Définition de PERDRE

DÉFINITIONS - PROVERBES - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : pèr-dr' ; à la 2e et à la 3e personne, tu perds, il perd, se prononcent pêr, sans que l's ou le d se

DÉFINITIONS

1
Être privé de quelque chose dont on était en possession.
On perd tout quand on perd un ami si fidèle
de Pierre CORNEILLE dans Hor. II, 1
Je perdrai mes États, et garderai mon rang
de Pierre CORNEILLE dans Nicom. III, 1
Elle eut une magnificence royale ; et l'on eût dit qu'elle perdait ce qu'elle ne donnait pas
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Reine d'Anglet.
Je serrais les bras, mais j'avais déjà perdu ce que je tenais
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Duch. d'Orl.
Les misérables qui n'ont rien à perdre
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. III, 7
Le prince d'Espagne, Louis de la Cerda, fils de celui qui perdit le trône
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Moeurs, 141
Perdre Dieu, ne plus avoir sa grâce, ne plus croire en lui.
C'est ainsi que nous perdons Dieu, dont toutefois nous ne pouvons nous passer ; car il y a au fond de notre âme un secret désir qui le demande sans cesse
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans la Vallière.
Sémantique : Familièrement. Vous ne perdrez rien pour attendre, c'est-à-dire le retard ne vous sera pas préjudiciable, ou, ironiquement, vous serez puni comme vous le méritez.
Croyez-moi, vous n'y perdrez rien
de Jean de LA FONTAINE dans Fianc.
On dit dans le même sens : n'en perdre que l'attente.
Tu n'en perds que l'attente, et je te le promets
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans le Dép. III, 10
Il se dit aussi des personnes en ce même sens.
Après tout, je suis plus à vous que jamais ; il est vrai, madame, que vous ne sauriez me perdre, quelque négligence que vous ayez pour moi
de Vincent VOITURE dans Lett. 17
Il faut venger un père et perdre une maîtresse
de Pierre CORNEILLE dans Cid, I, 9
Je crus que je ne vous perdrais pas pour cela [une lettre non écrite], puisque vous ne m'aviez pas perdue pour quelque chose de plus
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à Bussy, 6 juillet 1670
On le négligea comme un serviteur qu'on ne pouvait perdre
de Esprit FLÉCHIER dans Duc de Mont.
La neutralité entre des femmes qui nous sont également amies, quoiqu'elles aient rompu pour des intérêts où nous n'avons nulle part, est un point difficile ; il faut choisir souvent entre elles, ou les perdre toutes deux
de Jean de LA BRUYÈRE dans III
2
Être privé d'un avantage, d'un profit qu'on aurait pu obtenir. Perdre les bonnes grâces de quelqu'un. Perdre sa réputation, son honneur, ses emplois.
Deux mots que lui dit son père lui font bien entendre qu'il n'a pas perdu ses avantages
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Mar.-Thér.
Je perdrais ma vengeance en la rendant si prompte
de Jean RACINE dans Bajaz. IV, 6
Ils se voient mille fois à la veille de perdre en un instant le fruit d'une vie entière de recueillement et de pénitence
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Samarit.
3
Être séparé, par la mort ou autrement, de personnes qu'on aime, qu'on regrette. Notre servante s'est mariée ; nous avons perdu là une excellente domestique.
Plaignez-moi d'avoir perdu le cardinal de Retz
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à Bussy, 25 août 1679
Je crains toujours qu'elle ne perde bientôt son mari, et que vous ne la perdiez ensuite
de Françoise d'Aubigné, marquise de MAINTENON dans Lettre à Mme de Caylus, 15 oct. 1715
Mais il me faut tout perdre et toujours par vos coups
de Jean RACINE dans Andr. I, 4
J'ai perdu, dans la fleur de leur jeune saison, Six frères....
de Jean RACINE dans Phèdre, II, 1
J'ai perdu mon cher Damilaville, dont l'amitié ferme et courageuse avait été longtemps ma consolation
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. à M. Thiriot, 27 janv. 1769
Vous aurez déjà appris que nous avons perdu Gresset, si le mot perdu n'est pas trop fort pour un homme qui ne disait plus que des orémus
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Lett. à Voltaire, 23 juin 1777
4
Être privé de quelque partie de soi.
Quel avantage pensait nous procurer Platon, en disant que c'était [l'homme] un animal à deux jambes sans plumes ?... puisqu'un homme ne perd pas l'humanité en perdant les deux jambes, et qu'un chapon ne l'acquiert pas en perdant ses plumes
de Blaise PASCAL dans Géométr. I
Il vaut bien mieux perdre votre pied, votre main, votre oeil, tout votre corps, que de vous mettre en danger de perdre votre âme
de Louis BOURDALOUE dans 3e dim. après Pâq. Dominic. t. II, p. 107
Il perdait son sang et ses forces
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Tél. X
Perdrai-je l'oeil ? lui dit Messer Pancrace [qui avait reçu un coup dans l'oeil]. - Non, mon ami ; je le tiens dans ma main
de Jean-Baptiste ROUSSEAU dans Épigr. I, 25
Perdre la vie, mourir.
Je crus que Mentor avait perdu la vie
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Tél. IV
Perdre la tête, avoir la tête coupée.
Trois pairs écossais furent condamnés à perdre la tête
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Louis XV, 25
Sémantique : Fig. Perdre la tête, devenir fou, et aussi ne savoir plus où l'on en est.
Ayez pitié de votre ancienne créature qui a perdu la tête, et à qui il ne reste que son coeur
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. d'Argental, 15 août 1777
Le comte : Ah ! qu'il consente à tout, et je ne lui demande rien. - Figaro : Que la quittance de mes cent écus : ne perdons pas la tête
de Pierre Augustin Caron de BEAUMARCHAIS dans Barb. de Sév. IV, 8
Sémantique : Populairement. Perdre la boule, ne plus savoir ce qu'on fait (boule est ici un mot populaire pour tête). Laissez-moi donc tranquille ; avec toutes vos observations vous me feriez perdre la boule.
Subir la perte ou la diminution de quelque faculté physique ou morale. Perdre le repos, le sommeil. Perdre patience. Perdre courage.
