Définition de PAIN

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Prononciation : pin ; l'n ne se lie pas : pain au lait ; au pluriel, l's se lie : des pain-z au lait. Au XVIe siècle

DÉFINITIONS

1
Aliment fait de farine pétrie et cuite. Pain tendre. Pain rassis.
Il vous a donné pour nourriture la manne, qui était inconnue à vous et à vos pères, pour vous faire voir que l'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Deut. VIII, 3
Pourquoi nous reprocher sans cesse que nous renversons la nature, et qu'un corps ne peut être en plusieurs lieux, ni nous être donné tout entier sous la forme d'un petit pain ?
Je crains que vous ne fassiez pas bien le pain d'orge ; personne ne s'en accommode en potage ; j'en ai mangé avec du froment, qui est très bon
Après avoir au Dieu qui nourrit les humains De la moisson nouvelle offert les premiers pains
Le ministre Colbert avait vu le temps de la Fronde, temps où la livre de pain se vendit dix sous et davantage dans Paris et d'autres villes
Un soldat osa présenter au roi avec murmure, en présence de toute l'armée, un morceau de pain noir et moisi, fait d'orge et d'avoine, seule nourriture qu'ils [les Suédois en Ukraine] avaient alors.... le roi reçut le morceau de pain sans s'émouvoir, le mangea tout entier, et dit ensuite froidement au soldat : Il n'est pas bon, mais il peut se manger
Avant le seizième siècle, plus de la moitié du globe ignorait l'usage du pain et du vin ; une grande partie de l'Amérique et de l'Afrique orientale l'ignore encore ; et il faut y porter ces nourritures pour y célébrer les saints mystères de notre religion
On ne mangea dans Paris que du pain bis pendant quelques mois (en 1709) ; plusieurs familles, à Versailles même, se nourrirent de pain d'avoine ; Mme de Maintenon en donna l'exemple
Si les habitants voluptueux des villes savaient ce qu'il en coûte de travaux pour leur procurer du pain, ils en seraient effrayés
Le reste du petit-lait que l'on a mis en réserve sert à amollir le sec et grossier pain d'avoine qui est la principale nourriture du pauvre paysan savoyard
de SAUSSURE dans Voy. Alpes, t. I, p. 344, dans POUGENS
Pour faire de bon pain et le plus sain, le blé doit être vieux et bien sec
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Maison rust. t. II, p. 69, dans POUGENS
Le pain de pommes de terre est composé de moitié amidon et moitié pulpe, d'un demi-gros de sel par livre de mélange
L'homme prend tous les jours entre trois et quatre grammes de phosphate calcaire dans la quantité de pain qui fait sa nourriture la plus abondante
de FOURCROY dans Connaiss. chim. t. x, p. 404. dans POUGENS
Dans presque toute la France, l'habitant ne vit que de pain ; et, cette nourriture exigeant une quantité très volumineuse pour opérer la satiété, et d'autant plus volumineuse qu'elle est d'une qualité plus inférieure, ce n'est pas évaluer trop haut la consommation journalière à trois livres pour l'homme qui travaille
de TOULONGEON dans Instit. Mém. scienc. mor. et pol. t. III, p. 109
Le Russe.... Las de pain noir et de gland, Veut manger notre pain blanc
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Gaulois.
La peine infligée au boulanger qui vole le pain du pauvre doit être au moins égale à la peine du pauvre qui vole le pain du boulanger
de ALPH. KARR dans les Guêpes, 2 sept. 1840
Pain anglais, nom que porte à Paris un pain très blanc et très poreux.
Petit pain, voy. PETIT.
Pain second, nom, dans quelque provinces, d'un pain légèrement bis et qui vient immédiatement après le pain blanc.
Pain de Gonesse, pain blanc renommé que les boulangers de Gonesse apportaient à Paris.
On sait que le pain de Gonesse a été longtemps en grande réputation ; à la vérité, il était fort blanc, mais épais et massif ; d'ailleurs il se séchait aisément ; ce qui fut cause qu'on s'en dégoûta
de SAINT-FOIX dans Ess. Paris, Oeuv. t. III, p. 363
Pain mollet, sorte de petit pain blanc qui est léger et délicat.
