Définition de TROMPER

DÉFINITIONS - SYNONYME - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : tron-pé

DÉFINITIONS

1
Induire en erreur en employant la ruse, l'artifice, le mensonge.
Il me répondit en se moquant de moi, que je devais avoir observé que le monde veut être trompé ; ce mot est vrai, et se vérifia en cette occasion
Vouloir tromper le ciel, c'est folie à la terre
Il faut que les princes ou leurs ministres s'étudient.... à le séduire [le peuple] et tromper par les apparences, le gagner et tourner à leurs desseins
de G. NAUDÉ dans Coups d'États, ch. IV, édit. de 1667, p. 242
Si je voulais, je citerais M. de la Rochefoucauld, qui était aussi aisé à tromper que moi
Quand, pour punir les scandales, ou pour réveiller les peuples et les pasteurs, il [Dieu] permet à l'esprit de séduction de tromper les âmes hautaines
Il fut donné à celui-ci [Cromwell] de tromper les peuples et de prévaloir contre les rois
On ne permet à un homme de bien d'être trompé qu'une fois
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Rem. Réponse, IX, I, 14
S'il y avait moins de dupes, il y aurait moins de ce qu'on appelle des hommes fins ou entendus, et de ceux qui tirent autant de vanité que de distinction d'avoir su pendant tout le cours de leur vie tromper les autres
de Jean de LA BRUYÈRE dans XI
Je m'imaginais n'être trompé qu'à demi, puisque je savais que j'étais trompé
de FÉN dans Tél. XII
On disait à Ferdinand, roi d'Aragon, que le roi de France se plaignait qu'il l'avait trompé deux fois : il en a menti, répondit-il, je l'ai trompé plus de dix
de SAINT-FOIX dans Ess. Paris, Oeuv. t. IV, p. 381, dans POUGENS
Ne dites point qu'il faut tromper les hommes au nom de Dieu ; ce serait le discours d'un diable, s'il y avait des diables
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Philos. Déf. Bolingbr. Axiomes, 1
Des questions très intéressantes et très utiles, celle-ci par exemple : S'il peut être utile de tromper le peuple ? nous n'avons jamais osé à l'Académie française proposer ce beau sujet
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Lett. au roi de Pr. 22 sept. 1777
Moi qu'ils ne trouvent pas digne d'être trompée, je vois leurs actions
de GRAFFIGNY dans Lett. péruv. 2
Nature : Absolument.
On la croyait incapable ni de tromper ni d'être trompée
Jadis l'homme vivait au travail occupé, Et, ne trompant jamais, n'était jamais trompé
L'enseigne est à leur porte [des maisons de jeu] ; on y lirait presque : ici l'on trompe de bonne foi
de Jean de LA BRUYÈRE dans VI
N'est-ce pas tromper que d'entretenir quelqu'un dans son erreur ?
de COMTE DE CAYLUS dans Acad. de ces dames, Oeuv. t. XII, p. 223, dans POUGENS.
Cette femme trompe son mari, elle lui est infidèle.
Au jeu, tromper, tricher.
Je me donne au diable, s'il est possible que vous gagniez. - Et d'où vient ? dit Caméron, qui commençait à s'impatienter. - Voulez-vous le savoir ? dit Matta ; ma foi, c'est que nous vous trompons
2
Séduire, en parlant des femmes qu'on trompe.
Mathurine à don Juan : Ne m'allez pas tromper, je vous prie, il y aurait de la conscience à vous ; et vous voyez comme j'y vais à la bonne foi
Trop crédules esprits que sa flamme [de Thésée] a trompés
Les filles, en ce temps si souvent attrapées, Sur la foi des serments avaient été trompées
3
Échapper à quelqu'un. Tromper des surveillants. Il a trompé la vigilance de ses gardiens.
J'ai su tromper les yeux par qui j'étais gardé
Mais pouvaient-ils tromper tant de jaloux regards ?
Il trompa leur poursuite à la faveur de l'obscurité
Tromper la loi, l'éluder.
4
En parlant des choses, donner lieu à une erreur, à une méprise. L'horloge nous a trompés.
Mes yeux, moyennant ce secours [du toucher], Ne me trompent jamais en mo mentant toujours
Pendant qu'un philosophe assure Que toujours par leurs sens les hommes sont dupés, Un autre philosophe jure Qu'ils ne nous ont jamais trompés
de Jean de LA FONTAINE dans ib.
Nature : Absolument. Cet homme a une mine qui trompe.
À tromper, de manière à faire illusion.
L'épaule est prise si juste, qu'on la voit toute nue à travers le vêtement, et ce vêtement est à tromper
Sémantique : Familièrement. C'est ce qui vous trompe, à l'égard de cela vous êtes dans l'erreur.
5
Faire tomber dans quelque erreur.
Comme ici son orgueil [de l'âme] la trompe, il faut lui faire sentir par quelque autre endroit sa pauvreté et sa misère
Cette vie dont la fuite précipitée nous trompe toujours
Le burlesque effronté Trompa les yeux d'abord, plut par la nouveauté
6
Agir contrairement à ce qui était attendu soit en bien, soit en mal. Il a trompé nos espérances. Tromper la confiance. On attendait beaucoup moins de lui, il a trompé tout le monde.
Il [Charles de Sévigné] avait pitié de toutes mes douleurs, et le hasard a voulu qu'il ne m'ait trompée en rien de ce qu'il m'a promis, pas même à la promenade d'hier, dont je me suis mieux portée que je n'espérais
