Définition de VIVRE

DÉFINITIONS - PROVERBES - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : vi-vr'

DÉFINITIONS

1
Être en vie. Les oiseaux vivent dans l'air, et les poissons dans l'eau. Les chênes vivent fort longtemps.
Il n'y a rien qui exhorte tant à savoir bien mourir, que de n'avoir point de plaisir à vivre
de Vincent VOITURE dans Lett. 71
Mes crimes, en vivant, me la pourraient ôter [la vie céleste]
de Pierre CORNEILLE dans Poly. II, 6
Mécénas fut un galant homme ; Il a dit quelque part : qu'on me rende impotent, Cul-de-jatte, goutteux, manchot, pourvu qu'en somme Je vive, c'est assez, je suis plus que content
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. I, 15
L'homme, sourd à ma voix comme à celle du sage, Ne dira-t-il jamais : c'est assez, jouissons ? Hâte-toi, mon ami, tu n'as pas tant à vivre
de Jean de LA FONTAINE dans ib. VIII, 27
Je dis toujours que, si je pouvais vivre seulement deux cents ans, je deviendrais la plus admirable personne du monde
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans Lett. à Bussy, 27 juin 1679
La dernière heure [pour un vieillard] n'en sera pas moins insupportable, et l'habitude de vivre ne fera qu'en accroître le désir
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans le Tellier.
Indigne également de vivre et de mourir, On l'abandonne aux mains qui daignent le nourrir
de Jean RACINE dans Baj. I, 1
Cette expression : elle ne vit plus, ne lui ôtait que la vie, et ne lui donnait pas les laideurs de la mort
de Pierre de MARIVAUX dans Marianne, 7e part.
J'ai vécu, c'est-à-dire, souffert trop longtemps
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. Vaines, 12 août 1777
Il me semble que je vous avais conseillé de vivre, uniquement pour faire enrager ceux qui vous payent des rentes viagères
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. Mme du Deffant, 23 avr. 1754
Une raison pour vivre, est d'avoir vécu ; cela est évident dans les sept premières années de la vie, où le nombre des jours que l'on doit espérer va toujours en augmentant
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Prob. de la vie, t. x, p. 244
Plus on vit, plus on aime à vivre, même sans jouir de rien
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Hél. VI, 11
J'échangerais ce qu'il me reste à vivre Contre un des mois qu'ici Dieu m'a comptés
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Grenier.
J'ai vécu, j'ai passé le désert de la vie
de Alphonse de LAMARTINE dans Méd. I, 18
Âme, personne qui vive, avec une négation, personne.
Ce grand et rare effet d'une imaginative Qui ne cède en vigueur à personne qui vive
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans l'Ét. II, 14
Faire vivre, prolonger l'existence. Le régime rigoureux qu'il suit, le fait vivre. Le médecin a fait vivre ce malade dont la poitrine est menacée.
Sémantique : Fig.
Vous y devez [dans la langue] avoir une souveraine puissance, et faire vivre ou mourir les paroles comme il vous plaît
de Vincent VOITURE dans Lett. 53
Dans le style élevé. Il a vécu, il est mort.
Non, non : avant ce coup Sabine aura vécu
de Pierre CORNEILLE dans Hor. II, 6
Au moment où je parle, ils ont vécu peut-être
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Brutus, v, 5
Sémantique : Fig. J'ai vécu, ma vie est finie, touche à son terme.
C'en est fait, madame, et j'ai vécu
de Jean RACINE dans Mithr. v, 5
Il n'a que trop vécu, se dit d'une personne qu'on menace de faire mourir.
Bajazet est un traître et n'a que trop vécu
de Jean RACINE dans Bajaz. IV, 6
Vis, vivez, se dit à une personne à qui l'on fait grâce de la vie.
Vis donc, Horace, vis, guerrier trop magnanime ; Ta vertu met ta gloire au-dessus de ton crime
de Pierre CORNEILLE dans Hor. v, 3
Sémantique : Par exagération. Ne pas vivre, être dans des inquiétudes continuelles qui troublent la vie.
Mme votre mère ne vivait pas, et nous vous trouvions bien plus en danger que pendant la petite vérole
de Françoise d'Aubigné, marquise de MAINTENON dans Lett. au duc de Noailles, 29 mai 1706
On dit dans le même sens : ce n'est pas vivre. Il est toujours malade, ce n'est pas vivre.
Vivons-nous, chrétiens, vivons-nous ? cet âge que nous comptons et où tout ce que nous comptons n'est plus à nous, est-ce une vie !
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Mar.-Thér.
2
Dieu vit de toute éternité, vit dans les siècles des siècles, vit par lui-même, se dit pour exprimer la vie de Dieu infinie, éternelle, indépendante.
Les bienheureux vivront éternellement avec Dieu dans la gloire, ils jouiront de la vue de Dieu pendant l'éternité.
Sémantique : En termes de dévotion, il se dit par rapport à la disposition de l'âme qui est en état de grâce. Un pécheur converti vit de la vie de grâce, vit d'une vie nouvelle.
Représentez-vous un véritable juste qui vit de la foi
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Vérité de la relig.
3
Passer sa vie en un certain temps. Ceux qui ont vécu avant l'ère chrétienne. Joinville a vécu dans le XIIIe siècle, et est mort au commencement du XIVe.
Il se dit aussi par rapport au gouvernement, aux usages, aux lois du pays où l'on demeure. Les lois, les coutumes sous lesquelles nous vivons.
