Définition de PAILLE

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : pâ-ll', ll mouillées, et non pâ-ye

DÉFINITIONS

1
Tiges desséchées des graminées céréales.
Une vieille lanterne, un tabouret de paille
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat. X
Nous ne sommes que l'abbé et moi dans ce joli cabinet, sur de bons coussins, bien à l'air, bien à notre aise, tout le reste comme des cochons sur la paille
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 425
Mais je n'y perdais rien ; enfin, vaille que vaille, J'aurais sur le marché fort bien fourni la paille
de Jean RACINE dans Plaid. I, 1
Qu'ils soient comme la poudre et la paille légère Que le vent chasse devant lui
de Jean RACINE dans Esth. I, 5
Le grand Condé lui-même couche sur la paille
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Louis XIV, 4
Là, la paille docile, Prend mille aspects nouveaux sous une main agile
de Jacques DELILLE dans Imag. VI
La paille et surtout celle du froment est un fort bon aliment [fourrage], lorsqu'elle est blanche, menue, fourrageuse, c'est-à-dire associée à de certaines plantes
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Maison rust. t. I, p. 198, dans POUGENS
On peut bien manger sans nappe ; Sur la paille on peut dormir
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Gueux.
Sémantique : Fig.
Armes du reste de la terre, Contre ces deux peuples unis Qu'êtes-vous que paille et que verre ?
de François de MALHERBE dans VI, 2
Si l'on croyait la canaille, La charte serait de feu Et le monarque de paille
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Rév. pères.
Un cent, un millier de paille, un cent, un millier de bottes de paille.
Aller à la paille, se dit des soldats qui vont faire leur provision de paille.
Sémantique : Fig. Envoyer les soldats à la paille, leur donner un moment de repos pendant l'exercice.
Ils sont aises comme rats en paille, ils sont là comme rats en paille, se dit de gens qui font grande chère chez autrui, de domestiques qui dissipent le bien du maître.
Il est à la paille jusqu'au ventre, se dit d'un homme fort à son aise.
Tout y va, la paille et le blé, se dit d'un prodigue qui dépense tout.
Cet homme a bien mis de la paille en ses souliers, c'est-à-dire il est devenu riche en peu de temps.
Feu de paille, voy. FEU, n° 7.
2
Sémantique : Fig. Dans l'Évangile, paille, signifie les réprouvés.
Les tempêtes dont l'Église a été battue, ont emporté la paille et fait paraître le froment
de NICOLE dans dans RICHELET
3
Sémantique : Fig. Il se dit pour misère.
De mon berceau près de bénir la paille, En me créant Dieu m'a dit : ne sois rien
de Pierre Jean de BÉRANGER dans A mes amis devenus ministres.
Il couche sur la paille, se dit de quelqu'un très misérable.
Ils veulent me réduire à coucher sur la paille
de GHERARDI dans Théât. ital. t. II, p. 367
Mettre à la paille, sur la paille, ruiner.
Trois douzaines de Cupidons Qu'une actrice a mis sur la paille
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Pauv. am.
Il mourra sur la paille, se dit d'un homme qui se ruine.
4
Une paille, un très petit brin de paille.
Quand la balance est parfaitement égale, une paille suffit pour la faire pencher
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Écon. polit.
Sémantique : Fig. Dans le langage de l'Évangile, voir une paille dans l'oeil de son prochain, et ne pas voir une poutre dans le sien, remarquer les moindres défauts chez les autres et ne pas voir les siens propres.
Hypocrite, ôtez premièrement la poutre de votre oeil, et alors vous verrez comment vous pourrez tirer la paille de l'oeil de votre frère
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Évang. St Math. VII, 5
Sémantique : Fig. Rompre la paille, rompre un marché, un accord.
Rompre la paille signifie aussi se brouiller.
Pour couper tout chemin à nous rapatrier, Il faut rompre la paille ; une paille rompue Rend, entre gens d'honneur, une affaire conclue
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans le Dép. IV, 4
Si vous m'aimez, laissez-moi faire ; ou, sans ça, la paille est rompue
de Florent Carton, sieur d'Ancourt, dit DANCOURT dans Mari retrouvé, SC. 16
Sémantique : Fig. Cela lève, enlève, emporte la paille, se dit d'une chose excellente, singulière, décisive, par allusion à l'ambre qui a la vertu d'attirer la paille.
Il y avait dimanche un bal qui fut joli ; nous y vîmes une Basse-Brette, qu'on nous avait assuré qui levait la paille
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 77
Racine a fait une comédie qui s'appelle Bajazet, et qui enlève la paille, vraiment elle ne va pas en empirando comme les autres
