Définition de PEUR

DÉFINITIONS - PROVERBES - REMARQUE - SYNONYME - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : peur

DÉFINITIONS

1
Passion pénible qu'excite en nous ce qui paraît dangereux, menaçant, surnaturel.
Nos prières sont ouïes, Tout est réconcilié ; Nos peurs sont évanouies
de François de MALHERBE dans II, 2
Es-tu si las de vivre ? - As-tu peur de mourir ?
de Pierre CORNEILLE dans le Cid, II, 2
Je sentis je ne sais quoi qui pouvait être une peur, je le pris pour un scrupule
de Jean-François Paul de Gondi, cardinal de RETZ dans Mém. t. I, liv. I, p. 34, dans POUGENS
Nous éprouvâmes en cette rencontre qu'il est bien plus naturel à la peur de consulter, que de décider
de Jean-François Paul de Gondi, cardinal de RETZ dans ib. liv. II, p. 173
Corrigez-vous, dira quelque sage cervelle. Eh la peur se corrige-t-elle ?
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. II, 14
Nous pensâmes verser mille fois.... ce qui vous surprendra, c'est que je n'avais point de peur
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 21 août 1677
Il n'y a pas moyen d'être si mal et si brouillé avec soi-même ; il faut tâcher d'établir la peur dans son coeur et dans sa conscience
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans mai 1690 (t. IX, p. 508, éd. RÉGNIER).
À travers les rochers la peur les précipite [des chevaux]
de Jean RACINE dans Phèdre, V, 6
En corrigeant une peur par une peur, la peur de la mort par celle de la honte
de Denis DIDEROT dans Oeuv. t. III, p. 446, dans POUGENS
La peur est une passion dont l'animal est susceptible, quoiqu'il n'ait pas nos craintes raisonnées ou prévues
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Disc. nat. anim. Oeuv. t. V, p. 351
Fi donc, trembler ! mauvais calcul, madame ; quand on cède à la peur du mal, on ressent déjà le mal de la peur
de Pierre Augustin Caron de BEAUMARCHAIS dans Barb. de Sév. II, 2
La haine a son courage, et la peur son audace
de P. LEBRUN dans Voy. de Grèce, ch. VI, 1
N'avoir que la peur, en être quitte pour la peur, n'éprouver pas le mal que l'on redoutait.
Ne vous étonnez pas, vous n'aurez que la peur
de RACAN dans Bergeries, II, 4, Polistène
Je lui ferai la moitié de la peur, c'est-à-dire je ne le crains pas, je lui rends menace pour menace.
Avoir peur de son ombre, être très craintif, très poltron.
Tout l'agite, l'inquiète, le ronge ; il a peur de son ombre ; il ne dort ni nuit ni jour
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Tél. III
Sémantique : Par exagération. Mourir de peur, craindre extrêmement. Je mourais de peur que cela n'arrivât.
2
Divinité qui avait des autels en Grèce et à Rome (avec une majuscule en ce sens).
Il [Alexandre] immola secrètement des victimes à la Peur : il invoqua Jupiter, Minerve et la Victoire
de Etienne Bonnot de CONDILLAC dans Hist. anc. II, 10
3
Peur se dit, par exagération, en des cas où il s'agit non de péril, mais de ce qui nuit, de ce qui est désagréable, de ce qui inquiète, etc. J'ai eu peur de vous déranger.
Julie, on nous renferme, on a peur de nos larmes
de Pierre CORNEILLE dans Hor. III, 2
Est-ce là tout ? dit-il, vous m'avez fait peur
de Blaise PASCAL dans Prov. V
J'avais peur que ce mouvement n'en empêchât un autre ; j'avais peur de vous quitter, j'avais peur de vous suivre ; enfin, ma fille, je craignais tout de ma tendresse et de ma faiblesse
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 287
Mon fils me conseille toujours de faire arrêter la Jarie pour ces treize cents francs.... et de faire un peu de peur à Pasgerant
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 4 janv. 1687
J'ai peur que l'univers, qui sait ma récompense, N'impute mes transports à ma reconnaissance
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Épître VIII
Souvent la peur d'un mal nous conduit dans un pire
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art p. I
Faire peur de quelqu'un, faire croire que quelqu'un peut nous nuire, nous faire du mal.
Faire peur de quelque chose, menacer de quelque chose.
Je veux m'imaginer que cette colique dont on m'a fait peur, se sera noyée dans les fontaines de Pougues
de Jean-Louis GUEZ de BALZAC dans liv. I, lett. 5
Ose plus, fais-lui peur d'une prison sévère
de Pierre CORNEILLE dans Attila, III, 1
Faire peur, se dit de quelqu'un dont la physionomie s'est beaucoup altérée. Elle est changée à faire peur.
Sémantique : Familièrement. Être mis à faire peur, être vêtu d'une manière bizarre et ridicule.
Faire peur, se dit d'une personne très laide.
La noire à faire peur, [est dite] une brune adorable
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Mis. II, 5
Comment le garçon le mieux fait s'était coiffé d'un visage à faire peur
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 10
Oui, je voudrais qu'elle [ma maîtresse] fût laide, Mais laide à faire peur
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Laideur.
Faire peur aux petits enfants, se dit de celui qui excite de vaines terreurs.
Je suis surpris, mon cher Socrate, de voir que vous ayez tant de goût pour ce misanthrope qui fait peur aux petits enfants
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Dial. des morts anc. dial. 17
Faire peur à quelqu'un, lui causer une peur, en sortant subitement d'une cachette, ou de toute autre façon.
Il leur cria d'un ton à faire peur....
de Jean de LA FONTAINE dans Herm.
Faire plus de peur que de mal, se dit de ceux qui sont plus redoutables en apparence qu'en réalité.
Ces Messinois, qui font plus de peur que de mal aux autres, vous font, comme vous dites, bien plus de mal que de peur
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 460
Nature : Absolument. Avoir peur, éprouver une certaine peur, une certaine inquiétude.
La défense, j'ai peur, sera trop tard venue
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Mélic. I, 5
4
De peur, Nature : loc. adv. Par l'effet de la peur. Il a consenti de peur.
5
De peur de, loc. prép. En craignant que.
Je me vaincrai pourtant, non de peur d'aucun blâme, Mais pour ne troubler pas une si belle flamme
de Pierre CORNEILLE dans Cid, V, 4
Il faut rire avant que d'être heureux, de peur de mourir sans avoir ri
de Jean de LA BRUYÈRE dans IV
Molière a dit elliptiquement peur, ce qui était blâmé par Vaugelas : J'empêche, peur du chat, que mon moineau ne sorte, Éc. des f. I, 2.
6
De peur que, Nature : loc. conj. avec le subjonctif, en craignant que.
[Chez les Perses] on y marquait [sur un registre] les services que chacun avait rendus, de peur qu'à la honte du prince et au grand malheur de l'Etat ils ne demeurassent sans récompense
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. III, 5