L'écume de bière qu'ils détrempent avec de la farine pour en faire le pain mollet
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Maison rust. t. II, p. 71, dans POUGENS
Pain de rive, voy. RIVE.
Pain de munition, pain qu'on fabrique pour les soldats.
Ils vont faire la guerre au pain, se dit de gens qui rentrent affamés au logis.
Il mange son pain dans sa poche ou dans son sac, se dit d'un avare ou d'un homme qui vit retiré.
Il ne mange pas son pain dans sa poche, c'est-à-dire il est dépensier, généreux.
C'est un grivois qui ne mange pas son pain dans sa poche
de CARMONTELLE dans Prov. l'Écriv. des charniers, sc. 11
Il ne vaut pas le pain qu'il mange, se dit d'un fainéant, de quelqu'un d'inutile.
Il sait son pain manger, il sait plus que son pain manger, se dit d'un homme habile, qui a voyagé, qui a été de plusieurs conditions.
Gens qui savent leur pain manger, Savent bien aussi le défendre
Il mange son pain blanc le premier, se dit d'un enfant, d'un homme qu'on prévoit ne devoir pas être toujours dans une condition aussi heureuse que celle où il est présentement.
Bénissant Dieu qui ne leur avait pas fait manger leur pain blanc le premier
de Jean RACINE dans 1re lett. à l'aut. des Imag.
Sémantique : Fig. Manger son pain à la fumée du rôt, ou, simplement, à la fumée, être témoin des plaisirs d'autrui sans y prendre part.
Il a mangé plus d'un pain, il a couru le monde.
Sémantique : Fig. Manger de plus d'un pain, user de variété, ne pas toujours puiser à la même source.
Boccace n'est le seul qui me fournit.... Il est bien vrai que ce divin esprit Plus que pas un me donne de pratique ; Mais, comme il faut manger de plus d'un pain, Je puise encore en un vieux magasin
de Jean de LA FONTAINE dans Servante.
Sémantique : Fig. Ne manger que d'un pain, n'avoir aucune variété.
C'est une étrange chose, que d'être obligé de ne manger que d'un pain, l'on s'en ennuie à la fin
Sémantique : Fig. Pain dérobé, plaisir qu'on obtient en cachette et par une sorte de vol.
En l'amoureuse loi, Pain qu'on dérobe et qu'on mange en cachette Vaut mieux que pain qu'on cuit et qu'on achète
de Jean de LA FONTAINE dans Troqueurs.
Pain dérobé réveille l'appétit
de DUCERCEAU dans Poésies, Nouvelle ève.
Il a du pain, quand il n'a plus de dents, se dit d'un homme à qui le bien arrive quand il est vieux.
C'est du pain bien long, c'est une entreprise de longue durée.
C'est du pain bien dur, c'est une condition fâcheuse où le besoin force à rester.
Ce monsieur Jaquillart me fait manger un pain bien dur
de Louis-Benoît PICARD dans Maison en loterie, SC. 6
Long comme un jour sans pain, se dit d'une chose qui ennuie mortellement.
Au bout d'une demi-heure, qui me parut longue comme un jour sans pain
de COMTE DE CAYLUS dans (GROSLEY), etc. Écosseuses, Oeuv. t. x, p. 530, dans POUGENS.
Il est bon comme le bon pain, comme du bon pain, se dit d'un homme bon et doux.
Il promet plus de beurre que de pain, se dit de quelqu'un qui promet plus qu'il ne veut tenir.
On l'a donné pour un morceau de pain, se dit de quelque chose de valeur vendu très bon marché.
Mme la princesse de Conti eut Champ pour une pièce de pain qu'elle donna à la Vallière
Ils ont donné pour un morceau de pain telle composition que nous offririons inutilement de couvrir d'or
Il y a là un morceau de pain à manger, c'est un ouvrage, une entreprise profitable.
Pain sec, punition qu'on infligeait dans les colléges, et qui consistait à ne donner au délinquant que du pain pour son repas.
Mettre au pain et à l'eau, se dit d'une punition dans laquelle on ne donne au délinquant que du pain et de l'eau pour toute nourriture.
