Définition de FALLOIR

DÉFINITIONS - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : fa-loir

DÉFINITIONS

1
Faire besoin (le sens étymologique de falloir étant manquer). Il lui fallait cent francs. Que vous faut-il encore ? J'ai le cheval qu'il vous faut.
Il nous faudrait mille personnes Pour éplucher tout ce canton
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. I, 8
Il fallait un Aristote pour un Alexandre
de Charles ROLLIN dans Hist. anc. Oeuv. t. VI, p. 601, dans POUGENS
Pour le petit nombre de ceux dont la tête est ferme, le goût délicat et le sens exquis, et qui comme vous, messieurs, comptent pour peu le ton, les gestes et le vain son des mots, il faut des choses, des pensées, des raisons
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Disc. de récep. à l'Acad.
Il a fallu vingt mille ans pour la retraite des eaux, qui d'abord étaient élevées de deux mille toises au-dessus du niveau de nos mers actuelles
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans 4e époque, Oeuv. t. XII, p. 230, dans POUGENS
Il me faut qui m'estime, il me faut des amis à qui dans mes secrets tout accès soit permis
de André CHÉNIER dans Élég. XI
....Dieu cruel, fallait-il nos supplices Pour ta félicité ?
de Alphonse de LAMARTINE dans Méd. I, 7
2
Il se dit de l'argent à donner pour achat d'une marchandise, pour prix d'un salaire. Combien vous faut-il pour votre marchandise, pour votre peine ?
3
Employé avec le pronom personnel se et précédé de la particule en, ce verbe indique une différence en moins. En cet emploi, c'est un verbe neutre réfléchi, comme s'enfuir, et il se conjugue comme les verbes réfléchis, c'est-à-dire avec le verbe être.
Vous dites qu'il s'en faut tant que la somme y soit ; il ne peut s'en falloir tant
dans Dict. de l'Acad.
La Valteline est toute à nous ; et, s'il s'en faut quelque chose, ce n'est qu'un fort qui n'est pas meilleur que les autres qui se sont rendus
de François de MALHERBE dans Lett. à Racan, 18 janv. 1625
La maîtresse du monde ! ah ! vous me feriez peur S'il ne s'en fallait pas l'Arménie et mon coeur
de Pierre CORNEILLE dans Nicom. III, 2
Vous ne les auriez pas, s'il s'en fallait un double
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Méd. m. lui, I, 6
Pour moi, j'ai vu des moments où il ne s'en fallait rien que la fortune ne me mît dans la plus agréable situation du monde
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 430
J'ai été sur le point, ces jours passés, de mourir ; il ne s'en est pas fallu l'épaisseur d'un cheveu
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. Richelieu, 20 sept. 1773
Le compte n'y est pas, il s'en faut cent sous, la différence en moins est de cent sous.
On le dit aussi avec la préposition de.
Il ne s'en est fallu que d'un moment
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Princ. de Babyl. 7
Cette construction, il ne s'en est pas fallu l'épaisseur d'un cheveu, s'explique ainsi : il, sujet indéterminé, c'est-à-dire l'épaisseur d'un cheveu, ne s'en est pas fallu. On dirait aussi : il ne s'en est pas fallu de l'épaisseur d'un cheveu ; mais alors l'explication grammaticale est différente : il s'en faut se dit absolument pour signifier il y a une différence en moins ; et de l'épaisseur d'un cheveu devient une locution adverbiale qui modifie il s'en faut.
Il se construit avec que et le subjonctif.
Il s'en fallait qu'il n'eût achevé
dans Dict. de l'Acad.
Il s'en faut peu de chose que cela n'aille
dans ib.
4
Il s'en faut beaucoup, il s'en faut bien, la différence en moins est grande.
Il s'en faut beaucoup qu'il ait satisfait l'attente du public
dans Dict. de l'Acad.
Je puis vous assurer qu'il s'en faut bien qu'on y meure de faim
de Jean RACINE dans Lett. 16 à Boileau.
Cet homme paraît faire tout ce qu'il veut, mais il s'en faut bien qu'il le fasse
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Tél. III
Tous les hôtes d'Ibrahim n'étaient pas riches ; il s'en fallait beaucoup
de François René CHATEAUBRIAND dans Itin. 1re part.
On dit aussi : beaucoup s'en faut.
L'abbaye.... ne vaut pas beaucoup s'en faut Les deux mille francs qu'il me faut
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Épit. III
