Définition de GAGNER
Prononciation : ga-gné
DÉFINITIONS
1
Sémantique : Terme de chasse, dans lequel seul le sens étymologique est resté. Paître, en parlant des animaux de chasse. À la tombée du jour, le lapin sort du bois et vient gagner.2
Tirer un profit en général, par une extension du profit particulier que fournissent les pâturages et l'agriculture.J'ai vu dans le palais une robe mal mise Gagner gros....
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VII, 15
....Or çà, sire Grégoire, Que gagnez-vous par an ?
de Jean de LA FONTAINE dans ib. VIII, 2
Il faut bien que l'homme vive de ce qu'on lui donne, quand il ne peut pas vivre de ce qu'il gagne
On voit, dans nos campagnes, des gens qui, ne gagnant rien, dépensent gros, étrangers, inconnus
de Paul Louis COURIER dans Gaz. du village, n° 4
Nature : Absolument.
Je suis pauvre, ajouta-t-elle ; et c'est à moi beaucoup perdre que de ne gagner pas
de Paul SCARRON dans Rom. com. I, 22
On hasarde de perdre en voulant trop gagner
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VII, 4
Prenez garde que l'avarice gagne peu, et qu'elle se déshonore beaucoup
Gagnez le plus que vous pourrez, surtout n'ayez pas deux prix
On se rappelait que, dans une pareille position, Pierre 1er, en sacrifiant dix Russes contre un Suédois, avait cru non-seulement ne faire qu'une perte égale, mais même gagner à ce terrible marché
de Philippe de SÉGUR dans Hist. de Nap. IX, 3
Gagner de l'argent, devenir possesseur de sommes d'argent par un travail, par des entreprises, etc.
Assurer par le travail. Gagner sa vie en travaillant à la terre.
Nature : Absolument. Gagner sa vie, gagner de quoi vivre en travaillant.
Pour gagner sa vie sans avoir besoin de personne
Mon métier est de tuer et d'être tué pour gagner ma vie
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Babouc.
On dit de même gagner son pain à la sueur de son corps, à la sueur de son front.
3
Acquérir, au jeu, la possession de quelque chose. Gagner cent louis. Gagner à la loterie. Gagner un lotSémantique : Fig.
Gagner son âme, par opposition à la perdre Le Fils de l'homme viendra pour rendre à chacun selon ses oeuvres ; ce qui montre que son intention est qu'on veuille gagner son âme, en sorte que le salut nous est proposé comme un motif qui nous presse à ce nécessaire renoncement [du monde]
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans 4e écrit, II, 32
Gagner les cartes, faire une ou plusieurs levées de plus que son adversaire.
Gagner quelqu'un, avoir l'avantage sur lui dans les parties de jeu. J. J.
Rousseau, qui me gagnait toujours aux échecs, me refusait un avantage qui rendît la partie égale
Nature : Absolument.
On prend plaisir à gagner à toutes sortes de jeux, même sans avarice, et l'on n'aime point à perdre
de NICOLE dans Ess. de mor. 1er traité, ch. 1
S'il est rare de trouver un homme qui sache perdre, combien il est plus rare d'en trouver un qui sache gagner !
Jouer à qui perd gagne, convenir que le gain de la partie sera pour celui qui la perdra.
On disait autrefois : jouer au coquimbert où qui gagne perd
de LEROUX dans Dict. comique.
Sémantique : Fig. Jouer à qui perd gagne, se dit lorsqu'un désavantage apparent procure un avantage réel.
Telle carte gagne, signifie que celui qui a cette carte gagne ce qu'on a mis dessus.
Aux loteries, tel billet, tel numéro gagne, un lot est échu à tel billet, à tel numéro.
Sémantique : Terme de jeu de paume. Au dernier la balle la gagne, il faut, pour gagner la chasse, mettre la balle au dernier, c'est-à-dire au plus près du fond du jeu.
4
Il se dit des avantages que l'on remporte. Gagner le prix de la lutte, de la course.Il se construit quelquefois avec la préposition sur. Il a gagné le prix sur un tel.
On dit dans un sens analogue, gagner une femme, l'obtenir pour le prix de quelque action.
