Définition de CRIER

DÉFINITIONS - PROVERBES - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : kri é

DÉFINITIONS

1
Faire un ou plusieurs cris. Écoutez, l'enfant crie. Le chien battu criait. Les canards s'ébattent dans cette mare et crient.
La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles ; On a beau la prier ; La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles Et nous laisse crier
de François de MALHERBE dans VI, 18
S'il savait son affaire, Il crierait comme moi
Dans les rues les petits enfants crient sur lui
Aussitôt on accourt ; tout le peuple empressé Crie, pousse, se bat pour être bien placé
D'autres veulent crier, et leurs voix défaillantes Expirent de frayeur sur leurs lèvres béantes
Sémantique : Fig. Plumer ou tuer la poule sans la faire crier, exiger sans bruit et sans éclat des choses qui ne sont pas dues, rapiner tacitement.
Sémantique : Familièrement. Il crie comme si on l'écorchait, ou comme un aveugle qui a perdu son bâton, il pousse de grands cris.
Crier comme un perdu, comme un fou, comme un enragé, comme un beau diable, expressions familières qui signifient crier très fort.
Crier à pleine tête, à tue-tête, du haut de sa tête, crier de toute sa force.
Sémantique : Terme de chasse. Quand les chiens chassent, on ne dit pas les chiens aboient, mais les chiens crient.
2
Parler fort haut ou trop haut. Il est tellement sourd qu'il faut crier pour se faire entendre. Il ne saurait discuter sans crier. Cette femme-là ne chante pas, elle crie.
Discuter avec aigreur. C'était à qui crierait le plus haut, le plus fort.
3
Dire en criant.
Se tournant de leur côté il leur cria : Ils ont vécu
Elle crie au second qu'il secoure son frère
Et je pense avoir même entendu quelque voix Nous crier qu'on apprît à dédaigner les rois
Sémantique : Fig.
On rapporte qu'il [Alexandre blessé] dit : Tous jurent que je suis fils de Jupiter ; mais ma blessure me crie et me fait sentir que je suis homme
Avertir avec instance. Il y a longtemps que je lui crie d'être sage, de prendre garde à lui.
Et que sert à Cotin la raison qui lui crie : N'écris plus, guéris-toi d'une vaine manie ?
4
Prononcer un ou plusieurs mots en criant.
Les soeurs crient miracle, et chacune ravie Conçoit pour son vieux père une pareille envie
J'entends crier au voleur, au feu
M. de Cambrai et ses amis crient ici victoire
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Lett. quiét. 176
Rendons grâce à lui seul [Dieu] du rayon qui nous luit, Sans nous enfler d'orgueil et sans crier ténèbres Aux enfants de la nuit
Crier famine, crier misère, se plaindre hautement de la gêne où l'on se trouve.
Elle alla crier famine Chez la fourmi sa voisine
Nous avons eu beau crier misère
Crier famine sur un tas de blé, se plaindre de manquer des choses dont on est amplement pourvu.
Crier vengeance, faire appel à la vengeance.
Il leur criait vengeance et changeait de pensée
En parlant des choses.
Son sang criera vengeance et je ne l'orrai pas !
Voilà qui crie vengeance au ciel
Anciennement. Crier haro (voy. HARO), arrêter un homme pour le conduire sur-le-champ devant le juge.
À ces mots on cria haro sur le baudet
Sémantique : Fig. Crier haro sur quelqu'un, appeler sur lui la haine, la colère des autres.
5
Intercéder.
Tous les trésors du ciel vont se répandre sur la terre ; la voix du sang de Jésus-Christ crie pour vous
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Car. Motif de conv.
Faire appel aux sentiments.
Le sang de nos rois crie et n'est point écouté
Que je découvre ce corps pâle et sanglant auprès duquel fume encore la foudre qui l'a frappé ; que je fasse crier son sang comme celui d'Abel, et que j'expose à vos yeux les tristes images de la religion et de la patrie éplorée
Être criant.
Malgré les cris de cette noblesse, malgré l'abus qui criait de lui-même
Je ne vous ferai sur cela aucun commentaire, la chose crie ; vous en serez révolté
6
Répéter de tous côtés.
On criait de tous côtés que la république était rétablie
7
Réprimander d'une manière aigre et bruyante. Il ne fait que crier. Elle a bien crié après lui.
8
Faire entendre hautement le blâme, la plainte. Tout le monde crie de cela, crie contre ce ministre.
Mais entendez crier Rome à votre côté
Ô temps ! ô moeurs ! j'ai beau crier ; Tout le monde se fait payer
Hélas ! j'ai beau crier et me rendre incommode, L'ingratitude et les abus N'en seront pas moins à la mode
de Jean de LA FONTAINE dans ib. XII, 16
