blaise PASCAL dans Prov. X
Il [l'abbé de Valbelle] m'a dit.... que l'archevêque de Reims rompait à feu et à sang avec le coadjuteur [d'Arles], s'il ne venait avec vous
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 19 janv. 1674
Il fallait se réformer [dans l'Église, au XVIe s.] ? qui ne le reconnaît ? mais il était encore plus nécessaire de ne pas rompre
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Var. XI, 206
Ni les conseils de la Providence, ni l'état de la princesse ne permettaient qu'elle partageât tant soit peu son coeur.... il fallait ou tout à fait rompre, ou se rengager tout à fait avec le monde
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Anne de Gonz.
La patience nous échappa de part et d'autre, et nous rompîmes à l'amiable
de Alain René LESAGE dans Gil Bl. VII, 7
Nous romprons avec lui quand il n'aura plus rien
de Philippe Néricault DESTOUCHES dans Diss. I, 2
Toutes les mortifications qu'un roi de France peut donner à un pape sans rompre de communion avec lui
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Louis XIV, 14
J'ai rompu avec le genre humain pendant plus de six semaines, je me suis enterré dans mon imagination
de ID. dans Lett. Mme du Deffant, 12 avr. 1760
Résolu de rompre avec Diderot pour jamais, je ne délibérai plus que sur la manière
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Confess. X
Au lieu de dénouer insensiblement, je rompis, ce fut une très grande faute
de Jean-François MARMONTEL dans Mém. IV
Souvenez-vous qu'il est plus prudent de délier que de rompre
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Ad. et Th. t. III, p. 243, dans POUGENS
Sémantique : Fig.
Il est vrai que c'est mon ancien ami [le serein, Mme de Sévigné l'aimait beaucoup], et que j'ai peine à rompre tout à fait avec lui
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 353
Pourquoi m'es-tu donné, ô corps mortel, fardeau accablant, soutien nécessaire, avec lequel je ne puis avoir ni guerre ni paix, parce qu'à chaque moment il faut s'accorder, et à chaque moment il faut rompre ?
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Bourgoing.
Il resta [auprès des bagages abandonnés] les plus faibles, les moins déterminés, ou les plus avares ; ceux qui ne surent point rompre avec leur butin et quitter la fortune qui les quittait, ceux-là furent surpris [par les cosaques] dans leur hésitation
de Philippe de SÉGUR dans Hist. de Nap. IX, 13
Rompre à tout, briser toutes relations.
Ils n'ont pas la force de se faire un désert du monde lui-même, nous leur disons qu'il est aisé de rompre à tout quand on le veut ; et ils soutiennent qu'en le voulant ils n'en sauraient être les maîtres
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Profess. relig. Serm. 1
37
Rompre, se dit du vin qui, laissé à l'air, change de couleur.
38
Se rompre, Nature : v. réfl. Être rompu.
Ils prirent une si grande quantité de poissons, que leur filet se rompait
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Évang. St-Luc, V, 6
L'essieu crie et se rompt
de Jean RACINE dans Phèd. V, 6
Ce morceau de fil de fer a porté, avant de se rompre, 482 livres
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Hist. min. introd. Oeuv. t. VII, p. 62
À deux postes d'ici ma chaise s'est rompue
de BOISSY dans Impatient, II, 5
39
Être réfracté. Les rayons se rompent en passant de l'air dans l'eau.
Un trait de lumière qui passe à travers un prisme se rompt et se divise de façon qu'il produit une image colorée, composée d'un nombre infini de couleurs
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Hist. min. introd. Oeuv. t. VII, p. 7
40
Être brisé, se briser, en parlant des eaux, des flots.
Les flots bruyants se rompaient en plusieurs endroits
de Claude Favre de VAUGELAS dans Q. C. VIII, 13
N'entendez-vous pas la vague qui se rompt contre ces autres rochers ?
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Tél. IX
41
Perdre son ordre, son arrangement.
Les astres font leur cours, le ciel ne se rompt pas
de Jean de ROTROU dans Herc. mour. III, 3
Les bataillons du régiment des gardes, l'épée à la main, rompirent un grand bataillon des ennemis ; mais, en le rompant, ils se rompirent eux-mêmes
de Paul PELLISSON dans Lett. hist. t. III, p. 290
Il lui [à la phalange macédonienne] faut des lieux propres, et pour ainsi dire faits exprès, et, à faute de les trouver, elle s'embarrasse elle-même, ou plutôt elle se rompt par son propre mouvement
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. III, 6
42
Être défait, changé, rendu nul.
C'est un ordre des dieux qui jamais ne se rompt, De nous vendre un peu cher les grands biens qu'ils nous font
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, II, 1
La ligue se romprait....
de Pierre CORNEILLE dans ib. III, 1
Mandez-moi d'où vient que le marché de votre terre s'est rompu
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 28 mai 1676
Ces mariages qui se rompent ou qui se concluent dans les comédies
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Comédie, 6
Cette grande société que forment les vanneaux à leur arrivée, tend à se rompre dès que les premières chaleurs du printemps se font sentir
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Ois. t. XV, p. 82
43
S'accoutumer à. Se rompre à la fatigue, aux affaires, au travail.
La main se rompt à écrire ou à jouer d'un instrument, c'est-à-dire qu'elle corrige une roideur, qui tenait les doigts comme engourdis
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Conn. V, 4
44
À tout rompre, Nature : loc. adv. Tout au plus (sens qui a vieilli). à tout rompre, on ne lui doit pas mille écus.
Il est vrai de dire qu'encore qu'elle [l'Académie française] fasse un dictionnaire grammatical, il n'y a que deux ou trois de ces messieurs, à tout rompre, qui sachent la grammaire française et les premiers éléments
de FURETIÈRE dans Factums, t. I, p. 188
Avec éclat, avec transport (sens actuel). Applaudir à tout rompre.

