Définition de RESPIRER

DÉFINITIONS - REMARQUE - SYNONYME - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : rè-spi-ré

DÉFINITIONS

1
Attirer l'air dans sa poitrine, et le repousser dehors.
Approchons-nous pour voir si sa bouche respire
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Sganar. 4
L'auditoire qui paraissait pendu et suspendu à tout ce qu'il disait [un prédicateur], d'une telle sorte que l'on ne respirait pas
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à Bussy, 25 avril 1687
Il [Condé mourant] attendait sa miséricorde [de Dieu] et implorait son secours, jusqu'à ce qu'il cessa enfin de respirer et de vivre
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Louis de Bourbon.
À peine osait-on respirer, de peur de troubler le silence
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Tél. VIII
Comme ils [les amphibies] ont le trou ovale du coeur ouvert, ils ont la faculté d'y rester longtemps [dans l'eau] sans avoir besoin de respirer
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Quadrup. t. XI, p. 194
Sa course avait été si rapide, qu'en arrivant dans la chambre d'Oswald elle ne pouvait plus respirer ni prononcer un seul mot
de Anne Staël-Holstein, dite Mme DE STAËL dans Corinne, VIII, 1
Sémantique : Fig.
Elle [l'âme pénitente] se met des bornes de tous côtés.... ainsi, resserrée de toutes parts, elle ne peut plus respirer que du côté du ciel
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans la Vallière.
Il ne respire plus, il est mort. Il respire encore, il n'est pas encore mort.
2
Vivre.
Je t'engage ma foi De ne respirer pas un moment après toi
de Pierre CORNEILLE dans Cid, III, 4
Tant qu'il [Britannicus] respirera, je ne vis qu'à demi
de Jean RACINE dans Brit. IV, 3
Seigneur, vous pouvez tout : ceux par qui je respire [mes parents] Vous ont cédé sur moi leur souverain empire
de Jean RACINE dans Mithr. II, 4
Tout se meut, tout respire, et tout existe en Dieu
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Phil. Tout en Dieu.
Sais-tu jusqu'à quel point ton amant qui ne respire que pour toi, peut te faire aimer la vie ?
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Hél. III, 16
Respirer en quelqu'un, se dit de celui en qui une personne semble revivre.
Que dis-je ? Il [Thésée] n'est point mort puisqu'il respire en vous
de Jean RACINE dans Phèd. II, 5
3
Sémantique : Fig. Se manifester.
La sensibilité, l'indulgence, la charité, qui dirigeaient et qui animaient le vertueux prélat [Fléchier] dans la conduite de ce malheureux diocèse, respirent encore dans les mandements et les lettres pastorales qu'il adressait aux réformés
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Éloges, Fléchier.
4
Avoir quelque relâche après un travail, une épreuve pénible.
Durant quelques moments souffrez que je respire
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, I, 1
Vous la replongerez [Rome], en quittant cet empire, Dans les maux dont à peine encore elle respire
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, II, 1
Jusqu'à quand différerez-vous de m'épargner et de me donner quelque relâche, afin que je puisse un peu respirer ?
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Job, VII, 19
Vous ne donnez pas le temps de respirer
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Tart. IV, 5
Et jusqu'au douze qu'elle mourut à midi, elle n'a pas eu un moment pour respirer
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 522
Il est donc vrai que vous vous portez mieux.... vous pouvez vous représenter si je respire d'espérer que vous allez vous rétablir
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 14 juin, 1677
À l'arrivée de la reine, la rigueur se ralentit, et les catholiques respirèrent
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Reine d'Anglet.
Hercule, respirant sur le bruit de vos coups, Déjà de son travail se reposait sur vous
de Jean RACINE dans Phèdre, III, 5
La nation semblait respirer au sortir d'une longue oppression
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 6
Un intervalle que nous mettons entre le monde et nous, pour y rentrer avec plus de goût, et respirer un peu de la fatigue, du dégoût, de la satiété
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Temps.
Les Turcs avaient laissé respirer la Hongrie pendant la guerre de trente ans, qui bouleversa l'Allemagne
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Moeurs, 192
Les moutons, comme vous savez, respirent un peu, quand les loups et les renards se déchirent
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. d'Alemb. 16 juillet 1764
Notre pauvre France aura vraisemblablement encore un an à respirer
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Lett. au roi de Prusse, 22 sept. 1777
5
Respirer après quelque chose, souhaiter quelque chose ardemment avec passion. Elle respire après le retour de son fils.
