Définition de DVORANT

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : tor-ran

DÉFINITIONS

1
Courant d'eau très rapide, soit permanent et produit par la grande déclivité du terrain dans les montagnes, soit peu durable et produit par des orages ou des fontes de neige.
Avec grand bruit et grand fracas Un torrent tombait des montagnes
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VIII, 23
Comme il n'y a point de fontaine dont la course soit si tranquille, à laquelle on ne fasse prendre par la résistance la rapidité d'un torrent
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Sermons, Bonté et rigueur de Dieu, 2
Un torrent débordé qui, d'ur cours orageux, Roule plein de gravier sur un terrain fangeux
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art p. I
L'Arveiron est un torrent considérable, qui sort de l'extrémité inférieure du glacier des Bois par une grande arche de glace
de SAUSSURE dans Voy. Alpes, t. III, p. 1, dans POUGENS
Un torrent est un cours d'eau qui affouille dans la montagne et dépose dans la vallée
de SURELL dans Étude sur les torrents, dans Journ. des sav. mai 1870, p. 262
Sémantique : Fig.
Le discours du P. Bourgoing se répandait à la manière d'un torrent
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Bourgoing.
Sémantique : Par exagération. Pleuvoir à torrent, pleuvoir avec une force et une abondance extraordinaires.
Et les nombreux torrents qui tombent des gouttières
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. VI
2
Sémantique : Par extension, il se dit de certaines choses, eu égard à leur abondance, à leur impétuosité. Un torrent de bitume.
Ils ont poussé d'abord de gros torrents de feux
de Pierre CORNEILLE dans Tois. d'or, v, 2
Le dieu [le soleil], poursuivant sa carrière, Versait des torrents de lumière Sur ses obscurs blasphémateurs
de LEFRANC DE POMPIGNAN dans sur la mort de J. B. Rouss.
Un torrent de larmes, des larmes très abondantes.
J'ai vu Mme de Fontenilles, qui a perdu sa mère ; c'étaient des torrents de larmes ; elle est abîmée dans sa douleur
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 8 oct. 1688
Deux torrents de larmes amères coulaient de mes yeux, et le doux sommeil leur était inconnu
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Tél. IX
3
Il se dit de ce qui coule abondamment en paroles ou en écrit. Un torrent de paroles.
Ce mot aurait suffi sans ce torrent d'injures
de Pierre CORNEILLE dans Poly. III, 2
Il va nous inonder des torrents de sa plume
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Lutr. IV
Dans ces torrents d'injures [contre Corneille], il [l'abbé d'Aubignac] fut secondé par les mauvais auteurs ; ce que l'on croira sans peine
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Comm. Corn. Rem. Sertor. Préf.
Byron, viens en tirer [de ma lyre] des torrents d'harmonie
de Alphonse de LAMARTINE dans Méd. I, 2
4
Sémantique : Fig. Guerrier, conquérant que rien n'arrête.
Où sont ces grands guerriers dont les fatales ligues Devaient à ce torrent [Louis XIV] opposer tant de digues ?
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art p. IV
Ils savent que, sur eux prêt à se déborder, Ce torrent [Rome], s'il m'entraîne, ira tout inonder
de Jean RACINE dans Mithr. III, 1
Mais qui peut dans sa course arrêter ce torrent [Achille] ?
de Jean RACINE dans Iphig. I, 1
Personne qu'on ne peut contenir, diriger.
Et que c'est battre l'eau de prétendre arrêter Ce torrent effréné, qui de tes artifices Renverse en un moment les plus beaux édifices
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans l'Ét. III, 1
5
Sémantique : Fig. Il se dit des multitudes qui se précipitent.
Une infinité de nations inconnues sortirent du Nord, se répandirent comme des torrents dans les provinces romaines
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Lett. pers. 131
6
Sémantique : Fig. Ce qui s'écoule, ce qui se presse avec la rapidité et la force d'un torrent.
Les torrents de l'iniquité m'ont rempli de trouble
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Psaum. XVII, 5