HISTORIQUE

1
XIe s.
L'osberc [il] li rumpt entresque à la charn
dans Ch. de Rol. XCIV
2
XIIe s.
De totes pars la mer l'asaut, Rompent cordes, li trés [mât] lor faut
de WACE dans Vierge Marie, p. 4
Puis i ont mis dou feu tout rasé [ras] un tonel ; Les douves sont enprises, si rompent li cercel
dans Sax. IX
3
XIIIe s.
[Épines] Qui m'ont toute ma robe depecie et rompue
dans Berte, LII
Tant qu'ainsinc Faussemblant raisonne, Amors de rechief l'araisonne, Et dist, en rompant sa parole....
dans la Rose, 11124
Et s'il y a beste liée, et ele ront son lien et va en damace
de Philippe de BEAUMANOIR dans XXX, 57
Li devant dit home doivent rompre [labourer] et gaagnier les terres aus us et aus coustumes dou païs
de Victor Henri-Joseph Brahain, dit DU CANGE dans rumpere.
Vous avez une goute vive ; Saint Ladres a rompu la trive, Si vous a feru el viaire
de RUTEBEUF dans 213
Cil qui sont sor le mur aval esgardé ont, L'eschiele virent route [rompue]
dans Ch. d'Ant. VI, 723
Quant nous venimes là, nous trouvames que un vent fort ot rompues les cordes des ancres de sa nef
de Jean, PRINCE DE JOINVILLE dans 212
4
XIVe s.
Adonques est l'amisté dissolue et roupte, puisque les choses ne leur sont faites pour lesquelles il amoient
de Nicolas ORESME dans Eth. 258
Grans roches tresbucherent et rompirent de montaignes
dans Chr. de St-Denis, f° 47, dans LACURNE
5
XVe s.
Et beaucoup de gens de bien estoient d'opinion qu'on attendist, cuidans rompre le coup
de Jean JUVÉNAL DES URSINS dans Charles VI, 1380
Mais, au derrain, ne sçay comment Mon fait est venu au contraire ; Et à parler ouvertement Tout est rompu, c'est à reffaire
de Charles D'ORLÉANS dans Bal. 65
Le mareschal dist : Monseigneur, ne rompez point l'alaine de vos gens
dans le Jouvencel, f° 57, dans LACURNE
Ledit Morvilier lui rompoit tousjours la parolle
de Philippe de COMMINES dans I, 1
Les hommes d'armes bourguignons rompirent leurs [propres] archiers et passerent par dessus.... ainsi rompirent eulx-mesmes la fleur de leur armée
de Philippe de COMMINES dans I, 3
Ilz font un payement de trois moys, et puis rompent leur armée [licencient]
de Philippe de COMMINES dans IV, 1
Et taschoient à luy rompre ses vivres, qui venoient par eaue du pays de Gueldres, contre-mont la riviere
de Philippe de COMMINES dans IV, 2
Et si luy fut rompue la pension qu'il prenoit de nous
de Philippe de COMMINES dans V, 18
Le cardinal rompit [empêcha] que je ne m'en meslasse point
de Philippe de COMMINES dans VIII, 3
6
XVIe s.
Chascune de leurs trouppes, cuidant que les autres fussent en leur entier, se rompoit quand on l'alloit assaillir
de Jacques AMYOT dans Publ. 39
Le peuple leur rompoit le cueur de pitié, quand....
de Jacques AMYOT dans Cam. 54
Il feit forger salades et morrions tous de fer bien polis par dehors, à fin que les espées glissassent au long, ou se rompissent en frappant dessus
de Jacques AMYOT dans ib. 68
