Définition de CRI

DÉFINITIONS - SYNONYME - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : kri

DÉFINITIONS

1
Voix poussée avec effort, de manière à être entendue au loin ; et, par extension, d'abord les voix inarticulées que nous arrache la douleur ou une passion violente, et ensuite les voix confuses, les sons indistincts d'une multitude qui demande une chose ; enfin, par exagération, les paroles emphatiques ou trop enflées d'un orateur ou d'un poëte.
Nous nous levons alors, et tous en même temps Poussons jusques au ciel mille cris éclatants
de Pierre CORNEILLE dans Cid, IV, 3
Un grand peuple, seigneur, dont cette cour est pleine, Par des cris redoublés demande à voir la reine
de Pierre CORNEILLE dans Pomp. V, 6
Elle jeta des cris, elle versa des pleurs
de Pierre CORNEILLE dans Médée, I, 1
Tout le peuple à grands cris demande Nicomède
de Pierre CORNEILLE dans Nic. V, 4
Comment, bourreau, tu fais des cris ?
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Amph. I, 2
Elle se mit à faire des cris effroyables
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 10
Il lui baisa la main, fit des cris
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 400
Qui frappe l'air, bon Dieu, de ces lugubres cris ? Est-ce donc pour veiller qu'on se couche à Paris ?
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. VI
Que produira l'auteur après de si grands cris ? La montagne en travaille enfante une souris
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art poét. III
Nos Grecs n'ont répondu qu'avec un cri de rage
de Jean RACINE dans Andr. V, 3
La moitié s'épouvante et sort avec des cris
de Jean RACINE dans Brit. V, 5
Pendant que tout gardait un silence paisible, Sa voix s'est fait entendre avec un cri terrible
de Jean RACINE dans Esth. II, 1
Nos Lévites pleuraient de joie et de tendresse, Et mêlaient leurs sanglots à leurs cris d'allégresse
de Jean RACINE dans Athal. V, 1
Il poussait des cris horribles
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Tél. X
On poussa d'abord de grands cris de joie
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans ib. XVI
Quant aux cris naturels, l'homme les formera aussitôt qu'il éprouvera les sentiments auxquels ils sont affectés
de Etienne Bonnot de CONDILLAC dans Conn. humaines, sect. II, ch. 4
Les cris naturels introduisent nécessairement l'usage des inflexions violentes, puisque différents sentiments ont pour signe le même son varié sur différents tons ; ah, par exemple, selon la manière dont il est prononcé, exprime l'admiration, la douleur, le plaisir....
de Etienne Bonnot de CONDILLAC dans ib. part. 2e, sect. 1re, ch. 2
Ces chants vont se changer en des cris de tristesse
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Tancr. V, 5
N'avoir qu'un cri, ne jeter qu'un cri, crier constamment, se plaindre sans discontinuer. Ce pauvre malade n'a qu'un cri, tant la douleur est vive.
Mme de Rochefort n'a qu'un cri, depuis que vous avez écrit à ses cousines sans lui dire un mot
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans dans le Dict. de DOCHEZ.
Sémantique : Familièrement. N'avoir qu'un cri après quelqu'un, se dit de plusieurs personnes qui en désirent une autre impatiemment.
Ne faire qu'un cri, pousser un seul cri.
Eudoxe en le voyant ne fait qu'un cri et tombe évanouie
de Jean-François MARMONTEL dans Bélisaire, ch. VI
Sémantique : Fig. Jeter, pousser les hauts cris, se récrier, se plaindre amèrement.
On dit aussi dans le même sens crier les hauts cris, faire les hauts cris.
Je le trouvai criant les hauts cris
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 32
Mme de Brissac de crier les hauts cris
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 117
Mme d'Elbeuf a crié les hauts cris
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 212
M. le Prince et son parti firent les hauts cris
de Louis de Rouvroy, duc de SAINT-SIMON dans 91, 109
2
Paroles prononcées en criant et de manière à être entendues au loin. Cri de guerre. Cri de ralliement. Un cri d'alarme se fit entendre.
Cris de Paris, cris des petits marchands qui offrent de vendre ou d'acheter par la ville de menues denrées, des ouvriers ambulants qui offrent de faire de menus ouvrages.
Acclamation. Les cris de vive le roi ! retentissaient de tous côtés.
J'ai vu de rang en rang cette ardeur répandue, Par des cris généreux éclater à ma vue
de Jean RACINE dans Alex. I, 2
Sont autant de témoins dont le cri glorieux A déposé pour vous au tribunal des Dieux
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Sémiram. I, 5
