Définition de MOURIR
Prononciation : mou-rir
DÉFINITIONS
1
Cesser de vivre. Mourir de vieillesse, de maladie, de mort violente. Son cheval vient de mourir. Il est mort de faim.Quiconque sait mourir, sait bien aussi se taire
de DU RYER dans Scévole, IV, 6
Ma fille, il est toujours assez tôt de mourir
de Pierre CORNEILLE dans Oedipe, III, 2
Mourir pour le pays est un si digne sort, Qu'on briguerait en foule une si belle mort
de Pierre CORNEILLE dans Hor. II, 3
Voir le dernier Romain à son dernier soupir, Moi seule en être cause et mourir de plaisir !
de Pierre CORNEILLE dans ib. IV, 5
Si mourir pour son prince est un illustre sort, Quand on meurt pour son Dieu, quelle sera la mort !
de Pierre CORNEILLE dans Poly. IV, 3
Quoi ! vous causez sa perte, et n'avez point de pleurs ? - Non, je ne pleure point, madame, mais je meurs
de Pierre CORNEILLE dans Suréna, V, 5
Les jeunes gens mourront par l'épée, leurs fils et leurs filles mourront de faim
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Jérémie, II, 22
Nous nous connaissons si peu, que plusieurs pensent aller mourir quand ils se portent bien, et plusieurs pensent se porter bien quand ils sont proche de mourir
Je ne suis la fin de personne, et n'ai pas de quoi le satisfaire : ne suis-je pas prêt à mourir ?
de Blaise PASCAL dans ib. XXIV, 39 ter.
On mourra seul ; il faut donc faire comme si on était seul
de Blaise PASCAL dans ib. XIV, 1
Ce qui me fâche, c'est qu'en ne faisant rien les jours se passent, et notre pauvre vie est composée de ces jours, et l'on vieillit, et l'on meurt
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 6 août 1675
Si on m'avait demandé mon avis, j'aurais bien aimé à mourir entre les bras de ma nourrice ; cela m'aurait ôté bien des ennuis, et m'aurait donné le ciel bien sûrement et bien aisément
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 16 mars 1672
Tant il est vrai que tout meurt en lui [l'homme], jusqu'aux termes funèbres par lesquels on exprimait ses malheureux restes
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Duch. d'Orl.
Nous mourons tous, a dit cette femme dont l'Écriture a loué la prudence, et nous allons sans cesse au tombeau ainsi que des eaux qui se perdent sans retour
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans ib.
Cette admirable parole, qu'elle aimait mieux vivre et mourir sans consolation, que d'en chercher hors de Dieu
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Anne de Gonz.
Turenne meurt, tout se confond, la fortune chancelle, la victoire se lasse, la paix s'éloigne
de Esprit FLÉCHIER dans Turenne.
Je plains Mlles de Barneval, si elles perdent leur mère : je ne puis plaindre ceux qui meurent
de Françoise d'Aubigné, marquise de MAINTENON dans Lett. à Mme de Caylus, t. VI, p. 172, dans POUGENS
En mourrai-je moins, me direz-vous ? vous mourrez plus tard : chaque instant de votre vie m'est précieux
M. de Barbezieux meurt à la fleur de son âge, dans une très grande fortune, et à la veille d'une fortune encore plus grande
L'imbécile Ibrahim, sans craindre sa naissance, Traîne dans le sérail une éternelle enfance ; Indigne également de vivre et de mourir....
de Jean RACINE dans Baj. I, 1
Ne tardons plus, marchons ; et, s'il faut que je meure, Mourons, moi, cher Osmin, comme un vizir, et toi Comme le favori d'un homme tel que moi
de Jean RACINE dans Baj. IV, 7
Ariane, ma soeur, de quel amour blessée, Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée !
de Jean RACINE dans Phèdre, I, 3
Mourez donc, et gardez un silence inhumain
de Jean RACINE dans ib. I, 3
Virgile mourut à Brunduse l'année de Rome 735, âgé de cinquante-deux ans
M. Cassini mourut le 14 septembre 1712, âgé de 87 ans et demi, sans maladie, sans douleur, par la seule nécessité de mourir
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Cassini.