Rodrigue t'a gagnée et tu dois être à lui
de Pierre CORNEILLE dans Cid, v, 8
Et si pour me gagner il faut trahir ton maître
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, III, 4
Pour gagner Rodogune il faut venger un père
de Pierre CORNEILLE dans Rodog. III, 4
Gagner une bataille, battre l'ennemi.
Ce sang qui tant de fois vous gagna des batailles....
de Pierre CORNEILLE dans Cid, II, 9
S'ils renversent des murs, s'ils gagnent des batailles....
Ce combat, quoique peu décisif, préservait le grand-duché ; il réduisait sur ce point les Russes à se défendre, et donnait à l'empereur le temps de gagner une bataille
de Philippe de SÉGUR dans Hist. de Nap. VI, 5
Gagner un procès, avoir en sa faveur la sentence du juge.
Vous avez su que les Calas ont pleinement gagné leur procès ; c'est à vous qu'ils en ont l'obligation
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Lett. à Voltaire, 26 mars 1765
On dit de même gagner sa cause.
Nature : Absolument.
J'ai donc enfin gagné, Didyme, et tu le vois, L'arrêt est prononcé, c'est moi dont on fait choix
de Pierre CORNEILLE dans Théod. v, 6
Gagner une gageure, un pari, avoir l'avantage dans une gageure, dans un pari.
Gagner la partie une partie, avoir l'avantage dans une partie de jeu.
Nature : Absolument. C'est lui qui a gagné.
Dans les courses, ce cheval a gagné d'une longueur, de deux longueurs, c'est-à-dire il est arrivé avant celui qui le suivait d'une fois, deux fois la longueur de son corps.
5
Sémantique : Fig. Mériter. Il gagne bien l'argent qu'on lui donne, il gagne bien son argent.On leur a bien fait gagner leur avoine, se dit des chevaux et fig. des hommes, quand on les a bien fait travailler.
Sémantique : Ironiquement. Il l'a bien gagné, c'est-à-dire il ne lui arrive que ce qu'il mérite, en parlant d'une déconvenue, d'un affront, de quelque perte ou disgrâce.
Gagner le ciel, le paradis, le mériter par ses oeuvres.
Gagner le jubilé, les indulgences, mériter les grâces qui y sont attachées.
Gagner les oeuvres de miséricorde, gagner les récompenses promises par Dieu aux oeuvres de miséricorde. Servir les malades, c'est gagner les oeuvres de miséricorde.
6
Obtenir quelque chose en qualité d'avantage.Et ce grand nom de Cid que tu viens de gagner
de Pierre CORNEILLE dans Cid, v, 3
[Un fils] Qui fait triompher Rome et lui gagne un empire
de Pierre CORNEILLE dans Hor. IV, 2
Vous pouvez déjà voir comme elle m'appréhende, Combien en me perdant elle espère gagner
de Pierre CORNEILLE dans Nicom. IV, 3
L'avarice perd tout en voulant tout gagner
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. v, 13
Alors l'Espagne perdit [par le mariage de Marie-Thérèse] ce que nous gagnions ; maintenant [par la mort] nous perdons tous les uns et les autres
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Mar. Thér.
Ne sera-t-on fidèle et religieux pour les serments que quand on n'aura rien à gagner en violant sa foi ?
Sémantique : Familièrement. Il n'y a rien à gagner, rien de bon à gagner, se dit d'affaires qui ne promettent rien d'avantageux, de bon.
Gagner du temps, gagner temps, s'arranger de manière que le temps soit ménagé, que la chose soit différée, renvoyée à un meilleur moment.
Je voulais gagner temps pour ménager ta vie
de Pierre CORNEILLE dans Poly. v, 2
Il craignait l'événement d'un combat, et voulait à tout hasard gagner du temps
Commençons par écarter le provincial et gagnons du temps
de Florent Carton, sieur d'Ancourt, dit DANCOURT dans Vend. Surène, 6
7
Sémantique : Terme d'horticulture. Gagner une fleur ou un fruit, obtenir par le semis une variété nouvelle. Gagner un oeillet, une fraise.Sémantique : Terme de manége. Gagner l'épaule d'un cheval, corriger par le secours de l'art quelque défaut dans cette partie.