Alors qu'ont fait les druides [les inquisiteurs] ? ils ont fait condamner le vieux philosophe [Galilée] à jeûner au pain et à l'eau....
Sémantique : Fig.
Je vois d'ici la tranquillité où vous étiez à Lambesc toute seule, pendant que votre cour se reposait avec le pain et l'eau de la paresse
Sémantique : Populairement. Faire passer, faire perdre le goût du pain, tuer.
2
Sémantique : Par extension, la nourriture de chaque jour.
Chaque jour amène son pain
Ne te plains pas que Dieu te maltraite en te refusant toutes ces délices ; mon cher frère, n'as-tu pas du pain ? il ne promet rien davantage ; c'est du pain qu'il promet dans son Évangile, c'est du pain qu'il veut qu'on lui demande
Que le soir dans les bals, le matin dans les temples, Brillantes, on vous voie, une bourse à la main, Demander pour les Grecs des armes et du pain
de P. LEBRUN dans Voy. de Grèce, x, 5
Pain quotidien, expression employée dans l'oraison dominicale pour signifier la nourriture de chaque jour, les besoins journaliers.
J'ai ouï conter qu'on avait fait le procès dans un temps de famine à un homme qui avait récité tout haut son Pater ; on le traita de séditieux, parce qu'il prononça un peu haut : Donnez-nous aujourd'hui notre pain quotidien
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Correspondance, 26 sept. 1770
Sémantique : Fig. Pain quotidien, ce que l'on fait habituellement. Il médit sans cesse, c'est son pain quotidien.
Pain des prisonniers, le pain que l'on distribue journellement aux prisonniers. On condamnait autrefois certains délinquants à payer tant pour le pain des prisonniers.
3
Pain du roi, se disait du pain que le roi donnait pour la nourriture des prisonniers, et qui se prenait sur le fonds des amendes.
La cour envoya Chandenier au château de Loches, au pain du roi comme un criminel
Il a mangé du pain du roi, il a été en prison.
Il a mangé du pain du roi, se disait aussi pour signifier qu'un homme avait été militaire.
om donné au morceau de pâte, avant qu'il soit cuit. Mettre le pain au four.
Pétrissez vite trois mesures, et faites cuire des pains sous la cendre
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Genèse, XVIII, 6
Du pain cuit, du pain qui a subi la cuisson au four.
Sémantique : Fig. Du pain cuit, ouvrage fait d'avance, épargne faite pour l'avenir. Voilà du pain cuit.
Avoir son pain cuit, avoir sa subsistance assurée.
Avoir du pain cuit sur la planche, ou, simplement, avoir du pain sur la planche, avoir de quoi vivre en repos, sans travailler (en Berry, on dit avoir du pain sur l'ais).
Sémantique : Fig. Elle a pris ou emprunté un pain sur la fournée, se dit d'une fille qui a eu un enfant avant de se marier.
Ainsi que vous pleine d'enseignements, Oricène [la maîtresse d'Amadis] prêchait, faisant la chatte-mitte ; Après mille façons, cette bonne hypocrite, Un pain sur la fournée emprunta, dit l'auteur : Pour un petit poupon l'on sait qu'elle en fut quitte
de Jean de LA FONTAINE dans Oeuvres diverses, Ballade sur les romans (1667)
Pain sans levain, ou pain azyme, pain que les Juifs mangeaient en faisant la pâque.
Vous mangerez des pains sans levain pendant sept jours
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Exode, XII, 15
4
Pain de proposition, se dit des douze pains qui étaient offerts à Dieu dans l'ancienne loi les jours de sabbat, et dont les prêtres et les lévites avaient seuls droit de manger.
Comme il [David] entra dans la maison de Dieu, et mangea des pains de proposition, dont il n'était permis de manger ni à lui, ni à ceux qui étaient avec lui
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Évang. St Math. XII, 4
Pain d'affliction, pain que les Juifs mangeaient en souvenir de leur sortie d'Égypte.
Vous ne mangerez point pendant cette fête de pain avec du levain ; mais pendant sept jours vous mangerez du pain d'affliction où il n'y ait point de levain, parce que vous êtes sortis de l'Égypte dans une grande frayeur
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Deutéron. XVI, 3
En style mystique, pain de douleur, le temps qu'on passe dans l'affliction.