Je vous crois ; mais pourtant on crie, on vous menace
De zélés indiscrets qui crieront en public contre eux, qui les accableront d'injures
Qui criaient après les vices de leur siècle
Il voulut les faire crier contre l'injustice du ciel
D'où vient que Tertullien crie si souvent contre les philosophes et les nomme tantôt les patriarches des hérétiques, tantôt les cuisiniers de toutes les hérésies ?
de Paul PELLISSON dans Mém. pour les gens de lettres, p. 84
Ceux qui criaient contre les abus
Il est le premier à crier contre les dépenses excessives
Cet impôt fait beaucoup crier le peuple en France
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Pol. 11
La nation française qui crie si aisément et qui plus aisément encore se lasse de crier
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Destruct. les jés. Oeuvres, t. V, p. 71, dans POUGENS.
9
Crier vers Dieu, élever la voix vers Dieu, l'implorer.
À qui crierai-je, Seigneur, si ce n'est à vous ?
de Blaise PASCAL dans Prière.
Grand Dieu, vous refuserez-vous à la brebis qui revient ? Le sang de l'agneau qui crie vers vous et qui coule sur l'autel, ne se fera-t-il pas entendre ?
Dans le même sens, crier à quelqu'un.
Et ce peuple, en tout temps chargé de vos bienfaits, Crie encore à son père et demande la paix
10
Crier à, crier contre. Crier à l'injustice, à l'oppression.
S'il défend avec courage la souveraine puissance dont il est revêtu, on crie au tyran
Sans s'exposer à nous faire crier au blasphème
Jusqu'à ce qu'on en ait la preuve, ses confrères de l'Académie et du clergé ne sont-ils pas en droit de crier au mensonge ?
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Apolog. de Clermont Tonn.
Les bigots, par rancune, Au sorcier criaient tous
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Ménétr. de Meudon.
Appeler à.
Mon amour et ma haine et la cause commune Crieront à la vengeance....
Le clergé d'un côté, les pasteurs de l'autre criaient à la religion
Se récrier à cause de quelque chose.
La santé dans ces murs tout d'un coup répandue Fait crier au miracle
Vous allez, monsieur, peut-être crier au paradoxe
11
Proférer un cri de ralliement, une acclamation.
Les Français criaient autrefois Montjoie ! On cria vivat ! Du haut de nos remparts j'ai vu descendre en larmes Le peuple qui courait et qui criait aux armes
12
Produire un bruit strident. Cette porte crie.
L'essieu crie et se rompt ; l'intrépide Hippolyte Voit voler en éclats son char tout fracassé
C'est le vent, me dites-vous, Qui fait crier la serrure
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Mère av.
Ses boyaux lui crient, se dit du bruit que font les entrailles.
13
Publier à cri, annoncer au nom de l'autorité. On a crié à son de trompe que chacun balayât le devant de sa porte.
Impersonnellement et au passif. Il fut crié de par le maire que....
14
Nature : V. a. Crier les hauts cris, jeter de grands cris.
Je le trouvai criant les hauts cris
Mme de Brissac de crier les hauts cris
Crier un air, le chanter d'une manière criarde.
Prononcer en criant. Debout sur le rivage, il lui cria ses adieux.
Demander en criant.
Et ne point écouter le sang de mes parents Qui ne crie en mon coeur que la mort des tyrans
15
Dire une chose hautement, proclamer. Il ira crier cela partout.
Qu'est-ce donc que nous crie cette avidité et cette impuissance ?
de Blaise PASCAL dans dans COUSIN
16
Crier un objet perdu, annoncer qu'un objet a été perdu, afin qu'il soit rapporté. Crier une marchandise, annoncer le prix auquel elle se vend. On a crié du vin à quinze sous Crier des meubles, les mettre à l'enchère. Crier des pommes, de la salade, les vendre dans les rues en les annonçant par le cri Crier un bulletin, une ordonnance, la vendre dans les rues, en l'annonçant par un cri.
Je me contentais d'entendre ici, toutes les semaines, crier votre nom et vos victoires et de pouvoir apprendre de vos nouvelles en les achetant
Autrefois, crier à son de trompe, crier à ban, crier à trois briefs jours, citer un criminel à comparaître dans un temps donné. Il fut crié à son de trompe.
17
Crier quelqu'un, le gronder.
Tu ne me diras plus, toi qui toujours me cries, Que je gâte, en brouillon, toutes tes fourberies
Pourquoi me criez-vous ?
Cette locution a vieilli ; mais elle reste en usage dans plusieurs provinces, particulièrement en Normandie.
18
Se crier, Nature : v. réfl. Être crié. Les marchandises qui se crient sur la voie publique.

