Définition de MARCHER

DÉFINITIONS - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : mar-ché

DÉFINITIONS

1
Nature : V. a. Pétrir avec les pieds l'argile qu'on a humectée (le sens le plus ancien du verbe marcher est presser du pied ; il n'est resté que dans le langage de certains métiers).
Donner une égale épaisseur à une feuille d'ouate, en passant dessus une espèce de coussin.
Sémantique : Terme de chapelier. Marcher l'étoffe d'un chapeau, la fouler avec les mains, la comprimer soit à froid, soit à chaud.
2
Nature : V. n. Mettre le pied sur. Marcher sur le pavé, sur l'herbe. Il lui marche sur le pied. Prenez garde où vous marchez.
C'est sur mon corps sanglant qu'il lui faudra marcher
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Olymp. II, 5
Sémantique : Fig. Il a marché sur quelque mauvaise herbe. Sur quelle herbe a-t-il marché ? voy. HERBE, n° 1.
Marcher sur les pas, sur les traces de quelqu'un, le suivre de très près.
Allons, seigneur, marchons sur les pas d'Hermione
de Jean RACINE dans Andr. III, 6
Que faites-vous, madame, et d'où vient que ces lieux N'offrent point avec vous votre fille à mes yeux ?... Ne peut-elle à l'autel marcher que sur vos pas ?
de Jean RACINE dans Iph. IV, 3
Sémantique : Fig.
Ainsi, de toutes parts, les plaisirs et la joie M'abandonnent, Zaïre, et marchent sur leurs pas [de Bajazet et de Roxane]
de Jean RACINE dans Baj. III, 1
Sémantique : Fig. Marcher sur les pas, sur les traces de quelqu'un, l'imiter, suivre ses exemples.
Marchez donc sur ses pas [de Malherbe], aimez sa pureté
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art p. I
Apprend-il à marcher sur les pas de son père ?
de Jacques DELILLE dans Énéide, III
Marcher sur les talons de quelqu'un, le suivre de trop près.
Sémantique : Familièrement.
Il marche, il est toujours sur mes talons, il m'importune en ne me quittant pas
dans Dict. de l'Acad.
Sémantique : Fig. et familièrement. Marcher sur les talons de quelqu'un, suivre quelqu'un de près pour l'âge, pour la fortune, pour les succès.
Sémantique : Fig. Marcher sur des épines, être dans une conjoncture difficile.
Sémantique : Fig. Marcher sur des charbons ardents, passer vite sur un sujet délicat et dangereux.
C'était marcher sur des charbons ardents, sur des rasoirs, que de traiter cette matière si adroitement et avec tant d'esprit
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 5 mars 1683
Il ne faut pas lui marcher sur le pied, se dit d'un homme susceptible qu'il est dangereux de choquer.
Quand j'étais jeune, il ne fallait pas me marcher sur le pied, non plus qu'à présent
de Florent Carton, sieur d'Ancourt, dit DANCOURT dans Vert galant, sc. 3
Sémantique : Fig. et familièrement. Marcher sur, rencontrer à chaque pas.
On marche sur les mauvais plaisants, et il pleut par tout pays de cette sorte d'insectes
de Jean de LA BRUYÈRE dans V
On ne marchait dans mon jeune temps que sur des métamorphoses
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Taureau blanc, 4
Sémantique : Fig. Marcher sur quelque chose, suivre une certaine indication.
Tous vos amis avaient la complaisance de me dire que j'avais raison de vous souhaiter avec ardeur : voilà sur quoi je marchais
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 28 déc. 1673
Sémantique : Fig. Marcher sur quelque chose, en parler, s'en occuper.
Mon Dieu ! madame, marchons là-dessus, s'il vous plaît, avec beaucoup de retenue
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Comtesse, 1
Sémantique : Fig. et familièrement. Marcher sur les gens, n'en tenir aucun compte par fierté ou par dureté.
3
Se mouvoir à l'aide des pieds ou des pattes. Marcher à grands pas, à petits pas. Cet homme marche bien.