Nous vivons sous un prince ennemi de la fraude
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Tart. v, 7
Sémantique : En termes de galanterie, vivre sous les lois d'une femme.
4
Passer sa vie.
Si c'est un aveuglement surnaturel de vivre sans chercher ce qu'on est, c'en est un terrible de vivre mal en croyant Dieu
de Blaise PASCAL dans Pens. XXIV, 57 bis, édit. HAVET.
Est-on dans les grandes places pour se reposer et pour vivre ?
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans le Tellier.
Jouissons de la vie ; ne nous refusons aucun plaisir ; le temps est court, hâtons-nous de vivre, parce que nous mourrons demain, et tout mourra avec nous
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Doutes.
Pour exécuter de grandes choses, il faut vivre comme si on ne devait jamais mourir
de VAUVENARGUES. dans Réflex. et max. 142
Il résultait de ses observations [de Montesquieu] que l'Allemagne est faite pour y voyager, l'Italie pour y séjourner, l'Angleterre pour y penser et la France pour y vivre
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Élog. Montesq.
D'une façon emphatique et absolument. Employer sa vie.
Contre de telles gens [les stoïciens, qui ôtent les passions], quant à moi, je réclame : Ils ôtent à nos coeurs le principal ressort ; Ils font cesser de vivre avant que l'on soit mort
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. XII, 20
Nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais
de Blaise PASCAL dans Pens. III, 5
Quand il n'en faudrait retrancher [de la vie] ni l'enfance où l'homme ne se connaît pas, ni les maladies où l'on ne vit point....
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans le Tellier.
La pensée de la mort nous trompe ; car elle nous fait oublier de vivre
de VAUVENARGUES. dans Réfl. et max. 143
La plupart des hommes meurent sans avoir vécu ; vous vivez beaucoup, puisque vous pensez beaucoup
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. d'Uzès, 4 déc. 1751
L'homme qui a le plus vécu n'est pas celui qui a compté le plus d'années, mais celui qui a le plus senti la vie ; tel s'est fait enterrer à cent ans, qui mourut dès sa naissance
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Ém. I
Vivre ce n'est pas respirer, c'est agir ; c'est faire usage de nos organes, de nos sens, de nos facultés, de toutes les parties de nous-mêmes qui nous donnent le sentiment de notre existence
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans ib.
Ceux qui.... N'ont connu qu'une oisive et morne indifférence.... Ils n'ont fait qu'exister, l'amant seul a vécu
de André CHÉNIER dans Élég. XXVI
Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; ce sont Ceux dont un dessein ferme emplit l'âme et le front
de Victor HUGO dans Châtim. IV, 9
Avoir trop vécu, s'être livré à des excès dans sa jeunesse.
Ceux qui ne meurent jamais que parce qu'ils ont trop vécu
de Mme DE PUISIEUX dans Ridic. à la mode, p. 161, dans POUGENS
5
Vivre pour, consacrer sa vie à. Ne vivre que pour servir Dieu, que pour son pays, que pour l'étude.
Ce coeur qui n'a jamais vécu que pour son époux
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Reine d'Anglet.
Moi, j'aimerais Roxane, ou je vivrais pour elle !
de Jean RACINE dans Baj. III, 4
Gnathon ne vit que pour soi, et tous les hommes ensemble sont à son égard comme s'ils n'étaient pas
de Jean de LA BRUYÈRE dans XI
Que je le voie, plein de mépris pour moi, ne vivant plus que pour ma rivale
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Tél. VII
Qui ne vit que pour soi n'est pas digne de vivre
de BOISSY dans Sage étourdi, II, 3
On a dit dans le même sens : ne vivre qu'à.
Mon coeur gêné d'amour n'a vécu qu'aux ennuis
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Élég. I
Ainsi des plus grands saints la sagesse profonde Pour ne vivre qu'à Dieu fuyait les jeux du monde
de Pierre CORNEILLE dans Imit. I, 20
6
Vivre avec une femme, avoir avec elle des rapports conjugaux.
Pour éviter la fornication, que chaque homme vive avec sa femme, et chaque femme avec son mari
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, St Paul, 1re ép. aux Cor. VII, 2
Savez-vous seulement [vous, Oedipe] avec qui vous vivez ?
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Oed. III, 4
En un sens défavorable. Vivre en état de concubinage. Elle vit avec un jeune homme.
La surprise avec laquelle j'appris par lui que personne ne doutait dans le monde que je n'eusse vécu avec Mme d'Épinay, comme Grimm y vivait maintenant, ne peut être égalée que par celle qu'il eut lui-même en apprenant combien ce bruit était faux
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Conf. x.
On épouse une femme, on vit avec une autre, l'on n'aime que soi
de SAURIN dans Moeurs du temps, 5
Vivre avec le public, vivre dans la prostitution.
Cette Rosten, qui vit avec le public, fille d'un acteur
de MIRAB. dans Lett. orig. t. IV, p. 167
7
Il se construit avec certains noms de temps et d'une manière qui pourrait faire croire qu'il a un régime direct ; mais il n'en est rien : c'est une ellipse de pendant, durant.
