Définition de GARDE

DÉFINITIONS - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : gar-d'

DÉFINITIONS

1
Action de garder, de conserver, de défendre quelqu'un ou quelque chose, de surveiller quelqu'un ou quelque chose. Avoir la garde d'une bibliothèque, d'un magasin. Il faut une garnison de trois mille hommes pour la garde de cette ville. La garde du défilé des Thermopyles confiée à Léonidas.
Dieu, qui de ceux qu'il aime est la garde éternelle
de François de MALHERBE dans I, 2
Vous ne me direz plus qu'on vous l'a mise en garde
de Pierre CORNEILLE dans Théodore, IV, 4
Laissez-la moi, seigneur, quelques moments en garde
de Pierre CORNEILLE dans Héracl. IV, 5
Et je viens vous chercher pour vous prendre en ma garde
de Pierre CORNEILLE dans Nicom. v, 7
Je te le donne en garde
de Pierre CORNEILLE dans Perthar. III, 5
L'amour de ses sujets est une sûre garde
de Jean de ROTROU dans Antig. II, 4
Appliquez-vous avec tout le soin possible à la garde de votre coeur, parce qu'il est la source de la vie
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Prov. de Salomon, IV, 23
La garde de deux filles est un peu trop pesante pour un homme de mon âge
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Préc. 5
S'il y eut jamais une conjoncture où il fallut montrer de la prévoyance et un courage intrépide, ce fut lorsqu'il s'agit d'assurer la garde des trois illustres captifs
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans le Tellier.
Jacob ne pouvait pas les [ses brebis] donner en garde à un autre
de Esprit FLÉCHIER dans Serm. II, 295
Le vigilant Girot.... C'est d'un maître si saint le plus digne officier ; La porte dans le choeur à sa garde est commise
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Lutr. IV
Amis, partageons-nous : qu'Ismaël en sa garde Prenne tout le côté que l'Orient regarde
de Jean RACINE dans Athal. v, 5
La garde en fut commise à ma fidélité
de Jean RACINE dans ib. v, 2
Mais siérait-il, Abner, à des coeurs généreux De livrer au supplice un enfant malheureux, Un enfant que Dieu même à ma garde confie ?
de Jean RACINE dans ib. v, 2
Louis XIV, élevé dans l'adversité, allait avec sa mère, son frère et le cardinal Mazarin de province en province, n'ayant pas autant de troupes autour de sa personne, à beaucoup près, qu'il en eut depuis en temps de paix pour sa seule garde
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans S. Louis XIV, 5
Allez, et que du trône où le ciel vous appelle L'inflexible équité soit la garde éternelle
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Brutus, III, 6
On le mit à la garde, ou, mieux, sous la garde d'un huissier, c'est-à-dire on commit un huissier pour veiller à ce qu'il ne s'échappât.
à. la garde, sous la garde de Dieu, sous la protection de Dieu.
Elle me laissa partir sous la garde du Seigneur
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 3
Sémantique : Familièrement. À la garde de Dieu, c'est-à-dire il en arrivera ce qu'il pourra.
Que Dieu vous ait en sa sainte et digne garde, ou, simplement, en sa sainte garde ! formule par laquelle les souverains terminent les lettres qu'ils écrivent.
Sémantique : Terme d'expéditions et de roulage. Remis à la garde d'un tel, voiturier.
Sémantique : Par extension.
C'est une parole digne de Caïn que de dire : ce n'est pas à moi à garder mon frère ; croyons au contraire que nos amis sont à notre garde
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Sermons, Char. frat. 2
Les citoyens étaient à la garde les uns des autres
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. III, 3
Mettre quelqu'un sous bonne garde, le donner à garder à qui peut en répondre.
Après avoir mis ce petit roi sous bonne garde, il s'alla loger sur l'Hydaspe
de Claude Favre de VAUGELAS dans Q. C. VIII, 3, dans RICHELET
En parlant des personnes et au sens actif, être de bonne garde, garder avec soin ce qu'on possède. Il y a dix ans que j'ai cette montre ; je suis de bonne garde.
En parlant de certaines choses, des fruits, etc. et au sens passif, être de bonne garde, ou être de garde, se conserver longtemps sans se gâter.
Dans le sens contraire. Ces fruits, ces vins sont de mauvaise garde, de difficile garde.