Il [Charles Ier] a montré qu'il n'est pas permis aux rebelles de faire perdre la majesté à un roi qui sait se connaître
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Reine d'Anglet.
Il perd le sentiment
de Jean RACINE dans Andr. v, 5
Si je le hais, Cléone ? il y va de ma gloire Après tant de bontés dont il perd la mémoire
de Jean RACINE dans Andr. II, 1
Je plains Votre Majesté si elle commence, comme elle prétend, à perdre la mémoire ; il y a longtemps que j'ai commencé à la perdre aussi
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Lett. au roi de Pr. 13 déc. 1782
Perdre la parole, l'usage de la parole, perdre la voix, ne plus pouvoir parler.
Dandin : Parlez donc, avocat. - Petit Jean : J'ai perdu la parole
de Jean RACINE dans Plaid. III, 3
Perdant tout ensemble et la voix et les pleurs
de Jean-François DUCIS dans Oscar, II, 2
Sémantique : Fig. Perdre la parole, devenir muet de surprise, de crainte, d'embarras.
Avez-vous donc perdu, dites-moi, la parole ?
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Tart. II, 3
Perdre haleine, l'haleine, la respiration, manquer de respiration.
Écoute, mouchard, mon ami, Je suis ton capitaine ; Sois gai pour tromper l'ennemi, Et chante à perdre haleine
de Pierre Jean de BÉRANGER dans la Conspir. des chansons.
Perdre l'esprit, devenir fou, et aussi ne pas savoir comment se tirer de quelque embarras.
Je tremble au seul récit de la tempête furieuse dont sa flotte fut battue pendant dix jours ; les matelots furent alarmés jusqu'à perdre l'esprit
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Reine d'Anglet.
On dit dans le même sens : perdre le jugement.
Avez-vous, dites-moi, perdu le jugement ?
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Mis. IV, 3
Sémantique : Familièrement. Il en perd le boire et le manger, c'est-à-dire il est tellement préoccupé de quelque chose qu'il semble ne songer à rien autre.
5
Ne pas entendre. Il a l'oreille dure, il perd une partie de ce qui se dit dans la conversation.
Je ne perdis rien de tout ce qu'elle me dit, et en vérité je vous le rapporte presque mot pour mot, tant j'en fus frappée
de Pierre de MARIVAUX dans Marianne, part. I
Ne pas comprendre. Il sait l'anglais imparfaitement, et il perd une partie de ce qui se dit.
Ne pas voir. Il était mal placé, et perdait une partie du jeu des acteurs.
Sainville ne perdait aucun de ses mouvements
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Voeux téméraires, t. III, p. 242, dans POUGENS
6
Être privé d'une chose qui est sortie hors de notre possession par quelque accident. Perdre son chapeau, son mouchoir.
Le bon est qu'en courant il a perdu sa botte, Et que, marchant toujours, enfin il s'est trouvé Une botte de moins quand il est arrivé
de Jean-François REGNARD dans le Distr. I, 6
Priver quelqu'un d'une chose qu'on met par accident hors de sa possession.
On lui perd tout, on lui égare tout
de Jean de LA BRUYÈRE dans XI
Perdre quelqu'un, se séparer de lui de manière à ne plus pouvoir le retrouver.
J'ai perdu mon maître à l'Opéra ; je ne sais ce qu'il est devenu
de BARON dans Homme à bonnes fort. IV, 5
En ce sens, il se dit aussi de certains animaux. Ce chien a perdu con maître.
Perdre quelqu'un, le détourner de sa route, l'égarer. Ce postillon nous a perdus.
Perdre quelqu'un, perdre un chien, signifie aussi l'égarer de manière à ne plus le retrouver. Il faut perdre ce chien.
Cidalise la promène ; elle tâchera de la perdre comme un animal incommode
de Florent Carton, sieur d'Ancourt, dit DANCOURT dans Foire de Besons, SC. 14
Attale : Insolent ! est-ce enfin le respect qui m'est dû ? - Nicomède : Je ne sais de nous deux, seigneur, qui l'a perdu
de Pierre CORNEILLE dans Nicom. I, 2
Tellier et Servien se contentèrent de ne lui pas applaudir [à Mazarin] ; mais le garde des sceaux lui perdit tout respect
de Jean-François Paul de Gondi, cardinal de RETZ dans III, 136
Ce présent perdait son prix par son abondance
de Blaise PASCAL dans Géométr. 2
J'ai perdu, à force de vous écouter, la grossière ignorance sur bien des choses
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 15 sept. 1680
À force d'attentats perdre tous mes remords
de Jean RACINE dans Athal. III, 3
Nous avons perdu l'espérance de le revoir
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Tél. I
Il n'avait rien perdu de sa fierté
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans ib. XVI
Sémantique : Fig. J'y perdrai mon nom, voy. NOM, n° 1, à la fin.
Cette rivière perd son nom dans telle autre, cette rivière, en tombant dans telle autre, prend le nom de celle-ci.
Renoncer à.
Ah ! madame, perdez cette injuste créance
de Jean de MAIRET dans Sophon. III, 4
La belle, voyez-vous, qu'on perde ces caprices
de Pierre CORNEILLE dans la Gal. du Pal. Roy. IV, 11
Et les premières flammes S'établissent des droits si sacrés sur les âmes, Qu'il faut perdre fortune et renoncer au jour, Plutôt que de brûler des feux d'un autre amour
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Femmes sav. IV, 2
Quoi ! vous ne perdrez point cette cruelle envie [de mourir] ?
de Jean RACINE dans Phèdre, I, 3
Votre mélancolie m'afflige ; vous la perdrez sans doute devant la fille que je vous destine
de BRUEYS dans Muet, I, 5
Vous resterez, je le veux ; il faut perdre cet air chagrin et demeurer
de Mme RICCOBONI dans Sophie de Vallière, t. IV, p. 123, dans POUGENS
7
Cesser de suivre, d'occuper, laisser échapper, laisser prendre. Perdre son chemin. Le cocher s'est laissé couper, il a perdu la file.
Je ferai que le pilote perdra sa route
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Tél. IX
Tout à coup elle [Cymodocée] s'aperçoit qu'elle a perdu le sentier de la montagne
de François René CHATEAUBRIAND dans Mart. I
Sémantique : Fig. Perdre la trace, les voies, le train d'une affaire, ne savoir plus où elle en est.
Perdre du terrain, reculer au lieu d'avancer ; se laisser distancer par un concurrent.
Sémantique : Terme de manége. Perdre du terrain, se rétrécir sur les voltes.
Perdre de vue, voy. VUE.