Oui c'est moi qui voudrais effacer de ma vie Les jours que j'ai vécu sans vous avoir servie
de Pierre CORNEILLE dans Ment. III, 5
Le regret qu'ont les hommes du mauvais emploi du temps qu'ils ont déjà vécu, ne les conduit pas toujours à faire de celui qui leur reste à vivre, un meilleur usage
de Jean de LA BRUYÈRE dans XI
L'homme, qui est trente ans à croître, vit quatre-vingt-dix ou cent ans ; le chien, qui ne croît que pendant deux ou trois ans, ne vit aussi que dix ou douze ans
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Hist. nat. hom. t. IV, p. 354
Nous trouverons dans la table qu'à l'âge de 25 ans on n'a vécu que le quart de sa vie, qu'à l'âge de 38 ans on n'en a vécu que la moitié, et que ce n'est qu'à l'âge de 56 ans qu'on a vécu les trois quarts de sa vie
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Hist. nat. hom. t. IV, p. 424
Ah ! si l'on peut vivre mille ans en un quart d'heure, à quoi bon compter tristement tous les jours qu'on aura vécu ?
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Hél. I, 10
Similis, courtisan de Trajan, ayant, sans aucun mécontentement personnel, quitté la cour et tous ses emplois pour aller vivre paisiblement à la campagne, fit mettre ces mots sur sa tombe : J'ai demeuré soixante-seize ans sur la terre, et j'en ai vécu sept
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Lett. à M. de Malesherbes, 3
8
Se nourrir. Les animaux qui vivent de proie. Il fait cher vivre dans cette ville. Il a fait meilleur vivre cette année que l'année dernière où les récoltes avaient souffert.
Jean était vêtu de poil de chameau ; il avait une ceinture de cuir autour des reins, et vivait de sauterelles et de miel sauvage
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Évang. St Marc, I, 6
On ne vit ni d'air ni d'amour
de Jean de LA FONTAINE dans Fianc.
Je vis de bonne soupe, et non de beau langage
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Femm. sav. II, 7
Le roi a très bien dormi ; il a grand'faim, et est bien las de ne vivre que de bouillons
de DANGEAU dans I, 420, 23 nov. 1686
Parmi des tas de blé vivre de seigle et d'orge
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. VIII
Sa nourriture était simple ; il vivait comme les soldats, pour leur donner l'exemple de la sobriété et de la patience
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Tél. XVII
Les Tartares de l'Asie et les Patagons de l'Amérique vivent également de la chair de leurs chevaux
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Suppl. à l'hist. nat. t. XI, p. 130
Il [Sommanocodom] vivait avec un grain de riz par jour ; il arracha un de ses yeux pour le donner à un pauvre auquel il n'avait rien à donner
de Guillaume Thomas, abbé RAYNAL dans Hist. phil. IV, 13
Sémantique : Familièrement. Il vit de rien, il mange très peu, il dépense très peu pour sa nourriture.
La bouche pleine, osez-vous bien Chanter l'amour qui vit de rien ?
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Gourmands.
Sémantique : Fig.
Je me renferme avec eux, et je vis de sentiments, de douleurs, et de chagrins
de Françoise d'Aubigné, marquise de MAINTENON dans Lett. à l'abbé Gobelin, 1674, t. II, p. 11
La riche fiction est le charme des vers ; Nous vivons du mensonge
de Louis RACINE dans Relig. ch. IV
Vivre de régime, suivre un régime, vivre avec beaucoup de règle pour cause de santé.
Il vivait de régime et mangeait à ses heures
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VII, 4
Vivre à table d'hôte, manger habituellement à une table commune où chacun paye tant par repas.
Ils vivent en commun, se dit de plusieurs personnes qui n'ont qu'une table tenue à frais communs.
9
Vivre sur soi-même, se dit d'une personne d'embonpoint, qui mange peu, et qui semble se sustenter de sa propre substance.
Sémantique : Fig.
Nous sommes dans un profond silence.... dans un entier éloignement de toute sorte de nouvelles, et vivant enfin sur nos réflexions
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 12 mai 1680
Sémantique : Fig. Vivre de sa réputation, vivre sur sa réputation, garder son crédit, son influence non par ce qu'on fait, mais par le souvenir de ce qu'on a fait.
Nous vivons [nous Français] encore un peu de notre ancienne réputation littéraire ; mais cette vie précaire ne durera pas longtemps
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Lett. au roi de Pr. 20 nov. 1772
10
Se procurer les moyens de vivre, de se soutenir. Vivre de son travail. Vivre de ses revenus.
Apprenez que tout flatteur Vit aux dépens de celui qui l'écoute
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. I, 2
Il est juste que ceux qui servent à l'autel vivent de l'autel
de Blaise PASCAL dans Prov. VI
Au lieu que ce devrait être de l'argent pour vivre, c'est de l'argent pour avoir vécu
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 339
Ces malheureux [les gredins du Parnasse] cherchent à penser pour vivre, et moi je n'ai vécu que pour penser
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. Panckoucke, 13 févr. 1769
La basse littérature cherche toujours à tout empoisonner ; elle ne vit que de ce métier
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. Lebrun, 9 décemb. 1760
Il faut bien que je vive, disait l'abbé Desfontaines à un ministre d'Etat ; le ministre eut beau lui dire qu'il n'en voyait pas la nécessité ; Desfontaines vécut
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. Albergati, 23 déc. 1760
Avoir de quoi vivre, posséder un revenu suffisant pour la manière dont on vit.
Non, morbleu, il n'y aura plus moyen de vivre avec moi ; car je n'aurai bientôt plus de quoi vivre
de Florent Carton, sieur d'Ancourt, dit DANCOURT dans Maison de camp. sc. 14
En mauvaise part, vivre d'industrie, vivre par des moyens peu honorables.
Vivre de ménage, vivre avec économie, et fig. par plaisanterie, vendre ses meubles pour subsister.