Les filles sont de difficile garde, on a une grande surveillance à exercer pour les garantir de la séduction.
2
Sémantique : Terme d'eaux et forêts. Étendue de la juridiction d'un officier préposé à la conservation des bois.
3
Sémantique : Terme de jurisprudence. Garde judiciaire, se dit de la conservation et de la surveillance des objets saisis, séquestrés, mis sous les scellés, pour être ensuite représentés à qui de droit.
Sémantique : Terme de coutumes. Garde noble, voy. GARDE-NOBLE.
Garde royale, droit qui appartenait au roi en certains lieux, de jouir des revenus des mineurs qu'il avait en sa garde.
Garde seigneuriale, droit en vertu duquel le seigneur féodal jouissait des revenus des fiefs tenus immédiatement de lui, pendant que ses vassaux étaient en bas âge, à charge d'entretenir les héritages et de payer les redevances annuelles (Normandie).
4
Guet, surveillance.
Puisqu'on fait bonne garde aux murs et sur le port
de Pierre CORNEILLE dans Cid, II, 7
Est-ce pour moi, seigneur, qu'on fait garde à vos portes ?
de Pierre CORNEILLE dans Suréna, IV, 3
Tant les chiens faisaient bonne garde
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. I, 5
Anges du Seigneur, faites la garde autour du berceau d'une princesse si grande et si délaissée
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Duch. d'Orl.
Il fut ordonné que, pour toutes les places qui n'étaient pas frontières, ceux qui étaient sujets au guet et à la garde en seraient affranchis en payant cinq sous chaque année
de Charles Pinot, sieur DUCLOS dans Hist. Louis XI, Oeuv. t. III, p. 233, dans POUGENS
Ce chien est de bonne garde, il garde, il avertit bien.
Sémantique : Fig.
Posez sur mes lèvres cette garde de circonspection
de Esprit FLÉCHIER dans Aiguillon.
Elle mit une garde de prudence sur ses lèvres
de Esprit FLÉCHIER dans Dauphine.
La vigilance continuelle, la garde des sens
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Élus.
5
Prendre garde, faire attention.
Laissez la mine à part, prenez garde à la somme
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat. XII
J'en sus hier la nouvelle et je n'y pris pas garde
de Pierre CORNEILLE dans Hor. I, 3
Je prends peu garde au bien
de Pierre CORNEILLE dans Ment. II, 5
Ne voilà pas de mes mouchards qui prennent garde à ce qu'on fait ?
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans l'Avare, I, 3
Un enfant n'y prenait pas garde de si près
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Var. 7
L'aise, la joie, l'affluence remplissent l'âme... et mettent à sec, si l'on n'y prend garde, la source de la compassion
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Sermons, Exhort. aux nouv. cathol. 2
Prenez garde, seigneur, vos invincibles mains Ont de monstres sans nombre affranchi les humains ; Mais tout n'est pas détruit, et vous en laissez vivre Un....
de Jean RACINE dans Phèdre, v, 3
Je n'aurais pas pris garde à elle, si elle n'avait pas pris garde à moi
de Pierre de MARIVAUX dans Pays. parv. 3e part.
Prendre garde à un sou, à un denier, faire attention aux plus petits articles dans un compte de dépense, et aussi, être très parcimonieux.
Prendre garde à, veiller prendre ses précautions.
César, prends garde à toi
de Pierre CORNEILLE dans Pomp. IV, 4
Défions-nous du sort et prenons garde à nous Après le gain d'une bataille
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VII, 12
Nature : Elliptiquement.
Garde à toi ! c'est-à-dire prends garde à toi ! Sentinelle, garde à toi !
de Casimir DELAVIGNE dans Charles VI, v, 1
Garde à toi ! terme dont le valet de limier se sert pour parler à son chien quand il veut se rabattre.
Garde à vous ! commandement militaire signifiant à une troupe de se tenir prête à exécuter le commandement qui va suivre.
Prendre garde, avec que et le subjonctif, sans négation, avoir soin que telle chose soit.
Prenez garde, mon fils, que vous entendiez tout ce que vous faites, et de quel côté vous vous tournerez
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Sermons, Charité fratern. Autre conclusion.
Prendre garde avec que et le subjonctif, et ne, avoir soin que la chose ne soit pas.
