Définition de PEINDRE

DÉFINITIONS - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : pin-dr'. Les formes en gn se confondent avec les formes correspondantes du verbe peigner ; seulement

DÉFINITIONS

1
Représenter une personne, une chose par des lignes et des couleurs. Peindre un homme, un arbre, un lion, un paysage.
Il est bien vrai que le concile de Latran a défini qu'on pouvait peindre les anges....
de René DESCARTES dans Rép. aux 6es object. 5
Alexandre voulut qu'il n'y eût qu'Apelle qui le peignît
de Claude Favre de VAUGELAS dans Q.C. II, 6
J'ai lu je ne sais où, qu'Apelle peignit autrefois une maîtresse d'Alexandre d'une merveilleuse beauté, et qu'il en devint, la peignant, si éperdument amoureux, qu'il fut près d'en perdre la vie
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Sicil. 12
Quelle audace de vous faire peindre ! je m'en réjouis, c'est signe que vous êtes belle
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 58
Vierge qu'avec amour eût peinte Raphaël
de P. LEBRUN dans Voy. de Grèce, X, 4
Peindre l'histoire, le portrait, exécuter des tableaux qui représentent des sujets historiques, des portraits.
Sémantique : Fig.
On dit que le temps peint les beaux tableaux [qu'il les embellit]
de Denis DIDEROT dans Salon de 1767, t. XIV, p. 141
Nature : Absolument.
Un vieux artisan comme moi a quelque honneur à perdre, et doit avoir soin de conserver la bonne opinion qu'on a de lui.... je ne veux plus peindre, mais je veux encore moins barbouiller
de Jean-Louis GUEZ de BALZAC dans Des ministres et du ministère
Avec plus de raison nous [lions] aurions le dessus [sur les hommes], Si mes confrères savaient peindre
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. III, 10
Il peignit comme Apelle, il chante comme Orphée
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Trois man.
Vien dessine bien, peint bien ; mais il ne pense ni ne sent
de Denis DIDEROT dans Salon de 1767, t. IX, p. 55, éd. 1821
Peindre à l'huile, peindre avec des couleurs broyées et détrempées à l'huile.
L'invention de peindre à l'huile n'a point été connue des anciens ; ce fut un peindre flamand, nommé Jean van Eyk, mais plus connu sous le nom de Jean de Bruges, qui en trouva le secret, et qui le mit en usage au commencement du XVe siècle
de Charles ROLLIN dans Hist. anc. Oeuv. t. XI, 1re part. p. 142, dans POUGENS.
Fait à peindre, très bien fait.
C'était une fille de seize à dix-sept ans, faite à peindre, vive et coquette
de Alain René LESAGE dans Guzm. d'Alf. VI, 8
On dit aussi à peindre, sans le participe fait.
Un tour de visage et un menton à peindre
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 120
Il m'assura de nouveau que j'étais un cavalier à peindre
de Alain René LESAGE dans Guzm. d'Alf. IV, 5
Cet habit est fait à peindre, il va à peindre, il est bien fait et sied bien.
Être à peindre, être dans une posture, dans une attitude singulière, risible, ridicule.
Vous étiez tous les trois à peindre
de IMBERT dans Jaloux sans amour, II, 2
Familièrement et fig. Achever de peindre, donner le coup de grâce, consommer le désagrément, l'embarras, la ruine.
Et la honte pour lors, qui me saisit le coeur, Pour m'achever de peindre éteignit ma vigueur
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Élég. IV
Nous voilà bien achevés de peindre
de Jean-François REGNARD dans le Joueur, V, 7
Sémantique : Fig. Manière de peindre, manière d'agir en général, procédé (locution qui paraît appartenir à Mme de Sévigné ou du moins à sa société).
Il [le duc de Luxembourg a été interrogé pendant quatre heures [pour l'affaire des poisons]... pour Mme la comtesse de Soissons, c'est une autre manière de peindre : elle a porté son innocence au grand air [elle s'est enfuie]
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 29 janv. 1680
Des traîtresses de douleurs qui reviennent quelquefois, et dont il faut se moquer, parce que c'est la manière de peindre des rhumatismes
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 1er mars 1676
2
Peindre une galerie, un plafond, les orner par la représentation de diverses figures.
3
Couvrir de couleurs. Peindre une boiserie, un mur en blanc, en gris.
Sémantique : Par analogie. Farder le visage.
Même elle avait encor cet éclat emprunté Dont elle eut soin de peindre et d'orner son visage Pour réparer des ans l'irréparable outrage
de Jean RACINE dans Athal. II, 5
