Définition de MOI
Prononciation : moi
DÉFINITIONS
1
Moi sert de complément aux prépositions. Selon moi. Il parle de moi. Il vint à moi. Loin de moi une pareille idée. Venez avec moi.Il est injuste qu'on s'attache à moi.... car je ne suis la fin de personne
Il n'est pas en moi de faire telle chose, c'est-à-dire il n'est pas en mon pouvoir, il n'est pas dans mon caractère de la faire.
2
À moi, avec le verbe être, signifie : m'appartient. Ce livre est à moi.Il signifie aussi : est à mon service.
Ayez soin tous deux de marcher immédiatement sur mes pas, afin qu'on voie bien que vous êtes à moi
M. Grifon ne sait pas que son fils a l'honneur d'être à moi
de Jean-François REGNARD dans Sérénade, sc. 3
Allez, Brunon, voilà qui est fini, vous êtes à moi, et je souhaite que vous vous en trouviez bien
Sémantique : Fig. Je suis à moi, je m'appartiens.
Un corps qui souffre ôte à l'esprit sa liberté ; désormais je ne suis plus seul, j'ai un hôte qui m'importune, il faut m'en délivrer pour être à moi
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans 3e lettre à M. de Malesherbes.
Sémantique : Fig. Je ne suis plus à moi, je suis éperdu, hors de sens par colère ou chagrin.
Je ne suis plus à moi, je suis tout à la rage
3
Je suis avec moi, je suis seul et occupé de mes réflexions.Je vous avoue que les trois heures que je suis dans ces bois toute seule, avec Dieu, moi, vous, vos lettres et mon livre, ne me durent pas un moment
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 563
4
Moi sert de régime direct ou indirect, au verbe à l'impératif (on met un tiret). Menez-moi. Dites-moi. Là, regardez-moi là durant cet entretien.Et jusqu'au moindre mot imprimez-le-vous bien
Ah ! cruel ! par pitié, montrez-moi moins d'amour
de Jean RACINE dans Bérén. V, 5
Si le verbe a pour complément direct le, la, les, ces mots se mettent après le verbe et devant moi, avec des tirets. Donnez-le-moi. Prêtez-les-moi.
Quant à menez-y-moi, voy. la REM. I.
Il en est de même avec leur, lui, complément indirect. Donnez-leur-moi sur les oreilles.
5
Donnez-moi, parlez-moi, etc. sans préposition, ou donnez à moi, parlez à moi, etc. avec la préposition à, ne s'emploient pas indifféremment l'un pour l'autre. On dit donnez-moi lorsqu'on se borne à demander une chose ; et l'on dit donnez à moi lorsqu'on la demande à quelqu'un qui, paraissant ne savoir à qui la donner, est au moment de la donner à un autre.Va, bienheureux amant, cajoler ta maîtresse, à cet objet si cher tu dois tous tes discours ; Parler encore à moi, c'est trahir tes amours
de Pierre CORNEILLE dans Médée, V, 7
Qu'il entre ; à quel dessein vient-il parler à moi ?
de Pierre CORNEILLE dans Héracl. II, 4
Unulphe, oubliez-vous Que vous parlez à moi, qu'il était mon époux ?
de Pierre CORNEILLE dans Perthar. I, 1
Mais il est mon époux, et tu parles à moi
de Pierre CORNEILLE dans Poly. III, 2
Messala, songez-vous que vous parlez à moi ?
Donnez-lui donc la main, ajouta-t-il en parlant à moi
de CRÉBILLON FILS dans Lett. de la marq. de M*** XXX
6
Moi s'emploie comme régime indirect d'une façon explétive et pour donner plus de force à ce qu'on dit (l'idée qui est au fond de cet explétif est : pour moi, en ma faveur, pour me satisfaire). Faites-moi taire ces gens-là. Donnez-leur-moi sur les oreilles.Allons, monsieur, faites le dû de votre charge, et dressez-lui-moi son procès comme larron et comme suborneur
Prends-moi le bon parti, laisse là tous les livres
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. VIII
Prends-moi dans mon clapier trois lapins de garenne
de Jean RACINE dans Plaid. I, 6
7
Moi, employé seul comme réponse, peut être sujet ou régime direct, et tenir lieu d'une phrase entière. Je partirai demain ; et vous ?Moi, la semaine prochaine. Dans cette phrase il est sujet. Qui a-t-on voulu désigner ? - Moi ; c'est-à-dire on a voulu me désigner. Dans cet exemple il est régime direct.Moi peut aussi être complément d'un verbe intransitif.
