Définition de FEINDRE

DÉFINITIONS - REMARQUE - SYNONYME - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : fin-dr'

DÉFINITIONS

1
Faire, produire, prendre une apparence fausse pour tromper ou, simplement, pour faire croire quelque chose.
Pour ne vous rien feindre, Je crois l'aimer assez pour ne pas la contraindre
Et je feins hardiment d'avoir reçu de vous L'ordre qu'on me voit suivre et que je donne à tous
Il feignait de m'aimer, je l'aimais en effet
Feignez, si vous voulez, de ne me pas entendre
Pourquoi feindre à nos yeux une fausse tristesse ?
Elle a feint de passer chez la triste Octavie
Parce qu'elle feignait d'être bonne, elle croyait l'être en effet
Il [Charles XII] resta dix mois couché, feignant d'être malade
La Fontaine a employé feindre sans la préposition de : Lui [renard] qui n'était novice au métier d'assiégeant, Eut recours à son sac de ruses scélérates, Feignit vouloir gravir, se guinda sur ses pattes, Fabl. XII, 18.
Nature : Absolument.
Il est honteux de feindre où l'on peut toutes choses
C'est qu'ils ont l'art de feindre, et moi je ne l'ai pas
Je ne sais ni tromper, ni feindre, ni mentir ; Et, quand je le pourrais, je n'y puis consentir
Il feint, il me caresse et cache son dessein
Feignons, et de son coeur, d'un vain espoir flatté, Par un mensonge adroit tirons la vérité
de Jean RACINE dans ib. III, 4
J'ai feint quelques instants pour ne feindre jamais
de DORAT dans Feinte par amour, III, 6
Un proverbe italien dit : Qui ne sait pas feindre, ne sait pas vivre
2
Supposer.
Il est nécessaire de feindre qu'il [Dieu] soit trompeur, si nous voulons révoquer en doute les choses que nous concevons clairement
de René DESCARTES dans Rép. II, 29
Controuver, imaginer.
Le roi pour vous tromper feignait cet hyménée
Il ne vient qu'à la fin de la tragédie ; et c'est pour prononcer une loi telle que les anciens les feignaient dictées par les dieux
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Guèbres, Disc. hist. et crit.
On trouve dans le code théodosien un édit de Constantin où il déclare qu'il a fondé Constantinople par ordre de Dieu ; il feignait ainsi une révélation pour imposer silence aux murmures
Feindre à quelqu'un, rapporter faussement.
Pour perdre mon rival j'ai découvert sa trame, Euphorbe vous a feint que je m'étais noyé
[Elle].... leur feint de ma part tant d'outrages reçus Que ces faibles esprits sont aisément déçus
Il lui feint qu'en un lieu que vous seul connaissez, Vous cachez des trésors par David amassés
Se feindre quelque chose, feindre à soi quelque chose, supposer à soi quelque chose.
Ne voilà pas, dis-je, cette volage qui se feint de nouveaux prétextes de haine et de jalousie
de D'URFÉ dans Astrée, I, l.
Mon esprit.... Se feignant, pour passer le temps, Avoir cent mille écus comptants
3
Hésiter, faire difficulté. Il se construit avec la préposition à, quand il n'est pas accompagné d'une négation.
Feindre à s'ouvrir à moi dont vous avez connu Dans tous vos intérêts l'esprit si retenu
Tu feignais à sortir de ton déguisement
Vous ne devez point feindre à me le faire voir
Nous feignions à vous aborder, de peur de vous interrompre
Il se construit avec la préposition de, quand il est accompagné d'une négation.
Ainsi, monsieur, je ne feindrai point de vous dire que l'offense que nous cherchons à venger....
Nous ne feignons point de mettre tout en usage
Monsieur et madame, ne feignez point de me mettre au nombre de ceux que vous aimez et qui vous aiment ; toute ma vie vous persuadera que je mérite d'y être
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans Au comte de Guitaut, 23 nov. 1673
Au lieu d'expédier sur-le-champ des marchands et des ouvriers, il [l'orgueilleux] ne feint point de les renvoyer au lendemain matin
de Jean de LA BRUYÈRE dans Théoph. XXIV
Nesmond ne feignit pas de dire qu'il se croirait coupable de la prévarication la plus criminelle, s'il dissimulait que le pain de la parole manquait au peuple
Quelquefois il tombe dans des difficultés où il ne feint point d'avoir recours soit à la volonté de Dieu qui opère sans mécanisme, soit au dessein qu'il a eu de nous cacher le mécanisme
4
Sémantique : Terme de manége. Feindre en marchant, se dit d'un cheval et aussi d'une personne qui boite légèrement ou d'une façon presque invisible à l'oeil.
5
Se feindre, Nature : v. réfl. Se supposer. Se feindre coupable.
Dorise se feint être un jeune gentilhomme contraint pour quelque occasion de se retirer de la cour
Nature : Absolument. Cacher ce qu'on sent, ce qu'on pense.
Et puis je ne saurais me forcer ni me feindre
Être feint.
Et parce que cela ne se peut pas même feindre....
de René DESCARTES dans Rép. II, 29

REMARQUE

1
Voltaire condamne le régime indirect avec feindre ; mais les exemples de Corneille paraissent irréprochables.

SYNONYME

1
FEINDRE, DISSIMULER. Étymologiquement, feindre, c'est donner une forme comme l'artiste fait à la terre qu'il moule ; dissimuler, c'est rendre dissemblable. De là la distinction entre ces deux verbes : celui qui feint forme, présente, produit ce qui n'est pas ; celui qui dissimule cache ce qui est : on dissimule sa joie, sa haine ; on feint de la joie, de l'amitié.