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 13 janv. 1672
Tirer à la courte paille, tirer au sort avec des brins de paille de longueur inégale.
Maint d'entre vous souvent juge au hasard, Sans que pour ce tire à la courte paille
de Jean de LA FONTAINE dans Juge.
Jeter la paille au vent, se dit lorsque incertain de sa route, on jette une paille au vent pour voir d'où le vent souffle.
5
De paille, se dit des personnes et des choses sans valeur.
J'écrivais en chiffres au duc d'Orléans, mais par ses courriers quand ils s'en retournaient, et, par-ci, par-là, quelques lettres de paille
de Louis de Rouvroy, duc de SAINT-SIMON dans 202, 193
Si les Guèbres sont bien joués, ils feront un beau fracas ; il y a des attitudes pour tout le monde ; à genoux, mes enfants, doit faire un grand effet, et la déclaration de César n'est pas de paille
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. d'Argental, 15 sept. 1768
Homme de paille, homme de néant.
Il y a bien deux ans et plus Que certains vers de moi vous prîtes, Pour lesquels quelques carolus, Grand monarque, vous me promîtes.... Qui pouvez du plus misérable Faire un archiprotonotable, Et du plus vil frotte-patin Un noble à jupe de satin, Un milord d'un homme de paille
de DASSOUCY dans Poésies et lettres, etc. p. 129, dans FR. MICHEL, Argot
Monsieur, dit-il..., afin que vous ne pensiez point que je sois un homme de paille, sachez que j'ai fait acquisition, en ma patrie, d'une maison qui vaut dix mille écus
dans Francion, IV, p. 162
Il n'est possible d'imaginer rien qui ne fût là [chez M. de Boufflers] sous la main, et pour le dernier survenant de paille comme pour l'homme le plus principal
de Louis de Rouvroy, duc de SAINT-SIMON dans 60, 3
Homme de paille, se dit aussi de celui qui ne fait que prêter son nom dans une affaire.
C'est Bardolier qui achèterait réellement ; il y aurait une contre-lettre ; l'ami ne serait qu'un prête-nom, un homme de paille
de Louis-Benoît PICARD dans Vieille tante, II, 9
Croix de paille, se dit pour exprimer une chose qu'on ne fera pas, à laquelle on ne croit pas (locution qui vient de ce qu'avec une paille on ne peut tracer la croix, signe d'affirmation). Si je me fie à lui, croix de paille.
6
Nom donné aux enveloppes florales des graminées séparées du grain. Paille d'avoine.
7
Défaut de liaison dans la fusion des métaux. Cette lame est fine, mais il y a quelques pailles.
Défaut de liaison dans la fusion du verre.
Se dit des inégalités, des crevasses ou diversités de couleur qu'on trouve dans les pierres de mine.
Sémantique : Terme de lapidaire. Pailles, les obscurités qui se trouvent quelquefois dans les pierres précieuses et qui en diminuent beaucoup le prix.
Il ne faut pas s'étonner si, parmi un grand nombre de diamants, il s'en rencontre qui ont des pailles
de GODEAU dans Disc. sur Oeuv. de Malh.
Se dit aussi des écailles qui tombent du fer quand on le forge à chaud.
8
Sémantique : Terme de marine. Paille de bitte, longue cheville de fer qu'on introduit dans la tête d'une bitte pour retenir le câble quand il a été tourné autour de la bitte.
Pailles d'arrimage, bûches droites, courtes, rondes et sans écorce.
9
Paille-en-queue, ou paille-en-cul, oiseau de mer dont la queue a deux longues plumes étroites (au pl. des paille-en-queue, ou paille-en-cul).
Son caractère le plus frappant est un double long brin qui ne paraît que comme une paille implantée à sa queue ; ce qui lui a fait donner le nom de paille-en-queue
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Ois. t. XVI, p. 108
Sémantique : En termes de marine, paille-en-cul, nom donné quelquefois à la voile d'artimon de certains petits navires et des canots et chaloupes, en général.
10
Couleur de paille, et, adjectivement, couleur paille, couleur qui ressemble à celle de la paille.
On dit que la couleur de paille ne réussissait pas, et que Mme de Langeron, qui est l'âme de toute la parure de l'hôtel de Condé, en a été malade ; en effet voilà de ces sortes de choses dont on ne doit point se consoler
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 399
L'acier ayant été trempé très dur, veut-on le ramener au degré de dureté des rasoirs, des canifs, etc. on le chauffe sur des charbons incandescents, jusqu'à ce qu'il prenne une couleur paille
de THENARD dans Traité de chim. t. I, p. 381, dans POUGENS
Vins de paille, vins fabriqués avec des raisins desséchés.
Paille, adjectif, est invariable. De la soie paille. Des rubans paille, ainsi dits à cause de leur couleur.
Nature : S. m. Le paille de cette étoffe est bien beau.

