Définition de SENTIR

DÉFINITIONS - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : san-tir

DÉFINITIONS

1
Recevoir une impression qui vient soit par l'extérieur du corps et par les sens, soit par l'intérieur et les parties profondes. Sentez-vous le goût de vinaigre dans cette sauce ? Sentir une grande douleur de tête. Sentir la faim, la soif.
Nous ne sentons ni l'extrême chaud, ni l'extrême froid
Elle n'a point encore senti son enfant ; elle sera bientôt à quatre mois et demi
La Mollesse oppressée Dans sa bouche à ce mot sent sa langue glacée
Je sentis tout mon corps et transir et brûler
J'ai senti tout à coup un homicide acier Que le traître en mon sein a plongé tout entier
La fée : Cher Arlequin, ces tendres chansons ne vous inspirent-elles rien ? que sentez-vous ? - Arlequin : Je sens un grand appétit
Ai-je un sentiment propre de mon existence, ou ne la sens-je que par mes sensations ? voilà mon premier doute, qu'il m'est, quant à présent, impossible de résoudre
Sémantique : Fig.
Cette main invisible, ce bras qui ne paraît pas, donnent les coups que le monde sent
Nature : Absolument.
Quoi ! le charme de sentir est-il si fort que nous ne puissions rien prévoir ?
Si le bonheur des dieux est de voir, de connaître, Celui de l'homme est de sentir
de LAMOTTE dans Odes, t. I, p. 336, dans POUGENS
Nous ne connaissons l'âme et ses propriétés que par le sentiment intérieur que nous en avons ; nous sentons, et même nous avons un sentiment réfléchi de nos sensations ; nous sentons que nous sentons
de DUMARS. dans Oeuv. t. V, p. 308
La faculté de sentir est la première de toutes les facultés de l'âme, elle est même la seule origine des autres, et l'être sentant ne fait que se transformer
de Etienne Bonnot de CONDILLAC dans Traité anim. II, 10
Concluons que, si les bêtes sentent, elles sentent comme nous ; pour combattre cette proposition, il faudrait pouvoir dire ce que c'est que sentir autrement que nous ne sentons
de Etienne Bonnot de CONDILLAC dans ib. II, 2
Je ne pensais plus, mais je sentais encore, et je souffrais toujours
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Mères riv. t. I, p. 347, dans POUGENS
Nature : S. m. L'action de sentir.
Le sentir ne dépend pas de nous, mais le vouloir en dépend
Sémantique : Terme de manége. Sentir son cheval, se rendre raison de tous ses mouvements et savoir en profiter.
Sentir son cheval dans la main, le tenir de la main et des jarrets de manière qu'on en soit le maître.
Sentir ne se dit point des simples perceptions de la vue et de l'ouïe. Cependant Corneille l'a employé au sens d'entendre, mais c'est un archaïsme.
C'était fait de ma vie, ils me traînaient à l'eau ; Mais, sentant du secours, ils ont craint pour leur peau
2
Particulièrement, percevoir par l'odorat. Sentir une odeur.
Que sens-tu ? dis-le moi : parle sans déguiser
Il me sentait venir de cent pas à la ronde
de Jean de LA FONTAINE dans ib. IX, 19
....Je l'ai vue avant vous [l'huître], sur ma vie. - Eh bien ! vous l'avez vue, et moi je l'ai sentie
de Jean de LA FONTAINE dans ib. IX, 9
Si le petit reste en arrière, elle [la femelle du tapir] retourne de temps en temps sa trompe, dans laquelle est placé l'organe de l'odorat, pour sentir s'il suit ou s'il est trop éloigné, et, dans ce cas, elle l'appelle et l'attend pour se mettre en marche
Sémantique : Fig. Sentir de loin quelqu'un, reconnaître quel il est.
Je sens un poëte de demi-lieue loin
Sentir quelqu'un de loin, signifie pénétrer à l'avance ses intentions.
Ce diable de beau-père a l'odorat subtil ; Il nous sent de bien loin
de Thomas CORNEILLE dans Comt. d'Orgueil, IV, 8
On dit de même : Je le sentis venir de loin.
Sémantique : Fig. Sentir de loin, découvrir, prévoir les choses de loin.