Il s'en faut de beaucoup (voy. c1-dessus l'explication de cette construction), se dit surtout pour exprimer une différence en moins de quantité.
S'en faut-il de beaucoup que la somme soit complète ? Il s'en faut de beaucoup que leur nombre soit complet
dans Dict. de l'Acad.
Vous voilà bien arriéré, il s'en faut de beaucoup que votre tâche soit aussi avancée qu'elle devrait l'être
dans ib.
Ce prince, comme on l'a dit, n'avait pas regagné tout son royaume par l'épée ; il s'en fallait de beaucoup
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Hist. du parl. ch. XXXVIII
Avec ne surabondant.
Il s'en faut beaucoup qu'elle ne soit aussi merveilleuse qu'on se l'imagine
de Antoine HAMILTON dans Gram. 8
Il s'en fallait beaucoup que tout ne fût fait
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Littre.
Il n'a rien mis du sien dans sa réputation que son mérite, et communément il s'en faut beaucoup que ce ne soit assez
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Méry.
Il s'en faut bien qu'ils ne fussent tous agréables à Dieu
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Profess. relig. Serm. 2
Dans cette construction le mieux est de ne pas mettre ne.
5
Il ne s'en faut guère, la différence n'est pas grande. Il ne s'en est guère fallu que je ne fusse trompé par son air de candeur.
Pour les moines, je ne pensais pas tout à fait comme eux ; mais il ne s'en fallait guère ; vous m'avez fait plaisir de me désabuser
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 22 juil. 1672
On le dit aussi avec de.
Il ne s'en faut de guère que ce vase ne soit plein
dans Dict. de l'Acad.
6
Il s'en faut peu, peu s'en faut, la différence en moins est petite, locution qui a pris le sens de presque. Peu s'en est fallu que je ne vinsse.
Peu s'en faut que vous n'ayez engraissé un étique
de Jean-Louis GUEZ de BALZAC dans liv. VII, lett. 22
Aussi le reçoit-il [le coup] peu s'en faut sans défense
de Pierre CORNEILLE dans Hor. IV, 2
Peu s'en fallut que le soleil Ne rebroussât d'horreur vers le manoir liquide
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. XI, 3
Peu s'en faut que d'amour la pauvrette ne meure
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans l'Ét. I, 6
Un discours que rien ne lie et n'embarrasse, marche et coule de soi-même, et il s'en faut peu qu'il n'aille quelquefois plus vite que la pensée même de l'orateur
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Traité du subl. ch. 16
Avec quels yeux cruels sa rigueur obstinée Vous laissait à ses pieds peu s'en faut prosternée !
de Jean RACINE dans Phèd. III, 1
Peu s'en faut que Mathan ne m'ait nommé son père
de Jean RACINE dans Athal. III, 6
Peu s'en fallut qu'il n'interrompît Mentor
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Tél. XI
Il s'en faut de peu, s'emploie quand il s'agit d'une différence en quantité.
Il s'en faut de peu que ce vase ne soit plein
dans Dict. de l'Acad.
7
Être de nécessité, de devoir, d'obligation (parce que avoir ce qui manque devient une nécessité). Il ne faut pas croire tout ce qu'on dit. Il vous faudra faire ce voyage.
Eh bien ! vous le voulez, il faut vous satisfaire, Il faut affranchir Rome, il faut venger un père, Il faut sur un tyran porter de justes coups
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, III, 4
Et pour la voir tomber [l'âme tiède], il ne faut pas même la voir attaquée
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Tiédeur, 2
Il faut être utile aux hommes pour être grand dans l'opinion des hommes
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Petit car. Grand. de J. C.
Avec que il veut le subjonctif.
Il faut bien que je pleure ; Mon insensible amant ordonne que je meure
de Pierre CORNEILLE dans Hor. II, 5
Faut-il que je dérobe avec mille détours Un bonheur que vos yeux m'accordaient tous les jours ?
de Jean RACINE dans Brit. II, 6
En ce sens il est peu usité, non inusité, à l'infinitif. Il va falloir partir.
Mais sentir dans son sein que le fer veut ouvrir, Une âme ardente à vivre, et puis falloir mourir !
de AL. DUMAS dans Christine, v, 2
Il, dans le langage familier, peut se supprimer.
Allons, mon fils, marchons : fallut se rendre, Fallut partir....
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Bastille.