PROVERBES

1
Exemple : On ne saurait guérir de la peur, c'est-à-dire les impressions que fait la peur sont insurmontables.
2
Exemple : Il ne faut point aller au bois quand on a peur des feuilles, ou n'aille au bois qui a peur des feuilles, c'est-à-dire quand on craint un danger, il ne faut point aller où il se trouve.
3
Exemple : On peut bien guérir du mal, mais on ne saurait guérir de la peur.
4
Exemple : Tel menace qui a grand peur.
5
Exemple : La peur grossit les objets, on s'exagère ce que l'on craint.
6
Exemple : La peur n'est bonne à rien, la peur ne guérit de rien, elle est toujours inutile.

REMARQUE

1
1. Avec avoir peur que, de peur que, on met ne dans le membre de phrase subordonné : J'ai peur qu'il ne vienne ; De peur qu'il ne se blessât.
Mais en vers on supprime quelquefois ce ne : Mon désespoir n'osait agir en sa présence, De peur que mon tourment aigrît ses déplaisirs
de Pierre CORNEILLE dans la Suiv. IV, 10
Et tu trembles de peur qu'on t'ôte ton galant
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Sgan. 22
....Les pieds nus, de peur qu'on m'entendît marcher, J'ai descendu la pente
de Alphonse de LAMARTINE dans Joc. III, 88
2
2. Ne d'abord exprimé, puis supprimé après avoir peur que.
J'ai peur qu'elle ne soit mal payée de son amour, que son voyage en cette ville produise peu de fruit, et que vous eussiez autant gagné à ne bouger de là
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans D. Juan, I, 1
De peur que d'un coup d'oeil cet auguste visage Ne fît trembler son bras et glaçât son courage
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Henr. II