Flairer. Sentir une rose.
Conservez bien vos sentiments, vos pensées, la droiture de votre esprit, repassez quelquefois sur tout cela, comme on sent de l'eau de la reine de Hongrie, quand on est dans le mauvais air
Sémantique : Fig. et familièrement. Je ne puis sentir cet homme-là, j'ai pour lui beaucoup d'aversion.
3
Il se dit des différentes affections que l'âme éprouve.
Je sentais tendrement ce déplaisir d'être haïe de Dieu, et je le sentais même, comme je crois, entièrement détaché des autres peines de l'enfer
Sentiez-vous, dites-moi, ces violents transports Qui d'un esprit divin font mouvoir les ressorts ?
Mais je m'étonne enfin que pour reconnaissance, Pour prix de tant d'amour, de tant de confiance, Vous ayez si longtemps, par des détours si bas, Feint un amour pour moi que vous ne sentiez pas
Quel penchant, quel plaisir je sentais à les croire !
de Jean RACINE dans ib. IV, 5
Tremblante comme vous, j'en sens quelques remords
Je vous avoue que je sens déchirer mes entrailles, quand on vient m'annoncer que quelques malades dans une paroisse sont morts sans secours par la faute et la négligence du curé
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Disc. synod. XI
Du soin que les curés doivent avoir pour les malades Tout ce que je sens, je l'exprime ; Ne sens-je rien, je finis
de LAMOTTE dans Odes, t. I, p. 462, dans POUGENS
Je ne suis plus qu'un juge à son devoir fidèle, Et qui ne doit sentir ni regrets ni courroux
Mais nous [les poëtes], pour embraser les âmes, Il faut brûler, il faut ravir Au ciel jaloux ses triples flammes ; Pour tout peindre, il faut tout sentir
Nature : Absolument.
Or il faut, quelque loin qu'un talent puisse atteindre, Éprouver pour sentir, et sentir pour bien peindre
Ce sont les passions qui sont l'âme de la tragédie ; par conséquent un héros ne doit point prêcher, et doit peu raisonner ; il faut qu'il sente beaucoup et qu'il agisse
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Comm. Corn. Rem. sur les disc. Discours 1er.
Il ne jouit plus de rien ; le malheureux ne sent plus, il ne vit plus ; il est déjà mort
Sentir quelque chose pour quelqu'un, être disposé à l'aimer, ou l'aimer déjà.
Cependant, quoique aimable et peut-être plus belle, Je la vois, je lui parle, et ne sens rien pour elle
Hippolyte est sensible, et ne sent rien pour moi !
4
Il se dit des impressions que l'âme reçoit de ce qui agit sur elle. Il ne sent point les affronts. Il sent vivement les services qu'il a reçus. Vous ne sentez pas votre bonheur. Il y a des choses qu'il ne faut que sentir.
On n'a tous deux qu'un coeur qui sent mêmes traverses
C'est dommage de la perte de cet enfant [un enfant né à huit mois] ; je la sens, et j'ai besoin de vos réflexions chrétiennes pour m'en consoler
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à Mme de Grignan, 23 févr. 1676
Le prince se souvint de toutes les fautes qu'il avait commises ; et, trop faible pour expliquer avec force ce qu'il en sentait, il emprunta la voix de son confesseur pour en demander pardon au monde, à ses domestiques et à ses amis
Très reconnaissante des services, elle aimait à prévenir les injures par sa bonté ; vive à les sentir, facile à les pardonner
Il me semblait sentir la présence réelle de Jésus-Christ, comme on sent les choses visibles et dont on ne peut douter
S'il [le poëte] ne sent pas du ciel l'influence secrète
Il sent soudain frapper et son coeur et ses yeux Par l'objet le plus agréable....
de PERRAULT dans Contes en vers, Grisel.
Elle [la Dauphine] a senti jusqu'où va la misère humaine, jusqu'où vont les miséricordes divines
Quoique Chamillart ne pût me raccommoder avec le roi, je ne sentis pas moins cette tentative
Illustres malheureux, que j'aime à voir vos coeurs Embrasser mes desseins, et sentir mes fureurs !