8
Il se dit des avantages, des qualités qu'une personne ou qu'une chose acquiert. Le langage perdit en naïveté ce qu'il gagnait en finesse.Mme de Villette a fait un voyage utile ; elle a gagné de l'embonpoint, elle a vu ses enfants
9
En un sens opposé, prendre quelque mal, tomber en quelque inconvénient. Il n'y a que des coups à gagner. Gagner un rhume, une pleurésie.S'engager dans un procès où il n'y a que de la honte et de l'infamie à gagner
de PATRU dans Plaidoyer 9, dans RICHELET
La Bourdonnaie fut quatre ans à la Bastille ; et, quand il fut déclaré innocent, il mourut du scorbut qu'il avait gagné dans ce beau château
Les fièvres putrides et intermittentes, inconnues dans les pays dont on vient de parler, ici sont habituelles ; on les y gagne si aisément que les voyageurs craindraient d'approcher les lieux qui en sont infectés
Gagner du mal, contracter une maladie honteuse.
10
Obtenir quelque chose de quelqu'un.Et soudain sa colère a trahi son amour Avec tant de transport et tant de violence, Que je n'ai pu gagner un moment d'audience
de Pierre CORNEILLE dans Cid, v, 7
....Et je ne puis gagner, dans son perfide coeur, D'autre rang que celui de son persécuteur
de Jean RACINE dans Andr. II, 5
En cas qu'il ne pût rien gagner auprès de la petite Saint-Germain
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 4
Nous ne gagnerons rien avec lui, nous ne viendrons pas à bout de le faire changer de résolution, de conduite, de langage, etc.
Caron, je te conjure de le passer le plus vite que tu pourras ; car nous ne gagnerons rien avec lui
Il ne gagnera rien sur ce juge irrité
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. IX
Elle ne gagna rien sur l'esprit de ces barbares
On dit de même : tâchez de gagner cela sur vous, faites un effort sur vous, obtenez cela de vous.
11
Acquérir, en parlant des coeurs, des esprits, des sentiments. Gagner les suffrages.Après avoir pour nous employé ce grand homme, Qui nous gagna soudain toutes les voix de Rome
de Pierre CORNEILLE dans Pomp. I, 3
Un regard désarmé de toutes ses rigueurs Et tel qu'il est enfin quand il gagne les coeurs
de Pierre CORNEILLE dans Nicom. I, 2
Il faut envoyer par avance Tes bonnes oeuvres devant toi, Qui de ton juge et de ton roi Puissent te gagner la clémence
de Pierre CORNEILLE dans Imit. I, 23
De toute votre Espagne il a gagné l'estime
de Pierre CORNEILLE dans Sertor. II, 2
Mais vous ne vous rebutez point, et, pied à pied, vous gagnez mes résolutions
Son maintien honnête et sa douceur m'ont gagné l'âme
N'allait-elle pas gagner tous les coeurs, c'est-à-dire la seule chose qu'ont à gagner ceux à qui la naissance et la fortune semblent tout donner ?
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Duch. d'Orl.
L'un forçant des villes par sa valeur, l'autre gagnant des coeurs par son adresse
de Esprit FLÉCHIER dans Mme de Montausier.
Dois-je irriter les coeurs, au lieu de les gagner ?
de Jean RACINE dans Bajaz. II, 1
Songeons plutôt, songeons à gagner sa tendresse
de Jean RACINE dans Mithr. IV, 5
Mais les coeurs opprimés ne sont jamais soumis ; J'en ai gagné plus d'un, je n'ai forcé personne
Mon père, vos discours gagnent ma confiance ; D'une entière franchise ils m'imposent la loi
de MASSON dans Helvét. II
Sémantique : Terme de manége. Gagner la volonté d'un cheval, triompher, par la patience et par la douceur, de la résistance de l'animal.
12
Se rendre favorable.Mais, charmante Mariane, commençons, je vous prie, par gagner votre mère
Je vois trop que son coeur s'obstine à dédaigner Tous ces profonds respects qui pensent la gagner
Ils surent gagner Luther par leurs soumissions ; on avait tout de Bucer par des équivoques ; les zwingliens se laissaient flatter aux expressions générales des frères
Il sut gagner à l'Église le nouvel empereur
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. I, 11
La bonté.... devait être le premier attrait que nous aurions en nous-mêmes pour gagner les autres hommes
Elle avait gagné un maire de Londres, dont le crédit était grand, et plusieurs autres chefs de la faction ; presque tous ceux qui lui parlaient se rendaient à elle
Elle va [en Hollande] pour engager les États dans les intérêts du roi, lui gagner des officiers, lui amener des munitions
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans ib.