On m'a enchargé de prendre garde que personne ne me vît
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans G. Dand. I, 2
Prends garde que jamais l'astre qui nous éclaire Ne te voie en ces lieux mettre un pied téméraire
de Jean RACINE dans Phèdre, IV, 2
Prendre garde que, avec l'indicatif, remarquer. Prenez garde que l'auteur ne dit pas ce que vous pensez.
Les valets peuvent faire en conscience de certains messages fâcheux, n'avez-vous pas pris garde que c'était seulement en détournant leur intention du mal... ?
de Blaise PASCAL dans Prov. 7
Prenez garde que, quand saint Augustin a parlé du moindre degré d'être et de perfection, il ne l'a point considéré en tant que joint aux autres degrés supérieurs
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans t. III, p. 20
Prendre garde à, et un infinitif construit sans négation, avoir soin de.
Prenez bien garde, vous, à vous déhancher comme il faut et à faire bien des façons
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Imprompt. 3
Prenez garde à sanctifier l'extérieur par l'intérieur
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Lett. Corn. 431
Prendre garde à, et un infinitif construit avec une négation, avoir soin de ne pas...
Prenez bien garde au moins à ne lui point parler du diamant que vous lui avez donné
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Bourg. gent. III, 19
Il faut prendre garde à ne pas se tromper
de Blaise PASCAL dans Pens. part. II, art. 6
Qui prennent soigneusement garde à n'offenser personne et du reste ne pensent aux injures qu'on leur fait que pour les pardonner
de Louis BOURDALOUE dans Pensées, t. I, p. 197
Prenez garde à ne pas confondre les choses
de Louis BOURDALOUE dans Carême, III, Amour de Dieu, 70
Je crois même que vous devez prendre garde à ne jamais laisser le vin devenir trop commun dans votre royaume
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Tél. XI
Prendre garde de, et un infinitif construit avec une négation, avoir soin de ne pas...
Prends garde de ne t'enfler pas
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. II, 7
Si vous vous laissez gagner aux soupçons, si vous prenez facilement des ombrages et des défiances, prenez garde pour le moins de ne les porter pas aux oreilles importantes
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Sermons, Charité fratern. Autre conclusion
Prendre garde de, et un infinitif construit sans négation, s'efforcer d'éviter.
Prenez garde de tomber sur la montée
de BARON dans Coq. et fausse prude, v, 6
En cet emploi, prendre garde signifie éviter de, craindre de. On peut voir dans l'historique des exemples où garde a ce sens de crainte.
6
Se donner de garde, se donner garde, se défier, prendre ses précautions.
À l'égard de se donner de garde ou de se donner garde, je crois qu'ils sont également usités ; je préférerais néanmoins le premier avec M. de Vaugelas
de Claude Favre de VAUGELAS dans Nouv. Rem. Observ. de M***, p. 281
Je venais l'avertir de se donner de garde
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans l'Ét. IV, 1
Donnez-vous de garde des faux christs et des faux prophètes
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. II, 9
Suétone, dans la vie de Néron, dit que l'oracle de Delphes l'avertit qu'il se donnât de garde des soixante-treize ans
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Oracles, II, 3
Aussi nous donnerons-nous bien de garde de vous suivre en cela
de Blaise PASCAL dans Lett. de Nicole au P. Annat.
L'aventure du miroir et de la dame enflée dont vous vous êtes bien donné de garde de me parler
de VISÉ dans Devineresse, III, 3
On sait qu'il [Virgile] ordonna, par son testament, que l'on brûlât son Enéide, dont il n'était point satisfait ; mais on se donna bien de garde d'obéir à sa dernière volonté
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Ess. poés. ép. 3
Se donner de garde d'une chose, l'éviter, la fuir.
Donnez-vous de garde de toute avarice
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Sermons, Exhort. aux nouv. cathol. 2
7
N'avoir garde de, n'avoir pas la volonté, le pouvoir, être bien éloigné de.
Ils n'avaient garde de loger dans le même palais
de Pierre CORNEILLE dans Ex. de Pomp.
Je n'ai garde à son rang de faire un tel outrage
de Pierre CORNEILLE dans Nicom. II, 2
Il n'a garde d'aller avouer cela, ce serait faire tort....
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Scapin, I, 6
Ils n'avaient garde de le reconnaître au milieu des flots
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Tél. VIII
L'on n'avait garde de changer la récompense éternelle en cette gloire frivole
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Aum.