Ilz leurs remonstrerent que l'occasion se presentoit de rompre [entamer] la guerre contre les Romains ; eulx respondirent qu'ilz auroient honte de la rompre, attendu qu'il y avoit trefves jurées entre eux pour deux ans
de Jacques AMYOT dans Cor. 41
Si me semble que ce fut chose merveilleuse et de grand heur pour les Romains, que ceste guerre gauloise ne vint point à se rompre [éclater] du temps que celle des Carthaginois duroit encore
de Jacques AMYOT dans Marcel. 3
Vous le voyez aller par la ville avec une pauvre robbe toute rompue et usée
de Jacques AMYOT dans Arist. 62
On les voyoit incontinent recreuz et rompus du travail
de Jacques AMYOT dans Caton, 10
La glace se rompoit et trenchoit les nerfs de leurs pieds
de Jacques AMYOT dans Lucul. 63
Le chemin rompoit de joyaux d'or et d'argent, et de chevaux que l'on y envoyoit
de Jacques AMYOT dans Artax. 33
....ce propos dur et triste En cest endroit rompray pour le present
de Clément MAROT dans II, 63
Il chut du haut d'une echelle et se rompit [se donna une hernie]
de Bonaventure DESPÉRIERS dans Contes, XVII
Il y aura beau jeu, si la chorde ne rompt
de François RABELAIS dans IV, 6
Il le fault rompre à la peine et aspreté des exercices
de Michel de MONTAIGNE dans I, 165
Se tourmenter et rompre la teste des affaires d'aultruy
de Michel de MONTAIGNE dans I, 278
Il n'osa les poursuyvre touts rompus et effroyez
de Michel de MONTAIGNE dans I, 351
Rompre un marché
de Michel de MONTAIGNE dans IV, 43
Rompre la teste à tout le monde de ses genealogies
de Michel de MONTAIGNE dans IV, 45
Lors aura-on bon marché de rompre [labourer] les prairies
de Olivier DE SERRES dans 73
Après cette prise de Saint-Jean, il vouloit bien passer plus outre et suivre messieurs les princes jusques en Gascogne et Languedoc, mais la reyne rompit ce coup
de Pierre de Bourdeille, seigneur et abbé de BRANTÔME dans Les grands capit. franç. Charles IX
Combien avons nous veu depuis force huguenots s'estre convertis et faits bons catholiques ! les chemins en rompent
de Pierre de Bourdeille, seigneur et abbé de BRANTÔME dans ib. t. III, p. 172
Nous disons communement rompre la paille ou le festu avec quelqu'un, quand nous nous disposons de rompre l'amitié que nous avions contractée avec luy
de Étienne PASQUIER dans Recherch. VIII, 58

ÉTYMOLOGIE

1
Wallon, rompi ; patois des Fourgs, rontre ; provenç. rompre, rumpre ; catal. romprer ; espagn. romper ; ital. rompere ; du lat. rumpere ; sanscrit védique, rup, devenu en sanscrit classique lup, lumpâmi, je romps.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
à bois rompre, tellement que le bois, les branches menacent de se rompre. Les arbres sont chargés de fruit à bois rompre. Il pleut à bois rompre.
2
XIVe s. Ajoutez :
Quant vitaille fault, on ne poeut plus longuement durer ; si vault mielx estendre que rompre
de J. LE BEL dans Vrayes chroniques, t. I, p. 116

Synonymes de ROMPRE

Termes proches de ROMPRE