Que ne fait point un coeur Pour plaire à ce qu'il aime et gagner son vainqueur ?
de Jean RACINE dans Bérén. II, 2
On peut bien le vaincre et non pas le gagner
de Jean RACINE dans Théb. IV, 1
Tous les soldats sont gagnés par ses largesses
Bien instruit des moyens par lesquels un vieillard peut être gagné, il n'y eut point de caresses qu'il ne lui fît, point de marques d'estime et d'amitié qu'il ne lui donnât
Les Romains n'ignoraient pas les mesures que prenait Persée pour gagner les peuples et les voles de la Grèce
de ID. dans ib. t. IX, p. 11
Leur âpre austérité que rien ne peut gagner
Se laisser gagner, permettre à sa volonté de céder.
Qu'à cet éclat du trône il se laisse gagner
de Pierre CORNEILLE dans Rodog. I, 2
Je me laissais gagner aux soupirs qu'il perdait
Les uns se laissaient gagner par des jeux
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. II, 12
13
En mauvaise part, corrompre par des dons ou autrement. Il avait gagné le geôlier. Gagner quelqu'un à force d'argent.14
S'emparer, se rendre maître. L'ennemi gagna la contrescarpe. Gagner du terrain. Gagner le fort de l'épée.Sémantique : Par extension.
La mer doit avec le temps gagner du terrain vers l'occident et en laisser vers l'orient
Sémantique : Terme d'escrime. Gagner la mesure, se donner un avantage par un coulement d'épée et un mouvement en avant.
Sémantique : Familièrement. Gagner du chemin, du pays, gagner chemin, gagner pays, avancer, poursuivre sa route.
Je dis à monseigneur mon père Tout ce que m'avait dit ma mère, Et qu'il fallait gagner pays
de Paul SCARRON dans Virg. II
Des conseils ! ah ! le triste équipage pour gagner pays
Sémantique : Fig. Gagner du pays, faire des progrès, réussir.
Ils [les sociniens] gagnent sensiblement du pays parmi vous [protestants], puisque déjà on leur accorde des élus cachés dans leur société et même la tolérance pour leurs dogmes principaux
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans 1er avert. 47
Dans les courses, gagner la corde ou le cordeau, devancer les autres et s'approcher le plus près de la corde.
15
Se diriger vers un endroit, y parvenir (le terrain, le chemin étant considéré comme quelque chose que l'on gagne).Ils gagnent leurs vaisseaux, ils en coupent les câbles
de Pierre CORNEILLE dans Cid, IV, 3
Elle gagne la tour d'un pas précipité
de Jean de MAIRET dans Mort d'Asdrub. v, 1
Ils allèrent gagner le chemin du désert
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Jérémie, XXXIX, 4
Pour gagner ces défilés avant que l'ennemi s'en pût saisir, on trouva à propos de partir de nuit
Il passa par-dessus des tas de morts et de mourants, et gagna d'abord un village voisin
Après le dîner nous gagnâmes l'ombre sous de grands arbres
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Confess. VI
Sans courir absolument la poste vers l'autre monde, j'en gagne tout doucement le chemin
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Lett. au roi de Prusse, 21 avril 1771
Gagner le temps, gagner l'heure, parvenir au temps requis, à l'heure voulue.
Sémantique : Familièrement. Gagner la porte, se diriger vers la porte pour s'enfuir.
Le père épouvanté gagne aussitôt la porte
de Pierre CORNEILLE dans le Ment. II, 5
J'ai gagné doucement la porte sans rien dire
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. III
Mais de sa canne enfin il te bourrait Et tu gagnas, sans mot dire, la porte
de PONS dans (de Verdun), les Excuses, conte.
Sémantique : Familièrement. Gagner le large, gagner au pied, gagner la guérite, gagner au haut, le haut, gagner les champs, le taillis, c'est-à-dire s'enfuir, s'esquiver.