Faut-il ? fallait-il ? etc. s'emploie pour exprimer un regret.
Fallait-il qu'il entreprît ce fatal voyage ? Faut-il m'être engagé dans cette affaire ? Faut-il voir tant de misère ? Faut-il que sur le front d'un profane adultère Brille de la vertu le sacré caractère !
de Jean RACINE dans Phèdre, IV, 2
Faut-il que de tes mains le plus parfait ouvrage à son Dieu qu'il adore offre un coupable hommage !
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Henr. X
Il faut voir, il est nécessaire de voir, il faut examiner. Avant de se prononcer il faut voir.
Sémantique : Familièrement. Il faut voir, il est curieux, intéressant de voir. Il faut voir ce que cela deviendra.
Il faut voir se rejette quelquefois à la fin du membre de phrase, en forme d'exclamation. On les battit, il faut voir !
On dit dans un sens analogue : aussi faut-il voir. Il a fait l'insolent, aussi faut-il voir comme on l'a traité.
C'est ce qu'il faudra voir, se dit pour répondre à une folle menace. Il dit qu'il m'empêchera de passer, c'est ce qu'il faudra voir.
Dans le XVIIe siècle, quand falloir était suivi d'un verbe réfléchi, on mettait le pronom avant falloir, et alors falloir aux temps composés prenait la conjugaison des verbes réfléchis.
Il s'est fallu passer à cette bagatelle ; Alors que le temps presse, on n'a pas à choisir
de Pierre CORNEILLE dans Ment. I, 5
Un faire le faut, voy. ce mot composé à son rang alphabétique.
8
Il s'emploie avec ellipse du verbe qui précède. Parler plus qu'il ne faut.
Ne dire que ce qu'il faut, et de la manière dont il le faut est, ce me semble, un mérite dont les Français, si vous m'en exceptez, ont plus approché que les écrivains des autres pays
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. sur Zaïre.
Il le faut, cela est nécessaire.
D'éveiller ces amants, il ne le fallait pas
de Jean de LA FONTAINE dans Joc.
Il faut avoir pitié de l'amour que vous m'avez inspiré ; il le faut
de Anne Staël-Holstein, dite Mme DE STAËL dans Corinne, XVI, 3
9
Comme il faut, comme il convient.
Pour aimer comme il faut, il faut pour ce qu'on aime Embrasser l'amertume et la dureté même
de Pierre CORNEILLE dans Imit. III, 5
Rien ne la contentait, rien n'était comme il faut
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VII, 2
Quand on prend comme il faut cet accident fatal
de Jean de LA FONTAINE dans Coupe.
Je suis de retour dans un moment ; que l'on ait bien soin du logis, et que tout aille comme il faut
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Mar. f. 1
10
Un homme comme il faut (on prononce ko-mi-fô), homme de bon ton, de bonne compagnie. Les gens comme il faut. C'est une femme tout à fait comme il faut.
C'est un homme très comme il faut
dans Dict. de l'Acad.
Elle a l'air très comme il faut, elle n'a rien marchandé
de Louis-Benoît PICARD dans Trois quartiers, I, 4
Dans le langage des tailleurs et des modistes, un vêtement comme il faut, un vêtement de bon ton, bien porté.
Il ne faut pas confondre comme il faut, avec comme il en faut, qui signifie, en parlant de personnes ou de choses, comme la personne ou la chose est nécessaire. Voilà un homme comme il en faut [pour tel ou tel emploi]. Et par plaisanterie : Ce n'est pas une femme comme il faut, c'est une femme comme il en faut.
11
Si faut-il que, encore faut-il que, Nature : loc. conj. signifiant il est nécessaire, malgré tout, que.... Je veux bien le croire innocent, si faut-il qu'il s'explique. Encore faut-il que je sache à quoi m'en tenir.
12
Tant s'en faut que, Nature : loc. conj. Bien loin que. Tant s'en faut qu'il consente, qu'au contraire il fera tout pour l'empêcher.
Et tant s'en faut que les vents aient emporté ma promesse, ils m'ont donné lieu de la tenir
de Vincent VOITURE dans Lett. 49
Sémantique : Familièrement. Tant s'en faut qu'au contraire, s'emploie quelquefois par plaisanterie pour dire simplement au contraire.
Vous demandez si cette femme est jolie, tant s'en faut qu'au contraire
dans Dict. de l'Acad.
13
C'est pour son nez, il lui en faut, se dit par ironie pour marquer qu'il ne mérite pas d'avoir ce qu'il demande.
14
Molière a employé le participe présent fallant : Mais lui fallant un pic, je sortis hors d'effroi, les Fâch. II, 2 ; ce qui pourrait très bien être imité à l'occasion.