HISTORIQUE

1
XIIe s.
Il s'enfuiront, sor qui que la perte aille ; N'auront de gent valissant une paille
dans Raoul de C. 43
2
XIIIe s.
Qui li vendi paille por grain, Et changa por le froment l'orge
dans Fabliaux mss. p. 144, dans LACURNE
Largesse semble à feu de paille ; Quant il est ars [brûlé], jà rien ne vaut, Romancero
de LE COMTE DE BRET. dans p. 161
Mes de religion, sans faille, G'en pren le grain et laiz la paille
dans la Rose, 11256
Et liz de paille n'est pas liz, Et en mon lit n'a fors la paille
de RUTEBEUF dans 3
3
XVe s.
Aussi-tost que la beste est saoule, On y pert la paille et le grain
de COQUILL. dans Plaidoy. de la simple.
À longue voye paille pese
de Antoine LE ROUX DE LINCY dans Prov. t. I, p. 81
4
XVIe s.
Elle, qui ne lui devoit rien, lui voulut soudain mettre la paille au devant et l'arrester, en l'assurant qu'elle n'aimoit et n'aimeroit jamais autre que son mari
de Marguerite de Navarre, dite aussi de Valois, ou d'Angoulême, reine de Navarre dans Nouv. XI
Et en racontoit des tours qui levoient la paille
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans Vie, XXXVIII
Prevoiant que cette mort l'eust descrié parmi tous les siens, il aima mieux ne rompre point la paille, et ainsi se separa en propos de l'entreveue
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans Hist. II, 343
Fermez-vous, sire, à voir les fruicts de leur confusion, l'election d'un roi de paille....
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans ib. III, 293
Nostre langue n'est moins capable que la latine des traits poetiques hardis ; car, quant à moy, je ne voy rien en quoy le romain nous fasse passer la paille devant les yeux
de Étienne PASQUIER dans Recherches, VII, p. 624, dans POUGENS
Avec le temps et la paille l'on meure les mesles [nèfles]
de Randle COTGRAVE dans

ÉTYMOLOGIE

1
Prov. palha, pailha ; catal. palla ; espag. paja ; portug. palha ; ital. paglia ; du lat. palea. La locution rompre la paille s'explique par un ancien usage féodal : lorsqu'un vassal voulait se soustraire ouvertement à l'obéissance de son souverain, il rompait une paille en sa présence et par là se croyait absous de son hommage et de son serment de fidélité (Et exfestucaverunt fidem et hominia quae olim fecerant eidem consuli ; il s'agit de Guillaume le Normand, comte de Flandres), Hist. littér. de la France, t. XI, p. 143.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
Paille de fer, tournure de fer, pour mettre à neuf les meubles et les parquets, en usage depuis quelques années.

Synonymes de PAILLE

Termes proches de PAILLE

Phonétiquement proche de PAILLE