Respirer de, avec ne ....que et un infinitif, se dit dans le même sens.
Je meurs d'envie de savoir de vos nouvelles ; dès que j'ai reçu une lettre, j'en voudrais tout à l'heure une autre ; je ne respire que d'en recevoir
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 18 févr. 1671
Il [Saint-Aubin] ne souhaite que l'éternité, il ne respire plus que d'être uni à Dieu
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 17 nov. 1688
On a dit aussi : respirer à, avec un infinitif.
Votre Majesté sent et plaint les maux de ses peuples ; elle ne respire qu'à les soulager
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Panég. sainte Thérèse, 3
Il se conjugue avec l'auxiliaire avoir.
6
Activement. Attirer par la respiration.
Le premier air que nous respirons nous sert à tous indifféremment à former des cris
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Gornay.
De quel front cet ennemi de Dieu Vient-il infecter l'air qu'on respire en ce lieu ?
de Jean RACINE dans Athal. III, 5
Sémantique : Par extension.
Énée en ce moment, couvert d'épais rameaux, Respirant la fraîcheur et de l'ombre et des eaux
de Jacques DELILLE dans Énéide, VIII
Sémantique : Fig.
Arrachez-vous d'un lieu funeste et profané Où la vertu respire un air empoisonné
de Jean RACINE dans Phèdre, V, 1
C'est dans le vide et dans le silence de sa maison qu'une femme de mon âge respire le poison de l'ennui
de Jean-François MARMONTEL dans Contes mor. Bon mari.
Aller respirer l'air natal, retourner dans le pays où l'on est né.
Sémantique : Poétiquement. Respirer le jour, avoir la vie.
Albe, où j'ai commencé de respirer le jour
de Pierre CORNEILLE dans Hor. I, 1
Quoi ! vous à qui Néron doit le jour qu'il respire....
de Jean RACINE dans Brit. I, 1
7
Exhaler.
La Provence odorante et de Zéphyre aimée Respire sur les mers une haleine embaumée
de André CHÉNIER dans Hymne à la France.
Des lèvres demi-closes Respirent près de nous leur haleine de roses
de André CHÉNIER dans Élég. II, 1
Sémantique : Fig.
Mes crimes désormais ont comblé la mesure ; Je respire à la fois l'in ceste et l'imposture
de Jean RACINE dans Phèdre, IV, 6
8
Avoir la vive apparence de, annoncer.
Je fus une heure dans cette chambre [de Mme de Montespan, qui venait d'écarter une rivale] ; on n'y respire que la joie et la prospérité
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 14 juin 1677
Je voulais parier, quoique tout respirât la noce [entre Mademoiselle et Lauzun], qu'elle ne s'achèverait pas
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 31 déc. 1670
Le madrigal, plus simple et plus noble en son tour, Respire la douceur, la tendresse et l'amour
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art poét. II
Tout respire en Esther l'innocence et la paix
de Jean RACINE dans Esth. II, 7
Tout respirait les bons mots et les contes agréables
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 8
Quelques odes galantes d'Horace respirent les grâces, comme quelques-unes de ses épîtres enseignent la raison
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Dict. phil. Grâce.
Son livre du Traité des études [de Rollin] respire le bon goût et la saine littérature presque partout
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Temple du Goût.
9
Souhaiter avec ardeur.
Au bout de trois jours, à Vitré, je ne respirais que les Rochers
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 16 mars 1672
Il disait en parlant de cette prison malheureuse, qu'il y était entré le plus innocent de tous les hommes, et qu'il en était sorti le plus coupable : Hélas ! poursuivait-il, je ne respirais que le service du roi et la grandeur de l'État
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Louis de Bourbon.
On ne respire à Saint-Cyr que simplicité, obéissance, humilité
de Françoise d'Aubigné, marquise de MAINTENON dans Lett. au card. de Noailles, 26 févr. 1702
Une cour qui ne respirait que les fêtes et la galanterie
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 6
Les Lacédémoniens ne participèrent point à cette délibération : ils ne respiraient alors que la paix, les Athéniens que la guerre
de Auguste Marseille BARTHÉLEMY, dit L'ABBÉ BARTHÉLEMY dans Anach. Introd. part. II, sect 2
Il se dit quelquefois avec un pronom personnel pour régime.
Nous avons ri du soin que vous prenez de me dire d'envoyer querir la Garde et l'abbé de Grignan : hélas ! les pauvres gens étaient au guet et ne respiraient que moi
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 2 nov. 1673
Chacun, plein de mon nom, ne respirait que moi
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Lutr. VI
10
Se respirer, Nature : v. réfl. Être respiré.
Le bonheur se respire autour de vous, comme s'il était dans l'air qui vous environne
de Anne Staël-Holstein, dite Mme DE STAËL dans Dict. de DOCHEZ.