Martine : Un homme.... qui me vend pièce à pièce tout ce qui est dans le logis ! - Sganarelle : C'est vivre de ménage
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Méd. m. lui, I, 1
Vivre au jour le jour, au jour la journée, vivre avec ce qu'on gagne chaque jour.
Sémantique : Fig. Vivre au jour le jour, vivre sans prévoyance, sans s'inquiéter du lendemain.
Sémantique : Fig. Il vit de la grâce de Dieu, se dit d'un homme à qui on ne connaît aucune ressource pour subsister. Il se dit aussi d'un homme qui mange très peu, et à peine assez pour se soutenir.
Sémantique : Fig. Vivre d'espérance, vivre dans l'attente de quelque bien, et se soutenir par cette attente.
11
Sémantique : Terme d'administration militaire. Se procurer les aliments nécessaires à une armée.
Il [le marquis de Resnel] prétend qu'on n'a pas de quoi vivre une campagne, si l'on n'a en divers magasins de quoi en vivre deux
de Paul PELLISSON dans Lett. hist. t. II, p. 204
Ce jour-là même, il [Napoléon] interpella hautement un administrateur par ces mots remarquables : Pour vous, monsieur, songez à nous faire vivre ici [Vitepsk] ; car, ajouta-t-il à haute voix, nous ne ferons pas la folie de Charles XII
de Philippe de SÉGUR dans Hist. de Nap. v, 1
Nos longs et lourds convois auraient appesanti notre marche ; il était plus à propos de vivre du pays
de Philippe de SÉGUR dans ib. III, 2
Vivre à discrétion, se dit des soldats qui se font traiter à leur gré par les habitants du pays envahi.
12
Se dit par rapport à la dépense que l'on fait, à l'état que l'on tient. Vivre splendidement, honorablement, noblement, grandement, largement. Vivre en prince, en grand seigneur. Vivre misérablement, mesquinement, petitement.
Je sais que la vengeance Est un morceau de roi ; car vous vivez en dieux
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. X, 12
Vivre noblement, vivre d'une façon qui ne déroge en rien à la noblesse (locution qui vieillit).
Que dites-vous tous les jours vous-mêmes de ceux qui lui ressemblent ? un tel vit noblement ; il mange son bien avec honneur
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Mauv. riche.
Vivre noblement, vivre en gentilhomme, vivre sans rien faire.
Chacun d'eux résolut de vivre en gentilhomme, Sans rien faire
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. III, 2
13
Mener une certaine existence, un genre de vie quelconque. Vivre dans le célibat, dans le mariage. Vivre dans la joie, dans la tristesse. Il vit content.
Les prêtres et les religieux, zélés et infatigables pasteurs de ce troupeau affligé, qui vivaient en Angleterre pauvres, errants, travestis
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Reine d'Anglet.
Si je n'ai pas vécu la compagne d'Achille
de Jean RACINE dans Iphig. v, 2
Je vis dans une retraite profonde auprès de la dame la plus estimable du siècle présent, et avec les livres du siècle passé
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. au pr. roy. de Pr. 27 mai 1737
Les hommes éclairés, qui sont en grand nombre, gémissent tout bas en Italie ; le reste vit dans les plaisirs et l'ignorance ; le bas peuple, dans la superstition
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Moeurs, 140
Vivre paix et aise, passer sa vie tranquillement dans l'abondance (locution vieillie).
Il faut laisser chacun vivre à sa mode, que chacun règle sa vie comme il l'entend.
On dit de même : Chacun vit à sa mode.
14
Être en contact, en commerce habituel.
Ah ! mon enfant, qu'il est aisé de vivre avec moi !
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 6 nov. 1680
La condition des comédiens était infâme chez les Romains, et honorable chez les Grecs ; qu'est-elle chez nous ? on pense d'eux comme les Romains, et on vit avec eux comme les Grecs
de Jean de LA BRUYÈRE dans XII
Il [Charlemagne] aimait à vivre avec les gens de sa cour
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Esp. XXXI, 18
Le maréchal de Vivonne, connu par son esprit et par son amitié pour Despréaux, allait souvent chez Molière, et vivait avec lui comme Lelius avec Térence
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Vie de Molière.
Pythagore, qui régnait sur tout le corps [de ses disciples] avec la tendresse d'un père, mais avec l'autorité d'un monarque, vivait avec eux comme avec ses amis ; il les soignait dans leurs maladies, et les consolait dans leurs peines
de Auguste Marseille BARTHÉLEMY, dit L'ABBÉ BARTHÉLEMY dans Anach. ch. 75
Vivre avec les vivants, se conformer aux moeurs, aux usages.
Il faut solliciter, il faut se familiariser, il faut vivre avec les vivants
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 555
Quand je fais autrement, ce n'est pas ma faute ; je sais bien qu'il faut vivre avec les vivants
de CARMONTELLE dans Prov. les Braconniers, sc. 2
Vivre avec soi-même, vivre dans la retraite, sans communication avec le monde.
Il faut être bien avec ceux avec qui l'on vit, et bien avec soi quand on vit avec soi
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Ressons.
Vivre bien, vivre mal avec quelqu'un, être en bonne, en mauvaise intelligence avec lui.
Quoiqu'elle vécût parfaitement bien avec lui, il n'était pas entièrement heureux
de LA FAY. dans Princ. Clèves, Oeuv. compl. t. II, p. 34, dans POUGENS.