Teindre les cheveux, la barbe. Ce vieillard se peint la barbe et les cheveux.
On prétend qu'elle se peint les sourcils
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Théât. d'éducation, la Tendresse maternelle, sc. 11
Sémantique : Fig.
Quitte, pour te forcer à deux ou trois soupirs, Et peindre alors ton front d'un peu de déplaisir
de Pierre CORNEILLE dans Perth. III, 3
4
Il se dit aussi des couleurs que répand la lumière.
Et les soleils d'avril peignant une prairie En leur tapis de fleurs n'ont jamais égalé Son teint renouvelé
de François de MALHERBE dans V, 24
Le soleil peint nos champs des plus vives couleurs
de QUINAULT dans Atys, I, 2
Vos yeux d'un nouveau jour peignirent l'horizon
de Jean RACINE dans Nymphes de la Seine.
Celle-ci [Iris], volant d'une aile légère, fend les espaces immenses des airs, laissant après elle une longue trace de lumière qui peignait un nuage de mille diverses couleurs
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Tél. XVI
Tel, du haut de son char, le dieu de la lumière S'empare, en se montrant, de la nature entière, Et, sur tous les objets répandant ses couleurs, Peint les monts et les champs, et l'insecte et les fleurs
de Jacques DELILLE dans l'Imag. V
5
Écrire, former les lettres, les caractères.
C'est de lui que nous vient cet art ingénieux De peindre la parole et de parler aux yeux
de BRÉBEUF dans Phars. III
Nature : Absolument. Il peint si mal qu'on ne peut lire son écriture.
J'orthographie.... Et peins trop mal, monsieur.... jamais je n'oserai
de BOISSY dans Deh. tromp. IV, 7
6
Sémantique : Terme de tapisserie. Faire le fond du papier, ce qui s'exécute avec des brosses rondes sans manche et montées de soies courtes.
7
Sémantique : Fig. Décrire, représenter vivement par le discours.
Peignez mes actions plus noires que la nuit
de Pierre CORNEILLE dans Médée, II, 2
Je les peins dans le meurtre à l'envi triomphants
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, I, 3
Nous avons fort parlé [avec l'évêque de Marseille] de toutes les affaires passées ; il me semble que je les ai peintes au naturel
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 19 sept. 1677
Rien n'apaise un lecteur toujours tremblant d'effroi, Qui voit peindre en autrui ce qu'il remarque en soi
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. IX
Et j'ai peint à ses yeux le trouble de votre âme
de Jean RACINE dans Bérén. IV, 2
J'ai cru que je pouvais emprunter deux ou trois traits d'Hérodote pour mieux peindre Assuérus
de Jean RACINE dans Esth. Préf.
Ils vous feront enfin haïr la vérité, Vous peindront la vertu sous une affreuse image
de Jean RACINE dans Athal. IV, 3
Corneille peint les hommes comme ils devraient être ; Racine les peint tels qu'ils sont
de Jean de LA BRUYÈRE dans I
Sans que mon livre.... ne s'écarte du plan que je me suis fait d'y peindre les hommes en général
de Jean de LA BRUYÈRE dans Préface
Vous qui me l'avez peint [Polyphonte] de si noires couleurs !
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Mérope, II, 1
Plusieurs autres malheureux avaient péri dans les flammes par des arrêts principalement émanés de ce chancelier [Thomas Morus] qu'on nous peint comme si doux et si tolérant
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Moeurs, 135
Hommes savants dans l'art de feindre, Qui me prêtez des traits si doux, Vous avez beau vouloir me peindre, Vous ne peindrez jamais que vous
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Vers mis par lui au bas d'un de ses portraits, dans 2e dial.
Eschyle peignit les hommes plus grands qu'ils ne peuvent être, Sophocle, comme ils devraient être, Euripide, tels qu'ils sont
de Auguste Marseille BARTHÉLEMY, dit L'ABBÉ BARTHÉLEMY dans Anach. ch. 69
Mais nous, pour embraser les âmes, Il faut brûler, il faut ravir Au ciel jaloux ses triples flammes ; Pour tout peindre, il faut tout sentir
de Alphonse de LAMARTINE dans Méd. I, 11
Peindre en, représenter comme.
Loin d'en baisser les yeux [d'une perfidie], l'orgueilleuse en fait gloire ; Elle nous l'ose peindre en illustre victoire
de Pierre CORNEILLE dans Pulch. III, 4
Et me jeter au rang de ces princes soumis, Que le titre d'amants lui peint en ennemis
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Pr. d'Él. I, 1
Sémantique : Par extension.