Un peu avant qu'il [l'argent] finît, je tombai assez malade pour espérer de mourir : on ne meurt jamais à propos ; je fus trompée dans mon attente
de STAAL dans Mém. t. I, p. 130
Quand il faut rendre son corps aux éléments, et ranimer la nature sous une autre forme, ce qui s'appelle mourir ; quand ce moment de métamorphose est venu, avoir vécu une éternité, ou avoir vécu un jour, c'est précisément la même chose
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Micromégas, 2
On meurt en détail, ma chère amie ; puissiez-vous jouir d'une meilleure santé que la mienne !
On sait bien qu'il faut mourir ; mais, en conscience, il ne faudrait pas aller à la mort par de si vilains chemins
Mourir est un instant, vivre est un long supplice
de SAURIN dans Beverlei, V, 5
Nous commençons de vivre par degrés, et nous finissons de mourir comme nous commençons de vivre
Je meurs, et sur la tombe où lentement j'arrive, Nul ne viendra verser des pleurs
Prends ton vol, Ô mon âme, et dépouille tes chaînes ; Déposer le fardeau des misères humaines, Est-ce donc là mourir ?
de Alphonse de LAMARTINE dans Médit. I, 27
Mourir roi, prince, etc. mourir avec la dignité de roi, de prince, etc.
Traître, songe, en mourant, que tu meurs mon sujet
de Jean RACINE dans Théb. V, 3
Il a soixante et quatorze ans, C'est mourir pape et non pas l'être
Il se dit dans un sens analogue avec un adjectif. Il est mort repentant.
Quand tu sauras mon crime et le sort qui m'accable, Je n'en mourrai pas moins, j'en mourrai plus coupable
de Jean RACINE dans Phèdre, I, 3
Mourir dans une croyance, y persister jusqu'à la fin de sa vie.
Le bon religieux conçut que le philosophe était résolu de mourir dans la religion de son pays
En un sens analogue, mourir dans son péché, ne pas se corriger.
Ce n'est pas parce que j'ai quatre-vingts ans que je pense ainsi ; car j'avais le même goût à quinze, et probablement je mourrai dans mon péché
Il mourra en sa peau, ou en sa peau mourra le renard, c'est-à-dire on ne se corrige point.
On dit de même : il mourra dans la peau d'un insolent.
Le drôle est toujours le même, et, à moins qu'on ne l'écorche vif, je prédis qu'il mourra dans la peau du plus fier insolent !...
Mourir dans son lit, voy. LIT, n° 1.
Mourir au champ d'honneur, au lit d'honneur, être tué à la guerre, en faisant son devoir, voy. HONNEUR, n° 1.
Sémantique : Familièrement. Mourir de sa belle mort, mourir de sa mort naturelle.
Sémantique : Ironiquement. Mourir dans les formes, mourir traité en règle par la médecine.
Ce n'est pas qu'avec tout cela votre fille ne puisse mourir ; mais au moins vous aurez fait quelque chose, et vous aurez la consolation qu'elle sera morte dans les formes
Mourir martyr, mourir en souffrant de grandes douleurs.
Bien mourir, mourir chrétiennement, dans des sentiments de pénitence et de foi.
C'est peu de reconnaître la nécessité de mourir, si l'on n'en tire des motifs et des conséquences pour bien vivre
de Esprit FLÉCHIER dans Lamoignon.
On dit dans un sens analogue, mais familièrement : mourir décemment.
Louis XV.... éloigna la du Barry, communia, mourut fort décemment
de MICHELET dans Louis XV et Louis XVI
Sémantique : Populairement. Mourir comme un chien, mourir sans vouloir témoigner le moindre repentir de ses fautes.
Mourir tout en vie, mourir d'une maladie vive et prompte, être emporté dans la pleine vigueur du corps et de l'esprit.
Mourir tout entier, ne laisser aucun renom après sa mort.
Ne laisser aucun nom et mourir tout entier
de Jean RACINE dans Iph. I, 2
Mourir à la peine, mourir sans avoir aucun relâche d'occupations pénibles, sans prendre une retraite.
Je sens bien qu'il faut mourir ; mais, pendant qu'on attend, tout change, et on meurt à la peine
Sémantique : Fig. Mourir à la peine, ne vouloir point démordre de ce qu'on a entrepris. Je viendrai à bout de mon dessein, ou je mourrai à la peine.
Il ne mourra que de ma main, se dit par menace contre quelqu'un.
Si c'était encore le même chevalier sur le même cheval, il ne mourrait que de ma main
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 13 sept. 1671
Sémantique : Fig. Mourir d'une belle épée, succomber sous un ennemi à qui il est glorieux de céder, mourir honorablement.