Sémantique : Fig. N'avoir garde de, en parlant des choses, ne pouvoir pas.
Cette pièce fut mon coup d'essai, et elle n'a garde d'être dans les règles, puisque je ne savais pas alors qu'il y en eût
de Pierre CORNEILLE dans Mél. Examen.
Cette permission n'avait garde d'être refusée
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 9
Je n'ai garde de commettre cette faute, façon de parler bourgeoise, dit CAILLIÈRES, 1690. On ne voit pas ce qui, même de son temps, a pu décider Caillières à prononcer cet arrêt ; car la locution est employée par les meilleurs écrivains du XVIIe siècle.
8
Service de surveillance rempli par une personne ou un corps de personnes.
Quatre dames qui sont de garde tour à tour
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 181
Garde, se dit aussi du service des pages, des gentilshommes, des valets de pied, etc. qui sont tour à tour de service auprès des rois et des princes.
Service alternatif de vingt-quatre heures que font les élèves en médecine, en pharmacie, attachés à un hôpital, pour donner les secours urgents. L'interne de garde.
9
Service de vingt-quatre heures que fait un petit corps de troupe pour garder ou surveiller. Monter la garde, faire ce service ; descendre la garde, retourner à sa caserne ou chez soi quand il est fini. Officier de garde.
Si mon compère Pierre est de garde aujourd'hui
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat. X
Sémantique : Fig. et familièrement. Descendre la garde, mourir. Faire descendre la garde, tuer. Il a fait descendre la garde à plusieurs ennemis.
Collectivement. Les soldats qui montent la garde. Relever, doubler, changer la garde. La garde montante. La garde descendante.
Maître absolu de tout, il change ici la garde
de Pierre CORNEILLE dans Sertor. v, 5
Corps de garde, certain nombre de soldats placés de garde en un lieu. Corps de garde avancé. Poser, établir un corps de garde. En ce sens, le langage militaire dit aujourd'hui plutôt poste.
Corps de garde, lieu où se tiennent les soldats qui montent la garde. Plaisanteries de corps de garde, voy. CORPS n° 16.
Nature : Absolument. La garde, les soldats ou les officiers de police qui sont postés en un lieu déterminé pour veiller à la sûreté publique.
Et la garde qui veille aux barrières du Louvre N'en défend pas nos rois [de la mort]
de François de MALHERBE dans VI, 18
Point n'est besoin de la garde Qu'appelle en vain le portier
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Bon ménage.
La garde et les amours Se chamaillaient toujours
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Mad. Grég.
À la garde ! locution elliptique dont on se sert pour appeler la garde dans un moment de danger.
10
Corps de troupes affecté au service près du souverain. Garde royale, impériale. L'artillerie de la garde. La cavalerie de la garde. Les grenadiers de la garde.
Seule contre un tyran, en le faisant périr Par les mains de sa garde il me fallait mourir
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, III, 4
Déjà sa garde accourt avec des cris de rage
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Mérope, v, 6
Il [Louis XI] fit, cette année, quelques nouveaux arrangements dans sa maison ; il augmenta sa garde de cent archers, sous le commandement de Jean Blosset ; c'est le premier établissement des compagnies françaises des gardes du corps
de Charles Pinot, sieur DUCLOS dans Hist. de Louis XI, Oeuvres, t. III, p. 28
Il dicta le bulletin de cette journée [bataille de la Moskowa] ; il se plut à apprendre à l'Europe que ni lui ni sa garde n'avaient été exposés
de Philippe de SÉGUR dans Hist. de Nap. VII, 12
Encore n'était-ce que de sa garde, qu'il s'occupait ainsi ; dans l'armée, les soldats se plaignaient de son absence ; ils ne le voyaient plus qu'aux jours des combats, quand il fallait mourir, jamais pour les faire vivre
de Philippe de SÉGUR dans ib. I, 2
Leurs généraux les repoussaient inutilement ; ils se laissaient frapper sans se plaindre, sans se révolter, mais sans s'arrêter, même ceux des gardes royale et impériale ; car, dans toute l'armée, c'était, chaque nuit, des scènes pareilles
de Philippe de SÉGUR dans ib. IX, 13
Vieille garde, moyenne garde, jeune garde, différents corps qui faisaient partie de la garde de Napoléon 1er.