SYNONYME

1
1. PEUR, CRAINTE., Crainte est le terme générique pour toutes les nuances de cette sorte de sentiments ; elle peut être raisonnée et lointaine. La peur est instinctive et présente.
2
2° PEUR, FRAYEUR., La frayeur ressemble assez à la peur, si ce n'est qu'elle est toujours plus forte, et moins dépendante du caractère de celui qui la ressent que des apparences de ce qui menace.

HISTORIQUE

1
XIe s.
Nen ont poür ne de murir doutance
dans Ch. de Rol. LXV
2
XIIe s.
En amer [aimer] gist hardemenz et paors
dans Couci, VII
Plus ont poor de mort que n'aient de prison
dans Sax. XXII
....L'enfant jesu.... Que li angles del ciel fist en Egipte aler, Pur la poür d'Erode
dans Th. le mart. 65
3
XIIIe s.
Quant li empereres Kyrsac oï que ses fils estoit pris et Morchufles couronnés, si ot grant peour de lui, et li prist une maladie dont il morut
de Geoffroi de VILLEHARDOUIN dans XCVIII
Il n'i ot si hardi qui i osast aler, pour paour de sa vie
dans Chr. de Rains, 118
Certes, fet-il, je me gabai ; Ce fis-ge por vos peor fere
dans Ren. 1787
Poor est tremblement de pensée por cause de perill qui est present ou qui est à venir
dans Digeste, f° 48
4
XIVe s.
Aucuns maulx sont les quiex il convient craindre simplement et est bien dé avoir en paour
de Nicolas ORESME dans Eth. 78
5
XVe s.
Versez de rechief, armez-moi, De paour que quelqu'un ne m'assaille
de BASSELIN dans I
Le roy fut adverty de l'arrivée de tous ces gens dessus nommez, si entra en grant paour [à Péronne]
de Philippe de COMMINES dans II, 5
6
XVIe s.
J'ay grant paour que toute ceste entreprinse sera semblable à la farce du pot au laict
de François RABELAIS dans Garg. I, 33
Ils n'ozent faire tort à autruy, de peur que l'on ne leur en face à eulx mesmes
de Jacques AMYOT dans Thesée, 6
Comme ceulx qui de peur du precipice s'y lancent eulx mesmes
de Michel de MONTAIGNE dans II, 28
Puisque vous y estes [en Espagne auprès de François Ier prisonnier], je n'ai point de peur que tout n'aille bien, sinon que vous ne le puissiés garder d'aimer les dames espaignoles
de Marguerite de Navarre, dite aussi de Valois, ou d'Angoulême, reine de Navarre dans Lett. 73

ÉTYMOLOGIE

1
Wallon, pawou ; bourg. pô ; provenç. pavor, paor ; anc. catal. paor ; cat. mod. por, pavor ; espagn. et portug. pavor ; du lat. pavorem. Dans l'ancienne langue, paor, peor, pour est toujours dissyllabique.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
Sémantique : Familièrement. Une peur bleue, une peur très forte, qui rend bleu.
2
Ajoutez :
3. Après avoir peur, Régnier a mis le verbe subordonné au futur : J'ai peur que tout à fait je deviendrai rimeur, Sat. II. Cela se trouve aussi dans Balzac : J'ai peur qu'il sera blâmé, quelque raison qu'il puisse alléguer en cette rencontre, et que le blâme s'étendra sur tous messieurs les faiseurs de livres, Lett. inédites, XC (éd Tamizey-Larroque). J'ai peur qu'on trempera M. Saumaise, Lett. inédites, LX., Cela n'est plus usité, mais n'a rien qui contredise la grammaire, si ce n'est la suppression de ne. Il est vrai que cette négation est une imitation du latin timeone, et qu'elle n'a pas du tout le sens négatif en français.

Synonymes de PEUR