Mon père, en tous les temps, je sais que votre coeur Sentit tous mes chagrins, et voulut mon bonheur
Sentir de, avec un infinitif, éprouver un regret, une peine de.
Je sens vivement de ne plus causer avec le chevalier [de Grignan]
Il [le chevalier de Grignan] a bien fait de choisir la demeure de Grignan pour être malade, plutôt que celle de Paris, où l'on sent encore plus de n'être pas comme les autres
5
Avoir l'appréciation délicate et instinctive de ce qui est beau dans une oeuvre, dans une personne, dans un auteur ou un artiste. Sentir la musique.
Quand je ne vous nomme point Pauline [fille de Mme de Grignan], c'est une faute ; car elle est toujours vive sur votre sujet, et sent votre esprit et vos lettres d'une manière qui fait son éloge
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à Mme de Coulanges, 16 nov. 1694
Ou il est présenté à une troupe d'ignorants qui ne sont pas en état de le sentir, ou il est senti par quelques envieux qui se taisent
de Denis DIDEROT dans Rech. phil. sur le beau, Oeuv. t. II, p. 465, dans POUGENS.
On peut dire sans paradoxe que les Français ne sentent pas les arts, mais qu'ils les comprennent
de D. STERN dans Esquisses morales, p. 145
6
S'apercevoir, connaître.
Alexandre dit qu'on le faisait fils de Jupiter, mais qu'il sentait bien qu'il était fait comme les autres
de Claude Favre de VAUGELAS dans Q. C. VII, 10
Rien n'est si insupportable à l'homme que d'être dans un plein repos, sans passion.... il sent alors son néant, son abandon, son insuffisance, sa dépendance, son impuissance, son vide
Toute l'armée était en joie, et jamais elle ne sentit qu'elle fût plus faible que celle des ennemis
Elle vit le monde, elle en fut vue ; bientôt elle sentit qu'elle plaisait
Je sens de jour en jour dépérir mon génie
L'endroit que l'on sent faible et qu'on se veut cacher
Britannicus le gêne [Néron], Albine, et chaque jour Je sens que je deviens importune à mon tour
Un coeur noble ne peut soupçonner en autrui La bassesse et la malice Qu'il ne sent point en lui
Bajazet, écoutez, je sens que je vous aime
Je sentais renaître mon courage au fond de mon coeur à mesure que ce sage ami me parlait
Les honnêtes gens veulent qu'on sente leur droiture
Le chevalier sentait le dénoûment de l'aventure
Le mouvement de l'amour-propre nous est si naturel, que le plus souvent nous ne le sentons pas, et que nous croyons agir par d'autres principes
La société nous apprend à sentir les ridicules ; la retraite nous rend plus propres à sentir les vices
Vous sentez sans doute ces vérités [des reproches que Voltaire adresse à Frédéric]
Colin sentit son néant et pleura
Malherbe, le premier, sentit quel heureux choix de mots pouvait donner aux vers français de la pompe et de l'harmonie
de Jean-François MARMONTEL dans Oeuv. t. IV, p. 399, dans POUGENS
Vous paraissez trop sentir votre tort, pour qu'il me soit possible de vous le reprocher
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Théât. d'éduc. Dangers du monde, III, 9
Vous sentez que, il vous est apparent, vous reconnaissez que.
Vous sentez que ma fille au sortir de l'enfance Pourrait s'effaroucher de ce sévère accueil
On dit de même : On sent que.
On sent assez que je parle des Romains
7
Éprouver.
Tout notre sang doit-il sentir votre colère ?
Plus d'un monstre farouche Avait de votre bras senti la pesanteur
Ainsi mes ennemis sentiront mon courroux
Qui n'ose me venger sentira ma justice
8
Se sentir quelque chose, sentir en soi quelque chose. Je me suis senti des forces que je ne me connaissais pas.
Il n'est rien qui puisse arrêter l'impétuosité de mes désirs ; je me sens un coeur à aimer toute la terre
Si jamais votre coeur affligé se sent besoin de ressources qu'il ne trouvera pas en lui-même
9
Faire sentir, faire connaître, faire comprendre.