En cheminant ainsi, il appela Mortier et lui ordonna de faire enfin avancer la jeune garde, mais surtout de ne point dépasser le nouveau ravin qui séparait de l'ennemi
de Philippe de SÉGUR dans Hist. de Nap. VII, 11
Il a fallu qu'ils [les soldats revenant de Moscou] attendissent [devant Smolensk] l'arrivée de la première troupe encore commandée et en ordre, c'était la vieille et la jeune garde ; les hommes débandés n'entrèrent qu'à la suite
de Philippe de SÉGUR dans ib. IX, 14
Garde constitutionnelle, garde qui fut accordée à Louis XVI par l'assemblée législative, et qui devait être de 1800 hommes.
11
Grand'garde, corps de cavalerie placé à la tête d'un camp pour empêcher que l'armée ne soit surprise.
Il se dit aussi du corps de garde principal d'une place forte ou d'un camp.
Garde avancée (dite aussi autrefois garde folle), corps que l'on met au delà de la grand'garde pour plus de sûreté.
La garde avancée n'était qu'à la portée du canon de celle des ennemis
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 5
12
Garde nationale, citoyens armés pour le maintien de l'ordre, et ne recevant point de solde.
Garde bourgeoise, garde urbaine, garde civique, se dit quelquefois pour garde nationale.
Garde municipale, troupe sédentaire chargée d'un service de police ; on l'appelle municipale, parce qu'elle est à la solde et aux ordres d'une ville.
Garde départementale, corps d'infanterie établi, durant le premier empire, dans chaque département.
13
Garde d'honneur, troupe choisie pour escorter des personnages auxquels on rend des honneurs militaires.
Il se dit aussi d'une réunion de citoyens qui, volontairement, servent de gardes à un souverain, à un prince, etc. pendant son séjour dans la ville ou le pays.
Garde d'honneur, s'est dit d'une levée qui se fit en 1813 et 1814 de jeunes gens de bonne famille qui s'étaient rachetés une ou plusieurs fois de la conscription et qui furent formés en corps de cavalerie.
14
La partie d'une épée, d'un sabre ou d'un poignard qui sert à couvrir la main.
Son épée dont la garde était d'or
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Tél. XVI
Les gardes d'épées et sabres seront marquées et contre-marquées aux branches et plaques
dans Règlement orfév. 30 déc. 1679
À ces mots, il tourna la pointe de son épée contre son estomac, la plongea jusqu'à la garde, et tomba sur le corps de don Juan
de Alain René LESAGE dans Diabl. boît. 15
Monter une garde, établir la garde d'une épée telle qu'elle doit être ; fig. et familièrement, monter une garde à quelqu'un, le réprimander vivement. Telle est du moins l'explication que l'Académie donne de cette locution singulière.
On a dit au pluriel les gardes d'une épée ; de là la locution familière et figurée : s'en donner jusqu'aux gardes, boire et manger tout son soûl, et, en général, prendre d'un plaisir sans réserve ni modération.
Je boirai, je pétunerai [je prendrai du tabac], Jusqu'aux gardes m'en donnerai
de Paul SCARRON dans Virg. V
La Rappinière but tant qu'il s'enivra, et la Rancune s'en donna aussi jusqu'aux gardes
de Paul SCARRON dans Rom. com. I, 4
15
Sémantique : Terme d'escrime. La garde, l'attitude du bras quand on tient l'épée pour le combat.
La garde haute, basse, tenir le poignet haut, bas.
Se mettre, se tenir en garde, se mettre, se tenir en état de défense l'épée à la main.
Nature : Elliptiquement. En garde ! Mettez-vous en garde.
Une, deux ! un saut en arrière ! en garde, monsieur, en garde !
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans B. gent. II, 3
Sémantique : Fig. Se tenir, être en garde, se défier, veiller à n'être point surpris.
Moins en garde contre elle que contre Rochester
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 9
Je redeviens homme, et homme en garde contre les plaisirs
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Dial. des morts anc. dial. 6
Soyez en garde contre votre humeur
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Tél. XXIV
Une persécution contre laquelle on n'est point en garde
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Avent, Épiph.
Nous devons être en garde contre notre coeur
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Panég. Mart.
On est en garde, on doute enfin si l'on rira
de Jean-Baptiste Louis GRESSET dans Méchant, IV, 7
Sémantique : Fig. Être hors de garde, être déconcerté dans ses mesures.