Il s'en faut bien que je croie la musique capable de tout peindre, je crois seulement qu'elle peut, par ses sons, nous mettre quelquefois dans une situation semblable à celle où nous mettent certains objets de la vue, et par là nous rappeler l'idée de ces objets
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Lett. au roi de Prusse, 10 avr. 1767
Sémantique : Fig. Peindre en beau, représenter les choses ou les personnes comme meilleures qu'elles ne sont.
Vous, monsieur, qui peignez toutes choses en beau, Je vous défie ici d'égayer le tableau
de Jean-François COLLIN D'HARLEVILLE dans Optimiste, III, 9
Il me paraît, comme vous me le disiez tout à l'heure, que ce n'est pas en beau que l'on vous a peint, monsieur de Richelieu
de AL. DUVAL dans Jeun. de Richel. III, 8
En un sens opposé, peindre en laid, peindre en mal.
Nature : Absolument.
Tout l'esprit d'un auteur consiste à bien définir et à bien peindre : Moïse, Homère, Platon, Virgile, Horace ne sont au-dessus des autres écrivains que par leurs expressions et par leurs images
de Jean de LA BRUYÈRE dans I
Hasarder de certaines expressions, user de termes transposés et qui peignent vivement
de Jean de LA BRUYÈRE dans ib.
Qui veut peindre pour l'immortalité, doit peindre des sots
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Dial. 2e, Morts modernes.
8
Représenter l'image, imiter.
Contrefaire un comédien dans des rôles sérieux, c'est le peindre par des défauts qui sont entièrement de lui
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Impromptu, SC. 1
Votre mémoire vous la peindra mieux avec tous ses traits et son incomparable douceur, que ne pourraient faire toutes mes paroles
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Duch. d'Orl.
9
Se peindre, représenter à soi-même, s'imaginer.
Peins-toi dans ces horreurs Andromaque éperdue
de Jean RACINE dans Andr. III, 8
10
Se peindre, Nature : v. réfl. Faire soi-même son portrait. Voilà son portrait, c'est lui-même qui s'est peint.
Sémantique : Fig. Faire la description de son âme, de son coeur.
Le sot projet qu'il [Montaigne] a de se peindre !
de Blaise PASCAL dans Pens. VI, 33, éd. HAVET.
Je ne veux point me peindre avec trop d'avantage
de Jean RACINE dans Phèdre, IV, 2
Je me peindrai tel que je fus, tel que je suis, le mal offusquera presque toujours le bien ; et malgré cela j'ai peine à croire qu'aucun de mes lecteurs ose se dire : je suis meilleur que ne fut cet homme-là
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Lett. à M. Duclos, Corresp. t. VI, p. 168, dans POUGENS.
Cet auteur se peint dans ses ouvrages, c'est-à-dire ses pensées, son style font connaître son caractère et ses inclinations.
Chacun se peint sans y penser dans ce qu'il écrit
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Lett. à Lamotte, 22 nov. 1714
Sémantique : Fig. S'achever de peindre, se conduire de manière à se compromettre, à ruiner ses affaires, etc.
Ils vont s'achever de peindre, et je ne serai pas en sûreté
de Philippe Néricault DESTOUCHES dans Fausse Agnès, III, 11
S'achever de peindre, se dit aussi d'un homme qui, après avoir beaucoup bu, recommence à boire et se grise tout à fait.
11
Être peint, figuré comme par la peinture. Les objets se peignent au fond de l'oeil sur la rétine comme sur une toile.
Il n'y a qu'à présenter un objet [à un miroir], aussitôt il se peint lui-même, et cet admirable tableau ne dégénère, par aucun endroit, de l'original
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Élév. sur myst. II, 3
Le ciel, de la terre amoureux, Se peint dans le miroir de l'onde
de BERNIS dans Saisons, Automne.
Il regarde à ses pieds dans le liquide azur Se peindre les coteaux, les toits et les feuillages
de André CHÉNIER dans Élég. XI
Sémantique : Fig.
La mort se peignit sur son visage [de Madame], et on la voyait dans des souffrances cruelles, sans néanmoins qu'elle parût agitée
de Marie-Madeleine Pioche de la Vergne, comtesse de la Fayette, dite Madame DE LA FAYETTE dans Hist. Hte d'Angl.
À ces mots, le mécontentement le plus sévère se peignit sur le visage de Louis
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Mme de Maintenon, t. I, p. 30, dans POUGENS
Qui pouvait la regarder sans être frappé de l'inspiration divine qui se peignait dans ses yeux ?
de Anne Staël-Holstein, dite Mme DE STAËL dans Corinne, III, 3
12
Sémantique : Poétiquement, être orné.
Et déjà devant lui les campagnes se peignent Du safran que le jour apporte de la mer
de François de MALHERBE dans I, 4