....C'est son valet qu'il nomme, Celui qui devant nous vient de gagner au pied
Et puis comme devant les chiens Gagne au pied le timide lièvre
de Paul SCARRON dans Virg trav. I
Le galant aussitôt Tire ses grègues, gagne au haut, Mal content de son stratagème
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. II, 15
....Tant pis ; J'en serai moins léger à gagner le taillis
Gagnons au pied, si vous m'en voulez croire
de Thomas CORNEILLE dans L'am. à la m. III, 8
16
Sémantique : Terme de marine. Gagner le vent, le dessus du vent, s mettre, à l'égard d'un autre vaisseau, entre lui et le côté d'où le vent souffle.Gagner au vent, s'approcher du point de l'horizon d'où le vent paraît souffler.
Sémantique : Fig. Gagner le dessus, l'emporter, avoir l'avantage.
Ces raisons, qui flattent nos sens, gagneront aisément le dessus
17
Atteindre, rejoindre, ou même dépasser. Il allait vite ; pourtant, forçant le pas, je le gagnai. Gagner l'ennemi.Gagner quelqu'un de vitesse, arriver avant lui, parce qu'on a cheminé plus vite.
Sémantique : Fig. Gagner quelqu'un de vitesse, le prévenir. Je voulais avoir ce poste, mais il m'a gagné de vitesse. On dit dans le même sens gagner de la main.
Gagner de vitesse, disent les grammairiens du XVIIe siècle, pour signifier prévenir quelqu'un par un redoublement de diligence, est une expression peu exacte qui n'a pas laissé de s'introduire dans l'usage.
Gagner le devant, ou les devants, partir avant quelqu'un, le dépasser en allant plus vite.
18
Se propager, s'étendre, faire des progrès. Le feu gagnait la maison voisine. De la jambe, la gangrène a gagné la cuisse.Vous périssez, les ondes vous gagnent
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Avent, Délai.
La contagion fit un bien plus grand ravage dans Athènes, on n'en avait jamais vu de semblable ; on dit qu'elle avait commencé en Éthiopie, d'où elle descendit en Égypte, et de là gagna la Libye et une grande partie de la Perse
Mes maux me gagnent et m'éloignent chaque jour davantage de la société
La corruption avait gagné toutes les parties de l'administration publique
Cette folie te gagne, je t'en avertis, prends-y garde
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Théât. d'éduc. Fausses délicatesses, I, 1
La faim, le froid me gagne, s'empare de moi peu à peu.
Vos tristesses sont si contagieuses qu'elles ont gagné jusqu'à votre valet, on l'entend qui soupire
Grâce aux beaux esprits de notre âge, L'ennui nous gagne assez souvent
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Age futur.
Nature : Absolument.
Le désordre s'est établi dans votre maison ; il a gagné de toute part
de Denis DIDEROT dans Père de famille, v, 9
Pourquoi non ? la rage de sauter peut gagner, voyez les moutons de Panurge
La nuit nous gagne, elle s'approche.
L'heure, le temps nous gagne, il ne nous reste plus que bien peu de temps.
Elle paraissait fort affairée, l'heure commençait à la gagner
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 7
Le temps me gagne, les espions m'obsèdent, je suis forcé de faire à la hâte et mal un travail qui demanderait le loisir et la tranquillité qui me manque
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Confess. VII
Sémantique : Terme de manége. Votre cheval vous gagne, il vous emporte, vous n'en êtes plus le maître. On dit aussi qu'un cheval gagne à la main quand, s'animant, il va plus vite que le cavalier ne le veut.
19
Nature : V. n. Gagner, devenir meilleur. Ces boeufs ont bien gagné dans les pacages. Mes blés ont bien gagné depuis que le temps doux est venu.Je suis persuadé, sire, que ce voyage serait très avantageux pour M. Bitaubé, que son poëme y gagnerait beaucoup
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Lett. au roi de Prusse, 25 avril 1774
20
Avoir un profit, un avantage.Il n'y a que Pauline qui gagne à votre mal de tête
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 544
Nous rions du mot de diable, nous respectons celui de furie ; voilà ce que c'est que d'avoir le mérite de l'antiquité ; il n'y a pas jusqu'à l'enfer qui n'y gagne
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Ess. poés. épique, 7
21
Avancer en crédit, en considération.Donc Bertrand [le singe] gagnerait près de certains esprits
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. XII, 3
Il y a des gens qui gagnent à être extraordinaires
de Jean de LA BRUYÈRE dans XI
Vous aviez gagné chez les paysans, vous perdez parmi les beaux esprits
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Hél. II, 27
Paraître meilleur.
