Définition de JE
Prononciation : je
DÉFINITIONS
1
Il s'emploie toujours comme sujet de la proposition, et jamais comme régime ou complément : je dis, je fais, je lirai, je hais.Quand le verbe commence par une voyelle ou une h non aspirée, on élide l'e : j'aime, j'honore.
2
Il est quelquefois séparé du verbe dans certaines formules, par l'énonciation des qualités de celui qui parle. Je soussigné, conservateur des hypothèques, certifie que....L'ancienne langue, pour laquelle moi était toujours un régime, et qui disait : qui a fait cela ? je, permettait les séparations de je et de son verbe. Cette tournure se trouve encore dans Scarron :
Je qui chantai jadis Typhon D'un style qu'on trouva bouffon
de Paul SCARRON dans Virg. I
3
Il se met après le verbe, dans les façons de parler interrogatives ou admiratives, comme : que ferai-je ? que répondrai-je ? où suis-je ?Il s'y met quand le verbe se trouve enfermé dans une espèce de parenthèse, comme :
Vous remarquerez, lui dis-je, que.... Osez-vous, lui répondis-je, me parler de la sorte ? Moi, j'ai blessé quelqu'un ? fis-je tout étonnée
Il s'y met quand on l'emploie par manière de souhait, comme : Puissé je de mes mains te déchirer le flanc !
Il s'y met dans ces phrases-ci et autres semblables : Dussé-je en périr, fussé-je au bout du monde, quand je devrais en périr, quand je serais au bout du monde.
Eussé-je un faible coeur Jusques à n'en pouvoir effacer votre image
Il s'y met dans des phrases où le doute s'exprime, comme : Peut-être irai-je, peut-être n'irai-je pas. Encore ne sais-je.
Si je vous ouvre mon coeur, peut-être serai-je à vos yeux bien moins sage que vous
Il s'y met aussi quand le verbe est précédé de la conjonction aussi ou de certains adverbes, comme : Aussi puis-je vous assurer... ; en vain prétendrais-je le persuader ; inutilement voudrais-je m'y opposer.
Lorsqu'il est ainsi placé après le verbe, c'est toujours immédiatement, sans qu'on puisse rien mettre entre deux.
4
Dans ces circonstances, c'est-à-dire je étant placé après son verbe, si le verbe est au présent de l'indicatif et de la première conjugaison, on accentue l'e final, et d'un e muet on fait un é fermé.Mais où cherché-je ailleurs ce qu'on trouve chez nous ?
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Épître I
Elle me fuit ! veillé-je et n'est-ce point un songe ?
de Jean RACINE dans Iphig. II, 7
On l'accentue encore, si le sens de la phrase demande l'emploi du présent du subjonctif ou de l'imparfait du même mode, comme : je dusse, je puisse, on écrira : dussé-je, puissé-je.
Puissé-je de mes yeux y voir tomber ce foudre
de Pierre CORNEILLE dans Hor. IV, 5
Dussé-je après dix ans voir mon palais en cendre
de Jean RACINE dans Androm. I, 4
On accentue l'e final du verbe, parce qu'alors le verbe et le pronom ne forment qu'un seul mot et que dans notre langue il est impossible qu'un mot se termine par deux syllabes muettes.
5
Quand le verbe qui doit être suivi du pronom je se trouve d'une seule syllabe ou terminé par deux consonnes, on prend alors une autre tournure pour ne pas choquer l'oreille, et, au lieu de dire : dors-je, mens-je, m'endors-je, on dit : est-ce que je dors ? est-ce que je mens ? est-ce que je m'endors ?Cependant on trouve de ces monosyllabes avec le pronom je dans les meilleurs auteurs.
Ne sens-je pas bien que je veille ?
Ne tiens-je pas une lanterne en main ?