Sémantique : Fig. Perdre le fil de son discours, n'en pouvoir plus trouver la suite.
Perdre le fil du discours d'un autre, n'en pas pouvoir comprendre la suite.
Perdre pied, perdre terre, ne plus trouver le fond de l'eau avec les pieds ; et fig. ne savoir plus où l'on on est.
8
Sémantique : Terme de marine. Perdre terre, cesser de voir la terre.
Perdre la sonde, ou perdre le fond, quitter les parages où l'on pouvait sonder.
Perdre la tramontane, voy. TRAMONTANE.
Sémantique : Fig. et familièrement. Perdre la carte, se brouiller dans ses idées.
Perdre ses mâts, ses voiles, son gouvernail, se dit lorsque les mâts sont abattus, les voiles emportées, le gouvernail démonté par l'effet du mauvais temps.
Un officier commandant perd ou a perdu un bâtiment, lorsque ce bâtiment fait ou a fait naufrage pendant qu'il le commandait.
9
Perdre, faire un mauvais emploi, un emploi inutile.
Et je perds mon trépas, Puisque, mourant pour lui, je ne le sauve pas
de Pierre CORNEILLE dans Héracl. v, 6
Il aime mieux se jeter aux pieds de cette marâtre impérieuse qu'il hait et qu'il a bravée, que de perdre des prières et des soupirs auprès d'un père qui l'aime dans le fond de l'âme, et n'oserait lui rien accorder
de Pierre CORNEILLE dans Ex. de Théod.
Perdez fort peu de temps en ce doux entretien
de Pierre CORNEILLE dans Sophon. IV, 4
Ne perds plus de raisons à combattre ma flamme
de Pierre CORNEILLE dans Tite et Bérén. v, 1
A-t-on gagé d'être parfaite ? non assurément ; et, si j'avais fait cette gageure, j'y aurais bien perdu mon argent
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 61
Entrez dans ces raisonnements [les probabilités que le jeune de Grignan n'aille pas à la guerre] .... et ne vous mettez point si tôt en travail ; c'est dommage de perdre vos douleurs
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 28 févr. 1689
Et de ce peu de jours si longtemps attendus, Ah ! malheureux ! combien j'en ai déjà perdus !
de Jean RACINE dans Bérén. IV, 4
En quels retardements D'un jour si précieux perdez-vous les moments ?
de Jean RACINE dans Bajaz. IV, 6
Ma vengeance est perdue, S'il ignore en mourant que c'est moi qui le tue
de Jean RACINE dans Andr. IV, 4
Perdre temps, perdre du temps.
Laisse-moi, raison importune.... Tu perds temps de me secourir, Puisque je ne veux point guérir
de François de MALHERBE dans V, 18
Je n'ai point perdu temps, et, voyant leur colère [des conjurés contre Auguste] Au point de ne rien craindre, en état de tout faire, J'ajoute en peu de mots....
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, I, 3
Qu'on ne perde point temps à s'entre-regarder ; Parlez....
de Pierre CORNEILLE dans Androm. II, 1
Perdre temps, ne pas arriver à temps.
Monsieur, j'ai perdu temps, votre homme se dédit
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans l'Ét. III, 2
Ne perdez point de temps à, hâtez-vous de (locution vieillie).
Ne perdez point de temps à le porter [l'entier payement] ici, ni à le donner à Saint-Georges sur son reçu
de Mme DE GRIGNAN dans à un homme d'affaires, 1694, dans Bibl. des chartes, 1le série, t. IV.
Sémantique : Familièrement. Il y perd son latin, voy. LATIN, n° 6.
Dans un sens analogue.
Je sens déjà crouler notre planète ; L'observatoire y perdra ses compas
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Comète.
Sémantique : Fig. Vous y perdez vos pas, c'est-à-dire vous ne réussirez pas à ce que vous entreprenez.
Qui va, qui vient, qui court, qui perd ses pas
de Jean de LA FONTAINE dans Magn.
10
Avoir le désavantage.
Je voudrais, m'en coutât-il grand'chose, Pour la beauté du fait avoir perdu ma cause
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Mis. I, 1
Si vous perdez une bataille, tout est perdu dans ce moment ; si vous ne la donnez pas, vous perdez tout, peut-être un peu plus lentement, mais vous perdez tout
de Françoise d'Aubigné, marquise de MAINTENON dans Lett. à Mme des Ursins, 18 juillet 1706
La jurisprudence d'Espagne est précisément comme celle de France : on change de lois en changeant de chevaux de poste, et on perd à Séville le procès qu'on aurait gagné à Saragosse
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. Servan, 13 janv. 1768
Ne rien perdre, n'éprouver aucun désavantage.
Il m'envoie sa harangue, qui ne perd rien pour être imprimée
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 228
Si leur union [de Louis XIV et de Charles II] ne perd rien de sa fermeté
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Duch. d'Orl.
Je me trouvai sur son passage, elle ne perdait rien à être vue de près
de Pierre de MARIVAUX dans Pays. parv. part. v.
Sémantique : Terme de jeux. Perdre les cartes, faire moins de levées que la personne contre laquelle on joue.
Il se dit aussi de l'argent que l'on donne à celui qui gagne une partie de jeu.
Mon fils me fit l'autre jour une assez méchante plaisanterie : il me manda qu'il avait perdu au reversis deux cent soixante louis
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 442
Sémantique : Fig. Il joue à tout perdre, il expose au hasard tout ce qu'il a, ou les plus grands intérêts dont il soit chargé.
11
Causer la ruine.
Quels que soient leurs décrets [des dieux], déclarez-vous pour eux, Et pour leur obéir perdez le malheureux
de Pierre CORNEILLE dans Pomp. I, 1
Je perdrai qui me perd, ne pouvant me sauver
de Pierre CORNEILLE dans ib. II, 4
Je perdrai toute la maison d'Achab, et je tuerai de la maison d'Achab jusqu'aux petits enfants, jusqu'aux animaux
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Rois, IV, IX, 8
Étant tous unis dans le dessein de perdre M. Arnauld
de Blaise PASCAL dans Prov. I
Antiochus l'illustre, roi de Syrie, conçut le dessein de perdre ce peuple divisé [les Juifs], pour profiter de ses richesses
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. II, 5
L'empereur [Théodose], ayant appris ce désordre, en fut tellement irrité, qu'il résolut de perdre cette ville [Thessalonique], et condamna à la mort une partie de ses habitants
de Esprit FLÉCHIER dans Hist. de Théodose, IV, 2
Et, pour nous rendre heureux, perdons les misérables