Vivre bien avec quelqu'un, signifie aussi se comporter à son égard convenablement, décemment, ne pas manquer aux égards de convenance.
Je désire, madame, dit le roi, que vous viviez bien avec Mme de Montespan
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Mme de Maintenon, t. I, p. 32, dans POUGENS
La Fare [amant de Mme de la Sablière] était l'ami du marquis de la Sablière, qui vécut toujours bien avec sa femme
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans ib. t. I, p. 151
On dit dans le sens contraire : vivre mal avec quelqu'un. Ce jeune homme vit mal avec ses parents.
Cet homme est aisé, commode à vivre, il est d'un commerce facile, on vit facilement avec lui.
Dans le sens contraire : C'est un homme difficile à vivre.
On ne saurait vivre avec cet homme, il est d'une humeur à laquelle on ne saurait s'accommoder.
15
Se conduire d'une certaine manière par rapport aux moeurs, à la religion. Vivre saintement. Vivre mal.
Ma fille, c'est ainsi que l'on vit à Paris
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat. XII
On les voit [les vrais dévots], pour tous soins, se mêler de bien vivre
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Tart. I, 6
Votre fille ne vit pas comme il faut qu'une femme vive
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans G. Dandin, I, 4
Et je me vis contrainte à demeurer d'accord Que l'air dont vous vivez vous faisait un peu tort
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Mis. III, 4
Les conditions les plus aisées à vivre selon le monde sont les plus difficiles à vivre selon Dieu, et au contraire
de Blaise PASCAL dans Pens. XXIV, 27
Je ne vous rapporterai que l'exemple d'une femme qui, pratiquant tous les jours la dévotion des images de la Vierge, vécut toute sa vie en péché mortel.... et qui ne laissa pas d'être sauvée par le mérite de cette dévotion
de Blaise PASCAL dans Prov. IX
C'est avoir envie de vivre chrétiennement avec la fortune, que de lui pardonner la conduite qu'elle a eue avec vous
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à Bussy, 26 août 1688
Je vis enfin comment meurt un chrétien qui a bien vécu
de Esprit FLÉCHIER dans Duc de Montaus.
Je ne suis pas peureuse de mon naturel : qui vit bien ne craint rien
de Pierre de MARIVAUX dans Pays. parv. 3e part.
Nous ne commençons à vivre moralement que quand nous commençons à ordonner nos pensées, à les tourner vers un certain avenir, et à prendre une espèce de consistance
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Hist. nat. hom. t. IV, p. 424
16
Se conformer aux usages du monde.
Ils [les faux dévots] sont trop politiques pour cela, et savent trop bien vivre pour découvrir le fond de leur âme
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Tart. Préface
Nous fûmes ensuite chez Mme Colbert, qui est extrêmement civile, et sait très bien vivre
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 12 janv. 1674
Il est vrai que ces messieurs, qui savaient mieux vivre que lui [Ménage], raccommodaient tout, faisant signe qu'ils se garderaient bien d'accepter les offres qu'on leur faisait
dans Anti-Menagiana, p. 66
Hélas ! on n'a plus rien à craindre ! Les vices n'ont plus de censeurs ; Le monde n'est rempli que de lâches flatteurs : Savoir vivre, c'est savoir feindre
de DESHOUL. dans t. I, p. 133
Oh ! monsieur, il sait trop bien vivre pour en user si familièrement avec vous
de Alain René LESAGE dans Crispin rival de son maître, 7
Il faut prendre le parti de la vérité ; mais faut-il blesser pour cela l'humanité ? faut-il renoncer à savoir vivre, parce qu'on se flatte de savoir écrire ?
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Mél. litt. sur la satire.
Congédie honnêtement cet homme estimable et grossier, qui sait donner et qui ne sait pas vivre
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Écoss. II, 5
Je le verrai, madame, je sais vivre, et l'on peut se fier à moi sur l'article des procédés
de Jean-François MARMONTEL dans Contes mor. Quatre flacons.
Apprendre à vivre, enseigner comment il faut se conformer aux usages du monde.
Faut-il que la jeunesse Apprenne maintenant à vivre à la vieillesse ?
de Jean-François REGNARD dans le Distr. IV, 2
Tu es un gentilhomme français si zélé pour la politesse de ton pays, que tu es venu exprès à Londres pour l'y enseigner publiquement, et pour apprendre à vivre à toute l'Angleterre
de BOISSY dans Français à Lond. I
Sémantique : Familièrement. Je lui apprendrai à vivre, je lui apprendrai à agir plus convenablement ; je le corrigerai, je le punirai de sa faute.
Il faut apprendre à vivre à ce sexe volage
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans le Dép. IV, 2
Et qu'enfin, si quelqu'un parlait mal de Teutatès, il lui apprendrait à vivre
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Zadig, 12
Apprendre à vivre, acquérir la connaissance des usages du monde.
Le savoir-vivre, voy. SAVOIR-VIVRE.
17
Sémantique : Fig. Avoir une seconde vie, demeurer dans le souvenir, dans l'affection, en parlant des personnes.
....oui, j'aime mieux, n'en déplaise à la gloire, Vivre au monde deux jours que mille ans dans l'histoire
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Princ. d'Él. I, 2
Il [Alexandre] vit dans la bouche de tous les hommes, sans que sa gloire soit effacée ou diminuée depuis tant de siècles
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans la Vallière.
Ô prince, le digne sujet de nos louanges et de nos regrets, vous vivrez éternellement dans ma mémoire
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Louis de Bourbon.