A tout prendre, je crois que l'ouvrage gagne à la lecture
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Lett. à Voltaire, Oeuv. avril 1757
Il gagne à être connu, c'est-à-dire plus on le connaît, plus on l'estime, plus on l'aime, plus on apprécie son mérite.
Mon fils gagne toujours à se faire connaître
En un sens contraire. Il ne gagne pas à être connu.
22
Gagner sur, obtenir que.J'avais gagné sur lui qu'il aimerait la vie
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, IV, 5
Il vient de me quitter assez triste et confus ; Mais j'ai gagné sur lui qu'il ne me verra plus
de Pierre CORNEILLE dans Poly. II, 4
Et qu'il n'est repentir ni suprême puissance Qui gagnât sur mon coeur d'oublier cette offense
Elle se contente d'avoir gagné sur eux qu'ils admettent le nom
de Blaise PASCAL dans Prov. 2
Quand on a pu gagner une fois sur soi de n'y penser plus du tout
de Blaise PASCAL dans ib. 4
L'emporter.
Pourvu que votre amour gagne sur vos douleurs
de Pierre CORNEILLE dans Pomp. v, 5
Ce fut un bonheur pour la Hollande que le vent du sud gagna sur celui qui lui était opposé ; car la mer était si enflée que les eaux étaient de dix-huit pieds plus hautes que les terres les plus élevées de la province, à la réserve des dunes
23
Gagner sur quelqu'un, aller plus vite, s'en rapprocher en marchant et pendant qu'il marche.Le chevalier voyait qu'on gagnait sur lui
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 5
24
S'étendre, se propager. L'incendie gagnait de tous côtés. Le christianisme gagna rapidement parmi les gentils.Dans l'accord fait avec Calvin en 1554, on voit que le calvinisme commençait à gagner ; la justice imputative paraît
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Var. x, § 60
Aussi la contagion n'a-t-elle pas gagné
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Doutes.
25
Se gagner, Nature : v. réfl. Être acquis à titre de profit. Une si forte somme ne se gagne pas en un jour.26
Être obtenu, conquis, en parlant du coeur, de l'affection, etc.C'est la volonté qu'il faut gagner, et elle se gagne par la douceur, l'amitié, la persuasion, et surtout par l'attrait du plaisir
27
Se vaincre, se surmonter.Il y a mille choses que le prédicateur foudroie tous les jours en chaire et sur lesquelles je ne saurais me gagner
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Myst. Visitation de la Ste Vierge
28
Être contracté, en parlant de la maladie. Cette fièvre se gagne dans les marais.Sémantique : Particulièrement. Être contracté par contagion. La coqueluche se gagne.
Ne soyez point en peine de lui ni de moi ; son mal ne se gagne point à causer et à lire
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 9 oct. 1680
Sémantique : Fig.