Les rois [d'Angleterre] ont trop fait sentir aux peuples que l'ancienne religion se pouvait changer
Les bontés que vous m'avez fait sentir me donnent le droit de me servir d'un nom si tendre
Je faisais même de temps en temps sentir à Protésilas que je supportais son joug avec impatience
Je ne me ferai pas toujours sentir à votre coeur
Je ne suis qu'une suivante, et vous me le faites bien sentir
Cette victoire d'Hollosin, en comblant Charles XII de gloire, pouvait lui faire sentir tous les dangers qu'il allait courir en pénétrant dans des pays si éloignés
Comme je l'ai déjà fait sentir, la nature n'a ni classes ni genres, elle ne comprend que des individus
Faire éprouver.
Avant que de frapper, elle [son entreprise] lui fit sentir [à Brutus, meurtrier de César] Plus d'un remords en l'âme et plus d'un repentir
Après avoir fait sentir aux ennemis durant tant d'années l'invincible puissance du roi
Tant que la reine d'Angleterre a été heureuse, elle a fait sentir son pouvoir au monde par des bontés infinies
Ce n'est point au bout de l'univers Que Rome fait sentir tout le poids de ses fers
La colère des dieux se ferait sentir aux Phrygiens par une cruelle peste
Il fit sentir à tout le monde le pouvoir sacré des lois, et ne fit sentir à personne le poids de sa dignité
Marquer dans le discours, accentuer. Il fallait faire sentir cela davantage.
Se faire sentir, imprimer sa marque.
La physique est à la poésie ce que l'anatomie est à la peinture : elle ne doit pas s'y faire trop sentir ; mais, revêtue des grâces de la fiction, elle y joint le charme de la vérité
de Jean-François MARMONTEL dans Oeuvr. t. IX, p. 423
10
Exhaler, répandre une odeur. Cela sent la fleur d'orange.
J'aime nos Bretons, ils sentent un peu le vin ; mais votre fleur d'orange ne cache pas de si bons coeurs
Vespasien.... ôtant le brevet d'une charge à un jeune homme qui était venu tout parfumé pour l'en remercier, et ajoutant : j'aimerais mieux que vous sentissiez l'ail
D'honneur, il sent la fièvre d'une lieue
Sémantique : Fig. Cet ouvrage sent l'huile, sent la lampe, il paraît avoir coûté beaucoup de veilles, beaucoup de travail à son auteur.
Sémantique : Fig. Cette chanson sent le corps de garde, elle est libre ou grossière.
Sémantique : Fig. Cette action sent le gibet, la roue, la hart, les coups de bâton, celui qui l'a commise mérite d'être pendu, roué, bâtonné.
Savez-vous, mes drôles, Que cette chanson Sent sur vos épaules Les coups de bâton ?
Sémantique : Fig. Sentir le fagot, voy. FAGOT.
Sémantique : Fig. Sentir le sapin, voy. SAPIN.
Sentir la Brinvilliers, avoir l'air aussi malade que si on avait été empoisonné par la Brinvilliers (phrase de Mme de Sévigné au moment où l'on s'entretenait des crimes de cette célèbre empoisonneuse, et qui est oubliée avec cet événement).
Le prince [chevalier de Lorraine] est d'une maigreur et d'une langueur qui sent la Brinvilliers
Il s'emploie souvent comme neutre. Cela sent bon, sent mauvais.
D'où vient cette puanteur qui confond tous les parfums ? c'est sans doute que l'incrédulité et l'ingratitude sentent mauvais comme les vertus sentent bon
Sentir comme baume, avoir une très agréable odeur.
Sémantique : Fig.
Nous ne vous donnons pas de ces effets véreux [effets de commerce] ; Cela sent comme baume
Nature : Absolument. Sentir se dit pour sentir mauvais. Cette viande commence à sentir.
C'est, dit-il, un cadavre, ôtons-nous, car il sent
Nature : Impersonnellement. Il sent bon dans cette chambre. Il sent le brûlé dans la cuisine. Il sent mauvais.
Sémantique : Fig. et impersonnellement.
Ouais, je ne sais d'où cela vient ; mais il sent ici l'amour
Que regardes-tu là ? - C'est qu'il sent le bâton du côté que voilà
Sémantique : Fig. et familièrement. Cela ne sent pas bon, l'affaire prend une mauvaise tournure, elle peut avoir des suites fâcheuses.