Si l'espoir de régner et de vivre en mon coeur Peut de son infortune adoucir la rigueur
de Jean RACINE dans Bérén. III, 1
Quel homme d'État osera se répondre de vivre dans l'histoire, quand on voit des médailles de plusieurs rois dont les noms ne se trouvent dans aucun historien ?
de Charles Pinot, sieur DUCLOS dans Consid. moeurs, 5
Combien d'années Caton a-t-il vécu ? Caton vit encore, il s'adresse à nous, il s'adresse à nos neveux, il a laissé le modèle impérissable de l'homme vertueux
de SÉNÈQUE dans dans DIDER. Claude et Nér. II, 34
Il se dit des choses dans le même sens.
Ce cantique portera contre eux un témoignage, qui vivra dans la bouche de leurs enfants sans qu'il puisse jamais être effacé
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Deutéron. XXXI, 21
Quoi ! tu crois, cher Osmin, que ma gloire passée Flatte encor leur valeur, et vit dans leur pensée ?
de Jean RACINE dans Bajaz. I, 1
Et qu'à jamais mon nom vive dans leur mémoire
de Jean RACINE dans Esth. III, 7
Leurs usages, leurs lois, leurs noms vivent encore
de Jacques DELILLE dans Én. v.
Cet ouvrage vivra, il passera à la postérité.
Les mauvais ouvrages ne vivent pas longtemps, ils tombent bientôt dans l'oubli.
18
Vive, vivent, expression qu'on emploie pour indiquer qu'on souhaite longue vie et prospérité à quelqu'un.
Vive le roi ! Il s'élève un grand bruit, et mille cris confus Ne laissent discerner que Vive Héraclius !
de Pierre CORNEILLE dans Héracl. v, 7
Le temps vient, dit le Seigneur, qu'on ne dira plus à l'avenir : Vive le Seigneur, qui a tiré les enfants d'Israël de l'Égypte ; mais Vive le Seigneur, qui a tiré les enfants d'Israël de la terre d'aquilon
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Jérémie, XVI, 15
Le sage dit selon les gens : Vive le roi ! Vive la ligue !
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. II, 5
Au moment où il arriva à l'Académie, il trouva plus de deux mille personnes dans la cour du Louvre, qui criaient en battant des mains : Vive M. de Voltaire !
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Lett. au roi de Pr. 1 juil. 1778
Les soldats prenaient le pas de course ; les tambours battaient la charge ; l'air retentissait des cris mille et mille fois répétés : En avant ! en avant ! Vive la république !
de GÉNÉRAL FOY dans Guerre de la Péninsule, I
Sémantique : Par extension. Vive le roi, cri de ralliement des royalistes.
On dit de même : Vivent les braves !
Vive la liberté ! ma main brise vos fers
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans M. de Cés. III, 7
Vive le vainqueur, disent leurs habitants à l'exemple des Italiens, passant et repassant d'un joug à l'autre dans une seule campagne
de Guillaume Thomas, abbé RAYNAL dans Hist. phil. XIV, 48
Il se dit familièrement pour marquer qu'on estime quelqu'un, qu'on fait grand cas de quelque chose.
Vive le vin ! Vivent les sots pour donner de l'esprit !
de Jean de LA FONTAINE dans Comm. l'espr.
Vivent les provinces pour les manières ; on se pique à Paris d'un petit air aisé, qui est la grossièreté même
de Philippe Néricault DESTOUCHES dans Fausse Agnès, I, 7
Vivent les grands esprits pour former les grands coeurs !
de Alexis PIRON dans Métrom. v, 2
Malgré tout le jargon de la philosophie, Malgré tous les chagrins, ma foi, vive la vie !
de Jean-Baptiste Louis GRESSET dans Sidney, III, 5
Où je ne vois pas de profit, je veux au moins du plaisir ; et vive la joie !
de Pierre Augustin Caron de BEAUMARCHAIS dans Barb. de Sév. III, 5
Nature : Substantivement. Un vive-la-joie, un homme joyeux, sans souci.
Vive Dieu ! sorte d'affirmation tirée de l'Écriture sainte.
Vive Dieu ! ah ! j'ai pitié de votre aveuglement : je veux ôter de dessus votre dos ce fardeau qui vous accable, et mettre devant vos yeux cette vérité qui vous éclaire
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Sermons, Vaines excus. des péch. 2
Si je les rencontre demain, vive Dieu ! ils verront ce qui leur arrivera
de Alain René LESAGE dans Gil Blas, v, 1
19
Qui vive ? voy. QUI-VIVE.
Vivre se conjugue avec l'auxiliaire avoir.
20
Il s'emploie quelquefois activement, avec le mot vie ou un nom de temps pour régime.
Cette distance infinie que vos crimes avaient mise entre le Seigneur et vous, et que des siècles de pénitence, quand vous les auriez vécus, n'auraient pu remplir eux-mêmes
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Confér. Jubilé.
Beaucoup n'auront vécu leur vie chétive....
de É. LITTRÉ dans Revue de la philosophie positive, t. IV, p. 319
21
Le vivre, l'état d'être en vie.
Ô douce volupté, sans qui dès notre enfance Le vivre et le mourir nous deviendraient égaux
de Jean de LA FONTAINE dans Psyché, II, p. 215
En sorte que [suivant les casuistes] le simple vivre est plus malaisé que le bien vivre [la bonne conduite]
de Blaise PASCAL dans Prov. IX
Manière de vivre.