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans ib. I, 2
je sers ; mais à quoi sers-je ?
de Paul Louis COURIER dans 2e lettre particulière
6
Je, comme tous les pronoms personnels, se répète forcément dans deux cas : premièrement, quand il y a deux propositions de suite où l'on passe de l'affirmation à la négation et de la négation à l'affirmation ; secondement, quand les propositions sont liées par toute autre conjonction que les conjonctions et, mais, ni.Dans tous les autres cas, on consulte l'harmonie et l'élégance de la phrase pour répéter ou non le pronom.
Quand le moment viendra d'aller trouver les morts, J'aurai vécu sans soins, et mourrai sans remords
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. XI, 4
Misérable ! et je vis ! et je soutiens la vue De ce sacré soleil dont je suis descendue
de Jean RACINE dans Phèdre, IV, 6
Un rapport clandestin n'est pas d'un honnête homme ; Quand j'accuse quelqu'un, je le dois et me nomme
7
Je ne sais quoi, ou, substantivement, un je ne sais quoi, voy. SAVOIR.HISTORIQUE
1
IXe s.Si salvarai eo [je] cest meon fradre Carlo
dans Serment
Si io returnar non l'int puis [si je ne l'en puis détourner]
dans ib.
2
Xe s.E io ne dolreie [je ne serais pas dolent] de tanta millia hominum, si perdut erent ?
dans Fragment de Valenc. p. 469
3
XIe s.Jojetai vos choses de la nef pur poür [peur] de mort
dans Lois de Guill. 38
Bel sire niés [neveu], et je et vous irons
dans Ch. de Rol. LXVIII
4
XIIe s.Et je, qui sui au mourir
dans Couci, IV
Jes [je les] ai laissez au reigne d'Aumarie
dans Ronc. p. 167
Qu'il me prendroit, et je lui à mari
dans ib. 170
Amis, dist-ele, verrai vous je jamais ?
dans Raoul de Camb. 234
5
XIIIe s.Helas ! or n'oserai je mais devant lui aler
dans Berte, CXXXIX
Repentir ? las ge que feroie ?
dans la Rose, 4165
6
XVe s.Voir est que je, qui ai empris.... ai, par plaisance.... frequenté plusieurs nobles et grands seigneurs
de Jean FROISSART dans Prol.
7
XVIe s.Ce ne suis-je pas qui en suis cause, mais Jupiter et la deesse de necessité
de Jean CALVIN dans Instit. 146
Quand la mere oublieroit ses enfans, encor ne t'oublieray-je jamais
de Jean CALVIN dans ib. 150
Voulant doncques (je vostre très humble esclave) accroistre voz passe-temps
de François RABELAIS dans Pant. II, prol.
De l'endurer lassé je ne suis pas, Ny ne seroy-je, allassé-je là bas....
de Pierre de RONSARD dans 54
Remply-je ce que je luy donne ?
de Pierre de RONSARD dans 376
Mais pourquoy sens-je en mon age imparfait Avant le temps le mal qu'elle me fait ?
de Pierre de RONSARD dans 928
Rougis-je ? escume-je ? tressauls-je ? fremis-je ?
de Michel de MONTAIGNE dans III, 142
Je trouve dans le commun langage ces façons de parler.... Cependant que j'irons au marché, pour nous irons : j'avons bu, pour nous avons ; allons m'en, de par le diable, pour allons nous en ; j'allons bien, pour nous allons bien
de PALSGRAVE dans f° 125 au verso
Pensez à vous, o courtisans, Qui, lourdement barbarisants Toujours, j'allions, je venions, dites
de Henri ESTIENNE dans Du langage français italianisé.
J'avons esperance qu'il fera beau temps
dans Lettre de François 1er citée par GÉNIN, Variations, p. 291
ÉTYMOLOGIE
1
Nivernais, i ; picard, ege, ej', euj' ; provenç. eu, ieu, io ; espagn. yo ; portug. eu ; ital. io ; du lat. ego ; goth. ik ; allem. ich ; lithuan. isz ; zend, azem ; sanscr. aham.