Le Seigneur vous donnera du pain de douleur et de l'eau d'affliction
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans ib. Isaïe, xxx, 20
Tu ne mangeras qu'un pain de douleur, c'est-à-dire un pain que tes sueurs auront détrempé, avant qu'il puisse être employé à ta nourriture
de Louis BOURDALOUE dans Dim. de la septuagés. Dominic. t. I, p. 339
On dit de même : un pain de larmes.
Jusqu'à quand vous nourrirez-vous d'un pain de larmes ?
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Psaume LXXIX, 6
Pain d'amertume, chose qui afflige.
La vérité n'est plus pour eux qu'un pain d'amertume
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Dégoûts.
En style de procédure ecclésiastique, être condamné au pain de douleur, être condamné au pain et à l'eau.
5
Pain bénit, pain que le prêtre bénit, et qu'on coupe par morceaux pour le distribuer aux fidèles durant une messe solennelle. Un morceau, un chanteau de pain bénit.
Rendre le pain bénit, donner à l'église le pain qui doit être bénit ; aller présenter ce pain à l'offrande.
Il rendit le pain bénit d'une manière solennelle
J'oubliais de vous dire que Mlle Clairon a déjà rendu le pain bénit, voilà ce que c'est que de quitter le théâtre
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Lett. à Voltaire, 13 juin 1766
Sémantique : Fig. C'est pain bénit, se dit d'une disgrâce qui arrive à quelqu'un qui l'a bien méritée.
[Tromper] C'est conscience à ceux qui s'assurent en nous ; Mais c'est pain bénit, certe, à des gens comme vous
Ils disent que c'est pain bénit de venir ronger un homme de robe à la campagne, et qu'à Paris c'est vous qui rongez les autres
de Florent Carton, sieur d'Ancourt, dit DANCOURT dans Maison de camp. SC. 21
6
Nom que l'on donne quelquefois à l'hostie.
Pain céleste, pain des anges, pain de l'âme, l'eucharistie.
Le sacrement auquel nous participons dans la communion, est le pain de l'âme et son aliment
de Louis BOURDALOUE dans Serm. 23e dim. après la Pentecôte, Dominic. t. IV, p. 412
Sémantique : Fig. Pain du ciel, pain de vie, Jésus-Christ et sa doctrine.
Nos pères ont mangé la manne dans le désert, selon ce qui est écrit : Il leur a donné à manger le pain du ciel
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Év. St Jean, VI, 31
Le pain de Dieu est celui qui est descendu du ciel, et qui donne la vie au monde
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans ib. VI, 33
Jésus leur répondit : Je suis le pain de vie ; celui qui vient à moi n'aura point de faim
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans ib. VI, 35
Demandons-lui que chaque jour il nous fournisse le pain qui doit entretenir la vie de nos âmes, le pain de sa grâce, ce pain supersubstantiel, pour me servir de l'expression même de l'Évangile
de Louis BOURDALOUE dans 5e dim. après Pâq. Dominic. t. II, p. 203
Pain de la parole de Dieu, ou, simplement, pain de la parole, enseignement des vérités morales et religieuses.
Le devoir de Brousson était de distribuer le pain de la parole à ses frères
Le pain des forts, les vérités de la religion chrétienne.
Ah ! si nous ne sommes infatigables à instruire, à reprendre, à consoler, à donner le lait aux infirmes et le pain aux forts
Le pain qu'on y distribue est la force des forts
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Avent, Disp.
Je crus voir devant moi Un de ces champions des vérités nouvelles Que les anges de Dieu servaient, couvaient des ailes, ....nourris déjà du pain caché du fort
Sémantique : En termes de l'Écriture, il ne faut pas donner aux chiens le pain des enfants, c'est-à-dire il ne faut pas communiquer les choses saintes aux personnes profanes.
7
Sémantique : Fig. Subsistance. Gagner son pain.