11
Avoir telle ou telle saveur. Cette soupe ne sent rien. Ce vin sent le fût, sent le terroir, sent un goût. Ce cidre sent le pourri.
Sémantique : Fig. et familièrement. Sentir le terroir, se dit d'un homme qui a les défauts des gens de son pays, ou d'un ouvrage dans lequel se trouvent des défauts qui tiennent à des habitudes de localité.
Ragotin, chien picard et sentant le terroir
de LAMOTTE dans Fabl. V, 4
Cela sentirait trop sa fin de comédie
de Pierre CORNEILLE dans Gal. du Pal. V, 8
Je ne hais point la vie et j'en aime l'usage, Mais sans attachement qui sente l'esclavage
Elles [les lettres patentes de l'Académie française] sont conçues en termes fort purs et fort élégants, qui, sans s'écarter des clauses et des façons de parler ordinaires de la chancellerie, sentent néanmoins la politesse de l'Académie et de la cour
Je me dispenserai seulement de suivre toujours et pas à pas l'ordre des dates, qui sentirait un peu trop le journal, et m'obligerait à revenir trop souvent sur les mêmes choses
de Paul PELLISSON dans ib.
Un vieux renard, mais des plus fins, Sentant son renard d'une lieue
Quatre siéges boiteux [chez une devineresse], un manche de balai, Tout sentait son sabbat et sa métamorphose
de Jean de LA FONTAINE dans ib. VII, 15
Cybèle est vieille, Junon de mauvaise humeur ; Cérès sent sa divinité de province, et n'a nullement l'air de cour
de Jean de LA FONTAINE dans Psyché, II, p. 214
Cela sent son vieillard, qui, pour en faire accroire, Cache ses cheveux blancs d'une perruque noire
Vous êtes orfévre, monsieur Josse, et votre conseil sent son homme qui a envie de se défaire de sa marchandise
La ballade, à mon goût, est une chose fade ; Ce n'en est plus la mode, elle sent son vieux temps
Je trouve que le château de Grignan est parfaitement beau, il sent bien les anciens Adhémars
J'espère que ceux qui sont à Paris vous auront mandé des nouvelles ; je n'en sais aucune, comme vous voyez ; ma lettre sent la solitude de notre forêt
Persuadé que rien ne sentait plus le grand seigneur
de BOURSAULT dans Lett. nouv. t. II, p. 293, dans POUGENS
Les Locriens, venus de la Grèce, sentent encore leur origine, et sont plus humains que les autres
Voici qui sent bien le roman
Ils [les Anglais] ont un penchant pour ce qui sent le gladiateur
de Antoine HAMILTON dans ib. 9
Pollion, d'un goût raffiné et difficile, prétendait découvrir, dans le style de Tite-Live, de la patavinité, c'est-à-dire apparemment quelques termes ou quelques tours qui sentaient la province
Barbezieux, avec tous ses grands airs, sentait plus l'intendant que le général d'armée
Ramener tout à l'amour de Dieu sent peut-être moins l'amour de Dieu que la haine que tout janséniste a pour son prochain moliniste
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Rem. Pens. Pasc. 20
De tous ceux qui ont un peu vécu avec M. le cardinal de Polignac, il n'y a personne qui ne lui ait entendu dire que Newton était péripatéticien, et que ses rayons calorifiques et surtout son attraction sentaient beaucoup l'athéisme
Il [le roi de Prusse] vous a envoyé sans doute le petit ouvrage qu'il a composé en dernier lieu dans le goût de Marc-Aurèle, pendant qu'il avait la goutte ; cela sent encore plus son Frédéric que son Marc-Aurèle
Qui est-ce qui dit mon père, à la cour ? Monsieur, appelez-moi monsieur ! vous sentez l'homme du commun !
Cet homme, ce valet sent le vieux battu, sent son vieux battu, locution vieillie qui signifie : il est devenu insolent, négligent, parce qu'il y a longtemps qu'il n'a été châtié.
Sentir son bien, avoir de bonnes manières, être de bon ton (locution vieillie, qu'en 1690 Caillières déclarait du dernier bourgeois).