Dans un si grand revers que vous reste-t-il ? - Moi, Moi, dis-je, et c'est assez
de Pierre CORNEILLE dans Médée, I, 5
8
Moi est régime direct dans les phrases où il est ajouté à d'autres mots qui sont régimes directs. Il a mécontenté ses parents et moi. Il est venu nous voir mon frère et moi.9
Dans un sujet composé où entre le pronom de la 1re personne, c'est de moi qu'on se sert et non de je. Mon avocat et moi sommes de cet avis.On peut ajouter explétivement le pronom nous. Vous et moi nous sommes contents de notre sort.
Mme de Vins et moi nous en attrapons ce que nous pouvons [des relations écrites par Mme de Villars]
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 408
Ce sujet composé peut être placé à la fin du membre de phrase. Nous irons à la campagne, lui et moi.
10
Moi, joint à un nom ou à un autre pronom, ne doit, d'après les convenances de notre politesse, être placé qu'en second, à moins que le nom auquel il est joint ne soit celui d'une personne très inférieure. Vous et moi, sommes de cet avis. Monsieur et moi, nous partons pour la campagne.Mais un père dira : moi et mon fils ; un maître dira : moi et mon domestique.
11
Moi, joint à je, par opposition et réduplication, pour donner plus d'énergie à la phrase, et placé avant le verbe. Vous le voulez, vous ; et moi, je ne le veux pas.Moi, je m'arrêterais à de vaines menaces !
de Jean RACINE dans Iphig. I, 2
Moi, des bienfaits de Dieu je perdrais la mémoire
de Jean RACINE dans Ath. II, 7
Elle ajouta que les gens qui parlaient toujours d'eux-mêmes étaient insupportables, et la force de l'habitude lui fit dire au moment même : moi, je ne parle jamais de moi
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Ad. et Théod. t. III, p. 340, dans POUGENS
Moi placé après le verbe ; cette tournure est souvent familière, tandis que la précédente ne l'est pas.
Je le savais bien, moi, que vous l'épouseriez
Est-ce que j'ai une de ces physionomies-là, moi ? est-ce qu'on ne saurait s'empêcher de m'aimer quand on me voit ?
Et pourquoi ne pas travailler ? je travaille bien, moi
Moi employé absolument.
Moi, l'espérance amie est bien loin de mon coeur
de André CHÉNIER dans Élég. X
12
Moi précédant le pronom relatif qui, dont, pronom qui veut nécessairement un antécédent.Peut-être que moi qui existe n'existe ainsi que par la force d'une nature universelle
de Jean de LA BRUYÈRE dans XVI
Si c'est Dieu qui l'a fait [le mal], pourquoi moi qui l'expie ?
de Alphonse de LAMARTINE dans Joc. VI, 207
Le plus souvent dans cette tournure, on reprend la phrase par je. Moi, à qui il a fait tant de mal, je cherche toutes les occasions de le servir.
Et moi qui l'amenai triomphante, adorée, Je m'en retournerai seule et désespérée
de Jean RACINE dans Iphig. IV, 4
Quelquefois moi, au lieu d'être suivi du pronom relatif, l'est d'une apposition. Moi, votre ami, je ne puis vous approuver en cela. Moi, ne songeant à rien, j'allai lui dire ce qui se passait.
Moi votre ami ? rayez cela de vos papiers
Moi, là-dessus : monsieur, je m'en rapporte à vous qui devez savoir ces choses
Lorsque moi précède le pronom relatif et une proposition incidente, le verbe de cette proposition incidente doit être mis à la première personne, et l'on doit dire : moi qui t'aimai et non pas moi qui t'aima. C'est moi qui me nomme Pierre, et non c'est moi qui se nomme Pierre.
Cette règle n'existait pas au XVIIe siècle, et l'on y trouve moi construit avec qui et un verbe à la 3e personne.
Et que me diriez-vous, messieurs, si c'était moi Qui vous eût procuré cette bonne fortune ?
Ce ne serait pas moi qui se ferait prier
Il n'y a que moi qui passe sa vie à être occupée et de la présence et du souvenir de la personne aimée
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 408
Dans ce dernier genre de construction, qui est considéré comme étant de la troisième personne ; quelques langues en usent ainsi, par exemple l'allemand.