Cri public, ce qu'on publie à son de trompe par ordre de justice. Il est défendu par cri public.
Les cris de l'école, les paroles bruyantes, qui se font entendre dans les argumentations des écoles.
Juvénal, élevé dans les cris de l'école, Poussa jusqu'à l'excès sa mordante hyperbole
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art p. II
Tout est trouble et discorde, et les cris de l'école Égalent en fracas les cavernes d'Éole
de Jacques DELILLE dans Trois règnes, II
Sémantique : Terme de chasse. Mots que prononcent les chasseurs quand ils parlent aux chiens pour les flatter ou les exciter à poursuivre la bête. Chasser à cor et à cri, chasser avec le cor et les chiens ; et fig. Demander à cor et à cri, demander à haute voix, d'une voix pressante.
Sémantique : Terme de blason. Cri d'armes, cri de guerre, ou, simplement, cri, un ou plusieurs mots en forme de devise qu'on place ordinairement au cimier des armes. Comme ces mots étaient anciennement sur les bannières, c'était dans les batailles le cri de ceux qui suivaient une bannière.
3
Gémissement, plainte, accusation. Dieu entend les cris des veuves et des orphelins.
Et mes cris éternels L'arrachèrent du sein et des bras paternels
de Jean RACINE dans Phèd. I, 3
Son père par vos cris dès longtemps prévenu
de Jean RACINE dans ib. III, 3
Voilà, voilà les cris que je craignais d'entendre
de Jean RACINE dans Iphig. IV, 5
Sion, le jour approche où le Dieu des armées Va de son bras puissant faire éclater l'appui, Et le cri de son peuple est monté jusqu'à lui
de Jean RACINE dans Esth. I, 1
Les cris élevés contre l'inoculation, même avant qu'on eût essayé de la mettre en usage
de Marie-Jean Antoine Caritat, marquis de CONDORCET dans Tronchin.
4
Opinion publique. Il n'y a qu'un cri contre lui. Le cri public.
La renommée se fait entendre et le cri de la louange devient général
de DESFONTAINES dans
Quoiqu'il n'y ait qu'un cri contre ceux qui ont l'imprudence de jouer, sans s'être informés de la valeur des jetons, chacun peut impunément parler sans avoir appris la valeur des mots
de Etienne Bonnot de CONDILLAC dans Traité des syst. ch. 18
Si quelquefois les femmes sortaient des bornes de cette modestie, le cri public montrait que c'était une exception
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Lettre à d'Alemb.
5
Sémantique : Fig. Appel qui émane des choses, des sentiments. Étouffer le cri de la conscience.
Les cris du sang, sa force et ses impressions
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Fanat. IV, 1
Allez, sacrés vengeurs de vos princes meurtris, De leur sang par sa mort faire cesser les cris
de Jean RACINE dans Athal. V, 6
Le cri de l'innocence, qui, dans le moment de l'action, appelle des témoins, appelle des juges
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Esp. XXIX, 15
À l'instant va s'élever contre moi cette philosophie d'un jour qui naît et meurt dans le coin d'une grande ville et veut étouffer de là le cri de la nature
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Lettre à d'Alemb.
De ses mânes sanglants j'apaiserai les cris
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Oedipe, III, 5
Et l'on entend dans les bois d'alentour La voix mourante ou le cri de l'amour
de BERNARD dans Art d'aimer, III
Le cri de leur remords est monté jusqu'à moi
de Jacques DELILLE dans Parad.
perdu, XI., Cri de l'honneur
de Jean-François DUCIS dans Othello, III, 5
Avant Gustave Vasa, tout Suédois était militaire ; au cri du besoin public, le laboureur quittait sa charrue et prenait un arc
de Guillaume Thomas, abbé RAYNAL dans Hist. phil. V, 9
Entends du haut des cieux le cri de nos besoins
de Alphonse de LAMARTINE dans Méd. I, 16
6
Voix propre à chaque animal. Le cri de la corneille annonce de la pluie.
La poule qui partage un ver à ses enfants N'a pas le même cri que la poule éperdue Dont l'horrible faucon vient de frapper la vue
de Jacques DELILLE dans Trois règnes VIII
Un effroyable cri [d'un monstre] sorti du sein des flots Des airs en ce moment a troublé le repos
de Jean RACINE dans Phèd. V, 6
7
Bruit strident. Le cri de la scie.
N'entend-on pas le qui-vive des gardes, Qui se mêle au cri des verrous ?
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Louis X
Sémantique : Poétiquement.
J'ai souvent sur ma tête Entendu les fureurs, les cris de la tempête
de Jean-François DUCIS dans Othello, I, 8
8
Le cri de l'étain, craquement que ce métal fait entendre quand on le plie.
9
Donner du cri à la soie, la soufrer.