Elle a considéré les sentiers de sa maison, et elle n'a point mangé son pain dans l'oisiveté
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Prov. de Salom. XXXI, 27
Une erreur qui donne du pain à tant de personnes
C'est le pain de ses enfants qu'il a joué
Vous serez heureux dans cette maison, et vous y gagnerez du pain pour le reste de vos jours
Les soldats se firent mahométans pour avoir du pain
Il est vrai que, faible, infirme, découragé, je reste à peu près sans pain sur mes vieux jours et hors d'état d'en gagner
Cette entreprise doit m'assurer du pain, sans lequel il n'y a ni repos ni liberté parmi les hommes
Quand, cessant de pourvoir à ma subsistance, elle verrait le pain prêt à lui manquer
Le pauvre aime mieux du pain que la liberté
Mme Hébert : Ah ! monsieur, c'est le garçon le plus honnête ! - Sophie : C'est un malheureux qui gagne son pain comme nous, et qui a uni sa misère à la nôtre
Et que ne fait-on pas des hommes avec de l'honneur et du pain !
Manger le pain de quelqu'un, recevoir de lui de quoi vivre.
Ceux qui mangent son pain le trompent par leurs discours
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Ecclésiast. XX, 18
On jugea que c'était un serviteur ingrat et malhonnête qui décriait celui dont il avait longtemps mangé le pain
de VOYER dans MARQUIS D'ARGENSON, Mém. p. 247, dans POUGENS
Je mangerais volontiers avec elle le pain qu'elle aurait gagné, jamais celui qu'elle aurait reçu ; j'en appelle sur ce point à son témoignage
Manger le pain de quelqu'un, signifie aussi être à son service comme domestique.
Ôter le pain, faire perdre les moyens de subsister.
La perte de ce procès ôte le pain à vous et à vos enfants
Champagne, au sortir d'un long dîner qui lui enfle l'estomac, et dans les douces fumées d'un vin d'Avenay ou de Sillery, signe un ordre qu'on lui présente, qui ôterait le pain à toute une province, si l'on n'y remédiait
de Jean de LA BRUYÈRE dans VI
Ôter à quelqu'un le pain de la main, même sens.
Je n'avais qu'un héritage ; on me l'a brûlé ; ah ! l'on m'ôte le pain des mains
S'ôter le pain de la bouche pour quelqu'un, se priver du nécessaire afin de lui fournir de quoi vivre.
Mettre le pain à la main, fournir le pain qui fait vivre.
Pourquoi donc, reprit le roi, avez-vous battu ce pauvre laboureur qui vous met le pain à la main !
de SAINT-FOIX dans Oeuv. t. III, p. 307, dans POUGENS
Sémantique : Fig. Mettre le pain à la main de quelqu'un, être la première cause de sa fortune.
Sémantique : Fig. Tremper son pain de ses larmes, vivre dans une componction continuelle.
Ancien terme de droit. Être en pain de père et de mère, être soumis à la puissance paternelle.
Dans le langage général, être au pain de quelqu'un, recevoir de lui un salaire pour quelque emploi.
Qu'est-ce qu'un citoyen de Genève qui se dit libre, et qui va se mettre au pain d'un fermier général ?
8
Pain de chien, pain grossier destiné à la nourriture des chiens.
Pain de cretons, voy. CRETONS.
Sémantique : Terme de vénerie. Pain salé, composition d'argile et de sel qu'on fait lécher aux cerfs, aux daims et aux chevreuils, dans les parcs.
9
Pain d'épice, voy. ÉPICE.
Il aime le pain d'épice, se disait d'un juge qui taxait trop haut ses vacations.
Pain d'épice, coquille univalve.
Pain perdu, nom donné en cuisine provinciale, surtout dans la Flandre française, à la brioche frite.
10
Pain aux champignons, aux mousserons, à la crème, sorte de mets fait avec la croûte d'un pain, des champignons, des mousserons, de la crème.
11
Pain à cacheter, petit rond de pain sans levain, dont on se sert pour cacheter les lettres.
Pain d'autel, hostie. On dit aussi : pain à chanter, voy. CHANTER, Nature : v. n. n° 1.
Pain à chanter, se dit aussi du pain à cacheter et d'une espèce de pain qu'on emploie dans les offices, pour couvrir le dessus et le dessous des nougats.
Voltaire a dit en ce dernier sens, pain enchanté.