Tous deux près de Galba marchaient d'un pas égal
de Pierre CORNEILLE dans Othon, V, 8
Il [un mulet] marchait d'un pas relevé, Et faisait sonner sa sonnette
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. I, 4
L'archer Voit le long d'un sillon une perdrix marcher
de Jean de LA FONTAINE dans ib. VIII, 27
Vous marchez d'un tel pas qu'on a peine à vous suivre
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Tart. I, 1
J'ai vu les filles de Sion la tête levée, marchant d'un pas affecté, avec des contenances étudiées
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans la Vallière.
Illustre porte-croix, par qui notre bannière N'a jamais, en marchant, fait un pas en arrière
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Lutr. V
L'estropié marcha, l'aveugle ouvrit les yeux
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. XI
De tous les animaux qui s'élèvent dans l'air, Qui marchent sur la terre, ou nagent dans la mer
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans ib. VIII
Levez la tête ; encor ; soyez droite ; approchez ; Faut-il tendre toujours le dos quand vous marchez ?
de Jean-François REGNARD dans le Distr. I, 4
Tel était vraisemblablement le sort d'un enfant d'environ dix ans, qui vivait parmi les ours, et qu'on trouva en 1694, dans les forêts qui confinent la Lithuanie et la Russie ; il ne donnait aucune marque de raison, marchait sur ses pieds et sur ses mains, n'avait aucun langage et formait des sons qui ne ressemblaient en rien à ceux d'un homme
de Etienne Bonnot de CONDILLAC dans Traité sens, IV, 7
Marcher tout seul, se dit d'un enfant qui commence à faire des pas sans aucune aide ou appui.
Sémantique : Fig. Marcher tout seul, n'avoir pas besoin d'aide.
Je ne trouve pas bon que vous me remerciiez de l'amitié que j'ai pour lui [mon médecin] ; il marche tout seul, et n'a nul besoin de votre assistance
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 364
Sémantique : Familièrement. Marcher comme un Basque, comme un chat maigre, marcher fort vite.
Marcher à quatre pattes, marcher sur les mains et sur les pieds, à la manière des quadrupèdes.
On n'a jamais employé tant d'esprit à vouloir nous rendre bêtes ; il prend envie de marcher à quatre pattes, quand on lit votre ouvrage [le Discours sur l'inégalité des conditions]
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. J. J. Rousseau, 30 août 1755
Marcher à pas de loup, s'avancer avec précaution et sans faire de bruit.
Marcher à pas de tortue, marcher avec une excessive lenteur.
Marcher à pas de géant, marcher en faisant de grandes enjambées ; et fig. faire des progrès rapides.
Sémantique : Fig. et dans un sens très populaire. Faire marcher, mystifier (le sens intermédiaire est : faire faire une course inutile).
Sémantique : Fig. Marcher entre des précipices, rencontrer de tous côtés des dangers.
On dit de même : marcher entre des écueils.
L'intérêt et l'injustice, toujours mêlés trop avant dans les grandes affaires du monde, font qu'on marche parmi des écueils
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Bourgoing.
Sémantique : Fig. Marcher sur le bord du précipice, être exposé aux tentations périlleuses, aux chutes, etc.
Crois-tu que, toujours ferme au bord du précipice, Elle pourra marcher sans que le pied lui glisse ?
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. X
Activement, en style poétique, marcher des pas, faire des pas.
Je foule autant de coeurs que je marche de pas
de Jean de ROTROU dans St Genest, II, 3
Oh ! qu'ils boivent dans cette goutte [d'eau] L'oubli des pas qu'il faut marcher !
de Alphonse de LAMARTINE dans Joc. IX, 293
On a dit, poétiquement aussi, marcher, en parlant des pas.
Est-ce que vous pouvez, sans tristesse et sans plainte, Voir nos ombres flotter, où marchèrent nos pas ?
de Victor HUGO dans Rayons et ombres, XXXIV
4
Sémantique : Terme de danse. Marcher, faire, dans le cours d'une danse, quelques pas qui ne sont que des pas de marche.
Sémantique : Terme d'escrime. Porter en avant le pied droit, puis le pied gauche, en gardant entre deux la même distance.
Marcher à grands pas, laisser un espace de huit pouces environ entre les pieds.
Trop marcher, approcher de trop près de son adversaire.