À moins, ajouta-t-elle, qu'elle ne veuille partager le mien [lit] ; qu'en dis-tu, cousine ? mon malheur ne se gagne point
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Hél. VII, 11
PROVERBES
1
Exemple : Du dérober au restituer, on gagne trente pour cent, c'est-à-dire on ne restitue jamais tout.2
Exemple : Il n'est pas marchand qui toujours gagne, c'est-à-dire tous les marchands sont exposés à perdre ; et fig. on doit s'attendre à des contrariétés dans les affaires de la vie.3
Qui bien gagne et bien dépense n'a que faire de bourse pour serrer son argent.REMARQUE
1
Corneille a dit dans la 1re édition du cid gagner des combats : Le prince à mes côtés gagnerait des combats, Cid, I, 3. Cela fut critiqué par scudéry et par l'Académie ; ce qui décida Corneille à changer le vers. Voltaire (qui lui-même a employé cette locution : Le duc de Vendôme commandait en Catalogne, où il gagna un combat et où il prit Barcelone, Louis XIV, 17) remarque qu'il n'y a aucune raison pour ne pas dire gagner des combats comme gagner des batailles. Le fait est que, grammaticalement, rien ne s'y oppose ; seulement l'un est moins usité que l'autre.HISTORIQUE
1
XIIe s.En pais [nous] tenons nos terres, ses [si les] faisons gaaignier [cultiver]
dans Sax. XVI
La terre est morte e eissillie, N'est arée ne gaaignée
de Benoît de Sainte-Maure dans Chr. de Norm. 4901
2
XIIIe s.Là en ot assés de mors et de pris, et li pors de Constantinoble i fu gaaigniés
de Geoffroi de VILLEHARDOUIN dans LXXII
Ceste gent ne puent plus paier, et quanques il nous paient, nous l'avons tout gaaignié, pour la convenance qu'il ne nous tienent mie
de Geoffroi de VILLEHARDOUIN dans XXXVIII
Cil gaigna [eut] deus enfans en la serve haïe
dans Berte, LX
Tex [tel] cuide gaaigner qui pert, Et autre emborse le gaaing
dans Ren. v. 20864
Li fevres en a à gaaigner son pain, et si pourroit estre damaces au commun
de Philippe de BEAUMANOIR dans LIV, 1
Et s'il gaigne le [la] querele, que il r'ait les levées
de Philippe de BEAUMANOIR dans LIV, 49
Se tu veus labourer en terre, Vergile dois lire et enquerre ; Chil [celui-là] te sara bien enseignier Ques [quelles] terres tu dois gaaignier
de Victor Henri-Joseph Brahain, dit DU CANGE dans gagnagium.
Pour la renommée qui estoit grant en Cypre de la bataille qui devoit estre, passerent de nos gens serjans en Hermenie pour gaaingnier et pour estre en la bataille
de Jean, PRINCE DE JOINVILLE dans 212
Et li dormirs me gaaigne
de ALEBRANT dans f° 7
3
XIVe s.Vostre souldoier sommes, et vostre argent gaignons
dans Guesclin. 5539
Les banieres roiaux [ils] vont sur les murs poser ; Ville gaignie ! vont criant et hault et cler
dans ib. 20371
Nous avons ordonné, ordonnons et voulons qu'il soit ainsi publiquement crié que chascun, de quelque estat qu'il soit, puisse prendre, gaingner et piller sur les ennemis du royaume
dans Ordonn. des rois, t. III, p. 139
Au garder a plus grant sens Que au gaaigner a dit l'en, Ovide, de l'art d'aimer
dans ms. de St-Germain, f° 95, dans LACURNE
4
XVe s.Quand cette grosse ville, qui Guerrande estoit appelée, fut ainsi gagnée, robée et exilliée, ils ne sçurent plus avant ou aller pour gagner [piller]
de Jean FROISSART dans I, I, 179
Là eut en celle journée grant enchas et dur et maint homme renversé ; et toutes fois les bien montés le gagnerent, et se sauverent le sire de Fiennes, le sire de Cresaques....
de ID. dans I, I, 327
Choses gaingniées, si sont qui ne sont appropriées à nul homme et qui sont trouvées, que nul ne demande ne ne reclame
dans Gloss. sur les coust. de Beauv. dans LACURNE
Gaigner avant le coup [prendre d'avance]
dans Perceforest, t. I, f° 122
Au derrain, je doy, sans mentir, Gaaingnier le jeu entierement
de Charles D'ORLÉANS dans Ball. 45
Se vous tirez autant que moi, Bientost, ainsi comme je croi, Gaignerons le rivage
de BASSELIN dans XXXV
Et que s'il en avoit eu affaire, qu'il [le roi d'Angleterre] le gaigneroit [l'obtiendrait] des siens
de Philippe de COMMINES dans I, 15
5
XVIe s.Pas n'est marchant celluy qui tousjours gaigne
de Jean des Mares ou Des Marets, dit Jean MAROT dans V, 231
Voyans la proye guaigner à tyre d'esle, ilz estoyent bien marryz
de François RABELAIS dans Garg. I, Prol.