Mme d'Argental, qui est l'adresse même, coupera le papier avec ses petits ciseaux, et le collera bien proprement à sa place, avec quatre petits pains qu'on nomme enchantés ; vous savez par parenthèse, pourquoi on leur a donné ce drôle de nom
12
Certaines substances mises en masse, et dont la forme est comparée à celle d'un pain. Pain de sucre, pain de bougie, pain de vieux oing, pain de savon, etc. se disent de ces matières préparées sous la forme dans laquelle on les vend.
En pain de sucre, en forme de cône.
Les femmes, sous le règne de Charles VI, étaient coiffées d'un haut bonnet en pain de sucre ; elles attachaient au haut de ce bonnet un voile qui pendait plus ou moins bas selon la qualité de la personne
de SAINT-FOIX dans Ess. Paris, Oeuv. t. IV, p. 115, dans POUGENS
On est surpris de voir cette montagne [le Môle], qui de Genève paraît un pain de sucre, se prolonger dans la direction de la vallée de l'Arve
de SAUSSURE dans Voy. Alpes, t. II, p. 127, dans POUGENS
Pain sacré, morceau de cire bénit qu'on enchâsse dans des reliquaires.
Pain de noix, pain d'olives, masse formée du résidu des noix, des olives, quand on en a extrait l'huile.
Pain de noix est aussi le nom, en quelques provinces, du nougat de noix.
Pain de roses ou chapeau de roses, nom qu'on donne au mare de roses qui reste dans l'alambic, après qu'on en a tiré l'eau, l'huile ou d'autres extraits.
Sémantique : Terme rural. La masse de vendange qui surnage sur la cuve au-dessous du chapeau.
13
Pain d'acier, sorte d'acier qui vient d'Allemagne, différent de celui qu'on nomme acier en bille.
Pain de liquation, alliage de cuivre avec trois fois son poids de plomb, auquel on donne la forme de pains aplatis.
Sémantique : Terme de monnaie. Pain d'affinage, l'argent qui se fixe, en masse plate, dans la coupelle où il a été mis pour l'affiner.
14
Pain de noeuds, morceau, fragment de pierre d'ardoise.
Sémantique : Terme de sculpteur. Masse de terre préparée et corroyée pour modeler.
15
Arbre à pain, le jaquier.
L'arbre à pain sauvage porte des fruits hérissés de grosses pointes.... tandis que l'excellente variété qu'on cultive aux îles des Amis produit des fruits lisses, couverts d'une pellicule très mince
de LABILLARDIÈRE dans Instit. Mém. scienc. phys. et math. sav. étrang. t. I, p. 472
Quand on le cueille avant sa maturité, il a le goût d'artichaut, et on le mange comme du pain
Pain de coucou, alleluia.
Pain-de-hanneton, les fruits de l'orme.
Pain-de-loup, espèce de champignon.
Pain-de-pourceau, voy. CYCLAME.
Pain-de-singe, fruit du baobab.
16
Pain fossile, concrétion calcaire.
Pain ou miche de quatorze sous, masse de strontiane sulfatée.
Pain de corbeau, variété de mica en masse.

PROVERBES

1
Exemple : À mal enfourner on fait les pains cornus ; c'est-à-dire le principal d'une affaire, c'est de la bien commencer.
2
Exemple : Il va à la messe des morts, il y porte pain et vin, se dit d'un homme qui déjeune avant d'aller à la messe.
3
Exemple : Tel pain, telle soupe, c'est-à-dire les choses sont bonnes suivant la matière qu'on y met.
4
Exemple : Pain coupé n'a point de maître, se dit lorsqu'à table on prend le pain d'un autre.
5
Exemple : Liberté et pain cuit, c'est-à-dire on est heureux quand on a du bien et qu'on n'est sujet à personne.
6
Exemple : Pain tendre et bois vert mettent la maison au désert, c'est-à-dire les dépenses mal entendues ruinent les maisons.
7
Exemple : Le pain d'autrui est amer, c'est-à-dire il est pénible de tenir d'un étranger sa subsistance.

HISTORIQUE

1
XIIe s.