Ainsi le torrent du monde s'écoule, quelque soin qu'on prenne à le retenir ; tout est emporté par cette suite rapide de moments qui passent ; et par ces révolutions continuelles nous arrivons souvent, sans y avoir pensé, à ce point fatal où le temps finit et l'éternité commence
de Esprit FLÉCHIER dans Duch. d'Aiguillon.
Dieu seul est toujours le même.... les torrents des âges et des siècles coulent devant ses yeux
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Bénéd. des drapeaux du rég. de Catinat.
Ce fut là le premier avantage qu'eut le roi Auguste, dans le torrent de sa mauvaise fortune, contre les armes victorieuses de son ennemi
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Charles XII, 3
Je suis si pressé par le temps que j'en ai la vue éblouie ; le torrent de l'avidité des libraires m'entraîne
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. en vers et en prose, 54
L'homme, entraîné lui-même par le torrent des temps, ne peut rien pour sa propre durée
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Quadr. t. I, p. 5
Le torrent des affaires, leur grand mouvement.
La pitié [pour la famille Calas] pénétra jusqu'au ministère, malgré le torrent continuel des affaires, qui souvent exclut la pitié
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Pol. et lég. Traité sur la tol. Hist. abr.
7
Première impétuosité des sentiments, premier mouvement, premier emportement.
La belle [une veuve] avait un père, homme prudent et sage ; Il laissa le torrent couler ; à la fin, pour la consoler....
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VI, 21
Il me semble que vous avez peur que je ne sois ridicule, et que je ne me répande excessivement sur le sujet [le chagrin de l'absence de Mme de Grignan] ; non, non, ma bonne, ne craignez rien ; je sais gouverner ce torrent
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 5 juin 1675
Ulysse, en apparence, approuvant mes discours, De ce premier torrent laissa passer le cours
de Jean RACINE dans Iphig. I, 1
Mme la duchesse de Bourgogne pleurera ; mais il faudra des raisons, non des larmes ; qui les produira contre ce torrent [soulevé contre son mari] ?
de Louis de Rouvroy, duc de SAINT-SIMON dans 195, 113
8
Influence de l'exemple, de la mode, des événements, force des choses.
N'examinons donc plus la justice des causes ; Et cédons au torrent qui roule toutes choses
de Pierre CORNEILLE dans Pomp. I, 1
C'est un torrent ; qu'y faire ? il faut qu'il ait son cours ; Cela fut et sera toujours
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VII, 15
Elle [la disgrâce de Pompone] ne sera pas sitôt oubliée de beaucoup de gens ; car, pour le torrent, il va comme votre Durance quand elle est endiablée
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 8 déc. 1679
Pour arrêter le torrent des mauvaises moeurs
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Bourgoing, 2
Malheur à toi, torrent de la mauvaise coutume des hommes, disait autrefois saint Augustin ; qui te pourra résister ?
de Esprit FLÉCHIER dans Sermons, 2e dim. de l'avent.
Cependant au torrent je me laisse entraîner
de Thomas CORNEILLE dans Comt. d'Orgueil, I, 5
Ne nous laissons pas emporter au torrent de la coutume
de Françoise d'Aubigné, marquise de MAINTENON dans Lett. à Mme de la Viefville, 4 mars 1706
Et ce qu'il y a de terrible, c'est qu'en cela vous ne faites que suivre le torrent ; vos moeurs sont les moeurs de presque tous les hommes
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Élus.
Esprit faible et crédule en sa dévotion, Il suivait le torrent de la rébellion [la Ligue]
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Henr. v.

HISTORIQUE

1
XVIe s.
Boire à tout torrent, tourner à tout vent
de GÉNIN dans Récréat. t. II, p. 236
Voyez les anciennes considerations qui ont donné le premier bransle à ce fameux torrent [les lois et leur autorité], plein de dignité, d'horreur et de reverence
de Michel de MONTAIGNE dans II, 349

ÉTYMOLOGIE

1
Provenç. torrent ; espag. et ital. torrente ; du lat. torrentem, torrent, qui se précipite avec rapidité, de torrere (voy. TORRIDE), au sens de se dessécher : un cours d'eau qui se dessèche l'été.