Tu vas sortir de garde et perdre tes mesures ; Explique, si tu peux, encor ses impostures
de Pierre CORNEILLE dans Ment. III, 3
Léandre pour nous nuire est hors de garde enfin
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans l'Ét. III, 5
Vous le pourrez longtemps mettre encor hors de garde
de Thomas CORNEILLE dans Feint astrol. II, 5
Il y a quatre gardes générales de l'épée : la prime ou première garde ; la seconde garde, improprement appelée tierce par quelques-uns ; la tierce ou la troisième garde ; et la quarte ou la quatrième garde ; de là la locution figurée : être, se mettre, se tenir sur ses gardes, c'est-à-dire faire attention à ne pas se laisser surprendre.
Nous avons besoin de nous tenir sur nos gardes
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 501
Il se tiendra sur ses gardes assurément
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Fourb. de Scap. II, 9
La vedette se mit sur ses gardes
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 5
Il faut en ce pays être un peu sur ses gardes
de Jean-François REGNARD dans Ménechmes, II, 2
L'Académie a placé cette locution sous la rubrique de surveillance, dans l'article. Mais les gardes de l'escrime montrent ce qu'est véritablement cette locution. Pourtant il faut remarquer qu'elle est déjà dans Froissart ; et sans doute dès lors l'escrime avait ses gardes.
16
Sémantique : Terme de jeu de cartes. Petite carte de même couleur qu'un roi ou une carte principale, et qui protège ce roi, cette carte principale.
Sémantique : Fig. et familièrement. Avoir toujours garde à carreau, être toujours prêt à se défendre, à riposter.
17
S. f. pl. Sémantique : Terme de serrurier. Petites pointes de fer qui entrent dans les fentes du panneton d'une clef, et qui empêchent la clef de tourner, lorsqu'on y fait le moindre changement.
J'aurais peut-être le temps de changer ce qu'il a imité ; je ferais comme les gens qu'on a volés, qui changent les gardes de la serrure
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. Thiriot, 25 déc. 1735
Gardes d'une clef, les entailles du panneton dans lesquelles passent les garnitures de la serrure.
18
Sémantique : Terme de librairie. Feuillet que l'on met au commencement et à la fin d'un livre.
Il est tout à fait désagréable de voir près d'un titre roux une garde extrêmement blanche ; il est essentiel que la teinte des gardes s'accorde avec le papier du livre
de LESNÉ dans la Reliure, p. 146
19
Sémantique : Terme de reliure. Bande de parchemin entaillée elle-même par petites bandes qui doivent être collées dans les entre-nerfs. Pour les livres un peu soignés on met de chaque côté de la battée une garde ou chemise, Manuel du relieur, p. 55.
Fausse garde, synonyme d'onglet.
20
Garde, se dit des anneaux qui soutiennent un peson, une romaine.
Garde faible, celle qui est la plus éloignée du centre de la balance ; garde forte, celle qui en est la plus proche.
21
Sémantique : Terme de rubanier. Bande de papier qui tient le peigne fixé dans le battant.
22
Sémantique : Terme de marine. Planche clouée sur deux pièces de bois pour les relier momentanément.
Espèce de jumelle que l'on applique sur une pièce qui a éclaté, afin de la consolider.
Gardes ou palans de garde, les deux palans qui servent à maintenir la corne d'artimon.
Garde montante, nom donné par les pilotes de la Seine à l'aussière de terre qui soutient le bâtiment contre la marée.
23
Nature : Au pluriel. Morceaux de bois placés aux deux bouts des peignes du tisserand pour en assujettir les broches.
Sémantique : Terme de verrier. Morceaux de verre que l'on place dans le poêle pour faire connaître le moment de la calcination.
Sémantique : Terme de vénerie. Gardes, les os de derrière ou ergots des jambes d'une bête fauve, cerf, sanglier, etc. près des pieds.

