Définition de ACHETER

DÉFINITIONS - SYNONYME - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : a-che-té ; ne prononcez pas a-je-té, ni, comme Vaugelas le défend aussi, a-jé-ter. La syllabe che es

DÉFINITIONS

1
Acquérir une chose à prix d'argent. Acheter une maison. Les gens qui font la traite achètent des noirs sur la côte d'Afrique.
Des étrangers achetèrent de quelques pêcheurs ce qu'ils allaient tirer du coup de filet qu'ils venaient de jeter dans la mer
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Philosophes, Thalès.
Comme une pierre précieuse qu'on n'achète qu'en se défaisant de tout le reste et le vendant
de Louis BOURDALOUE dans Pensées, t. I, p. 90
Une femme de qui il achetait des herbes au marché
de Jean de LA BRUYÈRE dans Disc. sur Théoph.
M'habiller de bonnes étoffes et me nourrir de viandes saines, et les acheter peu
de Jean de LA BRUYÈRE dans 10
Les huit ou dix mille hommes sont au souverain comme une monnaie dont il achète une place ou une victoire ; s'il fait qu'il lui en coûte moins....
de Jean de LA BRUYÈRE dans 10
Nature : Absolument. La manie d'acheter.
2
Acheter un homme, lui donner une somme pour qu'il serve en place d'un autre à l'armée.
3
Acheter des soldats, donner à un gouvernement étranger de l'argent pour qu'il fournisse des soldats. Dans la guerre d'Amérique, l'Angleterre acheta plusieurs régiments dans les petits États de l'Allemagne,
4
Procurer à prix d'argent une chose qui n'est pas vénale, corrompre à prix d'argent. Acheter ses juges. Il acheta par des largesses l'attachement des soldats.
Et des mêmes présents qu'il verse dans mes mains, J'achète contre lui les esprits des Romains
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, I, 2
Je gage, s'il naît un Voltaire, Qu'on emprunte pour l'acheter
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Poëte de Cour.
5
Sémantique : Fig. Obtenir avec peine et difficulté. Acheter la bienveillance par des flatteries. Il acheta la victoire au prix du sang de ses meilleurs soldats.
.... Ceux qui de leur sang m'ont acheté l'empire
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, V, 1
Ce que de tout mon sang je voudrais acheter
de Pierre CORNEILLE dans Pol. IV, 3
N'achetez point si cher une gloire inutile
de Jean RACINE dans Alex. V, 3
J'entrevois vos mépris, et juge, à vos discours, Combien j'achèterais vos superbes secours
de Jean RACINE dans Iph. IV, 6
Nul ne leur a plus fait acheter la victoire
de Jean RACINE dans Mithr. V, 5
Il a par trop de sang acheté leur colère
de Jean RACINE dans Andr. I, 1
Vous achetiez sa mort avec mon hyménée
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Mér. IV, 2
Que les jours de mon fils n'achètent point ses jours
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Orphel. II, 3
Il achetait par ses propres périls sa réputation
de Esprit FLÉCHIER dans Mar. Th.
Les plaisirs qui se font acheter par des remords
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Prod.
Chactas avait acheté la vertu par l'infortune
de François René CHATEAUBRIAND dans Atala, 207
Si les hommes ne sont point capables d'une joie plus sensible que de connaître qu'ils sont aimés, et si les rois sont hommes, peuvent-ils jamais trop acheter le coeur de leurs peuples ?
de Jean de LA BRUYÈRE dans 10
Fallût-il donc l'acheter [le salut] par les mêmes supplices, par les mêmes sacrifices [que les martyrs], nous y devons être disposés
de Louis BOURDALOUE dans Pensées, t. I, p. 98
Qu'est-ce après tout que ce retour ? et, si j'ose le dire, doit-il être d'un grand mérite devant Dieu, lorsqu'on le lui a fait acheter si cher ?
de Louis BOURDALOUE dans ib. p. 283
6
S'acheter, Nature : v. réfl. Être vénal. C'est un bien qui ne s'achète pas.
7
Proverbe. Qui bon l'achète, bon le boit, se dit du vin et en général de toute marchandise.