5
Sémantique : Terme de manége. Marcher en avant se dit de l'action du cavalier pour déterminer un cheval à continuer sa même allure, quand il paraît vouloir la ralentir.
Marcher large, faire suivre le mur du manége au cheval.
Marcher de côté, se dit du cheval qui fuit le talon ou les jambes.
Marcher l'amble, prendre l'allure ainsi nommée.
Plus.... mieux le cheval marche l'amble
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Cheval.
6
Sémantique : Terme de vénerie. On dit qu'un cerf marche bien quand le pied de derrière est bien placé sur le talon du pied de devant et que les allures sont bien croisées.
7
Sémantique : Terme de marine. Faire du chemin. Ce vaisseau marche bien, marche mal.
Marcher dans les eaux d'un autre vaisseau, faire même route que lui, passer incontinent après lui là où il a passé.
Sémantique : Fig. Marcher dans les eaux de quelqu'un, l'appuyer, le seconder.
Marche avec ! commandement pour que les marins saisissent un cordage et produisent leur effort en marchant ensemble au pas.
8
Marcher devant, précéder. Il marchait devant, les autres suivaient.
Il se dit aussi de choses qui vont devant.
Ce n'est pas sans raison que je fais marcher ces vers à la tête de l'Oedipe, puisqu'ils sont cause que je vous donne l'Oedipe
de Pierre CORNEILLE dans Oedipe, au lecteur.
Dieu fait marcher l'épouvante devant eux
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. III, 7
Nos plus riches trésors marcheront devant nous [dans notre fuite vers un asile]
de Jean RACINE dans Esth. III, 1
Quel est ce glaive enfin qui marche devant eux [Éliacin et un autre] ?
de Jean RACINE dans Athal. IV, 1
Dans le langage biblique, il se dit de Dieu, à qui l'on prête des mouvements humains.
Je marcherai devant toi dans les combats ; à ton approche je mettrai les rois en fuite
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Louis de Bourbon.
C'est lui [Dieu] qui, m'excitant à vous oser chercher, Devant moi, chère Esther, a bien voulu marcher
de Jean RACINE dans Esth. I, 3
Marchez, courez, volez où l'honneur vous appelle
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Lutr. III
Debout, dit l'avarice, il est temps de marcher
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. VIII
Voilà nos alliés, marchons de ce côté
de Jean RACINE dans Mithr. I, 3
Quand on dit que Vénus, la déesse de la beauté, ne doit point marcher sans les Grâces, on dit une vérité charmante
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Dict. phil. Figure.
Mme des Ursins avait marché toute la nuit ; un profond silence régnait dans le carrosse ; elle ne pouvait se persuader ce qui lui arrivait
de Charles Pinot, sieur DUCLOS dans Louis XIV, Oeuvres, t. V, p. 87
9
Marcher à, s'avancer vers. Il marcha à la mort avec un grand courage.
Et qu'élevé si haut, mais sur un précipice, S'il ne montait au trône, il [le duc de Guise] marchait au supplice
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Henr. III
Je refuserais pour mon gendre le plus riche parti de France, qui ne pourrait pas prouver que ses ancêtres ont marché aux premières croisades
de Philippe Néricault DESTOUCHES dans Fausse Agn. I, 1
10
Se mouvoir, en parlant des troupes. L'armée marchait en ordre de bataille.
Pour assembler et faire marcher ces nobles régiments
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 558
Vitellius, quand il passa dans cette province [la Judée] pour porter la guerre en Arabie, fit marcher ses troupes sans enseignes
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. II, 9
Intrépides soldats, Marchons en invoquant l'arbitre des combats
de Jean RACINE dans Athal. IV, 3
L'empereur lui-même, avant que le jour du 19 octobre l'éclaire, sort de Moscou, il s'écrie : marchons sur Kalougha, et malheur à ceux qui se trouveront sur mon passage !
de Philippe de SÉGUR dans Hist. de Nap. VIII, 11
En avant, marche, commandement à une troupe de se mettre en mouvement.
Marcher au pas, marcher en suivant la cadence du pas militaire.
Conscrits, au pas, Marchez au pas
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Vieux cap.