Quoi qu'il en soit, je me porte bien ; et, si je meurs de cette maladie, ce sera d'une belle épée [honorablement], et je vous laisse le soin de mon épitaphe
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à Bussy, 5 sept. 1674
Sémantique : Fig. Mourir sur le coffre, mourir au service d'un roi, d'un grand ; locution prise des coffres sur lesquels on avait autrefois coutume dans les grandes maisons de coucher les domestiques.
Ébloui de l'éclat de la splendeur mondaine, Je me flattais toujours d'une espérance vaine ; Faisant le chien couchant auprès d'un grand seigneur, Je me vis toujours pauvre, et tâchai de paraître ; Je vécus dans la peine, attendant le bonheur, Et mourus sur un coffre en attendant mon maître
de François L'Hermite, sieur du Soliers, dit TRISTAN L'HERMITE dans Son épitaphe (1655).
Monsieur, je vous prie de croire [paroles de Turenne au cardinal de Retz] que, sans ces affaires-ci où peut-être on a besoin de moi, je me retirerais comme vous, et je vous donne ma parole que, si j'en reviens, je ne mourrai pas sur le coffre, et je mettrai, à votre exemple, quelque temps entre la vie et la mort
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 2 août 1675
2
Nature : Impersonnellement. Il meurt, année moyenne, tant de personnes à Paris. Il est mort beaucoup de monde du choléra.Les mois dans lesquels il meurt le plus de monde sont mars, avril et mai, et ceux pendant lesquels il en meurt le moins sont août, juillet et septembre
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Prob. de la vie, Oeuv. t. X, p. 513
3
Il est mort, a quelquefois la force du futur il mourra.Si ma fille une fois met le pied dans l'Aulide, Elle est morte : Calchas, qui l'attend en ces lieux, Fera taire nos pleurs....
de Jean RACINE dans Iphig. I, 1
Je meure, mon enfant, si tu n'es admirable
de Pierre CORNEILLE dans Veuve, III, 4
Je meure, en vos discours si je puis rien comprendre
de Pierre CORNEILLE dans le Ment. II, 3
Si pendant un quart d'heure Vous suivez ce dessein, c'est beaucoup ou je meure
de Philippe Néricault DESTOUCHES dans Irrésolu, IV, 1
M. de Forlis : Promets-moi.... - Le baron : Que je meure Si j'y manque, monsieur
de BOISSY dans Deh. tromp. IV, 2
Je veux mourir si je comprends un mot à tout ce galimatias
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Théât. d'éduc. le Méchant par air, I, 1
On dit aussi : Que je ne meure.
Je n'ai, que je ne meure, point de joie si sensible, que lorsque je pense que la fortune nous donnera moyen quelque jour de passer le reste de notre vie l'un avec l'autre
de Vincent VOITURE dans Lett. 126
4
Faire mourir quelqu'un, le mettre à mort.Ce tyran [Néron] fait mourir saint Pierre
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. II, 7
Quelques esclaves qu'on avait fait mourir pour honorer ses funérailles
Faire mourir, causer la mort. Le chagrin l'a fait mourir.
La duchesse de Bouillon alla demander à la Voisin du poison pour faire mourir un vieux mari qu'elle avait qui la faisait mourir d'ennui
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 31 janv. 1680
Ce n'est pas que je croie à votre ancienne prédiction, que le roi de Prusse me ferait mourir de chagrin ; je ne me sens pas d'humeur à mourir d'une si sotte mort
Sémantique : Par exagération, faire mourir, mettre dans un état très voisin de la mort.
Il tombe tout à coup dans ces ennuyeuses douleurs où l'on souffre sans secours et sans intervalle : la respiration, qui nous fait vivre, le fait mourir à tous moments
de Esprit FLÉCHIER dans Duc de Mont.
Vous me faites mourir, vous m'affligez beaucoup, ou bien, vous m'impatientez beaucoup.
Tu veux que je t'écoute, et tu me fais mourir !
de Pierre CORNEILLE dans Cid, III, 4
La crainte de sa mort me fait déjà mourir
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, I, 2
Il [le cardinal de Bouillon] m'a conté mille choses de M. de Turenne, qui font mourir
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 12 août 1675
Le moyen de se représenter que vous êtes au lit, affligé de toutes les parties et les jointures de votre petit corps.... c'est pour nous faire mourir
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à Coulanges, 24 juill. 1691
Faire mourir quelqu'un à petit feu, lui causer des peines continuelles qui le rongent.