PROVERBES

1
Exemple : On a tant crié Noël qu'à la fin il est venu, se dit d'une chose très désirée et qui s'accomplit à la fin.
2
Il est comme les anguilles de Melun, il crie avant qu'on l'écorche, il se plaint d'avance par peur et sans cause (voy. ANGUILLE).

HISTORIQUE

1
XIe s.
Cel nen i a qui ne crie : Marsile !
dans Ch. de Rol. CXXIV
Adoubez vous, si criez vostre enseigne
dans ib. CXXXIII
Li chrestien te reclaiment et crient
dans ib. CCXCIII
2
XIIe s.
Plorent et crient chascuns de ses casez [vassaux]
dans Ronc. p. 18
Au roi de gloire merci [il] prist à crier
dans ib. p. 109
Baligans crie trois mos à un tenant [d'une seule teneur]
dans ib. p. 136
Devant lui vient, si lui crie à haut cri
dans ib. p. 142
En sa grant ost [il] fait banir et crier
dans ib. p. 177
Et quant je plus merci vous doi crier, Lors vous truis je [je vous trouve] cruel si durement
dans Couci, X
Diex ! quant crieront outrée, Sire, aidez à pelerin, Pour qui [je] sui espouvantée ; Car feion sont Sarazin
dans Dame de faiel, dans Couci
Empris [j'] ai greignor folie Que li faus enfes [enfant] qui crie Pour la bele estoile avoir
dans ib. III
Merci [je] lui cri, qu'onc [je] ne fis vilenie ; Car vilain fait bone amour desevrer [séparer]
dans ib. XXII
Quant vit que il n'aura l'amur al rei Henri, Az piez lui est chaü [tombé] ; si li cria merci
dans Th. le mart. 33
Quant fui fait arcevesque e Deus m'i aleva, Tu diz que li regnez encontre ço cria, Et la mere le rei le desamonesta
dans ib. 88
3
XIIIe s.
Leur cries merci que il aient de toi pitié et de ton pere
Li bien d'amours si doivent estre emblé, Que nus [nul] ne sache ; et quant il sont crié [devenus publics], Dame enquert [encourt] blasme, et joie en amenrie [diminue], Et sius amis i pert sa seignourie
dans Anc. poésies fr. Vatican, dans LACURNE
Lors crierez haro, qu'ele vous veut meurdrir
dans Berte, XII
Quant il venoit en sa meson [de la dame], Li sejors n'i ert pas criez ; Mais si comme il estoit montez, Aloit coiement à s'amie
dans Lai du conseil
Cil qui crient par la vile la cote et la chape ont achaté le mestier de freperie en la maniere desus devisée
dans Liv. des mét 200
Li rois a fait son ban crier, Par tot plevir et afier, Que qui porra Renart tenir....
dans Ren. 11959
Nos avons plusors fois commandé en assises, que cascuns ait pooir de penre toz tex qui s'enfuient, sor qui on crie hareu ! tant qu'on sace por quoi li hareus fu criés
de Philippe de BEAUMANOIR dans LII, 16
Le legat me crut et fist crier les trois processions en l'ost par trois samedis
Pluseurs des marcheans de Babiloinne [le Caire] crioient après le soudanc, que il leur feist droit du conte Gautier
Le sire du Chastel estoit criez [accusé par le cri public] de desrober les pelerins et les marchans
de ID. dans 210
Conscience ne lesse cuer pecheour durer ; Ja pechié si très pou n'i venra pasturer, Qu'elle ne crie hareu sanz soi asseürer