Ce régiment, ce corps marche, il fait la campagne.
Faire marcher, signifie quelquefois imposer un service militaire. On fit marcher la garde nationale.
Ce n'est que dans les besoins pressants qu'on fait marcher les esclaves, les étrangers établis dans l'Attique, et les citoyens les plus pauvres
de Auguste Marseille BARTHÉLEMY, dit L'ABBÉ BARTHÉLEMY dans Anach. ch. 10
11
Il se dit de la manoeuvre que fait un corps de troupes, un général.
M. de Turenne nous écrit qu'il est sur le point de se déclarer pour le parti ; qu'il n'y a plus que deux colonels dans son armée qui lui fassent peine ; qu'il s'en assurera d'une manière ou d'autre avant qu'il soit huit jours, et qu'à l'instant il marchera à nous
de Jean-François Paul de Gondi, cardinal de RETZ dans Mém. t. I, livre II, p. 367, dans POUGENS
Elle marche comme un général à la tête d'une armée royale
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Reine d'Anglet.
Marchons, et dans son sein renvoyons cette guerre Que sa fureur [de Rome] envoie aux deux bouts de la terre
de Jean RACINE dans Mithr. III, 1
Babylone, seigneur, à son prince fidèle, Voyait, sans s'étonner, notre armée autour d'elle ; Les Persans rassemblés marchaient à son secours
de Jean RACINE dans Baj. I, 1
Il prit la résolution de marcher aux ennemis
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 5
Solamir veut tenter le destin des batailles ; Nous marcherons à lui
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Tancr. III, 5
Le général Fairfax ne voulut point marcher contre l'Écosse
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Moeurs, 181
12
Marcher sous, se dit d'une troupe qui obéit à un chef.
Sous ce chef redouté Marche des cuirassiers l'escadron indompté
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Ép. IV
Ses soldats a battus, Ne marchant plus sous lui, semblaient déjà vaincus
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Henr. IX
Marcher sous les lois de, être soumis à.
Sous les lois du plus jeune on vit marcher l'aîné
de Pierre CORNEILLE dans Nicom. II, 3
Dans un camp où tout vous est soumis.... Où je vois sous vos lois marcher la Grèce entière
de Jean RACINE dans Iph. III, 1
Quoiqu'à regret, seigneur, ils [les janissaires] marchent sous ses lois [d'Amurat]
de Jean RACINE dans Baj. I, 1
13
Tenir un certain rang dans les cérémonies. Les ducs et pairs marchaient anciennement dans l'ordre de leur réception.
Il dira toujours qu'il marche après la maison régnante et, à force de le dire, il sera cru
de Jean de LA BRUYÈRE dans VIII
14
Dans le style élevé ou poétique, il n'est quelquefois qu'une forme emphatique du verbe être.
Mais en vain pour un temps une taxe l'exile [un partisan] ; On le verra bientôt, pompeux, en cette ville, Marcher encor chargé des dépouilles d'autrui
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. I
Déserteur de leur loi [des Hébreux], j'approuvai l'entreprise, Et par là de Baal méritai la prêtrise ; Par là je me rendis terrible à mon rival, Je ceignis la tiare et marchai son égal
de Jean RACINE dans Ath. III, 4
15
Faire un service, en parlant de voiture, de chemin de fer. Cette voiture publique marche deux fois la semaine, La neige qui est tombée empêche le chemin de fer de marcher.
16
Il se dit des choses qui se meuvent. Saturne est une des planètes qui marchent le plus lentement.
Tel qu'à vagues épandues Marche un fleuve impérieux, De qui les neiges fondues Rendent le cours furieux
de François de MALHERBE dans II, 2
Les rivières sont des chemins qui marchent, et qui portent où l'on veut aller
de Blaise PASCAL dans Pens. VII, 37, éd. HAVET.
17
Marcher, se dit d'un mécanisme qui fonctionne. Le moulin ne marche pas. Une montre qui marche.
Avec mon pistolet le cordon s'embarrasse, Fait marcher le déclin : le feu prend, le coup part
de Pierre CORNEILLE dans Ment. II, 5
On l'a dit, par extension, du mouvement du pouls.