Je pense, quant à moi, que cet homme fut ivre, Qui changea le premier l'usage de son vivre, Et, rangeant sous ses lois les hommes écartés, Bâtit premièrement et villes et cités
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat. VI
On est nourri, vêtu, logé bien mieux qu'on ne l'était, et les moeurs s'améliorent avec le vivre physique
de Paul Louis COURIER dans Lett. VI
Donner aux soldats pour le bien vivre, se disait d'une certaine somme qu'on donnait aux soldats dans les garnisons, pour les obliger à ne rien exiger de leurs hôtes au delà de ce que prescrivaient les ordonnances.
22
Vivre s'est dit pour usage du monde.
Oh ! madame, M. le chevalier sait trop bien son vivre
de Florent Carton, sieur d'Ancourt, dit DANCOURT dans le Chevalier à la mode, III, 6

PROVERBES

1
Exemple : On ne sait qui meurt ni qui vit, il faut mettre ses affaires, sa conscience en ordre, pour être préparé à la mort.
2
Exemple : Qui vit à compte, il vit à honte.
3
Exemple : Qui plus vit, plus a à souffrir.
4
Exemple : Qui a honte de manger, a honte de vivre.
5
Exemple : Assez jeûne qui pauvrement vit.
6
Item il faut vivre, la nécessité de pourvoir à sa subsistance fait faire bien des choses qu'on ne ferait pas autrement et qu'on doit excuser.
7
Exemple : S'il vit, il aura de l'âge, se dit pour exprimer qu'un enfant, un jeune homme avec l'âge acquerra de l'expérience.
8
Il faut que tout le monde vive, il faut permettre à chacun de pourvoir à son existence, à ses goûts.
Ceux qui ont des organes grossiers cherchent des plaisirs où l'âme n'entre pour rien ; et ceux qui ont un sentiment plus délicat, veulent des plaisirs plus fins ; il faut que tout le monde vive
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Rem. Pens. Pascal, 58
9
Exemple : Le prêtre vit de l'autel, se dit quand on veut faire entendre que chacun vit de son métier.
Suivant le dire d'un ancien, il faut manger pour vivre, et non pas vivre pour manger
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Avare, III, 5
10
Exemple : Cet enfant a trop d'esprit, il ne vivra pas, se dit pour se moquer des enfants trop précoces, d'après cette opinion que la précocité est un danger.
Quand ils ont tant d'esprit, les enfants vivent peu
de Casimir DELAVIGNE dans Enfants d'Édouard, I, 2

REMARQUE

1
1. Il faut dire : les années qu'il a vécu, et non qu'il a vécues. En effet années n'est pas complément direct de vivre ; mais il faut entendre les années pendant lesquelles il a vécu. Ainsi vivre un long temps, c'est vivre pendant longtemps.
2
2. Dans le XVIIe siècle, l'usage et les grammairiens n'étaient pas fixés sur la forme du prétérit : je vécus ou je véquis, et de l'imparfait du subjonctif : je vécusse ou je véquisse.
La corruption de la raison parait par tant de différentes et extravagantes moeurs ; il a fallu que la vérité soit venue, afin que l'homme ne véquît plus en soi-même
de Blaise PASCAL dans Pens. XXV, 90, éd. HAVET.
Jamais prince ne véquit si bien dans son domestique
de Esprit FLÉCHIER dans Hist. Théodose, IV, 80
Ce fameux conquérant, ce vaillant Sésostris, Qui jadis en Égypte, au gré des destinées, Véquit de si longues années, N'a vécu qu'un jour à Paris
de Jean RACINE dans Épigr. sur le Sésostris de Longepierre
3
3. À la première personne du présent de l'indicatif, Malherbe a dit : je vi au lieu de je vis.
Le peu qu'ils ont vécu leur fut grand avantage, Et le trop que je vi ne me fait que dommage
de François de MALHERBE dans I, 4

HISTORIQUE

1
XIe s.
E s'il ne volt [veut], ou s'il ne vist....
dans Lois de Guill. 45
Quant tu es mors, dolur est que je vif
dans Ch. de Rol. CXLIX
2
XIIe s.
Se Deu plaist et je vif, je vous metrai à mal
dans Ronc. p. 193
Bien [je] cuidai vivre sans amour Dès ore en pais tout mon aé [âge]
dans Couci, III
Puis fu morte la dame, ne vesqui que six ans
dans Sax. v
Gardez bien ces messages [ces messagers] ; car lor vivres ert cors [sera court]
dans ib. XXVII
Li bieneurous Job viscat entre les felons
dans Job, p. 441
3
XIIIe s.
Ne vivoit que de pain et d'eve au samedi
dans Berte, LIX
Tout aussi com d'un enfant qui, quant on le trouve de bon engien, si dist on que il ne vivra mie long tans
dans Hist. litt. de la Fr. t. XXIII, p. 725
Ce est par une tel nature que tozjors li maindres [le moindre] est viande dou graignor [du plus grand] ; et ainsi li uns vit de l'autre
de Brunetto LATINI dans Trésor, p. 183
L'amor des freres est aussi comme amor de compaignons, por ce que il sont vesqu et norri ensemble
de Brunetto LATINI dans ib. p. 314
Povreté fait homme despire Et haïr et vivre à martire, Et tolt au sage neis [même] le sen
dans la Rose, 8026
Si sai ge bien certainement Que, se loial amor ne ment, Se vous vivez et je morroie, Tousjors en vostre coeur vivroie
dans ib. 8182
Le prelat qui le corone, et toz les autres dient en latin par trois fois : Vive le roi en bone prosperité
dans Ass. de Jér. I, 30
La maniere de leur vivre estoit tele ; car il ne mangoient point de pain, et vivoient de char et de let
de Jean, PRINCE DE JOINVILLE dans 264
Les orges, et les ris, et tout ce de quoy en peut vivre
de Jean, PRINCE DE JOINVILLE dans 216
Le comte de Bretaingne a pis fait au roy que nul homme qui vive
de Jean, PRINCE DE JOINVILLE dans 203
4
XIVe s.