HISTORIQUE

1
XIe s.
Il se feint mort, si gist entre les altres
dans Ch. de Rol. CLXVI
2
XIIe s.
Car il n'a home de li servir se faigne
dans Roncis. p. 1
Jà fu tels jors que les dames amoient De leal cuer sans feindre et sans fausser
de QUESNES dans Romancero, p. 87
Quant veit li reis Henris qu'il nel purra aveir, Cuida qu'il se fainsist tut pur le deceveir
dans Th. le mart. 34
3
XIIIe s.
Cil qui cuide gaaigner gloire par fause demonstrance ou par paroles faintes
La quinte color [de rhétorique] est apelée fainture, porce que on faint une chose qui n'a pooir ne nature de parler, aussi comme se ele parlast
de Brunetto LATINI dans ib. p. 488
Ne te faindre pas d'estre ce que tu n'ies
de Brunetto LATINI dans ib. p 384
Mais si malade vous faigniés, Tant soupirés, tant vous plaigniés
dans la Rose, 9135
4
XIVe s.
C'est chose fainte et neant
5
XVe s.
Cils [les barons] qui nullement pour leur honneur ne se fussent feints, eurent en convent à la bonne dame qu'ils s'en acquiteroient loyalement [de combattre]
Et Dieu sait si ceulx d'Orleans se faignoient à mener artillerie
dans Bibl. des chartes, 2e série, t. III, p. 507
L'autre ne faignoit pas et recommençoit encores de bon cueur
de Philippe de COMMINES dans IV, 8
Ledit duc de prime face faignit à la bailler [la sûreté demandée par le connétable], mais à la parfin la bailla
de Philippe de COMMINES dans IV, 12
Feignant [simulant] venir vers son oncle
de Philippe de COMMINES dans I, 2
Il faindit, comme bien le savoit faire, une matte chere, et montra semblant de courroux
de LOUIS XI dans Nouv. XXXIII
6
XVIe s.
Frappoit à grandz tours de bras sans se faindre ny espargner
Les poetes feignent un grand tas de dieux mal faisans
de François RABELAIS dans ib. I, 45
Elle va feindre d'estre malade
Le seigneur de Bonnivet, pour lui arracher son secret, feignit lui dire le sien
Pour revenir à sa clemence [de César], nous en avons plusieurs naïfs exemples au temps de sa domination, lorsque, toutes choses estant reduictes en sa main, il n'avoit plus à se feindre
de Michel de MONTAIGNE dans II, 33
Les poëtes feignent Niobé avoir este transmuée en rochier
de Michel de MONTAIGNE dans I, 7
N'est-ce pas toy, dont la divine main De vil bourbier forma le corps humain, Pour y enter l'ame que tu as feinte Sur le portrait de ton image saincte ?
Leonidas, entrant un jour audacieusement en grosses paroles contre luy, ne faignit pas de luy dire....
de Jacques AMYOT dans Lyc. 3
Disant qu'il seroit bien beste, si pour crainte du nom seulement d'estre appelé tyran, il faignoit d'accepter la monarchie
de Jacques AMYOT dans Solon, 22
Le messager faignit que l'issue en avoit esté doubteuse
de Jacques AMYOT dans Fab. 7
Après avoir bien noté et remarqué l'endroit de la muraille que le brutien avoit à garder, lequel avoit promis de se faindre et de laisser entrer ceulx qui viendroient assaillir ce costé là
de Jacques AMYOT dans ib. 44
Un homme feint [fourbe]
de Jacques AMYOT dans Solon, 63

ÉTYMOLOGIE

1
Bourg. foindre, il ne foint pas, il ne craint pas ; provenç. fenher, feigner, finher ; espagn. et portug. fingir ; ital. fingere ; du lat. fingere, feindre, supposer. Dans l'ancienne langue, se feindre signifie souvent ne pas vouloir, hésiter à. Selon Curtius, le sens primitif du radical fig, en grec, est toucher. Aussi le sens propre de fingere est façonner. Du sens de façonner on a passé à celui de feindre, c'est-à-dire façonner une apparence. De ce qui n'a qu'une apparence et qui est vide, faible, on en est venu au sens de hésiter, craindre.

Synonymes de FEINDRE

Termes proches de FEINDRE