Le feu sort de vos yeux pétillants et troublés, Votre pouls inégal marche à pas redoublés
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Ép. III
Sémantique : Fig. Il faut prêter la main à un système, avant qu'il soit en état de marcher de lui-même, Lett. sur le nouv. syst. de finances, dans DESFONTAINES.
18
Il se dit du temps qui passe.
Le temps, qui toujours marche, avait pendant deux nuits Échancré, selon l'ordinaire, De l'astre au front d'argent la face circulaire
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. XI, 6
Que le temps qui s'enfuit marche à pas lents pour nous !
de Jean-François DUCIS dans Macbeth, III, 2
19
Sémantique : Fig. Aller selon un certain progrès, en bien ou en mal, en parlant des personnes. Nous marchons tous à la mort. Marcher hardiment à son but.
Il marche au sacrilége avec impunité
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Sémir. V, 2
Richelieu, Mazarin, ministres immortels, ....Marcheront à grands pas au pouvoir despotique
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Henr. VII
En vérité, on marche de surprise en surprise
de Louis-Benoît PICARD dans Capitaine Belronde, II, 11
S'avancer dans une certaine voie.
Afin que nous marchions en assurance dans le chemin du salut
de Louis BOURDALOUE dans 7° dim. après la Pentec. Dominic. t. III, p. 52
La vieillesse chagrine incessamment amasse.... Marche en tous ses desseins d'un pas lent et glacé
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art p. III
Les peuples à l'envi marchent à ta lumière
de Jean RACINE dans Athal. III, 7
20
Agir.
D'abord marcher sourdement et ne point troubler leur sincérité
de Denis DIDEROT dans Père de famille, IV, 13
Marcher droit, être irréprochable dans sa conduite, ne pas commettre de faute.
Vous devez marcher droit pour n'être pas berné
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Éc. des f. I, 1
Avecque don Bertrand il faut marcher bien droit
de Thomas CORNEILLE dans D. Bertr. de Cigarral, I, 2
Marchez bien droit et bien sûrement, monseigneur, dans l'affaire de Mme de Mondouville
de Françoise d'Aubigné, marquise de MAINTENON dans Lett. au card. de Noailles, 11 janv. 1706
Je le ferai marcher droit, je l'empêcherai de s'écarter de son devoir.
Marcher d'un même pas dans une affaire, agir de concert.
Marcher à tâtons, marcher en aveugle dans une affaire, agir sans avoir les lumières nécessaires pour s'y bien conduire.
C'est ainsi que nous vivons et que nous marchons en aveugles, ne sachant où nous allons, prenant pour mauvais ce qui est bon, prenant pour bon ce qui est mauvais, et toujours dans une entière ignorance
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à Bussy, 15 déc. 1683
Dans le langage biblique et élevé, marcher dans, suivre pour guide.
Ils n'ont point gardé l'alliance faite avec Dieu, et n'ont point voulu marcher dans sa loi
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Psaume CLXXVII, 10
Je ne marche point dans de vastes pensées
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Mar.-Thér.
Il [Dieu] fait un nouveau pacte avec David, et s'oblige de le protéger lui et les rois ses descendants, s'ils marchent dans les préceptes qu'il leur a donnés par Moïse
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. II, 4
Les fidèles alors y jouissaient de la paix, marchant dans la crainte du Seigneur et s'édifiant mutuellement
de Etienne Bonnot de CONDILLAC dans Hist. anc. XV, 5
Mais moi, fils du désert.... Sans crainte, sans remords, avec simplicité Je marche dans ma force et dans ma liberté
de Jean-François DUCIS dans Othello, II, 17
21
Il se dit des choses qui font un certain progrès en bien ou en mal. Les choses marchent vers une solution. Cet État marche à sa ruine. Ces deux affaires marchent de front.
À l'instant le parti est pris [dans une affaire militaire] : il commande et il agit tout ensemble, et tout marche en concours et en sûreté
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Louis de Bourbon.