SYNONYME

1
CRI, CLAMEUR. Cri est beaucoup plus général que clameur ; il se dit de tout grand bruit de voix produit par l'homme ou par les animaux, tandis que clameur exprime quelque chose de collectif. Un homme pousse un cri, mais il ne pousse pas une clameur ; au contraire on dira la clameur de la foule. Cependant la Fontaine a dit, et très bien dit : Une montagne en mal d'enfant Jetait une clameur si haute.... Fabl. V, 10. Mais ici la montagne est quelque chose de gigantesque qui équivaut à quelque chose de collectif.

HISTORIQUE

1
XIe s.
Cil Ki prendra larun sanz suite et cri
dans Lois de Guill. V
Donc [ils] recomencent et le hu et le cri
dans Ch. de Rol. CLI
2
XIIe s.
Li quens Ernouf en out de traïson grant cri [blâme], Mais onques por le blasme le chastel ne guerpi [quitta]
dans Rou, ms. p. 65, dans LACURNE
Qu'à l'assembler [à l'attaque] ot tel noise et tel cri
dans Ronc. p. 72
Grans fu la noise et li cris de la gent
dans ib. p. 77
Devant lui vient, si lui crie à haut cri
dans ib. p. 142
Charles li rois fist faire et son ban et son cri
dans ib. p. 191
Que, s'en tute la terre eüst clerc si hardi, Qui à Rome apelast al lues le rei Henri, Sereient erranment tuit si chasel saisi, E il mis en prisun, cum s'il eüst mal cri
dans Th. le mart. 66
Seignur, par amur Deu, nel faites pas einsi ; S'un ocist l'arcevesque, vus en aurez le cri ; Car tus li païs scet que vus l'avez haï
dans ib. 42
3
XIIIe s.
Qui de fausser ont le cri [ont la réputation de tromper]
dans Ms. de poésie fr. avant 1300, t. IV, p. 407, dans LACURNE
Orgueil de serf, ueil de larron, Langue de leu [loup], cri de paon
dans Partonop. Ms. de St-Germ. f° 164, dans LACURNE
Lors a la male serve un mout grant cri jeté
dans Berte, X
Chascuns entre en la chambre, quant il oient le cri
dans ib. LXXXIX
Chascuns maudit la serve et crient à haus cris....
dans ib. XCIX
Que vous n'aurez ne cri ne non De m'amor, pour rien que je voie
dans Lai de l'ombre
Cascuns est tenus de penre [prendre] le bani son segneur ; et, s'il ne le pot penre, de lever le cri après li, et de porsivir tant qu'il soit pris
de Philippe de BEAUMANOIR dans XXXIV, 32
Et quant li cris a esté fet communement par les eglises, il doivent regarder combien il sont tenu à paier
de Philippe de BEAUMANOIR dans XII, 31
Quant les bouchiers et les autres homes de l'ost et les femmes qui vendoient les danrées oïrent ce, il leverent le cri en l'ost, et à [avec] l'aide de Dieu il secoururent le conte
de Jean, PRINCE DE JOINVILLE dans 233
4
XVe s.
Et fit-on à savoir par un cri et par un heraut que, le premier qui entreroit dedans Duras, il gagneroit cinq cents francs
de Jean FROISSART dans II, II, 11
Elle m'a faict souvent monter à cheval, faire mes effors, Aller, chevaucher, tempester. Et courir à cry et à cors
de COQUILL. dans Monol. de la botte de foin.
5
XVIe s.
Les pauvres femmes se leverent à cri [en criant], tant estonnées de voir leur maistresse comme morte
de Marguerite de Navarre, dite aussi de Valois, ou d'Angoulême, reine de Navarre dans Nouv. X
Et les vieilles desolées Se tordent leurs cheveux gris, Voyant leurs filles en cris Par ces bourreaux violées
de Jacques YVER dans p. 526
Et si doit [l'aîné] avoir le nom, le cri et les armes pleines
de Antoine LOYSEL dans 615
Le heraut s'escria si hault que son cry fut ouy de toute l'assemblée
de Jacques AMYOT dans Flamin. 20
Les cris et proclamations publiques
de Jacques AMYOT dans Solon, 11

ÉTYMOLOGIE

1
Provenç. crit, crida ; catal. crit ; espagn. grito ; ital. grido (voy. CRIER).

Synonymes de CRI

Phonétiquement proche de CRI