13
Quelquefois moi est seul, et il y a ellipse de je et d'un verbe.Moi, trahir le meilleur de mes amis ! Faire une lâcheté, moi ! (c'est-à-dire : Moi, je pourrais trahir le meilleur de mes amis ! Je pourrais faire une lâcheté, moi !) Moi ! le faire empereur ! ingrat, l'avez-vous cru ?
de Jean RACINE dans Brit. IV, 2
Je me suis laissé dire que tu voulais nous sabrer. - Moi vous sabrer, bonhomme ?
de Paul Louis COURIER dans 2e lettre particulière
Dans cette tournure elliptique, on se sert quelquefois de que exclamatif.
Moi, que j'ose opprimer et noircir l'innocence !
de Jean RACINE dans Phèdre, III, 3
Dans ces sortes d'exclamations, moi peut se construire avec un adjectif.
Moi jalouse ! et Thésée est celui que j'implore !
de Jean RACINE dans Phèdre, IV, 6
Cette tournure s'emploie quelquefois dans des phrases interrogatives.
Si ma femme a failli, qu'elle pleure bien fort ; Mais pourquoi moi pleurer, puisque je n'ai point tort ?
14
Moi se met aussi par opposition devant ou après me. Voudriez-vous me perdre, moi votre allié ? Moi ! vous me soupçonneriez de vous avoir trahi.15
Moi se construit avec les pronoms ce et il dans certaines tournures impersonnelles. C'est moi qui vous en réponds. Il n'y a que moi à qui ces choses-là arrivent.C'est moi, prince, c'est moi dont l'utile secours Vous eût du labyrinthe enseigné les détours
de Jean RACINE dans Phèdre, II, 5
Je portai ma main sur ce nouvel être ; quel saisissement ! ce n'était pas moi, mais c'était plus que moi, mieux que moi
16
Après une conjonction c'est toujours moi qu'il faut employer. Mon frère et moi. Mon frère ou moi. Mon frère aussi bien que moi. Ni mon frère ni moi. Personne que moi ne lira cette lettre. Nul autre que moi.17
De moi, après un nom de personne ou un pronom personnel également précédé de la préposition de, se met quelquefois pour le mien, la mienne. C'est l'opinion de mon frère et de moi que je vous exprime.18
À moi, sorte d'exclamation pour faire venir promptement quelqu'un auprès de soi.À moi, à moi, soldats ! À moi, Girot, je veux que mon bras m'en délivre [du lutrin]
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Lutr. IV
19
De vous à moi, façon de parler dont on se sert pour témoigner à une personne qu'on lui parle avec sincérité, mais qu'on lui demande le secret. De vous à moi, il ne vaut pas sa réputation.On dit dans le même sens : Ceci est de vous à moi, ceci de vous à moi.
De vous à moi, signifie aussi entre nous deux.
....Seigneur bandit, de vous à moi Pas de reproche !
de Victor HUGO dans Hernani, II, 3
20
Quant à moi, pour moi, façons de parler dont on se sert pour marquer plus particulièrement ce qu'on pense. Quant à moi, pour moi, je sais bien ce qui en est.Pour moi, je vous demande un portrait qui soit moi, et qui n'oblige point à demander qui c'est
Quant-à-moi, employé comme un substantif masculin et un seul mot, et signifiant un air fier ou réservé (il est du langage familier). Garder son quant-à-moi.
Quand nous avons quelque différend, ma soeur et moi, si je fais la froide et l'indifférente, elle me recherche ; si elle se tient sur son quant-à-moi, je vais au-devant
de Jean de LA FONTAINE dans Psyché, II, p. 140
21
Moi, après le verbe être, s'emploie comme adjectif.Pourtant quand je me tâte et que je me rappelle, Il me semble que je suis moi....
Et peux-tu faire enfin, quand tu serais démon, Que je ne sois pas moi, que je ne sois Sosie
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans ib.
Ces heures sont les seules où je sois pleinement moi
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Prom. 2
22
De moi, dans le sens de pour moi, se disait dans le commencement du XVIIe siècle.23
Moi se construit avec l'adverbe même pour appuyer sur le mot.Il est véritable que, pour pouvoir dire : je veux être content de moi-même et me suffire à moi-même, il faut aussi pouvoir dire : je me suis fait moi-même, ou plutôt, je suis de moi-même
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans la Vallière.
Dans un âge plus mûr moi-même parvenu, Je me suis applaudi quand je me suis connu...
de Jean RACINE dans Phèdre, I, 1
Il se met en apposition soit après je, soit avant. Moi-même j'irai présenter votre pétition.
Je viendrai moi-même chercher mes brebis, et je les visiterai moi-même
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Ézéchiel, XXXIV, 11
Moi-même s'emploie quelquefois comme sujet du verbe, sans je.