Ils [les dieux] ont trompé les soins d'un père infortuné Qui protégeait en vain ce qu'ils ont condamné
Ce serait grand dommage que vous trompassiez votre vocation
Nature : Absolument.
Dieu saura vous montrer par d'importants bienfaits, Que sa parole est stable et ne trompe jamais
Il se dit des choses en un sens analogue.
L'insolent en eût perdu la vie ; Mais mon âge a trompé ma généreuse envie
La retraite presque toujours a trompé ceux qu'elle flattait de l'espérance du repos
Il m'a trompé une fois, ce monde ingrat ; il ne me trompera plus
Voilà comme les événements trompent presque toujours les politiques
7
Faire diversion à.
Ô mort, éloigne-toi de notre pensée, et laisse-nous tromper pour un peu de temps la violence de notre douleur par le souvenir de notre joie
Trompons, si nous pouvons notre douleur.... par le souvenir de nos joies passées
Trompe leurs inquiétudes ; amuse-les par la musique, les danses, les boissons délicieuses
Enfin il est fini ce jour dont rien n'a trompé la longueur
de RICCOBONI dans Oeuv. t. I, p. 95, dans POUGENS
Par vous tout s'embellit, et l'heureuse sagesse Trompe l'ennui, l'exil, l'hiver et la vieillesse
Tromper le temps, s'occuper à quelque chose, afin de ne pas trouver le temps long.
Si nous ne faisions simplement que vivre, sans qu'il s'y mêlât quelque chose qui trompe et en fasse couler plus doucement les moments
Ils cherchent à tromper le temps par mille sortes d'occupations
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans 1er panég. St Fr. de Paule, 2
Tromper le chemin, faire diversion à la longueur du chemin.
Lui discourant, pour tromper le chemin, De chose et d'autre....
de Jean de LA FONTAINE dans Orais.
8
Sémantique : Terme de manége. Tromper un cheval, changer subitement de main après un seul quart de volte.
9
Se tromper, Nature : v. réfl. S'induire soi-même en erreur.
Il est aussi facile de se tromper soi-même sans s'en apercevoir, qu'il est difficile de tromper les autres sans qu'ils s'en aperçoivent
Et l'amour-propre engage à se tromper soi-même
Nous ne voyions en Madame ni cette ostentation par laquelle on veut tromper les autres, ni ces émotions d'une âme alarmée par lesquelles on se trompe soi-même
Oui, c'est Joas, je cherche en vain à me tromper
On croit tromper les autres, mais on ne se trompe jamais soi-même
de Jean-François MARMONTEL dans Oeuv. t. VI, p. 168
10
S'abuser, être dans l'erreur.
Quand on veut reprendre avec utilité, et montrer à un autre qu'il se trompe, il faut observer par quel côté il envisage la chose ; car elle est vraie ordinairement de ce côté-là, et lui avouer cette vérité, mais lui découvrir le côté par où elle est fausse
Mais que les hommes ne s'y trompent pas : Dieu redresse quand il lui plaît le sens égaré
Racontait-il [Turenne] quelques-unes de ces actions qui l'avaient rendu si célèbre ? on eût dit qu'il n'en avait été que le spectateur, et l'on doutait si c'était lui qui se trompait ou la renommée
Pour ceux qui sont ruinés [par un juge], il importe peu que ce soit ou par un homme qui les trompe, ou par un homme qui s'est trompé
Il écrit une seconde lettre, et, après les avoir achevées toutes deux, il se trompe à l'adresse
de Jean de LA BRUYÈRE dans XI
Craignez de vous tromper ; mais ne craignez jamais de laisser voir aux autres que vous avez été trompé
C'est un homme rare que celui qui ne peut faire pis que de se tromper
Me trompé-je ? ai-je un bandeau sur les yeux ?
À se tromper, à s'y tromper, au point d'être trompé.
Mme Evrard : Cette petite est le portrait de son père. - M. Dubriage : Oui vraiment ! et Julien, il ressemble à sa mère ! - Mme Evrard : à s'y tromper
Teniers, qui imitait, à s'y tromper, les tableaux des Bassan
de BOUTARD dans Dict. des arts du dessin, pastiche.
Se tromper de route, d'heure, d'adresse, manquer la bonne route, l'heure indiquée, l'adresse véritable d'une personne.
Sémantique : Fig. et par ironie. C'est un homme qui ne se trompe qu'à son profit, il ne se trompe que quand l'erreur tourne à son avantage.
Si je ne me trompe, locution employée en forme de correctif, quand on n'est pas très certain d'une chose, ou quand on veut éviter un ton tranchant.
Je ne sais si je me trompe ; mais vous avez toute la mine d'avoir fait quelque comédie
Tous ces rois-là [de Juda et d'Israël] s'assassinent un peu trop souvent les uns les autres ; c'est une mauvaise politique, si je ne m trompe
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Philos. Quest. Zapata, 44
On dit dans le même sens : Je me trompe, je suis bien trompé. Je suis bien trompé, s'il n'en est ainsi.
Je me trompe, ou vos voeux, par Esther secondés, Obtiendront plus encor que vous ne demandez
Je suis fort trompé, ou j'ai trouvé un bon expédient pour me démêler d'avec mad....
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Lett. gal. II, 15