La raison pour marcher n'a souvent qu'une voie
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art p. I
Le monde avec lenteur marche vers la sagesse
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lois de Minos, III, 5
Les devoirs et les affaires sérieuses marchent avant tout
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. prince roy. de Prusse, 1er janv. 1739
Tel est l'arrêt du sort, tout marche à son déclin
de Jacques DELILLE dans Georg. I
Il paraît que l'affaire marche à merveille
de PICARD et MAZÈRES dans Trois quartiers, I, 12
Cette affaire ne marche pas, elle ne fait aucun progrès vers une terminaison.
Nature : Absolument. Être en progrès. La civilisation marche. Le monde marche.
22
Sémantique : Fig. Il se dit des choses auxquelles on prête un mouvement comme si elles étaient animées. La gloire que V. A.
s'est acquise en cette dernière campagne marchera au premier rang des événements les plus illustres de notre siècle
de ARN. D'ANDILLY dans Lett. CXXIV
Que la crainte et la terreur marchent avec vous
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Lett. pers. 148
Marcher ensemble, se dit de choses qui sont compatibles entre elles.
Il est difficile d'être équitable et conquérant en même temps, et je vois bien que la vaillance et la justice sont deux vertus qui ne marchent guère ensemble
de Vincent VOITURE dans Lett. 83
Ne pas marcher sans, en parlant des choses, être accompagné de.
Les grands talents ne marchent point sans une forte inclination pour tout ce qui se rapporte à leur objet
de MAIRAN dans Éloges, card. de Polignac.
23
Sémantique : Fig. Il se dit du progrès dans le développement d'une pièce de théâtre, d'un roman, d'un écrit. Ce discours, ce poëme marche bien. L'action de ce drame ne marche pas.
Ainsi la tragédie agit, marche et s'explique
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art p. III
Un poëme excellent où tout marche et se suit
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans ib.
Que l'action, marchant où la raison la guide, Ne se perde jamais dans une scène vide
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans ib.
Marcher, se dit du style dans un sens analogue.
Vous écrivez comme un ange ; je lis vos lettres avec admiration ; cela marche, vous arrivez
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 1er déc. 1675
Le style [des cantiques]... qui marche par de vives et impétueuses saillies, affranchi des liaisons ordinaires...
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. II, 3
Son style impétueux souvent marche au hasard
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art p. III
Le vers, comme un torrent, en grondant doit marcher
de DU RESNEL dans Harm. imitative.
Ces vers marchent bien, le mouvement en est facile.
24
Sémantique : Terme de musique. Se dit de la succession des sons et des accords qui se suivent dans un certain ordre.
J'ai gardé toujours une affection tendre pour un certain air du Conditor alme siderum qui marche par ïambes
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Confess. III
25
Sémantique : Fig. et familièrement. Y marcher, se dit de choses qu'on emploie. Nous avons beaucoup de monde à dîner, il faut que toute la vaisselle y marche, que tous les poulets de la basse-cour y marchent.
Vous êtes toujours trop regrettée et tendrement souhaitée dans cette petite chambre ; le café y marche tous les matins
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 11 oct. 1688
Quand l'argent marche, tout va bien. Quand on veut bien employer l'argent dans une affaire, elle réussit.

REMARQUE

1
Corneille a dit : Va marcher sur leurs pas où l'honneur te convie, Cinna, I, 3. Voltaire a relevé cette locution : " On ne dit pas plus allons marcher qu'allons aller " . Mais M. Gérusez objecte qu'on dit bien va courir, et que rien n'empêche de dire va marcher. Béranger n'a-t-il pas dit : Voir c'est avoir ; allons courir, Vie errante Est chose enivrante, Bohém.

HISTORIQUE

1
XIIe s.
Que li chevax marcha le fust Qui tenoit la porte de fer
de CHRESTIEN DE TROYES dans Cheval. au lion, V. 949
2
XIIIe s.
Comme l'on plus marcoit la flor, Tant en issoit plus bone odor
dans Partonop. V. 10833
La pucele velz [tu veux] aler querre, Qui fut proiée en autre terre ; Ceste terre est molt convoitiée, Et sovent de gerre [guerre] marchiée
dans Flore et Blanchefl. p. 176, édit. DU MÉRIL
Par la cheveçaille l'a pris, Come cil qui est d'ire espris ; Contre terre l'a trebuchié, Sor le ventre li a marchié, Durement li fole la pance
dans Ren. 4692
Pour la maladie des vers garir (à vos iex [yeux] la veeiz, à vos piez la marchiez), la meilleur herbe qui soit elz quatre parties dou monde, ce est l'ermoize
de RUTEBEUF dans I, 257
3
XIVe s.
