Définition de DEVOIR

DÉFINITIONS - PROVERBES - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : de-voir

DÉFINITIONS

1
Avoir à payer une somme d'argent, ou à fournir toute autre valeur. Il doit plus qu'il ne possède. Devoir de l'argent, plusieurs journées de travail.
Je dois quatre cents francs à mon marchand de vin, Un fripon qui demeure au cabaret voisin
Devoir plus d'argent qu'on n'est gros, être très endetté.
Devoir du retour, devoir quelque argent en sus, après avoir fait un troc ; et fig.
Et d'autant que l'honneur m'est plus cher que la vie, D'autant plus maintenant je te dois de retour
Nature : Absolument. Il doit de tous côtés.
Brid'oison : Mais si tu dois et que tu ne payes pas...? - Figaro : Alors, monsieur voit bien que c'est comme si je ne devais pas
Devoir à Dieu et à diable, à Dieu et au monde, au tiers et au quart, devoir de l'argent à un très grand nombre de personnes.
Sémantique : Fig. Devoir tribut, être obligé de se conformer à.
Aux usages reçus il faut qu'on s'accommode ; Une femme surtout doit tribut à la mode
Sémantique : Fig. et familièrement. Il m'en doit, ou je lui en dois, il m'a offensé et je m'en vengerai.
C'était moi ; je t'en devais, il y a bien longtemps
de BARON dans Homme à bonnes fort. V, 8
N'en devoir rien, n'en devoir guère, ne pas céder à, ne pas être inférieur.
Sans répandre leur sang comme Pyrame et Thisbé, ils ne leur en durent guère en tendresse impétueuse
Si votre majesté Est curieuse de beauté, Qu'elle fasse venir mon frère : Aux plus charmants il n'en doit guère
de Jean de LA FONTAINE dans Joc.
J'ai vu les beautés de la Seine, ses bords n'en doivent rien à ceux de la Loire
Sémantique : Ironiquement. Il ne lui en doit guère, il ne vaut pas mieux que lui.
D'Arlincourt est venu à la cour et a dit : Voilà mon Solitaire et mes autres romans qui n'en doivent guère au Christianisme de Chateaubriand
Ils ne s'en doivent guère, se dit de gens qui ont des torts réciproques ou qui ne valent pas mieux l'un que l'autre en certaines choses.
....Je crois, à parler à sentiments ouverts, Que nous ne nous en devons guères
Thésée : Ne parlons plus d'amours ; sur ce chapitre honteux, nous ne nous en devons rien [l'un à l'autre, moi et Hercule]
Sémantique : Terme de comptabilité. Doit, par opposition à avoir, partie d'un compte établissant ce qu'une personne doit et ce qu'elle a reçu. Tenir ses comptes par doit et par avoir.
2
Être redevable à, avoir obtenu par. Je lui dois tout. Je lui dois la place que j'occupe.
On n'aime point à voir ceux à qui l'on doit tant ; Tout ce qu'il a fait parle au moment qu'il m'approche, Et sa seule présence est un secret reproche
L'un imite Sophocle, l'autre doit plus à Euripide
Si Menzikoff fit cette manoeuvre de lui-même, la Russie lui dut son salut ; si le czar l'ordonna, il était un digne adversaire de Charles XII
Les chrétiens vous devraient une tête si chère
L'un tient de moi la vie, à l'autre je la dois
Si Racine doit à Tacite la belle scène entre Agrippine et son fils, Corneille doit à Sénèque celle d'Auguste et de Cinna
Devoir, avec de et un verbe à l'infinitif, même sens.
Nous servions dans le même régiment, dont je vous dois d'être major
Devoir se dit aussi quelquefois en mauvaise part. Je lui dois tous mes maux.
Être redevable à des choses, avoir obtenu par des choses.
Fais devoir à ton roi son salut à ta perte [fais que ton roi doive son salut à ta mort]
Il y a de certains grands sentiments, de certaines actions nobles et élevées, que nous devons moins à la force de notre esprit qu'à la bonté de notre naturel
de Jean de LA BRUYÈRE dans IV
Devrai-je au dépit qui le presse Ce que j'aurais voulu devoir à sa tendresse ?
Les nations avaient déjà donné à Pierre Alexiovitz le nom de grand, qu'une défaite ne pouvait lui faire perdre, parce qu'il ne le devait pas à des victoires
En parlant de ce qui a obtenu quelque chose par une certaine circonstance. Cette colline doit son nom à tel événement.
3
Être tenu, obligé envers. Il ne doit compte de ses actions à personne.
Ne me dites plus rien ; pour vous j'ai tout perdu ; Ce que je vous devais, je vous l'ai bien rendu