As esquiers serai comme mendiz, Por aigue boivre ne por mengier pain bis
dans Raoul de C. 204
Uns huem [un homme], fait lur li reis, qui a mun pain mangié, Qui à ma curt vint povres e mult l'ai eshalcié, Pur mei ferir as denz ad sun talun drescié
dans Th. le mart. 134
2
XIIIe s.
Les sergens seculers qui seroient au pain et sel de Pontegni [nourris par Pontegni]
[Je] N'avoie qu'un cheval qui me trouvoit [gagnoit] mon pain
dans Berte, LXXIII
Sire, tu nos pestras de pain de lermes
dans Psautier, f° 98
Chascun pain d'oint [graisse], s'il poise cinq livres ou plus, doit obole de tonlieu
dans Liv. des mét. 318
Donner m'a mis au pain menu
dans la Rose, 14666
Compaignie se fet.... par solement manoir ensamble à un pain et à un pot
de Philippe de BEAUMANOIR dans XXI, 5
Ly rois Philippe establi que les talemeliers [boulangers] demourans dedens la banlieue de Paris peussent vendre leur pain reboutiz, c'est assavoir leur reffus, si comme leur pain raté, que rat ou soris ont entamé, pain trop dur ou ars ou eschaudé, pain trop levé, pain aliz [trop compacte], pain mestourné, c'est à dire pain trop petit, qu'ilz n'osent mettre à estal
Pain ferez [gauffres], crespes et autres choses
Un denier tournois sur chacun pain de sel, appelé salignon
3
XIVe s.
Une boueste d'yvoire à mettre pain à chanter, garnie d'argent
4
XVe s.
Le marquis lui promettoit [à la reine de Hongrie] qu'il la feroit tenir au pain et à l'eau
Hardi fu, moult de maulx souffri, De froit pain plusieurs fois manga
de Eustache DESCHAMPS dans Miroir de mariage, p. 14
Pourement ay esté peüz ; De pain secont vivoit mon maistre, Et cellui dont me faisoit paistre Fut presque quart, nel vueil noier [nier]
de Eustache DESCHAMPS dans Poésies mss. f° 457
Tel a pou blet [peu de blé], qui a assez pain cuit
de Eustache DESCHAMPS dans ib. f° 36
On dit communement qu'on s'ennuye bien d'ung pain manger
dans le Jouvencel, dans LEROUX DE LINCY, Prov. t. II, p. 494
Faulte de blanc pain faict aulcunes fois manger le brun
dans Perceforest, t. VI, f° 76
Sera tenus le dit fournier de prendre cascun samedi le blé des moeutures des mollins de Corbye pour faire le blanc pain du couvent.... et pour faire pain d'escuier [pain inférieur], on lui delivrera blé des greniers
Deux burettes d'or à mettre le vin et l'eaue à chanter à la chapelle du roy nostre sire
Si je estoye un pauvre home qui allast querir le pain pour Dieu, l'on ne me devroit pas faire ce que l'on me fait
dans Les 15 joyes de mariage, p. 87
5
XVIe s.
Les dits Crouaz sont cruels à la guerre ; car ils tuent tout ce qu'ils peuvent, et ne prennent jamais prisonniers ; aussy on leur a fait de tel pain soupes
dans Lettres de Louis XII, t. I, p. 247, dans LACURNE
Il l'enveloppa si bien qu'il sembloit un petit pain de sucre
Et celui qui ne l'a voulu vendre a esté contraint de faire petit pain (comme on dit) et repaistre ses amis, qui le venoient visiter, de discours d'architecture
Cest entretien ne leur seroit pas baillé pour les engraisser en leurs maisons (car ce seroit, comme on dit, pain perdu)
Enfans mariés sont tenus pour hors de pain et pot, c'est à dire emancipés
de Antoine LOYSEL dans 56
Couleur de pain bis
Pour manger en paix et en seureté le pain de son infidelité
Pain bien levé et bien cuit.... ne trop rassis ne trop tendre.... on leur donnera panade ou pain gratté avec bouillon de chapon
de Ambroise PARÉ dans XXIV, 22
La plus subtile farine pour le pain de la premiere table ; et l'autre pour en faire du pain rousset, avec d'autre farine de segle
de Olivier DE SERRES dans 822
Le pain le plus delicat est celui qu'on appelle pain mollet ; que les boulangers font par souffrance, n'estant permis par la police.... le pain dit bourgeois, et celui nommé de chapitre, suivent le mollet. ....le bourgeois s'esleve plus en rondeur, que celui de chapitre, qui est plus pressé et plus plat.... le bis-blanc suit après ; il est un peu gris ; finalement le bis.... tous lesquels pains faits par boulengers, qu'on nomme estrangers, sont dits, pain-chalan (hor-mis celui de Gonesse) qu'on vend à discretion sans autre police que des places....