En longs habits de pourpre attirant les regards, Moi-même au bord des eaux ferai voler les chars
de Jacques DELILLE dans Géorg. III
Nature : Substantivement. Un autre moi-même, voy. MÊME.
24
Chez moi, dans ma maison. Vous me trouverez chez moi.Nature : Substantivement. Un chez moi, une maison où l'on habite, où l'on a sa famille.
Ils [certains auteurs] sentent leurs bourgeois qui ont pignon sur rue, et toujours un chez moi à la bouche
25
Nature : S. m. Le moi, l'attachement de quelqu'un à ce qui lui est personnel.Le moi est haïssable ; vous, Miton, le couvrez, vous ne l'ôtez pas pour cela ; vous êtes donc toujours haïssable
Le moi a deux qualités : il est injuste en soi, en ce qu'il se fait centre de tout : il est incommode aux autres, en ce qu'il les veut asservir ; car chaque moi est l'ennemi et voudrait être le tyran de tous les autres
de Blaise PASCAL dans ib.
La nature de l'amour-propre et de ce moi humain est de ne considérer que soi
de Blaise PASCAL dans ib. II, 8
La piété chrétienne anéantit le moi humain ; la civilisation le cache et le supprime
de Blaise PASCAL dans ib. dans COUSIN
Le mot moi, dont l'auteur [Pascal] se sert, ne signifie que l'amour-propre ; c'est un terme dont il avait accoutumé de se servir avec quelques-uns de ses amis
dans Port-Royal, dans HAVET, Rem. sur les Pensées de Pascal, art. 6
Le moi, à qui je rapportais tout autrefois, doit être anéanti pour jamais
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans t. XVIII, p. 224
À tout propos, dans chaque phrase, Le moi régnant, le moi vainqueur, Est dans sa bouche ainsi que dans son coeur
de Jacques DELILLE dans Convers. II
26
Le moi, la personne même.Oui moi, non pas le moi d'ici, Mais le moi du logis qui frappe comme quatre
Un moi de vos ordres jaloux, Que vous avez du port envoyé vers Alcmène, Et qui de vos secrets a connaissance pleine, Comme le moi qui parle à vous
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans ib.
Parlez-moi sans cesse de tout cela [les affaires de sa fille].... toutes ces choses composent mon vrai moi
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 3 juill. 1689
Vous voyez bien, ma très chère, que ce que je dis de mon moi est aussi ennuyeux que le récit que vous me faites du vôtre est divertissant
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 26 juin 1680
Le voilà donc mort, ce grand ministre [Louvois], cet homme si considérable, qui tenait une si grande place ; dont le moi, comme dit M. Nicole, était si étendu
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 26 juillet 1691
S'il peut renoncer à sa vie, à sa raison, à son moi
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Ém. V
Il peut se dire au pluriel et il ne prend pas d's.
De ce moi qui n'est plus d'autres moi vont renaître
27
Sémantique : Terme de philosophie. Le moi, la personne humaine en tant qu'elle a conscience d'elle-même, et qu'elle est à la fois le sujet et l'objet de la pensée.Le moi consiste dans ma pensée ; donc moi qui pense n'aurais point été si ma mère eût été tuée avant que je fusse animé
de Blaise PASCAL dans Pens. I, 11
Et l'idée du moi, qui exprime si bien l'idée de l'âme, ne marque-t-elle pas une substance unique, simple et absolument indivisible ?
de BOULAINVILLIERS dans Réfut. de Spinosa, p. 331
La conscience de son existence, ce sentiment intérieur qui constitue le moi, est composé chez nous de la sensation de notre existence actuelle et du souvenir de notre existence passée
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Nature des animaux.
Ce n'est qu'en comparant le sentiment de son état présent avec le souvenir de ses états passés, que l'être pensant juge qu'il est la même personne ou le même moi ; je veux dire que le moi qui éprouve actuellement une telle perception sent qu'il est le même qui avait éprouvé autrefois cette même perception
Le non-moi, tout ce qui n'est pas le moi ; c'est le synonyme de monde extérieur ou d'objet.