de Jean RACINE dans Brit. II, 8
On se perdait en voulant perdre l'innocence
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Dauphin.
Que voulez-vous que je vous réponde ? vous avez voulu me perdre, et vous réussissez à merveille
de Florent Carton, sieur d'Ancourt, dit DANCOURT dans Bourg. à la mode, v, sc. dern.
Les leudes et les grands officiers se crurent perdus ; ils la perdirent [Brunehault]
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Esp. XXXI, 1
La cabale jésuitique ne voulut-elle pas perdre Fontenelle ?
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Dict. phil. Quisquis.
Perdre d'honneur, de réputation, ôter l'honneur, la réputation, en action ou en parole.
Il a perdu d'honneur [par un soufflet] Celui que de mon fils j'ai fait le gouverneur
de Pierre CORNEILLE dans Cid, II, 7
Toujours protectrice des gens qu'elle perdait de réputation par la bouche des autres
de Pierre de MARIVAUX dans Pays. parv. part. 3
Tu me perds d'honneur, ma chère Polly
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Écoss. II, 5
Perdre auprès de quelqu'un, dans l'esprit de quelqu'un, ôter la faveur, la bonne opinion.
Je vois qu'il a voulu me perdre auprès de vous
de Pierre CORNEILLE dans Nicom. IV, 2
Que ne m'avez-vous consultée avant que d'écrire à ma mère, lui repartis-je en sanglotant ? vous achevez de me perdre auprès d'elle
de Pierre de MARIVAUX dans Marianne, 9e part.
Sémantique : Par exagération. Causer un grand tort, un grand embarras.
Mon cher oncle, je m'en irai ; je m'en retournerai ; ne me perdez pas
de Denis DIDEROT dans Père de famille, v, 12
Viens donc, malheureux ! tu me perds
de Pierre Augustin Caron de BEAUMARCHAIS dans Barb. de Sév. I, 2
Il se dit aussi des choses qui causent la ruine.
D'un si lâche dessein mon âme est incapable, Il perd trop d'innocents pour punir un coupable
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, III, 1
Je lui ai dit que son indiscrétion la perdrait, que son silence ferait sa fortune
de Pierre de MARIVAUX dans Marianne, 6e part.
Il leur est arrivé [aux jésuites] dans un siècle de lumière et de modération ce qui arriva aux templiers dans un siècle d'ignorance et de barbarie : l'orgueil perdit les uns et les autres
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Louis XV, 38
12
Gâter l'esprit, corrompre les moeurs.
Lorsque le roi Henri VIII s'égara dans les passions qui ont perdu Salomon et tant d'autres rois
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Reine d'Anglet.
Malheureuse ! voilà comme tu m'as perdue
de Jean RACINE dans Phèdre, IV, 6
Perdre une femme, la jeter dans le désordre.
Comment l'amour, qui perd tant d'honnêtes femmes....
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Hél. v, 13
L'indigence et la séduction perdaient une fille modeste et sage, qui peut faire un jour une excellente mère de famille
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans ib. I, 39
Causer la damnation.
Et mille fois elle [l'âme du religieux] se félicite elle-même d'avoir su perdre sa liberté, afin que sa liberté ne la perdît pas
de Louis BOURDALOUE dans Pensées, t. II, p. 481
C'est une illusion qui perd une infinité de demi-chrétiens, et qui nous perdra
de Louis BOURDALOUE dans 6e dim. après l'Épiphan. Dominic. t. I, p. 331 et 332
Ô Dieu !... si le nombre de ceux qu'il faudrait perdre ne vous fait rien rabattre de la sévérité de vos lois
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Élus.
13
Endommager, gâter. La nielle a perdu les blés. La pluie a perdu la robe de cette dame.
14
Confondre avec, rendre insensible dans. Il faut perdre cette nuance dans les autres.
Sémantique : Terme de gravure. Perdre une taille, la rendre insensible ; la joindre à une autre, de manière que les deux se confondent ensemble.
15
Nature : V. n. Perdre, ne pas obtenir le gain, le profit, l'avantage qu'on espérait.
Si elle [Mme de Bouillon] est innocente, elle perd infiniment de n'avoir pas le plaisir de triompher
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 16 févr. 1680
Je comprends qu'en effet vous perdez un peu que je ne sois plus à Paris
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 17 mai 1680
Je suis charmé de mon prédicateur ; vous avez bien perdu de n'être pas à son sermon
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans t. XXI, p. 3
Ce marchand perd sur sa marchandise, il la vend moins cher qu'il ne l'a achetée.
Il perd dans son commerce, il y souffre du dommage, du préjudice.
On dit de même : perdre tant sur une marchandise, sur un marché.
Perdre à, manquer à.
Je perds bien à gagner, de ce que ma boutique, Pour être trop étroite, empêche ma pratique
de Pierre CORNEILLE dans la Gal. du Pal. I, 4
16
Avoir le désavantage au jeu.
Si l'on joue, il gagne au jeu : il veut railler celui qui perd, et il l'offense
de Jean de LA BRUYÈRE dans V
Tu peux me faire perdre, ô fortune ennemie ! Mais me faire payer, parbleu, je t'en défie
de Jean-François REGNARD dans le Joueur, I, 5
Jouer à qui perd gagne, jouer à un jeu où l'on convient que celui qui perdra la partie selon les règles ordinaires, la gagnera ; et fig. obtenir un avantage réel au prix d'un désavantage apparent.
17
Diminuer de valeur. Les actions ont perdu.
Je ne dormirai point sous de riches lambris : Mais voit-on que le somme en perde de son prix ?
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. XI, 4
Cet homme a beaucoup perdu dans l'opinion, c'est-à-dire on en fait moins de cas qu'auparavant.
Vous aviez gagné chez les paysans, vous perdez chez les beaux esprits
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Hél. II, 27
Sa réputation perd chaque jour, l'estime qu'on faisait de lui diminue chaque jour.
Diminuer d'intensité, de force, de qualité. Le vin perd en vidange. Ces fruits perdent à attendre.
Je cherchai combien la lumière du soleil perdait par la réflexion à différentes distances
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Hist. min. Introd. part. exp. Oeuv. t. VII, p. 144
Empirer.
Chez les peuples misérables l'espèce perd et quelquefois dégénère