REMARQUE

1
Entre les locutions se donner garde et se donner de garde, la première est la plus ancienne, et se trouve dès le XIIe siècle ; elle est claire et s'entend de soi : se donner garde, c'est donner à soi garde, attention, surveillance pour quelque chose. La seconde, plus récente, se trouve dans Froissart, et ne s'explique pas facilement. On peut croire pourtant qu'elle est née d'un changement de l'idée sur se donner : se donner garde, c'est donner à soi garde ; se donner de garde, c'est donner soi avec garde ; de garde doit signifier avec garde, comme du front signifie avec le front dans donner du front contre quelque chose. On écrira sans difficulté : ils, elles se sont donné garde. Mais comment écrira-t-on avec de garde ? Les grammairiens ne disent rien là-dessus. Si l'explication que nous venons de proposer est juste, il faut écrire : ils se sont donnés, elles se sont données de garde. En tout cas, l'orthographe : ils se sont donné de garde, se résout en : ils ont donné à soi de garde ; ce qui ne signifie rien. Voyez aussi à FRONT n° 1 : se donner du front contre quelque chose, qui soulève la même question.

HISTORIQUE

1
XIe s.
Dient Franceis : il nous i convient garde
dans Ch. de Rol. XII
2
XIIe s.
Quant moins se donent garde cil qui sont au crenel
dans Sax. IX
Prist guarde à Habraam, à qui Deus comanda Que de sa terre eissit, e li bers s'en ala, Guerpi ses conissanz....
dans Th. le mart. 65
E mist ses guardes en Damasches, si qu'il de Syrie rechut [reçut] servise e treud [tribut]
dans Rois, p. 147
3
XIIIe s.
Cele porte, où li Grieu issoient plus sovent, ot [eut] Pieres de Braiecuel en garde
de Geoffroi de VILLEHARDOUIN dans LXXVI
Li pelerin ne vous assaudront mie ; ne d'eus n'avez vous garde, se vous volez deffendre des Veniciens
de Geoffroi de VILLEHARDOUIN dans XLVII
Or soit Dix et li siens Garde des deus loiaus amans
dans Bl. et Jeh. 3366
Nus serreuriers ne puet vendre à Paris serreure neuve, se ele n'est garnie de toutes gardes, quar ele est fause
dans Liv. des mét. 51
Ains t'aura mes peres en garde, Et norrira nous deux ensemble
dans la Rose, 5850
Bestes qui sont prises à garde fete, en damaces, si comme en taillis ou en vignes, el tans qu'eles sont deffendues....
de Philippe de BEAUMANOIR dans XXX, 57
Toutes les foiz que la royne s'escrioit, il disoit : dame, n'aiés garde [crainte], car je suis ci
de Jean, PRINCE DE JOINVILLE dans 252
Et sachiez que, se il se feussent pris garde de nous, il nous eussent tous mors [tués]
de Jean, PRINCE DE JOINVILLE dans 227
Mauvaise convoitise li feroit faire la garde dou loup [trahir ses devoirs de tuteur]
dans Ass. de Jérusal. p. 123, dans LACURNE
4
XIVe s.
Sur vos gardes soiez et main [matin] et anuitier
dans Guesclin. 21958
La dame de Lalande comme garde [tutrice] de ses enfans
de Victor Henri-Joseph Brahain, dit DU CANGE dans warda.
5
XVe s.
Et fit reparer la ville et la forteresse tellement qu'elle n'avoit garde d'assaut que on y fit, sur un mois ou deux
de Jean FROISSART dans I, I, 222
Le sire de Montmorency qui bien se donna de garde de ce tour....
de Jean FROISSART dans I, I, 140
[Le roi d'Angleterre, qui vouloit d'abord faire mourir messire Hervey, lui accorde la liberté à rançon] le chevalier en eut grand joie quand il entendit qu'il n'auroit garde de mourir
de Jean FROISSART dans I, I, 214
Aussi la guete du chastel ouït la frainte et l'aperçut de sa garde : si fut tout esbahi, et commença à sonner et à corner de sa bucine
de Jean FROISSART dans I, I, 79
Aimery, viens avant, tu sais que je t'ai donné en garde la chose du monde que plus aime après ma femme et mes enfans....
de Jean FROISSART dans I, I, 326
Dites à vos gens qu'ils soient tousjours nuit et jour pourvus et sur leurs gardes
de ID. dans II, II, 53
Pour avoir fait ou [au] guischet de la porte une clef, abillé les gardes....
dans Bibl. des chartes, 3e série, t. IV, p. 389
Il y crut competemment de blez qui furent bons et de garde
de J. DE TROYES dans Chron. 1460
Le suppliant se transporta en une garde ou mestoierie [métairie]
de Victor Henri-Joseph Brahain, dit DU CANGE dans garda.