REMARQUE

1
J. J. Rousseau a dit : Et pour achever de me peindre, Lett. à Mme de Warens, 23 oct. 1737. C'est une faute ; la locution est une phrase faite ; il faut dire m'achever de peindre.

HISTORIQUE

1
XIe s.
Et cil escuz qui bien sont peinz à flors
dans Ch. de Rol. CXXXV
2
XIIe s.
Ausi cum l'on plastrit et teint La maisiere [muraille] sor quoi l'om peint
de Benoît de Sainte-Maure dans V. 39829
À celui qui se efforce de paindre ço que covient à beauté....
dans Machab. II, 2
3
XIIIe s.
Mieux [elle] ressemble [à] Bertain que ne peindroit peigniere [peintre]
dans Berte, XI
Sa galie ariva toute peinte dedens mer et dehors, à escussiaus de ses armes
de Jean, PRINCE DE JOINVILLE dans 215
4
XVe s.
Amoureux ont parolles paintes Et langaige frais et joly
de Charles D'ORLÉANS dans Ball. 74
5
XVIe s.
Disant que plus n'avez laine sur dos, Et que rongée estes jusques aux os, Crucifiée, achevée de paindre
de Jean des Mares ou Des Marets, dit Jean MAROT dans V, 232
...Ou escouter la musique et le bruit Des oyselets paincts de couleurs estranges
de Clément MAROT dans I, 328
Tu peins ta barbe, amy Bruslard, c'est signe Que tu voudrois pour jeune estre tenu
de Clément MAROT dans III, 168
Quoyque je peigne insupportablement mal, j'aime mieulx escrire de ma main que d'y employer une aultre
de Michel de MONTAIGNE dans I, 293
....Mon coeur troublé de desirs inconstans Et d'espoirs enchanteurs qui m'ont fait si long-tans Battre l'air, peindre en l'onde et fonder sur le sable
de Philippe DESPORTES dans Oeuvres chrestiennes, Sonnets, 10
Aucuns aussi sont mis pour apprendre trois ou quatre mots de latin, en attendant qu'ils soient grandelets pour faire le voyage d'Italie, afin que là on acheve de les leurrer, ou, comme dit le proverbe, qu'on acheve de les peindre
de Henri ESTIENNE dans Apol. d'Hérod. p. 91, dans LACURNE

ÉTYMOLOGIE

1
Wallon, pôd, pond ; bourguig. poindre ; provenç. pegner, penher, pencher ; ital. pignere, pingere ; du lat. pingere ; sansc. piç, pinç, former, figurer.

Synonymes de PEINDRE

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