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Lett. pers. 122
Dans maint auteur de science profonde J'ai lu qu'on perd à trop courir le monde
de Jean-Baptiste Louis GRESSET dans Ver-vert, ch. I
18
Sémantique : Terme de marine. La mer perd, la marée se retire.
Les marées perdent, lorsqu'elles sont dans la période pendant laquelle chaque marée est plus faible que celle qui l'a précédée.
Un navire perd, lorsqu'il est gagné par un autre ou qu'il recule au lieu d'avancer. Il perd au vent lorsqu'il ne tient pas bien le vent.
19
Se perdre, Nature : v. réfl. Être perdu, devenir à rien.
Le temps se perd, seigneur
de Pierre CORNEILLE dans Othon, I, 5
Elle gémit en vain ; sa plainte au vent se perd
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. II, 8
Lui [Dieu], aux yeux de qui rien ne se perd
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Duch. d'Orl.
Nous mourons tous... et nous allons sans cesse au tombeau, ainsi que des eaux qui se perdent sans retour
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans ib.
J'ai voulu lui parler, et ma voix s'est perdue
de Jean RACINE dans Brit. II, 2
J'entends dire qu'elle [une actrice] n'a que des défauts qui se perdent aisément, mais qu'elle a toutes les qualités qui ne s'acquièrent point
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Lett. à Voltaire, 23 juin 1766
Ses parents, qui n'approuvaient pas ce dessein, l'envoyèrent [Juste Lipse] à Louvain, où sa vocation se perdit
de Denis DIDEROT dans Opin. des anc. philos. (Stoïcisme).
Se perdre, se dit des espèces qui cessent d'exister. Il y a des espèces qui se perdent. Les espèces qui se sont perdues.
L'odeur de cette liqueur, de cette essence, s'est perdue, elle s'est dissipée.
Neutralement. Laisser perdre, ne pas avoir soin de garder.
La fortune ne laisse rien perdre pour les hommes heureux
de François, duc de LA ROCHEFOUCAULD dans Prem. pens. n° 17
Il se dit des lois, des usages, des coutumes qui cessent, des mots qui tombent en désuétude. Cet usage se perd de jour en jour. Ce mot se perd. Cette acception s'est perdue.
La loi des Wisigoths triompha, et le droit romain s'y perdit
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Espr. XXVIII, 7
Cette rivière se perd dans la terre, sous terre à tel endroit, elle s'enfonce en terre et disparaît à cet endroit.
Si ces eaux trouvent des terres sablonneuses, elles se filtrent au travers, et se perdent ; il faut des fonds qui les arrêtent, tels que sont des lits de glaise
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Couplet.
Cette rivière se perd, va se perdre dans telle autre, dans un lac etc. elle se jette dans telle autre, dans un lac, etc.
L'Uruguay, qui se perd dans le même fleuve [le Paraguay] vers le 34e degré de latitude
de Guillaume Thomas, abbé RAYNAL dans Hist. phil. VIII, 15
Cette rivière se perd dans les sables, elle y finit son cours et ses eaux s'y absorbent.
Le chemin se perd en cet endroit, il cesse d'être frayé.
20
S'abîmer.
J'ai demandé Thésée aux peuples de ces bords Où l'on voit l'Achéron se perdre chez les morts
de Jean RACINE dans Phèdre, I, 1
Les jours, les mois, les années s'enfoncent, et se perdent sans retour dans l'abîme des temps
de Jean de LA BRUYÈRE dans XIII
La rivière s'élargissait toujours ; enfin elle se perdait sous une voûte de rochers épouvantables qui s'élevaient jusqu'au ciel
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Candide, 17
Qui percera cette nuit profonde, qui sondera cet abîme où la nature va se perdre ?
de Charles BONNET dans Consid. corps organ. Oeuv. t.v, p. 188, dans POUGENS.
Sémantique : Fig. Tomber comme dans un précipice.
C'est dans cet abîme profond [l'incrédulité] que la princesse palatine allait se perdre
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Anne de Gonz.
Les fleuves courent se mêler dans la mer : les monarchies vont se perdre dans le despotisme
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Esp. VIII, 17
En niant le péché originel, vous serez forcés d'aller vous perdre dans l'athéisme
de François René CHATEAUBRIAND dans Génie, I, I, 4
21
Disparaître.
Et dans un char de feu te perdant à mes yeux
de François L'Hermite, sieur du Soliers, dit TRISTAN L'HERMITE dans Marianne, v, 3
Des montagnes qui se perdaient dans les nues
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Tél. I
Je lui répondis que Paris était pour moi un trop grand théâtre, que je m'y perdrais dans la foule
de Jean-François MARMONTEL dans Mém. II
Je me perds dans la foule et deviens invisible
de Casimir DELAVIGNE dans Marino Fal. II, 4
Sémantique : Fig. Se perdre dans les nues, dans les nuages, parler avec emphase et obscurité.
L'un a peur de ramper, il se perd dans la nue
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art p. I
Sémantique : Fig. Se perdre dans des digressions, se livrer à des digressions qui font oublier le sujet principal.
22
Se terminer.
De ces petits pourpoints sous les bras se perdant
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Éc. des maris, I, 1
Se perdre en, se terminer en, s'épuiser en, en parlant de choses.
Que l'action, marchant où la raison la guide, Ne se perde jamais en une scène vide
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art p. III
Tandis.... Que vos ressentiments se perdront en discours
de Jean RACINE dans Brit. I, 4
23
Se confondre en.
Les dix tribus se perdent parmi les gentils
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. II, 4
Les peuples, réconciliés ou vaincus, viennent se perdre dans le peuple romain
de François René CHATEAUBRIAND dans Génie, IV, III, 1
Ces nuances, ces couleurs se perdent l'une dans l'autre, elles deviennent tellement mêlées qu'on n'en voit plus la différence.
24
S'anéantir.
Se perdre en Dieu, c'est s'oublier soi-même, pour n'avoir le coeur occupé que de lui
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Rép. aux diff. de Mme de la Maisonfort.
Je me sentais avec une sorte de volupté accablé du poids de cet univers.... j'aimais à me perdre en imagination dans l'espace