Tantost que Jehan de Lorme oy la frainte et les marchies desdiz jeunes gens au dit jardin
de Victor Henri-Joseph Brahain, dit DU CANGE dans marcheriae.
4
XVe s.
Lieve toi, alons nous esbatre, Marcir la rousée et abatre, Dont l'oudour est trop plus propisce, Et mieuls vault que de mille espices
de Jean FROISSART dans Poésies mss. p. 353, dans LACURNE
Si allay tout seul et ainsi Que l'ay de coustume, et aussi Merchai l'herbe poignant menue
de Alain CHARTIER dans le Livre des quatre dames, p. 594
L'un lui presente beaux moz plaisans et gracieux, l'autre lui marche dessus le pié ou lui estraint la main
dans Les 15 joies de mariage, p. 19
5
XVIe s.
Cinq ou six mil Suisses lors passerent Devant le roi, marchans fiers soubz la picque
de Jean des Mares ou Des Marets, dit Jean MAROT dans V, 101
Voyre, et Dieu scet quant passoient par devant, S'ilz se marchoient fiers comme ung poursuyvant
de Jean des Mares ou Des Marets, dit Jean MAROT dans V, 102
Lequel [Cupidon] pour son devis Au poing tenoit un arc riche tendu, Le pied marché et le bras estendu, Prest de lascher une fleche aiguisée
de Clément MAROT dans I, 170
Ilz marcherent incontinent en bataille le grand pas contre les barbares
de Jacques AMYOT dans Arist. 33
Et quand et quand feit marcher le reste de ses gens le chemin de Platées
de Jacques AMYOT dans ib. 39
La tigre à qui on a derobé les petits fants, ne la vipere estant marchée sur la queue, ne sont plus terribles qu'une femme offensée
de Jacques YVER dans 569
Il marcha son armée en Lombardie, où il fit de braves gestes
de Vincent CARLOIX dans I, 34
Depuis la feste Saint Martin jusques à la Notre Dame de mars [les pâturages] sont communs en la ditte chastellenie ; et peuvent marcher et pasturer l'un dans l'autre
dans Coust. génér. t. II, p. 474

ÉTYMOLOGIE

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Espagn. marchar ; ital. marciare ; allem. marschiren. Ces trois mots sont formés du français ; mais d'où vient le français lui-même ? Diez pense que marcher est proprement aller de marche en marche, et par conséquent il le fait venir de marche, frontière. D'autres l'ont tiré de mercari, commercer, à cause que le commerçant va de lieux en lieux ; d'autres enfin, de l'ancien allemand march, cheval. Toutes ces étymologies ont été mises à néant par Scheler, qui, à l'aide d'exemples du XIIe siècle et du XIIIe, a montré que le sens le plus ancien de marcher est presser avec le pied, mettre le pied sur. À ce sens on ne peut arriver ni de marche, frontière, ni de mercari, ni de march. À la vérité, on a dit marcher et marchir, comme le prouvent l'exemple du XIVe siècle [les marchies, les foulées, les pas], et celui de Froissart ; et marchir, venant de marche, frontière, a signifié être avoisinant ; mais ce n'est qu'une similitude fortuite. Allant plus loin, Scheler pense que marcher, presser du pied, et marc, résidu d'une chose pressée, ont le même radical, et que ce radical est dans le latin marc-us, marc-ulus, marc-ellus, marteau (voy. à MARC 2 une autre conjecture). L'hypothèse qui rattache marcher et marc est certainement ingénieuse, probable même ; mais ce sera toujours une hypothèse, tant qu'on ne trouvera pas soit dans marcher quelque sens positif qui se rapproche de marc, ou dans marc quelque sens qui se rapproche de marcher. En Normandie, on dit : marcher une terre, un bois, les parcourir en tous sens, afin d'en examiner l'état.

Synonymes de MARCHER

Termes proches de MARCHER