Je n'avois garde de rien conclure, car on ne me disoit rien
de Philippe de COMMINES dans VIII, 7
La gente demoiselle se donnoit garde [regardait] souvent se son ami viendroit point
de LOUIS XI dans Nouv. LXI
6
XVIe s.
La resolution du conseil feut que, en tout evenement, ilz se tiendroient sur leurs gardes
de François RABELAIS dans Pant. IV, 37
Il la cherissoit plus que de coutume et prenoit plus près garde sur elle
de Marguerite de Navarre, dite aussi de Valois, ou d'Angoulême, reine de Navarre dans Nouv. X
Quand je me prends garde de prez aux plus glorieux exploits de la guerre
de Michel de MONTAIGNE dans I, 132
L'aultre desdaigne d'en haster son pas et se mettre sur sa garde
de Michel de MONTAIGNE dans II, 105
On me feit monter sur un cheval qui n'avoit garde de leur eschapper
de Michel de MONTAIGNE dans IV, 229
L'histoire est la plus seure garde que les hommes puissent laisser de leurs faicts en ce monde
de Jacques AMYOT dans Préf. 27
Il se jetta hors de son camp sans avoir autour de sa personne une seule garde ny un seul escuyer
de Jacques AMYOT dans Lucull. 31
Laissant Sornatius avec six mille combatans, à la garde du royaume de Pont
de Jacques AMYOT dans ib. 43
Les chefs et soldats de ses gardes, au lieu de gardes estoient geoliers
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans Hist. Préf. 7
S'estant avancé à cafourchons sur les gardes du pont
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans ib. I, 336
L'autre mit l'espée jusques aux gardes dans le ventre de son prisonnier
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans ib. 169
Les gardes se posoient par tout tambour battant
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans ib. II, 234
Il trouva le corps de garde esmeu pource que....
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans ib. II, 440
Les autres, fermans le corps de garde, s'y deffendoient
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans ib. III, 317
La chose precieuse est de mauvaise garde [difficile à garder]
de Pierre de RONSARD dans 249
Pere et mere, ayol et ayolle ont garde des enfans soubz aage
dans Grand coust. de France, liv. II, p. 345, dans LACURNE
Les vassaux qui doivent gardes de leurs corps les doivent faire quand elles leur sont commandées
dans Coust. génér. t. II, p. 546
Les plus ciairs voyans qui cognoissoient le naturel de la royne se doutoient bien de quelque garde de dedans [rancune]
de Pierre de Bourdeille, seigneur et abbé de BRANTÔME dans Dames illustres, p. 252, dans LACURNE

ÉTYMOLOGIE

1
Voy. GARDER ; bourguign. gade ; picard. warde ; wallon, wâd ; provenc. garda, guarda ; espagn. et portug. guarda ; ital. guardia.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
Ajoutez :
Garde meurtrière, voy. MEURTRIER.
2
Terme juridique. Garde à vue de bétail, action de celui qui fait paître, en les gardant, ses propres bestiaux dans le champ d'autrui.
Le garçon boucher a déjà été condamné autrefois pour garde à vue de bestiaux
dans Gaz. des Trib. 11 juin 1874, p. 557, 1re col.
3
Ajoutez :
2. Au n° 5, deux emplois de prendre garde de et un infinitif sont inscrits : prendre garde de ne pas..., avoir soin de ne pas ; et prendre garde de, sans négation à l'infinitif suivant, s'efforcer d'éviter. Il y a lieu d'ajouter un troisième emploi : Il faut prendre garde d'éviter l'équivoque, BOSSUET, Projet. Ici, prendre garde signifie veiller à. En présence de ces variétés d'emplois, quand on se servira de prendre garde de, il faudra bien vérifier si le contexte détermine exactement le sens.
3. On trouve avoir garde de, dans le sens de n'avoir garde de (voy. GARDE, n° 7).
Quand nous le rencontrions ainsi absorbé [Gérard de Nerval], nous avions garde de l'aborder brusquement, de peur de le faire tomber du haut de son rêve comme un somnambule qu'on réveillerait en sursaut,...
de TH. GAUTIER dans le Bien public, 21 avril 1872

Synonymes de GARDE

Termes proches de GARDE

Phonétiquement proche de GARDE