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans 3e lett. à M. de Malesherbes, Corresp. t. IV, p. 94, dans POUGENS.
Va donc, douce chimère d'une âme sensible, félicité si charmante et si désirée, va te perdre dans la nuit des songes ; tu n'auras plus de réalité pour moi
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Hél. II, 6
25
Se perdre, faire naufrage.
Un vieux gentilhomme qui s'était enrichi aux Indes, et qui s'était perdu en mer six mois après son mariage....
de Paul SCARRON dans Rom. com. I, 22
Depuis trente ans que je navigue, il ne m'est pas arrivé de voir deux vaisseaux aussi près de se perdre
de LAPÉROUSE dans Voy. t. II, p. 149, dans POUGENS
26
S'égarer, ne plus retrouver son chemin.
Cet autre [chemin] si droit, par lequel on m'assurait que je ne me pourrais perdre quand je le voudrais, je m'y perdis hier trois fois en ne le voulant pas
de Vincent VOITURE dans Lett. 149
Neutralement. Mener perdre, conduire quelqu'un pour l'égarer.
Sémantique : Fig.
Il [Épictète] se perd dans la présomption de ce que l'on peut
de Blaise PASCAL dans Entret. avec M. de Saci.
Je ne me perds point, dit David, dans de tels excès ; et voilà l'orgueil méprisé dans ses égarements
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Mar.-Thér.
Sémantique : Fig. Se perdre, ne plus se retrouver soi-même.
Mais, en se trouvant ainsi soi-même, étrange confusion ! elle [l'âme] se perdra bientôt soi-même
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans la Vallière.
Ainsi il est vrai qu'il a perdu Dieu ; mais nous avons dit, et il est vrai, qu'il ne faut pas s'étonner s'il s'est après cela perdu lui-même
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans ib.
27
Sémantique : Fig. Avoir l'esprit surmonté par la grandeur ou la difficulté des choses.
C'est le plus grand caractère sensible de la toute-puissance de Dieu que notre imagination se perde dans cette pensée
de Blaise PASCAL dans Pens. I, 1, édit. HAVET.
Ils embrouillent toutes choses, et, perdant tout ordre et toute lumière, ils se perdent eux-mêmes et s'égarent dans des embarras inexplicables
de Blaise PASCAL dans Géométr. 1
Ne nous perdons pas, chrétiens, dans ces hautes spéculations
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans 2e sermon, Annonc. 3
Quel esprit ne se perdrait dans la contemplation de tant de merveilles ?
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans 2e sermon, Nativ. 1
Enfin dans cet horrible gouffre De misère et de vanité Je me perds ; et plus j'envisage La faiblesse de l'homme et sa malignité, Et moins de la divinité En lui je reconnais l'image
de DESHOULIÈRES dans le Ruisseau.
Les raisonneurs hardis qui se sont perdus dans la profondeur de ces recherches
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Métaph. 3
Je me perdais dans ces foules de règles
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Confess. VI
Je m'y perds, je n'y connais rien.
Tout le monde a envie de rire : j'avoue, pour moi, que je m'y perds
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Lett. quiét. 404
Comment le fils d'un berger peut-il donner quarante gros diamants ? pourquoi est-il monté sur une licorne ? on s'y perdait
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Princ. de Babyl. II
Plus je sonde l'abîme, hélas ! plus je m'y perds
de Alphonse de LAMARTINE dans Méd. I, 2
On dit aussi en ce sens : je me perds.
Quand vous me dites que cela n'est pas considérable, je me perds et ne peux comprendre comme cela se peut faire
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 21 août 1680
Comme vous je me perds d'autant plus que j'y pense
de Jean RACINE dans Bérén. II, 5
Ma tête se perd, je m'égare, mes idées se troublent.
28
Avoir l'esprit absorbé.
Je me perds dans cette pensée
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 358
Le Nestor des Natchez parut se perdre dans quelque grand souvenir
de François René CHATEAUBRIAND dans Natch. liv. I
29
Cesser d'avoir des rapports d'amitié.
Nous ne nous perdons point, de notre race ; nos liens s'allongent quelquefois, mais ils ne se rompent jamais
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à Bussy, 6 juill. 1670
30
Causer sa propre ruine. Il se perd par ses dépenses excessives.
Vous, s'il y faut périr, périssez avec moi ; C'est gloire de se perdre en servant ce qu'on aime
de Pierre CORNEILLE dans Sertor. IV, 2
Cléone : Vous vous perdez, madame ; et vous devez songer... - Hermione : Que je me perde ou non, je songe à me venger
de Jean RACINE dans Andr. IV, 4
Il joue à se perdre, se dit d'un homme qui s'expose à perdre sa vie, sa fortune, sa réputation.
Se perdre d'honneur, ruiner soi-même sa réputation.
Voulez-vous que pour lui je me perde d'honneur ?
de Pierre CORNEILLE dans Pulch. I, 5
Se perdre dans l'esprit de quelqu'un, s'enlever auprès de lui tout crédit, toute bonne opinion.
Mademoiselle [de Montpensier] se perdit pour jamais dans l'esprit du roi
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Louis XIV, 5
Se perdre à crédit, à plaisir, de gaieté de coeur, se faire tort par étourderie.
C'est se perdre de gaieté de coeur
de Casimir DELAVIGNE dans D. Juan d'Autriche, II, 7
31
Se damner.
Si vous en demeurez là, vous ne laisserez pas de vous perdre, mais au moins vous vous perdrez en honnête homme
de Blaise PASCAL dans Condit. des grands, 3
Les pécheurs ordinaires se perdent par un excès de confiance ; mais les libertins et les impies déclarés se perdent par un défaut de confiance
de Louis BOURDALOUE dans Exhort. sur la trah. de Judas, t. I, p. 450
Verrai-je tout le monde se convertir, pendant que vous demeurerez dans le chemin de vous perdre ?
de Françoise d'Aubigné, marquise de MAINTENON dans Lett. à M. d'Aubigné, 15 mars 1693
Elles se perdaient gaiement par la galanterie, la bonne chère et par l'oisiveté ; et elles se perdent tristement par la présomption et par l'envie
de Jean de LA BRUYÈRE dans III
32
Sémantique : Terme de jeu de billard. Se perdre, mettre sa propre bille dans une blouse, ou la faire sauter hors des bandes.