Je vous devrai beaucoup pour un si bon office
Vous qui devez respect au moindre des Romains
Si vous lui devez tant, ne me devez-vous rien ?
Il est temps de montrer cette ardeur et ce zèle Qu'au fond de votre coeur mes soins ont cultivés, Et de payer à Dieu ce que vous lui devez
Nous avons beaucoup moins de peine à faire plus que nous ne devons qu'à faire ce que nous devons
de Louis BOURDALOUE dans Sévérité évang. 2e avent, p. 448
Pardonne-moi, mon fils, si je trouble ton récit par les larmes que je dois à ton père
En un mot il [Dieu] doit à toutes ses perfections la punition du péché
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Car. Pass.
Que pouviez-vous ? hélas ! - J'ai fait ce que j'ai dû
Nature : Absolument.
Je dois à ma maîtresse aussi bien qu'à mon père
Ressouvenez-vous que, hors d'ici, je ne dois plus qu'à mon honneur
Se devoir à soi-même, être tenu en vertu de sa propre considération.
Je sais ce que je suis et ce que je me dois
Dieu se devait à lui-même de rendre son image heureuse
Je vous dois cet avis, votre intérêt me commande de vous donner cet avis.
4
Devoir, suivi d'un verbe à l'infinitif, exprime qu'une chose arrivera infailliblement. Tous les hommes doivent mourir.
Il exprime une obligation morale. Un bon fils doit respecter son père.
Si la bonne foi était exilée du reste de la terre, elle devrait se retrouver dans le coeur des rois
dans Parole du roi Jean
Il marque qu'il y a une sorte de justice ou de raison à ce qu'une chose soit. On devrait planter des arbres le long de cette route.
J'ai dû continuer, j'ai dû dans tout le reste.... Que sais-je enfin ? j'ai dû vous être moins funeste, J'ai dû craindre du roi les dons empoisonnés
Le zèle de Joad n'a point dû vous surprendre
À de moindres fureurs je n'ai pas dû m'attendre ; Voilà, voilà les cris que je craignais d'entendre
de Jean RACINE dans ib. IV, 5
Un jour seul perdu devrait donc nous laisser des regrets, mille fois plus vifs et plus cuisants qu'une grande fortune manquée
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Car. Temps.
À ces biens fugitifs votre amour doit survivre
On s'en sert pour marquer l'intention. Je dois aller demain à la campagne.
Il marque aussi un futur indéterminé. Il doit partir demain. Il devait sortir hier. Nous devons chanter ce soir. Il doit y avoir demain une assemblée des actionnaires. Je dois prochainement recevoir de l'argent.
Devoir exprime quelquefois une supposition. C'est lui qui doit avoir fait cela, on suppose que c'est lui qui a fait cela.
Les deux accusateurs que lui-même a produits, Que pour l'assassiner je dois avoir séduits
Il indique en d'autres cas une simple croyance.
Et Léonce doit être incapable de crime Puisqu'il a mérité l'honneur de ton estime
Un voile ténébreux Nous dérobe le jour qui doit nous rendre heureux
de Louis RACINE dans la Grâce, ch. I
Ces faits-là doivent être communs, je pense qu'ils sont communs.
Des actes d'une nature si sublime doivent être rares
5
L'imparfait du subjonctif, placé en tête de la phrase, s'emploie dans le sens de quand même. Dussé-je être blâmé [quand même je serais blâmé], je vous soutiendrai. Dusses-tu y perdre de l'argent, il faut entrer dans cette affaire. Dût cela mal tourner, nous ne vous quitterons pas. Dussions - nous échouer, dussiez - vous échouer, dussent-ils échouer, nous essayerons.
Dût le peuple en fureur pour ses maîtres nouveaux De mon sang odieux arroser leurs tombeaux, Dût le Parthe vengeur me trouver sans défense, Dût le ciel égaler le supplice à l'offense, Trône, à t'abandonner je ne puis consentir
Crois-moi, dût Auzanet t'assurer du succès, Abbé, n'entreprends point même un juste procès
Dût tout cet appareil retomber sur ma tête
Dût Mme d'Acigné m'accuser d'être injuste, ou M. de Richelieu d'être ingrate
6
Se devoir, Nature : v. réfl. Être dû, être obligatoire. Cela se doit.
7
Être obligé de se consacrer à.
Le sage s'accommode aux changements divers, Et l'homme généreux se doit à l'univers
de BRÉBEUF dans Phars. II
Sa mort vous laisse un fils à qui vous vous devez
Un roi se doit à tous les hommes qu'il gouverne
Mon âme tout entière Se doit aux grands objets de ma vaste carrière