Une raillerie noble et galante qui sent son bien et sa personne de condition
Vous savez vivre, vous sentez votre bien, et vous avez l'air français
de BOISSY dans Français à Lond. sc. 14
La raillerie de Cicéron a je ne sais quoi d'honnête et qui sent son bien
de GEDOYN dans Trad. de Quintil. 6
12
Sémantique : Terme de marine. Sentir le fond, se dit d'un bâtiment qui est mouillé sur un fond presque égal à son tirant d'eau.
Un navire sent bien sa barre [du gouvernail], lorsqu'il obéit vivement à ses mouvements.
13
Se sentir, Nature : v. réfl. Être senti, faire éprouver une sensation.
Les marbres et les métaux se sentent plus froids que le bois
de René DESCARTES dans Météores, I
14
Être l'objet d'un sentiment.
Les principes se sentent, les propositions se concluent, et le tout avec certitude, quoique par différentes voies
15
Connaître, apercevoir en quel état, en quelle disposition l'on est. Il ne se sentit pas mourir.
Il n'est pas étrange que les hommes ne se connaissent pas ; il y a des temps mêmes où l'on peut dire qu'ils ne se sentent point
Ô paroles qu'on voyait sortir de l'abondance d'un coeur qui se sent au-dessus de tout !
Madame savait estimer les uns sans fâcher les autres ; et, quoique le mérite fût distingué, la faiblesse ne se sentait pas dédaignée
Au moment où j'ouvre la bouche pour célébrer la gloire immortelle du prince de Condé, je me sens également confondu par la grandeur du sujet....
L'esprit ne se sent point plus vivement frappé Que lorsqu'en un sujet....
Jamais je ne me suis senti plus amoureux
Il y a de la douceur à se sentir vertueux
Réduite au sentiment fondamental, elle [la statue] se sentira comme dans un point, s'il est uniforme ; et, s'il est varié, elle se sentira seulement de plusieurs manières à la fois
de Etienne Bonnot de CONDILLAC dans Traité sensat. II, 12
Je ne me sens pas bien, je ne me sens pas à mon aise, j'éprouve quelque indisposition.
Nature : Absolument. Se sentir, se bien sentir, avoir conscience des forces qu'on a, du mérite qu'on possède, de ce qu'on est en droit d'exiger.
Petit serpent que j'ai réchauffé dans mon sein, Et qui, dès qu'il se sent, par une humeur ingrate Cherche à faire du mal à celui qui le flatte !
Il faut se sentir, et prendre sur soi certaines choses décisives où l'on ne peut vous conseiller que faiblement
Les ligues et les guerres, au commencement détestées, aussitôt que les protestants se sentirent, devinrent permises
Un écrit signé de la main de Persée, qui attestait tout ce qui vient d'être dit, et qu'elle devait remettre entre les mains de lui, Philippe, lorsqu'il serait en âge de se sentir
Elle a le noble orgueil du mérite qui se sent, qui s'estime, et qui veut être honoré comme il s'honore
Se sentir, ressentir les premières impressions de la puberté.
Dans les premiers temps où M. le comte de Toulouse commença à être hors de page et à se sentir, elle [Mme d'O] lui plut fort par ses facilités
16
Ne pas se sentir, être hors de soi par colère, joie, etc.
À ces mots le corbeau ne se sent pas de joie
Je suis dans une colère que je ne me sens pas
Je ne me sens pas, je l'avoue ; je jette des larmes de joie ; tous mes voeux sont satisfaits
17
Se sentir, suivi d'un verbe actif qui prend le sens passif.
Par d'inquiétants transports me sentant émouvoir
de Pierre CORNEILLE dans Poés. div. Élégie.
Ah ! je me sens saisir d'horreur
de QUINAULT dans Phaéth. I, 8
Mon coeur tremble, soupire et se sent déchirer
de QUINAULT dans ib. II, 4
De ses bras innocents je me sentis presser
De ce discours, ô ciel ! que je me sens confondre !
Se sentir, se dit aussi avec le participe passif : se sentir ému. Mais cela rentre alors dans le cas du n° 16.
18
Se sentir de, éprouver, ressentir. Il commence à se sentir de la goutte, des incommodités de la vieillesse.