PROVERBES

1
Exemple : Il se faut garder des gens qui n'ont rien à perdre.
2
Exemple : Marchand qui perd ne peut rire.
3
Exemple : À tout perdre il n'y a qu'un coup périlleux, se dit, lorsqu'en risquant tout, on se résout à tout ce qui peut arriver.
4
Exemple : À laver la tête d'un âne, d'un More, on perd sa lessive, on perd sa peine à instruire une personne têtue, stupide, indocile.
5
Exemple : Il ne faut pas laisser perdre les bonnes coutumes, se dit en parlant de quelque fête où l'on se réjouit.
6
Exemple : Qui quitte la partie la perd, se dit au jeu, et aussi pour marquer qu'il faut poursuivre ce qu'on entreprend.
7
Exemple : Il est aujourd'hui la Saint-Lambert, qui quitte sa place la perd.
8
Exemple : Qui perd le sien, perd le sens.

REMARQUE

1
Fléchier voulait qu'on dît au présent, avec l'interrogation : perdé-je ? Vaugelas, qu'on dît perds-je ? Perdé-je est dit par Mme de Grignan : Rien n'est plus digne de vos regrets [que la mort de Mme de Sévigné] ; et moi, monsieur, que ne perdé-je point ? dans SÉV. t. x, p. 387, éd. RÉGNIER. Louis XIV dit un jour : Depuis six ans que j'ai tant d'ennemis sur les bras, perds-je un seul pouce de terre, dans RICHELET, Dict. Il ne faut pas dire perdé-je qui est un barbarisme ; perds-je, qui est correct, n'est pas usité : il faut dire est-ce que je perds ?