REMARQUE

1
D'Olivet (Rem. Rac. § 34) prétend qu'au sens de souhaiter, respirer ne se dit guère qu'avec la négative, et qu'on ne dirait pas aussi correctement : vous respirez les plaisirs, vous respirez la guerre.
Fausse remarque, comme le prouvent les exemples suivants : Ton ardeur criminelle à la vengeance aspire, Ta bouche la demande, et ton coeur la respire !
de Pierre CORNEILLE dans Hor. IV, 5
On m'en veut plus qu'à vous ; c'est ma mort qu'ils respirent
de Pierre CORNEILLE dans Pomp. IV, 5
La fille le veut bien, son amant le respire
de Jean RACINE dans Plaid. III, 4
De toutes les tragédies françaises, Mithridate était celle qui lui plaisait davantage [à Charles XII], parce que la situation de ce roi vaincu et respirant la vengeance était conforme à la sienne
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Charles XII, 5
Pourquoi, fils de Morni, ton âme respirait-elle les combats ?
de François René CHATEAUBRIAND dans Gaul.

SYNONYME

1
RESPIRER, SOUPIRER APRÈS. Ces mots désignent figurément le désir, l'ardeur, la passion dont le coeur est si plein qu'il semble l'exhaler, ou par une respiration forte, ou par des soupirs répétés. Mais respirer marque un désir plus ardent, une passion plus violente, que ne fait soupirer après.

HISTORIQUE

1
XIIIe s.
La force de l'odeur du moust qui estoit es tonniax qui respiroient [exhalaient] et separoient les mouz
dans Miracles St Loys, p. 143
Ledit enfant gisoit estendu à terre ausi come mort, ne ne le veoit on respirer
dans ib. p. 144
2
XVIe s.
Chascun pour sauver sa vie et respirer une ame precaire se faisoit bourreau de son compagnon
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans Hist. II, 122
Me voiant exilé de France, j'ai pris à deux mains les occasions qui se sont presentées pour me faire respirer l'air auxquel je suis nai
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans ib. II, 131
Il y eut bien de la peine à faire partir du giste Lanoue, ne respirant que la bonté de Monsieur, les bons desirs du roi
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans ib. II, 239
La reyne mere du roy, qui ne respiroit que le bien du roy et de l'estat....
de CASTELN. dans 149
Tenir tous-jours ses tonneaux très bien bouchés, sans respirer aucunement
de Olivier DE SERRES dans 204
....les vaisseaux et recipiens bien lutés en semble, à fin que l'esprit ne respire [s'évapore]
de Ambroise PARÉ dans XXVI, 12

ÉTYMOLOGIE

1
Berry, respirer se dit d'une terre perméable à l'air : cette terre est trop compacte, elle ne peut respirer ; provenç. et espagn. respirar ; ital. respirare ; du lat. respirare, de re, et spirare, souffler (voy. ESPRIT).

Synonymes de RESPIRER

Termes proches de RESPIRER