5
Se laisser mourir, ne rien faire pour soutenir sa vie.Elle prit une poignée de terre qu'elle répandit en croix sur le corps de son fils qu'elle avait étendu à ses pieds ; son mari comprit le signe et se laissa mourir de faim
6
Éprouver une mortelle affliction.Je mourrai plus que vous du coup qui vous tuera
de Jean de ROTROU dans Vencesl. V, 4
Je meurs si je vous perds ; mais je meurs si j'attends
de Jean RACINE dans Andr. III, 7
Du coup qui vous attend vous mourrez moins que moi
de Jean RACINE dans Iphig. IV, 4
Sémantique : Familièrement. Pour mourir, c'est-à-dire au point d'éprouver un très vif sentiment déterminé par le sens de la phrase, ou bien une peine, une fatigue.
Je vous loue fort que vous ne reconduisiez point, c'était pour mourir
À mourir, au point de souffrir beaucoup.
Une toux me tourmente à mourir
Je suis lasse à mourir de la fadeur des nouvelles
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 236
J'avais grande envie de me jeter dans le Bourdaloue [aller à un sermon] ; mais.... la presse était à mourir
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 24 mars 1671
Je ne suis presque plus en colère contre vous ; mais je suis triste à mourir
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Adèle et Th. t. I. p. 13, dans POUGENS
7
Mourir sur, se fatiguer excessivement sur.Ô chétifs, qui, mourant sur un livre, Pensez, seconds phénix, en vos cendres revivre
de Jean-François REGNARD dans Sat. I
8
Sémantique : Par exagération, supporter les dernières extrémités.Je pensais qu'il fallait mourir plutôt que d'en ouvrir la bouche ; mais, voyant mon fils si sincère, je le suis aussi
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 9 oct. 1680
9
Mourir se dit, par exagération, de quelque sensation, de quelque passion ou sentiment qui s'empare de nous. Mourir de chaud, de froid. Mourir de faim, de soif.Laissons-le discourir, Dire cent et cent fois : il en faudrait mourir !
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat. VIII
Tous ceux qui les voient meurent d'envie de les trouver belles
Ah ! que voilà un air qui est passionné ! est-ce qu'on n'en meurt point ?
M. le chevalier lui fit voir ce que vous lui écriviez ; cela fait mourir de tendresse et de reconnaissance
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 21 janv. 1689
Vous avez peur que je ne meure de joie ; mais ne craignez-vous point aussi que je ne meure du déplaisir de croire voir le contraire ?
Quel moyen de revoir ces allées, ces devises, ce petit cabinet, ces livres, cette chambre sans mourir de tristesse ?
Le comte d'Estrées meurt de peur que ce ne soit une grossesse
Mlle d'Aumale meurt d'ennui de tout ce qu'elle voit ici ; toute la maison est en larmes
Un bon repas l'attendait ; il mourait de faim
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 4
Pour mourir à ses pieds d'amour et de fureur
Corneille a dit mourir, absolument, pour mourir d'envie.
Lui, quand il a promis, il meurt qu'il n'effectue
de Pierre CORNEILLE dans la Veuve, III, 2
Voulez-vous me servir ? - Si je le veux, j'y cours, Madame, et meurs déjà d'y consacrer mes jours
de Pierre CORNEILLE dans Sert. II, 4
Et l'on ne voit que trop quel droit j'ai de haïr Un empereur sans foi qui meurt de me trahir
de Pierre CORNEILLE dans Tite et Bérén. IV, 3
Mourir de rire, se livrer à un rire excessif.
Il nous a lu aussi des chapitres de Rabelais à mourir de rire
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 5 juillet 1671
Il mourait de rire toutes les fois qu'il voyait sa mine
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 8
Mourir de, avec un verbe à l'infinitif, éprouver un mortel ennui à.
Je mourrais de faire longtemps la vie de Rennes
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 22 avr. 1689
Mourir de faim, n'avoir pas les moyens d'exister.
Non que je croie qu'il faut laisser mourir de faim le vice, mais parce qu'il est juste de ne le nourrir qu'après avoir bien engraissé la vertu
de Françoise d'Aubigné, marquise de MAINTENON dans Lett. au duc de Noailles. t. V, p. 62, dans POUGENS.
Nature : Substantivement. Un meurt-de-faim, un homme qui n'a pas ou qui ne gagne pas de quoi vivre. Des meurt-de-faim.