4
XIVe s.
Atant se partit le parlement ; et ung autre fut crié à Compiengne ou mois de septembre
dans Chron. de St-Denis, t. I, f° 165, dans LACURNE
5
XVe s.
Pour estre à Condé sur Escaut, à un tournoi qui là estoit crié
Et avoit fait crier [Mgr de Charolois] que chascun portast crochetz pour attacher ses chevaulx
de Philippe de COMMINES dans I, 6
Supplyerent au roy qu'elle ne fust point encores cryée [la trêve]
de Philippe de COMMINES dans IV, 11
6
XVIe s.
Les paroles mesmes crient qu'on leur fait violence, en sorte qu'il n'est ja mestier de refuter cette belle subtilité
de Jean CALVIN dans 43
Le sang d'Abel crioit à Dieu... L'effusion du sang crie vengeance
de Jean CALVIN dans 60
Elle commença à crier au larron, tant que sa teste le pou voit porter
Ce n'a pas esté vous qui m'avez decelé, mais celui qui a la voix plus criante que le chien, et le coeur plusingrat que nulle beste
La reserve de ce peu de solde ne suffiroit pas pour faire seulement un jour bonne chere et crier ripaille
C'estoit pour contenter les estrangers, qui crioient incessamment à l'argent
Romulus vouloit retourner au combat, criant tant qu'il pouvoit à ses gens, qu'ilz monstrassent visage à l'ennemi ; mais ilz ne laissoient point pour son hault crier, de fouir tousjours aval de roupte
de Jacques AMYOT dans Rom. 28
Le roy de Perse avoit fait crier à son de trompe qu'il donneroit deux cents talents à celuy qui le luy ameneroit
de Jacques AMYOT dans Thém. 48
L'un de ses tuteurs fut d'advis de le faire crier par la ville
de Jacques AMYOT dans Alc. 5
Si lancea son cheval droit à luy, en luy criant un cri de desfiance
de Jacques AMYOT dans Marcel. 8
Crier à pleine teste
de Jacques AMYOT dans Nicias, 14
Crier aux voleurs
La terre trembla à St-Maixent en 1512 tellement que les soleaux et autres bois des maisons crioient en leurs mortaises, Not. du roman d'Alexandre en prose
dans Ms. de St-Germain, dans LACURNE
Crier le loup plus grand qu'il n'est
de Randle COTGRAVE dans
Tandis que le chien crie, le loup s'enfuit
de ID. dans ib.

ÉTYMOLOGIE

1
Berry, querier ; provenç. et anc. espagn. cridar ; espagn. mod. et portug. gritar ; ital. gridare ; angl. to cry. On a indiqué l'allemand kryten, crier ; goth. grêtan, pleurer (sens que to cry a en anglais) ; et le celtique : cornw. ys-gre, du simple cre, cri. Mais Diez le rattache à l'ancienne étymologie latine quiritare ( le 1er i étant un i bref ; le 2nd un i long), appeler les quirites, les citoyens à son secours ; l'i bref a facilement disparu, comme dans St Cricq de Quiricus, dans triacle de theriaca ; il est resté kritare, qui a donné sans peine crier, cridar, gritare. Les formes parallèles dans les autres langues empêchent de rapporter cri ou crier à une onomatopée.

Synonymes de CRIER

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