PROVERBES

1
Exemple : Fais ce que dois, advienne que pourra, se dit de celui qui accomplit son devoir, sans se laisser ébranler par la pensée de ce qui peut en arriver.
2
Exemple : Quand on doit, il faut payer ou agréer, c'est-à-dire il faut donner à son créancier de l'argent ou du moins de bonnes paroles.
3
Exemple : Qui nous doit, nous demande, c'est-à-dire celui dont nous avons sujet de nous plaindre nous accuse.
4
Il croit toujours qu'on lui en doit de reste, il n'est jamais content de ce qu'on fait pour lui
dans Dict. de l'Académie
5
Exemple : Il semble que Dieu lui en doive de reste, se dit d'un homme qui fait mal ou grossièrement son devoir.
6
Exemple : Qui a terme ne doit rien, c'est-à-dire qu'on ne peut rien lui demander jusqu'au terme.
7
Qui doit a tort, signifie qu'il faut payer ou être condamné aux dépens.
8
Exemple : Va où tu peux, mourir où tu dois, se dit à celui qu'on abandonne à son sort.

REMARQUE

1
1. Les poëtes du XVIIe siècle et même du XVIIIe ont écrit je doi sans s :
La mort a respecté ces jours que je te doi, Pour me donner le temps de m'acquitter vers toi
2
2.
Vous devriez était de deux syllabes : Mais vous devriez, ma fille, en l'âge où je vous voy....
3
3. Marg. Buffet, Observ. p. 138 (en 1668), dit que quelques-uns prononcent : je dais de l'argent ; il dait beaucoup ; et qu'il faut prononcer : je dois, il doit. C'était la prononciation normande qui n'était pas encore complétement exclue.