10
Sémantique : Fig. Mourir, être passionnément amoureux.Je meurs pour Isabelle
de Jean RACINE dans Plaid. I, 5
11
Être mort civilement, se dit des religieux et des religieuses, qui, en cette qualité, renoncent pour toujours à certains droits, à certains avantages de la société.Sémantique : En termes de jurisprudence, être mort civilement, être privé à jamais, par un jugement, des droits et des avantages de la société.
12
Dans le langage de la dévotion, avoir fait le complet sacrifice de tout ce qui est nature dans l'homme.Un chrétien toujours attentif à combattre ses passions meurt tous les jours avec l'apôtre ; un chrétien n'est jamais vivant sur la terre....
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Mar.-Thér.
Être mort tout vif, être en état de péché mortel.
La veuve qui passe sa vie dans les plaisirs est morte toute vive
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Anne de Gonz.
13
Mourir à, renoncer pour jamais à.Comme Jésus-Christ a souffert durant la vie mortelle, est mort à cette vie mortelle...
L'âme souffre et meurt au péché dans la pénitence et le baptême
de Blaise PASCAL dans ib.
Elle mourut longuement à ses passions, avant que de perdre la vie du corps
de Esprit FLÉCHIER dans Aiguillon.
Saint Bernard résolut de porter le joug du Seigneur et de mourir à l'affection et au souvenir de tous les hommes
de Esprit FLÉCHIER dans II, 61
Qu'elles vivent comme des anges ! qu'elles ne songent qu'à mourir à elles-mêmes !
de Françoise d'Aubigné, marquise de MAINTENON dans Lett. à Mme de Fontaines, t. III, p. 140, dans POUGENS.
Mourez au monde : ne le reprenez pas au parloir après l'avoir renoncé à la grille
Le monde meurt pour lui ; mais lui-même en mourant ne meurt pas encore au monde
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Avent, Mort du péch.
Heureuse de mourir à tout, avant que tout meure pour vous
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Prof. relig. 1
Elle a vécu.... Je meurs au reste des humains
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Olymp. V, 2
Être mort pour quelqu'un, ne pouvoir plus lui être d'aucune utilité, ne conserver aucune relation avec lui.
Pour accabler César d'un éternel ennui, Madame, sans mourir, elle [Junie] est morte pour lui
de Jean RACINE dans Brit. V, 8
Dans un sens analogue, être mort pour quelque chose, ne pouvoir plus y être sensible, en être privé pour toujours.
J'étais mort pour la gloire, et je n'ai pas vécu
de Jean de ROTROU dans Vencesl. II, 2
14
Mourir, en parlant des arbres, des plantes. Ce pêcher est mort d'un coup de soleil.15
Sémantique : Fig. Cesser d'exister, en parlant des institutions, des établissements, des États.Le sort des empires est entre les mains de Dieu ; ils meurent en leur temps comme le reste des choses humaines
Si les hommes apprennent à se modérer en voyant mourir les rois, combien plus seront-ils frappés en voyant mourir les royaumes mêmes !
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. III, 1
Notre religion réelle, le déisme, a vu naître et mourir mille cultes fantastiques, ceux de Zoroastre, d'Osiris, de Zalmoxis, d'Orphée, de Numa, d'Odin et de tant d'autres
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Facéties, Épît. aux frères.
Ne pas mourir, continuer à exister comme corps, en parlant des compagnies, des communautés. Les communautés ne meurent point.
En France, le roi ne meurt pas, un roi de France qui meurt a immédiatement pour successeur son héritier présomptif.
16
Sémantique : Fig. Cesser, finir peu à peu, en parlant de l'activité, du mouvement de certaines choses. Ce feu mourra si l'on n'y met du bois. Ne laissez pas mourir le feu. Le sabot va mourir, si tu ne lui donnes un coup de fouet. Le boulet de canon vint mourir là.Approchez-vous de ce banc de terre glaise où le flot va mourir
de Charles BONNET dans Contempl. nat. XII, 20
Les vagues ... battaient la grève, venaient mourir à mes pieds
Vois-tu comme le flot paisible Sur le rivage vient mourir ?
de Alphonse de LAMARTINE dans Médit. Baïa.