HISTORIQUE

1
Xe s.
Melz [mieux] [elle] sostendreiet les empedemenz, Qu'elle perdesse sa virginitet
dans Eulalie
Car co videbant per spiritum prophete, que astreient [seraient] li judei perdut, si cum il ore sunt, Fragm. de Valenc. E io ne dolreie [je ne serais pas en chagrin] de tanta millia hominum, si perdut erent ?
dans ib. p. 469
2
XIe s.
Dous [deux] sunt perceners [ont portion] de une erité, e est l'un emplaidé senz l'altre, e per sa folie si pert ; ne deit pur ço l'altre estre perdant
dans Lois de Guill, 39
Assez est mielz qu'il i perdent les chez [têtes]
dans Ch. de Rol. III
A bien petit que il ne pert le sens
dans ib. XXII
3
XIIe s.
La teste [il] i pert, n'i laissa autre gage
dans Ronc. p. 64
Car qui le sien donne retraiament [de mauvaise grace], Son gré en pert....
dans Couci, XVI
Onques teurtre [tourterelle] qui pert son compagnon Ne fut un jour de moi plus esbahie
dans ib. XXIV
Car cil qui voit tel amour desevrer, A assez plus de duel [deuil] et de pesance Que n'auroit jà li rois s'il perdoit France
dans ib. XXIV
N'i [en une belle femme] perdi pas nature ses oevres ne son tens
dans Sax. v
Jà Herupe la gente.... Ne perdra à mon temps sa franchise et son nom
dans ib. XX
4
XIIIe s.
Tant [elle] fuit que de lui [elle] perdent li serjant le regart
dans Berte, XXII
Et longuement avez esté au bois perdue
dans ib. LII
....Qui font tant par trop boire Que il en perdent si le sens et la memoire....
dans ib. LXVI
J'ai ma route [chemin] perdue, s' [si] en ai le cuer dolent
dans ib. CX
Et quant li quens [le comte] vit et entendit lor mauvais cuers et lor mauvais respons, si ot tout le cuer pierdu
dans Chr. de Rains, 183
Quant ton tens perdu i auras
dans la Rose, 4632
Qui ne pense neant des choses alées [passées] a sa vie perdue
de Brunetto LATINI dans Trésor, p. 349
Vos choses visitez sovent.... quar li sages dist que celly qui sovent veyt son desert, se rien ne gaigne, rien ne pert
dans Bibl. des chartes, 4e série, t. II, p. 375
Se nous ne nous croisons, nous perdrons le roy ; et se nous nous croisons, nous perdrons Dieu ; que [car] nous ne nous croiserons pas pour li
de Jean, PRINCE DE JOINVILLE dans 299
Et il me vit, et estandi ses bras, et me dit : A ! seneschal, j'ai perdue ma mere
de Jean, PRINCE DE JOINVILLE dans 281
5
XIVe s.
Se je perdi ier soir, je doi hui recouvrer
dans Baud. de Seb. VIII, 483
Et se tu prens gens de nient, Tu te pers tout à escient
de MACHAUT dans p. 112
6
XVe s.
Y [il] ne fault qu'un coup pour tout perdre, Ou pour estre victorieux
dans Myst. du siége d'Orléans, p. 761
Le pays me sembla moult estrange ; et me tinsse pour perdu ou en très grande aventure, si ce ne fust la compagnie du chevalier
de Jean FROISSART dans II, III, 9
Si nous estions pris à force, nous perderiemes nos corps et le nostre
de Jean FROISSART dans II, III, 38
Par voies tortes et obliques et par chemins perdus
de Jean FROISSART dans II, III, 7
Ce fut peine perdue
de Enguerrand de MONSTRELET dans II, 151
Les Anglois estoient en adventure de perdre une grant perte
de LEFEVRE DE ST-REMY dans Hist. de Charles VI, p. 84, dans LACURNE
Et furent contraintz de passer parmi nous, aucuns eschapperent, et le plus se perdirent
de Philippe de COMMINES dans I, 4
7
XVIe s.
Qui pert et recoeuvre ne sçait qu'est dueil
de G. CRETIN dans p. 192, dans LACURNE
Je me perds en cette contemplation
de François RABELAIS dans Pant. III, 4
Si mes ans les plus beaux, hélas ! trop mal perdus Au volage appetit d'amour et d'une dame
de Philippe DESPORTES dans Oeuvres chrestiennes, sonnets, 8
Dieu des hommes perdus [Amour], sera-ce jamais fait ? Seray-je tousjours butte aux douleurs incurables ?
de Philippe DESPORTES dans Diane, II, 53
L'ame qui n'a point de but estably, elle se perd
de Michel de MONTAIGNE dans I, 32
Perdre un procez
de Michel de MONTAIGNE dans I, 130
En cecy perdoi-je mon latin
de Michel de MONTAIGNE dans I, 139
Il se jecta à corps perdu dans la presse des ennemis
de Michel de MONTAIGNE dans I, 254
Toute l'Asie se perdit et se consomma en guerres pour le macquerellage de Paris
de Michel de MONTAIGNE dans II, 188
Il joua contre luy un soupper : il perdit, paya son soupper...
de Michel de MONTAIGNE dans II, 272
Qui diable vous a dit cela en ce païs perdu ? je pensois qu'aussi bien que les Bretons, vous ne sçussiez nouvelle du mariage des rois qu'au basteme de leurs enfans
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans Faen. II, 3
Au milieu des deux estoit à l'ancre la caraque bien chargée de lest, qui avec des couleuvrines tiroit à coups perdus dans la ville
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans Hist. II, 41
....pour l'extreme jalousie du mari, qui ne la perdoit non plus que son ombre
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans ib. II, 331
La honte se perdit, vostre coeur fut taché De la pasle impudence, en aimant le peché
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans Tragiq. Princes.
C'estoit un homme escervelé et furieusement espris et perdu de convoitise de regner
de Jacques AMYOT dans Timol. 4
Peu après il s'apperceut bien qu'il s'estoit ruiné luy mesme, et avoit quant et quant perdu la liberté de son païs
de Jacques AMYOT dans Cicéron, 58
Toutes les fois qu'ilz jouoient aux dez, Antonius perdoit tousjours
de Jacques AMYOT dans Anton. 40
Perdit le boire et le manger
de Marguerite de Navarre, dite aussi de Valois, ou d'Angoulême, reine de Navarre dans Contes, p. 394, dans LACURNE
À gens de bien on ne perd rien
de Randle COTGRAVE dans
Argent fait perdre gent
de ID. dans
Asseurement chante qui n'a que perdre
de Randle COTGRAVE dans
Assez gaigne qui malheur perd
de ID. dans
Il ne perd rien qui ne perd Dieu
de Randle COTGRAVE dans
On ne doit point querir brebis qui se veut perdre
de Randle COTGRAVE dans
Par trop presser l'anguille on la perd
de Randle COTGRAVE dans
Qui ne retire de sa vache que la queue ne perd pas tout
de Randle COTGRAVE dans
Chose perdue est lors cogneue
de Randle COTGRAVE dans
Tout est perdu ce qu'on donne à fol
de Randle COTGRAVE dans
Tout ce qui gist en peril, n'est pas perdu
de Randle COTGRAVE dans

ÉTYMOLOGIE

1
Wallon, pied ; Berry, parde ; bourg. pardre ; les paysans dans la comédie, pardre (
Ils m'ont fait pardre
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Don Juan, II, 1

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
Nature : S. m. Le perdre, l'action de perdre.
Ce n'est point le perdre qui nous afflige, c'est l'opinion seule d'avoir perdu
de François de MALHERBE dans Lexique, éd. L. Lalanne.

Synonymes de PERDRE

Termes proches de PERDRE

Phonétiquement proche de PERDRE