HISTORIQUE

1
IXe s.
Si cum om per dreit son fradre [frère] salvar dist [doit]
dans Serment
2
Xe s.
Chi [qui] sil [ainsi le] feent [font] cum faire lo deent [doivent]
dans Fragm. de Valenc. p. 469
3
XIe s.
Si hom occit altre, et il seit conusaunt [connaissant], et il deive faire les amendes....
dans Lois de Guill. 8
Deüz servises et mout grant amistez
dans Ch. de Rol. III
En France ad Ais s'en deit bien repairer
dans ib.
[Dieu] Le glorius que deüsse [je dusse] aorer
dans ib. IX
Quant [il] le dut prendre, si lui cheït à terre
dans ib. XX
Li siens orgueilz le devreit bien confondre
dans ib. XXVIII
Qui ce jugeat [décida] que doüssiez aller
dans ib. XXVI
4
XIIe s.
Bien deüst estre escoutez et oïs
dans Ronc. p. 24
S'en [quand même] devroie estre occis
dans ib.
Jamais n'iert [ne sera] jor, ne me doiez [que vous ne me deviez] amer
dans ib. p. 30
Bien l'avez fait, mout [je] vous en doi amer
dans ib. p. 33
Oncle Girart, quant [je] me dui [dus] esveiller
dans ib. p. 164
Ma bataille [j']offre, cui qu'en doie peser [à qui qu'il en doive peser, être désagréable]
dans ib. p. 191
Mais à dame de valor Doit on penser nuit et jor
dans Couci, I
Ore est bien raison et heure Que [je] m'i doie retorner
dans ib. IV
De mil souspirs que je lui doi par dete
dans ib. VI
Mais en cel point que dui [je dus] avoir mon don
dans ib.
Jà nel [ne le] deüst ne sofrir ne voloir La douce riens, qui tant est bien aprise
dans ib. XVII
Onques vers li [elle] [je] n'oi [n'eus] faus cuer ne volage ; Si m'en devroit pour tant mieuz avenir
dans ib. XI
Chascuns quatre deniers ainsi comparer dot [dut payer]
dans Sax. XVII
Maintenir le devons ; ce [je] temoigne et connois
dans ib. XVIII
Se [nous] lui devons chevage, coustume ne tonlieu [impôt]
dans ib. XXIV
Ici de Charlemaine [je] me doi ore bien taire
dans ib. XXX
5
XIIIe s.
Il voloit aler avec eus por ce qu'il sembloient bien gent qui grant terre doient conquerre
À l'aïe de Dieu fu desconfis li empereres Marchufles, et il meïsmes i dut estre pris
dans ib. XCIX
Dame, ce dist Pepins, on ne doit pas douter....
dans Berte, III
[Il] Assemble ses barons en qui se dut fier
dans ib.
Li jors que ele dut sa voie avoir emprise
dans ib. VI
L'en doit bien reculer pour le plus loin saillir
dans ib. XII
Il semble à sa maniere qu'ele doie desver [être folle]
dans ib. XVII
Ma volenté ferez, quoi qu'il doie couster
dans ib. CXII
Miex me venist estre alé pendre Au jor que ge dui fame prendre, Quant si cointe fame acointai
dans la Rose, 8878
Sa mere que envieillir [il] voit, Et son pere qui moult devoit [qui avait des dettes]
dans Bl. et Jeh. 71
Et je ne cuit que le defendant puisse chose dire par quoi la court dée esgarder que il ne li dée respondre à cel claim qu'il lors fist....
dans Ass. de J. I, p. 84
Et ce qu'on dist que voirs est [est vrai] que li sires doit autant foi et loialté à son home come li hons fet à son segneur, ce doit estre entendu en tant comme cascuns est tenus li uns vers l'autre
de Philippe de BEAUMANOIR dans LVIII, 25
Sire, je oi [j'eus] le ceval et dui ces vingt livres ; mais j'en ai fet plain paiement
de Philippe de BEAUMANOIR dans IX, 5
6
XIVe s.
Onneur crie partout et vuet : Fay que doys, aveingne que puet
de MACHAUT dans p. 112
Et aussi nous voulons estre beneurés et disons que devons vouloir avoir felicité, mais nous ne disons pas que nous la doions eslire
Tant lui est deu plus de honneur se elle est bonne
de Nicolas ORESME dans ib. 47
7
XVe s.
Et que voulez-vous, dit le roi, que je fasse ? Il n'est chose que je ne doive faire pour nous sauver
Seigneurs, vous n'estes mie en arroy ni en ordonnance, que le roi doye maintenant parler à vous
Et puis chevaucherent tout souef jusques adonc qu'ils vinrent au logis du duc. Quand ils durent approcher, ils ferirent chevaux des esperons tous d'une randon et se planterent en l'ost du duc
Je ne pense pas avoir dit ne fait chose dont me doyez savoir mal gré
de LOUIS XI dans Nouv. XXIV
Vous en deveriez estre content
de LOUIS XI dans ib. XXXVIII
Vous n'estes pas telle que vous deussiez estre
de LOUIS XI dans ib. LXVIII
8
XVIe s.
Là elle veoit une lumiere telle, Que, pour la veoir, mourir devrions vouloir
de Clément MAROT dans III, 301
Laquelle en beauté et bonne grace ne devoit rien à son mari
Le jour mesme qu'elle [la sentence] debvoit estre prononcée
de Michel de MONTAIGNE dans I, 40
Il debvoit plus à la fortune qu'à sa diligence
de Michel de MONTAIGNE dans I, 41
La peur emporta nostre jugement hors de sa deue assiette
de Michel de MONTAIGNE dans I, 61
Tout cela tesmoigne qu'ils ne nous debvoient rien en clarté d'esprit naturelle et en pertinence
de Michel de MONTAIGNE dans IV, 17
Le roy s'en meit en si grande cholere contre luy, que l'on pensoit qu'il ne luy deust jamais pardonner
de Jacques AMYOT dans Thém. 53
Bon citoyen et faisant le deu de son office
de Jacques AMYOT dans Flamin. 37
Voici le destroit où les poures consciences sont merveilleusement vexées et affligées, quand elles voyent que ceste contrition deue [pleine, entière] leur est imposée

ÉTYMOLOGIE

1
Bourguig. devoi ; provenç. dever ; catal. deurer ; espagn. deber ; ital. devere ; du latin debere, que les étymologistes regardent comme composé de de habere, ne pas avoir, avoir perdu la possession.

Synonymes de DEVOIR

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