Si l'étrange accident que vous allez entendre N'eût ranimé mon feu qui mourait sous la cendre
de Jean de MAIRET dans Sophon. IV, 1
Ma haine va mourir que j'ai crue immortelle ; Elle est morte, et ce coeur devient sujet fidèle
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, V, 3
Je vois.... Que la vertu du fils soutient celle du père, Qu'elle ranime en lui la raison qui mourait
de Pierre CORNEILLE dans Théod. III, 3
Que toute sa vertu meure en un grand forfait
de Pierre CORNEILLE dans Perthar. III, 3
Ne nous obstinons point à des voeux superflus, Laissons mourir l'amour où l'espoir ne vit plus
de Jean de ROTROU dans Vencesl. II, 2
Le chantre désolé, lamentant son malheur, Fait mourir l'appétit et naître la douleur
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Lutrin, IV
Il se dit aussi des souvenirs, de la gloire, des productions de l'esprit, des ouvrages de l'art. Un souvenir qui ne meurt point. Vos bienfaits ne mourront point dans mon coeur. Les oeuvres de ce poëte, de ce peintre, ne mourront pas.
Mais, soutenu du tien, mon nom ne mourra plus
17
Ne pas s'achever.À ces mots, la parole meurt dans sa bouche
Les paroles lui meurent dans la bouche, il laisse tomber sa voix et traîne ses paroles.
18
Il se dit d'un son qui s'éteint peu à peu, et de la dégradation des couleurs. Les tintements de la cloche allaient mourir au loin. Dans ce tableau, les couleurs se perdent en mourant les unes dans les autres.Tremble qu'une pensée, une maxime, un mot N'aille mourir dans l'oreille d'un sot !
de Jacques DELILLE dans Convers. II
Sémantique : Terme de peinture. Faire mourir les couleurs, en adoucir l'éclat, la vivacité, ménager avec art le passage des clairs aux bruns.
19
Exprimer la défaillance, la mort prochaine.Ses yeux [de Jésus] déjà éteints vont mourir sur elle [Marie]
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Passion.
Exprimer la langueur.
Mademoiselle de Retz avait les plus beaux yeux du monde, mais ils n'étaient jamais si beaux que quand ils mouraient
de Jean-François Paul de Gondi, cardinal de RETZ dans I, 7
20
Scier ou couper un morceau de bois en mourant, le scier ou le couper de sorte que l'épaisseur diminue insensiblement et vienne à rien.21
Se dit à la poule, au billard et à plusieurs autres jeux, pour être mis hors du jeu comme perdant. On meurt en tant de points.22
Se mourir, Nature : v. réfl. Être sur le point de mourir.Ici l'enfant se meurt d'une mort triste et lente
de DU RYER dans Scévole, I, 3
Ô nuit désastreuse, ô nuit effroyable, où retentit tout à coup comme un coup de tonnerre cette étonnante nouvelle : Madame se meurt, Madame est morte
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Duch. d'Orl.
Mes filles, soutenez votre reine éperdue ; Je me meurs
de Jean RACINE dans Esth. III, 7
Il y avait à Orléans un vieux chanoine janséniste qui se mourait et à qui ses confrères refusaient la communion
Sémantique : Par exagération. Il se meurt d'amour, de peur, d'impatience, d'envie de dormir, etc.
Le pauvre enfant se meurt de douleur
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 204
Qui, toujours se signant, et disant ses rosaires, Leur prêchait la constance, et se mourait de peur
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Éduc. d'un prince.
Sémantique : Fig. Finir, cesser.
En ses propos mourants ses complaintes se meurent
de François de MALHERBE dans I, 4
S'éteindre. Votre feu se mourait. Votre lampe se meurt.
Il ne se dit qu'au présent et à l'imparfait de l'indicatif et à l'infinitif.
23
Nature : S. m. Le mourir.....Ce mal qui m'afflige au mourir
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat. X
Ô douce volupté, sans qui dès notre enfance Le vivre et le mourir nous deviendraient égaux
de Jean de LA FONTAINE dans Psyché, II, p. 215
PROVERBES
1
Exemple : Un lièvre, un bon lièvre vient toujours mourir au gîte, c'est-à-dire après avoir beaucoup voyagé, on est bien aise de retourner en son pays.Les envieux mourront, mais non jamais l'envie
2
Exemple : Nous mourons tous les jours, c'est-à-dire il n'y a pas de jour que nous ne fassions un pas vers la mort.3
Exemple : On ne sait qui meurt ni qui vit, l'heure de la mort est incertaine, il faut prendre des assurances par écrit.4
Exemple : Autant meurt veau que vache, les jeunes meurent comme les vieux.5
Exemple : Il faut vieillir ou jeune mourir.6
Exemple : Il n'en mourra que les plus malades, c'est-à-dire le danger n'est pas si grand qu'on le croit.7
Exemple : Mourir se conjugue avec l'auxiliaire être.REMARQUE
1
1. Faire mourir n'a point de passif. On ne dit pas : Ce criminel fut fait mourir.2
2. Faire mourir n'a pas non plus de mode réfléchi ; et l'on ne dit pas se faire mourir ; cela se disait autrefois :Ma main l'a fait périr En lui donnant le fer dont il s'est fait mourir
de DESMARETS dans Mirame, IV, 1
3
3. Voltaire a employé ayant été mort dans un cas où il serait difficile de se servir d'une autre tournure.Théophile d'Antioche prouve que, le Lazare ayant été mort pendant quatre jours, on ne pouvait admettre...