de Olivier DE SERRES dans 822
Le pain rousset vient après le blanc, puis le bis, finalement celui des chiens, faisant la quatriesme sorte, qu'on tire du plus grossier des bleds, et des reliefs des farines des autres pains
de Olivier DE SERRES dans 825
Pain de mesnage
de Olivier DE SERRES dans 824
Des potages liés et espés, comme pain gratté, dans lequel aura esté mis un peu d'eau roze
de Olivier DE SERRES dans 928
Pain de pourceau, ceste herbe est ainsi ditte, parce que les pourceaux se repaissent de ses racines, les fouillans dans terre avec affection
de Olivier DE SERRES dans 607
La decoction de la graine de pain-de-coucu
de Olivier DE SERRES dans 931
Faire de pierre pain, comme on dit, c'est là où est la peine
Un serviteur ne se plaint De son pain-gagnant service
de LOYS LE CARON dans Poésies, f° 60, dans LACURNE
À bon goust et faim n'y a mauvais pain
de Antoine LE ROUX DE LINCY dans Prov. t. II, p. 206
À faute de chapon, pain et oignon
Avec du pain et du vin il fera quelque chose [par ironie, il ne peut gagner sa vie]
de Antoine LE ROUX DE LINCY dans ib. p. 207
Au pain et au couteau [être familiers]
de Antoine LE ROUX DE LINCY dans ib. p. 208
Mettre le pain en un four froid
de Antoine LE ROUX DE LINCY dans ib. p. 211
Rendre pain pour fouace [rendre la pareille]
de Antoine LE ROUX DE LINCY dans ib. Nul pain sans peine, ib. p. 358
On se fasche bien de manger pain blanc
de GÉNIN dans Récréat. t. II, p. 246
Quiers-tu meilleur pain que de fourment ?
de Randle COTGRAVE dans
Pain tant qu'il dure, vin à mesure
de ID. dans
Où pain faut, tout est à vendre
de Randle COTGRAVE dans
De tout s'avise à qui pain faut
de ID. dans
Pin [Jean du], theologien, medecin, poete françois et orateur, autres l'appellent du Pain ; mais c'est à l'imitation des Parisiens qui ont ce dialecte ou façon de prononcer pain pour pin
de LACROIX DU MAINE dans Biblioth. p. 258, dans LACURNE

ÉTYMOLOGIE

1
Picard, poin, pan ; wallon, pon, pan ; Basse-Normand. poin ; prov. pan, pa ; port. pão ; ital. pane ; du lat. panis. Dans panis, les étymologistes voient le radical sanscrit pa (a long), nourrir, qui a donné le sanscrit pita, pain, le latin pabulum, pascor.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
Pain de hanneton, nom que les enfants et les gens du peuple donnent aux fruits de l'orme.
2
Pain du pauvre, espèce de potiron qui vient de Valparaiso, Journ. offic. 13 oct. 1874, p. 6997, 3e col.
3
être né avant son pain, se dit d'un orphelin laissé sans ressources.
Coluchon était né avant son pain, comme disent les paysans, c'est-à-dire que le pauvre orphelin restait sans aucunes ressources
de DE CURZON dans Une vie de paysan, dans Bull. de la Société académ. de Poitiers (séance du 4 juin 1873), p. 99
Nous qui sommes nés avec du pain sur la planche, comme on dit à la campagne, nous ne nous rendons pas compte des poignantes difficultés que doit résoudre pour subsister l'homme qui est né avant son pain
de DE CURZON dans ib.

Synonymes de PAIN

Phonétiquement proche de PAIN