Gaigner un advantage sur l'ennemy
de Michel de MONTAIGNE dans I, 15
Gaigner une battaille contre....
de Michel de MONTAIGNE dans I, 10
Gaigner du temps
de Michel de MONTAIGNE dans I, 23
Il gaigne sa vie à se faire voir
de Michel de MONTAIGNE dans I, 109
C'est un excellent moyen de gaigner le coeur et la volonté d'aultruy
de Michel de MONTAIGNE dans I, 135
L'institution a gaignié cela sur moi
de Michel de MONTAIGNE dans I, 184
Gaignons sur nous de pouvoir vivre seuls
de Michel de MONTAIGNE dans I, 277
Il est besoing de parler ainsin aux juges qu'on veult gaigner
de Michel de MONTAIGNE dans II, 106
Minutius, faisant de l'audacieux, alloit gaignant la bonne grace des soudards par....
de Jacques AMYOT dans Fab. 13
Or y avoit il entre les deux camps une motte non gueres malaisée à gaigner
de Jacques AMYOT dans ib. 24
Ce mal là se coula peu à peu, et gaigna secrettement sans estre de longtemps cogneu à Rome
de Jacques AMYOT dans Cor. 19
Le mari qui survit la femme gaingne la moitié de la dote [a un droit acquis à cette moitié]
dans Coust. génér. t. II, p. 479
Les chefs n'eurent meilleur expedient que bien tost après gagner au pied, laissant leur honneur en gage, et se doutans bien que leur vie y pendoit
de BÈZE dans Vie de Calvin, p. 103
L'on nous monstre icy volontiers les canons gaignez sur nous, et ne pouvons moins que de leur monstrer l'espée de Thalbot [M. de Boissize, ambassadeur en Angleterre, à M. de Villeroy]
de Léon de LABORDE dans Émaux, p. 483
Un monsieur vouloit faire mourir un homme sans information ; et, quand le juge lui disoit : Hé monsieur, il n'a pas gaigné à estre pendu, il lui respondoit : S'il ne l'a pas gaigné à cette fois, il le gaignera bien une autre
de BOUCHET dans Serées, II, p. 60, dans LACURNE
....Enfin tout gaigné [pénétré] de noire poison, Après le sens troublé s'egara la raison
Assez gaigne qui malheur perd
de Randle COTGRAVE dans
Tel change qui ne gaigne pas
de Randle COTGRAVE dans
Marchand qui ne gaigne perd
de Randle COTGRAVE dans
Jamais ne gaigne qui plaide à son seigneur ou qui precede à son maistre
de Randle COTGRAVE dans
ÉTYMOLOGIE
1
Wall. wagni ; Berry, gaingné ; prov. gazanhar, gazagnar, guazanhar, gaaniar ; anc. cat. guadagnar ; cat. mod. guanyar ; ital. guadagnare ; du germanique : anc. haut-allem. weidanjan, faire paître, weida, pâturage. Toutes les formes sont trisyllabes ; le sens de paître, qui ne figure pas dans l'historique de gaaigner, figure dans gagnage. La langue d'oïl, du sens rural de paître, a passé au sens rural de labourer ; puis le profit fait par la culture a désigné toute sorte de profits, le gagner, ce qui est le seul sens resté aujourd'hui en usage. Bèze, au XVIe siècle, a gaigner ; mais il ajoute que ceux qui parlent plus purement disent gagner. L'espagnol dit ganar, de deux syllabes ; mais ce ganar est le bas-latin ganare, acquérir, dont on ignore l'origine.SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
1
Ajoutez :Gagner pays, s'enfuir.
La comtesse de Soissons gagne pays et fait fort bien ; il n'est rien tel que de mettre son crime ou son innocence au grand air
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 2 fév. 1680
2
Se gagner soi-même, être le propre objet de son gain.La belle conquête, mon cher frère, que de se gagner soi-même pour se donner à Dieu tout entier
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Lett. sur l'ador. de la croix.
Synonymes de GAGNER
- ACCAPARER
- ACHETER
- ACQUÉRIR
- ADOUCIR
- AMADOUER
- ARRIVER
- BROUTER
- CAJOLER
- CARESSER
- DOMESTIQUER
- DRESSER
- EMPORTER
- ENCAISSER
- ENCOURIR
- ENJÔLER
- ENLEVER
- FLATTER
- MANGER
- MÉRITER
- MOISSON
- MONOPOLISER
- PACAGER
- PERSUADER
- PRENDRE
- RAFLER
- RÉCOLTER
- TONDRE
- VAINCRE
- VALOIR