REMARQUE
1
1. Quand le verbe est suivi de y, moi se met après y (avec des tirets). Attendez-y-moi. Menez-y-moi. Vous allez dans votre voiture, donnez-y-moi une place. Ces constructions sont données par le Dictionnaire de l'Académie, qui dit dans un endroit qu'elles sont bizarres, et, dans un autre, ne leur inflige aucun blâme. Des grammairiens veulent qu'on dise : attendez-m'y, menez-m'y, comme on dit : tirez-m'en.2
2. Quand le verbe est suivi de en, moi ne s'emploie plus, c'est me : Donnez-m'en. Voilà l'embarras ; tirez-m'en.3
3. Quand le verbe à l'impératif est accompagné d'une négation, le pronom régime est me, et non pas moi. Ne m'en parlez pas, et non, n'en parlez pas à moi ; ou du moins cette dernière tournure aurait un sens différent ; voy. ci-dessus le n° 5.4
4. Dans l'ancien français, moi n'était jamais employé comme sujet, et l'on disait : je qui vous parle, et non, comme aujourd'hui, moi qui vous parle. On voit la transition se faire au XVIe siècle. Tandis que Montaigne emploie moi comme nous faisons, Rabelais se sert de je : Voulant donc (je, votre humble esclave) accroistre vos passe-temps, Pant. II, Prol. ; et Calvin : Ce ne suis-je pas qui en suis cause, Inst. 146 ; et Marot : Je qui avois ferme entente et attente D'estre en sepulchre honorable estendu, Suis tout debout à Montfaulcon pendu, I, 394. Même au XVIIe siècle, Scarron commence son Virgile travesti par ce vers : Je qui chantai jadis Typhon.5
5. Dans l'ancienne langue, je n'était pas ou du moins pouvait ne pas être enclitique. Mais, quand il le devint constamment, alors la nouvelle langue usa de moi pour sujet, en place de je. Par le même principe, toutes les fois qu'on a besoin d'une forme qui ne soit pas enclitique, on met moi et non pas me. Me reprend son emploi quand on a besoin d'une forme enclitique.HISTORIQUE
1
IXe s.In o quid [pourvu que] il mi altresi fazet [m'en fasse autant]
dans Serment
2
XIe s.Si me direz à Charlemagne rei, Qu'il ait merci de mei
dans Ch. de Rol. VI
3
XIIe s.S'irons tornoier, moi et vos
dans Chev. au lyon, V. 2501
Jamais crerez [croirez] bricon, moi ne autrui
dans Ronc. 11
Porprenez moi ces puis [monts] et ces lariz [champs]
dans ib. 57
Moi ai perdu et trestote ma gent
dans ib. 124
Baron, amenez moi mon felon boisseor [traître]
dans ib.
p. 198. Par tantes fois [j'] ai esté assailliz, Que je n'ai mais pooir de moi defendre.
dans Couci, V
Ensemble convient remanoir Moi et amour par estouvoir [par devoir]
dans ib. XVIII
4
XIIIe s.Tant que la vraie histoire [j'] emportai avec mi
dans Berte, I
Sire, dist-elle, adieu ! saluez moi mon frere
dans ib. IV
Moi ne chaut qu'on en fasse, mais qu'ele soit tuée
dans ib. XVI
La moy place [la place de moi] il prist delez la place le conte d'Eu, pource que il savoit que le conte d'Eu amoit ma compaignie
de Jean, PRINCE DE JOINVILLE dans 278
Quant ge voi que losengeor, Et traïtor, et envieus Sunt de moi nuire curieus
dans la Rose, 4056
5
XVIe s.Reveille-moi, belle ; Mon coeur est tout endormy, Reveille le my
de Clément MAROT dans I, 197
Ce suis-je moi qui suis, et n'y a autre Dieu que moy
de Jean CALVIN dans Instit. 92
La seule mort a causé ma tristesse, La seule mort y pourra mettre cesse, Ne m'empeschant plus longuement de suivre Cet autre moy, pour qui j'aimois à vivre
Ce seroit cesser d'estre moy, Que de cesser d'aimer ma dame
Las ! que puis-je avoir fait, o moy, pauvre insensé, Qu'Amour de plus en plus mes douleurs renouvelle ?
de Philippe DESPORTES dans ib. XXIII
Laisse moy l'astrologie divinatrice et l'art de Lullius, comme abuz et vanitez
de François RABELAIS dans Pant. II, 8
Moy qui ay....
de Michel de MONTAIGNE dans I, 16
Moy, selon leur licence et impunité, admire de les voir....
de Michel de MONTAIGNE dans I, 170
Ceuxlà se moquent de toi, Diogenes. Et je ne me sens pas mocqué, moy, respondit-il
de Jacques AMYOT dans Comm refréner la col. 30
ÉTYMOLOGIE
1
Pic. et wall. mi ; provenç. mi, mei ; espagn. portug. et ital. mi ; du lat. mihi ; allem. mich ; angl. me ; sanscr. ma. La forme ancienne est mei, mi, à côté de moi ; ce qui exclut l'accusatif latin me.