SYNONYME

1
TROMPER, DÉCEVOIR. Décevoir, c'est abuser par quelque chose d'apparent, de spécieux, d'engageant. Tromper, c'est abuser par la ruse, par le mensonge, par l'artifice.

HISTORIQUE

1
XIVe s.
Icelui supliant veant que ladite femme se trompoit et moquoit de lui
2
XVe s.
On ne sçaura trouver mon per [égal], Par saint Jacques, non, de tromper
dans Patelin, v. 43
Je ne pourrois souffrir qu'une telle gouge se trompast et de vous et de moi si longuement
de LOUIS XI dans Nouv. XXXIII
Il semble que vous trompez [vous moquez] des statuts et ordonnances de l'Église
de LOUIS XI dans ib. XCIV
3
XVIe s.
Plusieurs gens malades ont, à la lecture d'ycelles, trompé leurs ennuys
Le tromper peult servir pour le coup
de Michel de MONTAIGNE dans I, 24
Pourquoy ne tromperoit-il aux escus, puisqu'il trompe aux espingles ?
de Michel de MONTAIGNE dans I, 108
Ils trompent l'esperance qu'on en a conçue
de Michel de MONTAIGNE dans I, 181
Je ne conseille pas qu'on confonde leurs regles ; on s'y tromperoit
de Michel de MONTAIGNE dans I, 214
Je ne sçais si je me trompe, mais il m'a tousjours semblé que....
de Michel de MONTAIGNE dans I, 394
Pour vous donner le moyen de tromper le temps
Ainsi prit congé d'elle, et s'en alla pensant bien l'avoir trompée, mais estant bien trompé luy mesme
de Jacques AMYOT dans Anton. 106

ÉTYMOLOGIE

1
Le sens propre et ancien de tromper est jouer de la trompe. Néanmoins Diez pense que tromper au sens d'abuser vient non pas de là, mais de trompe, qui a signifié toupie (voy. TROMPE 2), et qu'il signifie, au propre, faire aller comme une toupie. Mais l'emploi le plus ancien de tromper au sens d'abuser est se tromper de quelqu'un, ce qui signifie s'en jouer. Tromper, jouer de la trompe, s'est construit avec le pronom personnel comme tant d'autres verbes neutres ; et se tromper a passé au sens de se moquer (voyez, à l'historique de trompette, un exemple de la transition, et comparez se jouer de quelqu'un et jouer quelqu'un).

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
TROMPER. - HIST. XIVe s. Ajoutez :
Si s'en fussent rallez les Flaments... ainsy se fussent les seigneurs trouvé trompez et desgarnis de leurs gens
de J. LE BEL dans Vrayes chroniques, t. I, p. 191
Et si tu vouldras trumper [mocquer] aucun, dites ainsi : Dieux vous donne bonne nuit et bon repos et bial lit, et vous dehors
dans Rev. critique, 5e année, 2e semestre, p. 400

Synonymes de TROMPER

Termes proches de TROMPER