Je suis ravie que vous vous sentiez aussi quelquefois de la faiblesse humaine
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à Mme de Grignan, 19 juin 1675
Éprouver quelque mal, quelque dommage. Il se sentira longtemps de cette blessure. Il se sent de s'être exposé au froid, à l'humidité.
Comme nous eûmes part à vos prospérités, Il nous faut bien sentir de vos adversités
Il faut que les affaires de M*** se sentent du temps, comme celles de tout le monde
Quand il considère qu'il laisse, en mourant, un monde qui ne se sent pas de sa perte, et où tant de gens se trouvent pour le remplacer
de Jean de LA BRUYÈRE dans II
Son éducation se sentit de cette négligence
En un sens contraire, recevoir quelque bien, quelque avantage.
On a donné tant pour les domestiques ; il faut le distribuer entre tous, afin que chacun s'en sente
dans Dict. de l'Acad.
Cette marquise a des soins de M. de la Garde, dont vous vous sentirez
Le jeune prince se sentira éternellement d'avoir été cultivé par de telles mains
Les ignorants même d'un siècle savant se sentent un peu de la science de leur siècle
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Hist. Théât. fr. Oeuv. t. III, p. 51, dans POUGENS
Le monde entier se sent de leurs vertus ou de leurs vices [les grands] : ils sont, si j'ose le dire, citoyens de l'univers
Porter la marque de, la trace de.
De son orgueil ses habits se sentaient
de Jean de LA FONTAINE dans Court.
Mon Dieu, ma chère enfant, que mon loisir est dangereux pour vous ! je crains qu'il ne vous fasse mal, il se sent de la tristesse de mes rêveries
Le vers se sent toujours des bassesses du coeur
Heureux si ses discours [de Régnier], craints du chaste lecteur, Ne se sentaient des lieux où fréquentait l'auteur !
Vos repas se sentent-ils de la frugalité de ce temps de pénitence ?
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Jeûne.
Un autre ouvrage [la Chronologie réformée] plus à la portée du genre humain [que les Principes], mais qui se sent toujours de cet esprit créateur que M. Newton portait dans toutes ses recherches

REMARQUE

1
Au présent, 1re personne du singulier, dans l'interrogation, on dit : sens-je, qui se trouve dans quelques auteurs, ou est-ce que je sens. Senté-je est un grossier barbarisme.

HISTORIQUE

1
XIe s.
Oliviers sent que à mort est ferut
dans Ch. de Rol. CXLIV
2
XIIe s.
Or est amors tornée à fable, Por ce que cil qui rien n'en santent, Dient qu'il aiment, mais il mantent ; Et cil fable et mançonge en font, Qui s'an vantent et droit n'i ont
de CHRESTIEN DE TROYES dans Cheval. au Lyon, V. 24
[La prison] Qu'ele me fait assaier et sentir
dans Couci, XII
3
XIIIe s.
Adonc m'est vis que jel sente [le vent] Par desous mon mantau gris
de DAME DE FAÏEL dans dans Couci.
Tel chose [le comte Thibaut] a faite en sa vie, Dont [il] deüst estre apelés [en champ clos] ; Il ne se deffendist mie, Car il se sent encoupé [inculpé, criminel]
de HUES DE LA FERTÉ dans Romancero, p. 187
Cil qui chantent de flor ne de verdure, Ne sentent pas la douleur que je sent
de EUST. LE PEINTRE dans dans Couci.
Berte pleure du froit et du mal qu'ele sent
dans Berte, XLVII
Quant Berte sent le feu, à Dieu graces en rent
dans ib. XLVII
Du duel [deuil] que ele en ot, jusqu'au cuer [elle] s'en senti
dans ib. LXXXIX
Cil qui savoit assez de guile [tromperie], Qui ne volt pas estre veüz, Par ces haies, par ces seüz [saules] S'en va le pas, sentant le vent
dans Ren. 4929
Il lui fist en tans et en lieu Sentir son pooir et sa force
dans Lai de l'ombre
Qu'est-ce qui si m'a alegié De toute ma grant maladie, De mes doleurs ? ne les sent mie
dans St-Graal, V. 1686
4
XIVe s.