REMARQUE

1
1. Il s'en faut exprime dans toute sa conjugaison une absence, une privation dont le sens négatif se porte sur la proposition subordonnée. Alors, quand ce verbe n'est accompagné ni d'une négation, ni de quelque mot qui ait un sens négatif, tel que peu, presque, rien, etc. la proposition subordonnée ne prend pas la négative ne : Il s'en faut de beaucoup que la somme y soit ; Il s'en faut bien que tous les hommes soient de ce caractère. Mais, lorsque il s'en faut est accompagné d'une négation ou de quelqu'un des mots qui ont un sens négatif, ou bien encore si la phrase marque interrogation ou doute, la proposition subordonnée prend la négative ne : Il ne s'en faut pas de beaucoup que la somme n'y soit ; Il s'en faut peu que l'un n'ait autant de mérite que l'autre ; Peu s'en fallait qu'on ne m'abandonnât ; Il s'en faut peu qu'il ne soit le dernier ; Combien s'en faut-il que la somme n'y soit ? S'en faut-il beaucoup que la somme n'y soit ? GIRAULT-DUVIVIER.
2
2. Que de travaux il a fallu pour l'achever, et non fallus ! Il a fallu des travaux équivaut à : des travaux ont fallu, c'est-à-dire ont fait besoin. Mais comme falloir, en vertu de l'usage, n'est susceptible que de la construction impersonnelle, l'explication est : il (c'est-à-dire les travaux) a fallu, c'est-à-dire a fait besoin. Voilà pourquoi, dans la phrase citée, fallu reste invariable.
3
3. S'en falloir est un de ces verbes neutres construits avec le pronom personnel et ayant même forme que les verbes réfléchis, construction qui était familière à l'ancienne langue. Voyez pour cela le pronom SE, SOI.

HISTORIQUE

1
XIIIe s.
Petit s'en faut que mes cuers [mon coeur] ne se desment [déconcerte] de corroux
dans Psautier, f° 171
Li mien pié sunt meü, ne s'en falut guieres, à pechié faire
dans ib. f° 86
Noz avons parlé de le [la] division des quemins, parce que noz regardons qu'il sont, ne s'en faut gaires, tout corrumpu par le [la] convoitise de cix [ceux qui y marcissent [qui y sont limitrophes]
de Philippe de BEAUMANOIR dans XXV, 3
2
XVe s.
Il ne faut pas demander si Saintré fut du roy et de la royne très grandement loué
dans Jeh. de Saintré, ch. 38
À bien peu s'en faillit qu'elle ne se pasma ; et fust à l'envers tombée, se elle ne se feust bientost levée
dans ib.
Un coq d'Inde sa gorge à toi semblable porte ; Combien de riches gens N'ont pas si riche nez ! pour te peindre en la sorte, Il faut beaucoup de temps
de BASSELIN dans VI
3
XVIe s.
Et ne se fauldra plus doresnavant trouver en place ny en compaignye qui ne sera bien expoly en l'officine de Minerve
de François RABELAIS dans Pant. II, 8
....Tant s'en fault que il les voulsist assaillir, ou leurs estudes distraire
de François RABELAIS dans ib. III, 32
Dont il appert qu'en ce temps là ceste opinion a esté rejettée : de dire qu'il fausist [fallût] par satisfaction recompenser les fautes passées
de Jean CALVIN dans Instit. 521
Il me faust adjouster cet aultre exemple
de Michel de MONTAIGNE dans I, 16
Il s'en fault tant que je sois arrivé à ce degré d'excellence, que...
de Michel de MONTAIGNE dans II, 122
Le temps qu'il lui falloit à....
de Michel de MONTAIGNE dans I, 23

ÉTYMOLOGIE

1
Falloir est le même que faillir (voy. ce mot), n'en différant que par la conjugaison.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
Ajoutez :
Nature : Absolument.
Tout le mal vient d'avoir pris la plume quand il ne fallait pas
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Lett. à M. D.... 6 mars 1763

Synonymes de FALLOIR

Termes proches de FALLOIR

Phonétiquement proche de FALLOIR