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Philos. Exam. Bolingbr. XI
4
4. Dans ces vers de Racine :Mes soins, en apparence épargnant ses douleurs [de Claude], De son fils, en mourant, lui cachèrent les pleurs
de Jean RACINE dans Brit. IV, 2
5
5. Racine a dit :Et du même poignard dont est morte la reine
de Jean RACINE dans Théb. V, 5
6
6. Mourir, bien que neutre, peut devenir verbe réfléchi, mais seulement au présent et à l'imparfait ; on ne pourrait dire : il s'est mort (voy. le pronom SE, pour l'explication de cette tournure).7
7. L'expression je meure si, etc. doit être conservée telle qu'elle est, avec le verbe au subjonctif. Lanoue dans la Coquette corrigée (II, 9) a dit par l'indicatif : Je meurs si j'entends rien à tout ce jargon-là. C'est une faute grossière. Il est absurde de dire qu'on meurt si on entend ; tandis qu'il est très raisonnable de dire je veux mourir ou que je meure si je vous comprends.HISTORIQUE
1
Xe s.Por o s' furet morte [elle serait morte pour cela] à grant honestet
dans Eulalie
2
XIe s.Si home mort [meurt] sans devise [testament], si departent les enfans l'erité [l'héritage]
dans Lois de Guill. 36
Ne lui chaut, sire, de quel mort nous murions
dans Ch. de Rol. X
Mielx est sul moerge [que je meure seul] que tant bon chevalier
dans ib. XXVI
Là murrez vous à honte et à viltet
dans ib. XXXII
[Il] Mort [tué] m'a mes homes, ma terre degastée
dans ib. CXCIV
3
XIIe s.Là fu morz Oliviers et ses compainz Rolanz
dans Sax. V
Car cil qui pert honor vaurroit mieux mors que vis [vif, vivant]
dans ib. XXVI
Et mi desconfort greignor [plus grands], Dont je morrai sans retor
dans Couci, I
....Car à trop grant dolor Muir [je meurs] et languis ; vostre pitié le sache
de DESMARETS dans XI
Se nuls morist [mourut] pour avoir cuer dolent
de DESMARETS dans XXII
Ce est la mort dont mieux morir devroie
de DESMARETS dans 126
Et je, qui sui au morir, Ne sai qu'un mot, tant [je] le desir : Merci
de DESMARETS dans IV
....Et jà de sa prison [je] Ne quier issir se mors ou aimés non
de DESMARETS dans XIX
Nus ne vus demandums ne or ne argent ; ne ne volum pas que huem de Israel i murged
dans Rois, p. 201
4
XIIIe s.Et après quant il vit ce, si l'estrangla et fist dire partout qu'il estoit mort de sa mort
de Geoffroi de VILLEHARDOUIN dans XCVIII
Se bien ne vous prouvez [si vous ne vous comportez pas bien], de la douleur morrai
dans Berte, VII
Et oïrent que cil qui morut dist : il m'a mort
de Philippe de BEAUMANOIR dans XXXIX, 12
Encore se li lai [laïques] ne les ozoient penre [prendre] ou mors ou vis....