L'utilité de la creation des ners ou [au] cors est que tous les membres sentent et aient mouvement par euls
de Henri DE MONDEVILLE dans f° 9
La chose qui sent et la chose sensible ou qui est sentue
Icelluy exposant dist audit Creton qu'il sentist audit bailly pour combien il donroit son office de bailli
Laquelle Marguerite estoit grosse d'enfant sentant, dès six sepmaines avoit
5
XVe s.
Quand le jeune roi se sentit defié [par Robert Bruce]
Il avoit intention de chevaucher contre les Anglois, qu'il sentoit moult efforciement en Cambresis
Par quoi si ceux [gardes et écoutes] sentissent ni ouïssent rien, ils le signifiassent en l'ost
Si j'ay mon temps mal despendu, Fait l'ay par conseil de folie ; Je m'en sens et m'en suis sentu Ez derreniers jours de ma vie
de Charles D'ORLÉANS dans Ball. 106
Tantost après que le comte de Warwyc.... sentit ces nouvelles, il se hasta....
de Philippe de COMMINES dans III, 7
Ses bienfaitz n'estoient point fort grans, pource qu'il vouloit que chascun s'en sentist
de Philippe de COMMINES dans V, 9
6
XVIe s.
Ce ne sont pas tant remedes pour adoucir le mal, que venins arrousez de miel, afin de n'offenser point trop par leur rudesse le premier goust, ains tromper et entrer aux parties cordiales avant qu'estre sentuz
....Qu'il nous falloit sentir humblement de nous devant Dieu, et avoir neantmoins nostre justice en quelque estime
de Jean CALVIN dans ib. 596
Vostre halaine me sent le vin. - La tienne me sent la fiebvre
Mon languaige françois est alteré, et en la prononciation et ailleurs, par la barbarie de mon creu ; je ne veis jamais homme des contrées de deça qui ne sentist bien evidemment son ramage, et qui ne bleceast les aureilles pures françoises
de Michel de MONTAIGNE dans III, 39
Se sentir incapable de....
de Michel de MONTAIGNE dans I, 42
Nous sentons nostre corps agité
de Michel de MONTAIGNE dans I, 91
L'entreprinse se sent de la qualité de la chose qu'elle regarde
de Michel de MONTAIGNE dans I, 70
Livia sa femme le sentant [Auguste] en ces angoisses
de Michel de MONTAIGNE dans I, 128
Invention qui ne sent aulcunement la barbarie
de Michel de MONTAIGNE dans I, 244
Je hais à mort de sentir au flatteur
de Michel de MONTAIGNE dans I, 292
La plus exquise senteur d'une femme, c'est ne sentir à rien.... c'est puer que de sentir bon
de Michel de MONTAIGNE dans I, 391
Democrites, ayant mangé des figues qui sentoient le miel....
de Michel de MONTAIGNE dans I, 242
J'estime que les anciens avoient encore plus à se plaindre de ceulx qui apparioient Plaute à Terence (cettuy cy sent bien mieulx son gentilhomme) que Lucrece à Virgile
de Michel de MONTAIGNE dans II, 102
Elle nous faisoit sentir tous les plaisirs du monde à nous festoyer
.... Que, de tous les actes de recreation, il n'y en avoit point qui sentist moins son homme que la danse
Il commencea à user d'une franchise de parler qui sentoit plus son accusateur que sa libre defense
de Jacques AMYOT dans Cor. 26
Ilz se saisirent de la place, avant que ceux de la ville en sentissent rien
de Jacques AMYOT dans Pyrrhus, 72
C'estoit un païs bossu et malaisé pour gens de cheval, en quoy il se sentoit le plus foible
de Jacques AMYOT dans Agés. 15
Adieu ma lyre, adieu fillettes, Jadis mes douces amourettes, Adieu, je sens venir ma fin
de Pierre de RONSARD dans 493
Ces ouvrages sentent à l'huile et à la lampe [façons de parler gasconnes, reprochées à Montaigne]

ÉTYMOLOGIE

1
Provenç. et espagn. sentir ; ital. sentire ; du lat. sentire ; comparez l'allem. sinnen. Le participe senti se conforme à la 4e conjugaison, tandis qu'en latin il perd ce caractère (sensus).

Synonymes de SENTIR

Termes proches de SENTIR