SYNONYME

1
ACHETER à, ACHETER DE. À quel marchand avez-vous acheté cela, ou de quel marchand ? Le premier est plus usité dans le langage ordinaire ; mais voici toute la différence. D'après Lafaye, on dira le premier quand on voudra aller trouver le marchand pour acheter un objet semblable, et le second quand on aura seulement l'intention d'indiquer la provenance : à désignant vers qui l'on est allé, à qui l'on s'est adressé, et de désignant de qui on tient la chose achetée. Mais l'usage confond tout à fait ces deux emplois. Et en effet, soit qu'on achète à, soit qu'on achète de, il faut toujours aller à celui qui vend.

REMARQUE

1
Je me suis acheté un manchon, c'est-à-dire j'ai acheté un manchon pour moi, est une locution qui peut se dire, puisqu'il n'y a aucune amphibologie. Mais déjà l'amphibologie commence si l'on met : On m'a acheté un manchon, qui peut signifier : on a acheté pour moi, ou de moi, un manchon. On peut voir au n° 5 que Corneille s'en est servi ; mais elle mérite beaucoup d'attention, pour qu'il n'y ait pas d'équivoque. Le danger de l'amphibologie augmente dans une phrase comme celle-ci qu'on entend tous les jours et qui est en effet dans le dictionnaire de l'Académie : J'ai acheté une montre à mon fils, avec le sens de pour mon fils ; mais qui peut aussi signifier : J'ai acheté de mon fils une montre, il m'a vendu une montre. On prendra donc bien garde, en s'en servant, à l'amphibologie ; et, en tout cas, on remarquera qu'ici l'emploi de à au lieu de pour est du parler vulgaire et négligé.

HISTORIQUE

1
XIe s.
E il ait testimoines que il l'achatad al marchied le rei
dans L. de Guill. 25
2
XIIe s.
Respundi li reis : n'iert pas issi [ce ne sera pas ainsi] ; mais jo l'achaterai à tei
dans Rois, 219
Qui l' pourra prendre moult m'aura achaté [m'aura rendu un grand service]
dans Roncisv. p. 183
Si en [par largesse] puet l'on acheter L'amour au roi de Paradis [de Dieu]
de LE COMTE DE BRET. dans Romanc. p. 162
3
XIIIe s.
Jà n'i verrez joiel, tant soit de chere vente, Que je ne vous achate
dans Berte, 111
La paour que [elle] a eüe, [vous] eüssiez achetée [payée cher]
dans ib. 115
Voirs est se je demande aucun heritage, por ce que je di que je l'acetai, et li defenderes met resons encontre....
de Philippe de BEAUMANOIR dans VII, 7
Ençois [plutôt] voulons soffrir martire Et travail por nos amender Et por Dame Deu achater
dans Ren. 13246
4
XVe s.
Si achapterent le chasteau des Anglois ceux de Bayonne quatre mille francs
de Jean FROISSART dans II, II, 39
5
XVIe s.
Il en achapte force mestayryes, force granges....
de François RABELAIS dans Pant. IV, Nouv. Prol.
Les Acheens les retirerent et achepterent tous à cinquante escus par teste
de Jacques AMYOT dans Flam. 28

ÉTYMOLOGIE

1
Picard et norm. acater ; bourguig. echetai ; provenç. acaptar, prendre à redevance ; anc. espagn. acaptar ; anc. portug. achatar ; bas-lat. accapitare. Diez le tire de ad-captare ; mais la forme accapitare ne le permet pas. Le mot vient de ad, à, et caput, tête (voy. CAPITAL), et signifie prendre pour chef, prendre à bail, à redevance, acheter. C'est ainsi que capital est devenu cheptel, qui signifie toute espèce d'avoir, en ancien français, chetel ou catel.

Synonymes de ACHETER

Termes proches de ACHETER