Et dit li uns à l'autre à la fois et souvent : Vive ce Bertran, vive, qui regne tellement !
dans Guesclin. 18073
5
XVe s.
Nous n'avons qu'un petit vivre
de Jean FROISSART dans Espinette amour.
Donc dirent ils que ils vouloient que il vesquisist, car il estoit trop durement bel
de Jean FROISSART dans II, III, 27
Il faut, qui veut vivre en ce monde et avoir honneur, avoir du bien et du mal
de Jean FROISSART dans II, II, 218
Aussi en y a maint de ceauls [ceux] Qui gourmandent, boivent, manguent Sans faim, sans soif, si se tuent, Et veulent vivre pour mangier, Non manger pour vie allongier
de Eustache DESCHAMPS dans Poésies mss. f° 473
En pillant et robbant nostre pauvre peuple, se vivent sur iceluy en degastant leurs biens, et font plusieurs autres grans dommaiges, maulx et excès
de Enguerrand de MONSTRELET dans t. I, ch. 106, p. 176, dans LACURNE
Lyonnel mon cousin vit, ce m'est advis, d'amours ; car il ne luy souvient de manger
dans Perceforest, t. II, f° 97
[Louis XI] en sa jeunesse, et vivant le roy Charles septiesme son pere, se y vint retirer
de Philippe de COMMINES dans v, 9
6
XVIe s.
Les artisans vivans de leurs bras
de Jacques AMYOT dans Solon, 60
Il vescut toute sa vie en très estroitte pauvreté
de Jacques AMYOT dans Arist. 1
Ainsi vescut il, comme Nestor, presque trois aages d'homme
de Jacques AMYOT dans Caton, 31
Encore la laissa il [Athènes] libre, franche et vivante à ses loix
de Jacques AMYOT dans Sylla et Lysand. 10
Nous vivons, mon Belleau, une vie sans vie
de Pierre de RONSARD dans 815
L'homme ne vit pas tant de l'air tiré des cieux, De pain, de vin, de feu....
de Pierre de RONSARD dans 904
Assez sçait qui vivre sçait
de GÉNIN. dans Récréat. t. II, p. 234
Je veux mal aux destins dont les loix adversaires M'ont si tard fait sentir vostre aimable rigueur ; Le tans vescu devant ne m'estoit que langueur
de Philippe DESPORTES dans Cléonice, LXVIII
Il vesquit jusques à la la mort, en despit des envieux
de François RABELAIS dans Garg. 1, 21
Nul ne vit plus desordonnément, que celui qui vit à soy, et ne pense qu'à son profit
de Jean CALVIN dans Instit. 313
C'estoit ores, c'estoit qu'à moy je devois vivre, Sans vouloir estre plus que cela que je suis
de Joachim DU BELLAY dans VI, 13, recto.
Mais il n'a pleu aux dieux me permettre de suivre Ma jeune liberté, ny faire que depuis Je vesquisse aussi france de travaux et d'ennuis....
de Joachim DU BELLAY dans VI, 13, recto.
Leur vivre solitaire
de Joachim DU BELLAY dans VI, 35, recto.
Tout oeuvre qui doit vivre, il a dès sa naissance Un daemon qui le guide à l'immortalité
de Joachim DU BELLAY dans VI, 38, verso.
L'homme est né pour une meilleure fin que pour vivre, c'est pour bien vivre
de Francois LANOUE, dit Lanoue Bras de Fer dans 116
Ils [les vaudois] vesquirent sans persecution sous les ducs de Savoye
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans Hist. I, 68
La belle moitié de leur vie, ils [Annibal et Scipion] la vescurent de la gloire acquise en leur jeunesse
de Michel de MONTAIGNE dans I, 408
J'ay vescu en assez bonne compaignie pour n'ignorer pas...
de Michel de MONTAIGNE dans I, 52
Le longtemps vivre
de Michel de MONTAIGNE dans 84
Cicero disoit que, quand il vivroit la vie de deux hommes...
de Michel de MONTAIGNE dans I, 179
Adorant un Dieu qui vesquit aultrefois homme
de Michel de MONTAIGNE dans II, 336
Vive liberté
de Étienne de LA BOÉTIE dans Servit. volont.

ÉTYMOLOGIE

1
Prov. viure, vieure ; catal. viurer ; esp. vivir ; portug. viver ; ital. vivere ; du latin vivere ; comparez le grec vie ; le gaél. beo, vivant ; kimry, byw, vivant ; sanscr. jiv, vivre. Le wallon dit viké ; au XIIe siècle on trouve une forme viscat.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
Le long vivre, l'action de vivre longtemps.
C'est un malheur du trop long vivre
de François René CHATEAUBRIAND dans Mém. d'outre-tombe, éd. de Bruxelles, t. VI, M. Thiers.

Synonymes de VIVRE

Termes proches de VIVRE

Phonétiquement proche de VIVRE