de Philippe de BEAUMANOIR dans XI, 45
Ici desus Se mori le biaus Narcissus
dans la Rose, 1446
5
XIVe s.Tarquin mourit à Cumes
de Pierre BERCHEURE dans f° 35, recto
.... On scet proprement C'une fois fault morir, se ne scet-on comment
dans Guesclin. V. 15897
6
XVe s.Monseigneur, sauve soit votre grace ; nous ne voulons pas que Gaston muire ; c'est vostre heritier, et plus n'en avez
de Jean FROISSART dans II, III, 13
La riviere qui queurt parmi la ville de Caen, qui porte grosse navire, estoit si basse et si morte qu'ils la passoient et repassoient à leur aise, sans danger du pont
de Jean FROISSART dans I, I, 272
Son neveu, le duc de Milan, se mouroit
de Philippe de COMMINES dans VII, 6
Si fut tant esbahi qu'il devint mort comme terre
dans Perceforest, t. III, f° 145
Seigneurs, dit le roy, j'ay ouy dire communement : va où tu veulx, meurs où tu doys
dans ib. t. I, f° 31
Le quel AEeas tant aymoit Dido, qu'il en mouroit
dans J. de Saintré, ch. 2
À bien mourir chascun doit tendre ; à la fin faut devenir cendre
de Antoine LE ROUX DE LINCY dans Prov. t. II, p. 225
La punition et la peine devoit estre bien grande contre la dite dame, qui avoit esté cause de la faire ainsi mourir avant sa mort
dans Aresta amorum, p. 211, dans LACURNE
7
XVIe s.Courtine bien remparée par le dedans de grosse terre, où les boulets alloyent mourir
de BEAUGUÉ dans Guerre d'Escosse, I, 10
Mais celuy qui premier, s'opposant à l'effort Des vaillans ennemis, meurt d'une belle mort
de Pierre de RONSARD dans 933
Jamais des masles coeurs les louanges ne meurent
de Pierre de RONSARD dans 933
Le ruisseau duquel nous avons parlé estoit renforcé de la cheutte de deux estangs, entre lesquels venoit mourir en bas une petite pleine triangulaire
Cet obstacle fut levé par l'authorité des grands, disans que la royne ne mouroit point, et partant fut ouverte la premiere seance
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans ib. I, 105
C'est pour en mourir [locution à la mode parmi les courtisans, au temps d'Henri IV], il faut dire cela en demenant les bras, branlant la teste, changeant de pied, peignant d'une main la moustache et d'aucunes fois les cheveux
Nous en avons veu plusieurs qui endurent estre fouettez jusques au mourir sur l'autel de Diane
de Jacques AMYOT dans Lyc. 37
Meurs toy maintenant, Diagoras, car ja ne monteras plus au ciel
de Jacques AMYOT dans Pélop. 63
J'en feus si mal que j'en cuiday mourir
de Michel de MONTAIGNE dans II, 58
La fleur d'aage se meurt et passe quand la vieillesse survient ; le premier aage meurt en l'enfance
de Michel de MONTAIGNE dans II, 378
Mourant, il se feit porter où le besoing l'appeloit
de Michel de MONTAIGNE dans III, 94
Les ungs mouroient sans parler, les aultres parloient sans mourir ; les uns se mouroyent en parlant, les aultres parloient en mourant
de François RABELAIS dans Garg. I, 27
Et un bon mourir vaut mieux qu'un mal vivre
de Pierre CHARRON dans Sagesse, I, 36
On ne peut mourir que d'une mort
de Antoine LE ROUX DE LINCY dans Prov. t. II, p. 362
Il n'en tastoit point, tellement qu'il mouroit tout en vie auprès d'elle
C'est trop aimer, quand on en meurt
de Randle COTGRAVE dans
Le loup mourra en sa peau, qui ne l'escorchera
de Randle COTGRAVE dans
Envieux meurent, mais envie ne mourra jamais
de Randle COTGRAVE dans
Il commence bien à mourir qui abandonne son desir
de Randle COTGRAVE dans
Qui bien veut mourir, bien vive
de Randle COTGRAVE dans
ÉTYMOLOGIE
1
Bourguig. meuri ; wallon, morî, je moûr, je meurs, moron, mourant ; Berry, mourer, mouzir ; picard, morir ; provenç. morir, murir ; espagn. morir ; portug. morrer ; ital. morire ; du latin fictif moriri, tiré du latin mori, mourir.Synonymes de MOURIR
- AGONISER
- ARRIVER
- CÉDER
- CESSER
- CIRCULER
- COURBER
- DÉCÉDER
- DISPARAÎTRE
- EFFACER
- EXPIRER
- FILER
- FINIR
- FLÉCHIR
- MANIFESTER
- MONTRER
- PASSER
- PERDRE
- PÉRIR
- PLIER
- PLOYER
- QUITTER
- SOUFFLER
- SUCCOMBER
- SUPPRIMER
- TAMISER
- TRÉPASSER