Définition de OCCUPER

DÉFINITIONS - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : o-ku-pé

DÉFINITIONS

1
S'emparer d'un pays, d'une place forte, d'un poste, etc. en demeurer maître.
La moitié de tes gens doit occuper la porte
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, V, 1
Aétius les [les Gaules] avait défendues contre Pharamond et contre Clodion le chevelu ; mais Mérovée fut plus heureux, et y fit un plus solide établissement, à peu près dans le même temps que les Anglais, peuples saxons, occupèrent la Grande-Bretagne
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. I, 11
L'Asie Mineure était occupée par les colonies grecques
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Esp. XI, 8
Le marquis de Spinola occupait le Mont-ferrat avec une armée espagnole
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Moeurs, 176
Le régiment occupa les avenues du palais, et les officiers, avec des soldats d'élite, mais sans l'uniforme, se répandirent dans les salles
de Charles Pinot, sieur DUCLOS dans Régence, Oeuv. t. V, p. 207
Il [un général] est resté sur la rive basse de la Louja, et n'a fait occuper la ville et observer la plaine haute que par deux bataillons
de Philippe de SÉGUR dans Hist. de Nap. IX, 2
2
Sémantique : Terme de jurisprudence. Se saisir d'un bien. Occuper une terre. Il a occupé le premier cette alluvion.
Nature : Absolument. On peut occuper sans devenir propriétaire.
3
Tenir un certain espace. Les eaux occupent toujours les parties les plus basses.
Quand je dis qu'il n'est pas besoin de rendre compte de ce que font les acteurs pendant qu'ils n'occupent point la scène
de Pierre CORNEILLE dans 3e disc.
La mort ne nous laisse pas assez de corps pour occuper quelque place
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Duch. d'Orl.
Le noir occupe le haut du dos et la pointe des ailes, le gros bleu leur milieu
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Ois. t. XIII, p. 290
La citadelle occupe la pointe du promontoire
de Auguste Marseille BARTHÉLEMY, dit L'ABBÉ BARTHÉLEMY dans Anach. ch. 2
Les ruines ont des harmonies particulières avec leurs déserts, selon le style de leur architecture, les lieux où elles sont placées, et les règnes de la nature au méridien qu'elles occupent
de François René CHATEAUBRIAND dans Génie, III, V, 4
Sémantique : Terme de peinture. Tenir. Cet objet occupe le devant, occupe le centre, le fond du tableau.
4
Tenir un certain espace de temps. Ce travail a occupé dix ans de sa vie. La lecture de son travail occupe deux heures entières.
C'est la secte [le manichéisme] qui a le plus longtemps et le plus dangereusement infecté le christianisme ; le plus longtemps, par tant de siècles qu'on lui a vu occuper ; et le plus dangereusement, parce que sans rompre avec éclat comme les autres....
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Variat. XI, § 203
5
Habiter. Occuper une maison, une chambre. Il occupe le premier, le rez-de-chaussée.
6
Sémantique : Fig. Remplir, posséder, en parlant d'emploi, de place, etc. Il occupe un rang distingué dans la société.
Le poste qu'occupait M. le Tellier
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans le Tellier.
Peut-être on t'a conté la fameuse disgrâce De l'altière Vasthi dont j'occupe la place
de Jean RACINE dans Esth. I, 1
Là on ne cherche pas des hommes pour occuper des places utiles ; mais on crée des places inutiles pour occuper des hommes
de SAINT-FOIX dans Ess. Paris, Oeuv. t. III, p. 456, dans POUGENS
7
Employer, faire travailler. Il y a là de quoi occuper plusieurs ouvriers.
Sémantique : Fig.
Personne n'avait mieux que lui [Vauban] rappelé du ciel les mathématiques, pour les occuper aux besoins des hommes, et elles avaient pris entre ses mains une utilité aussi glorieuse peut-être que leur plus grande sublimité
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Vauban.
8
Donner des affaires à faire, un emploi à remplir ; faire que l'on ne soit pas dans l'oisiveté. Il faut occuper les jeunes gens.
Ils [les hommes, s'ils n'avaient pas les affaires de la vie] se verraient, ils penseraient à ce qu'ils sont, d'où ils viennent, où ils vont ; et ainsi on ne peut trop les occuper et les détourner
de Blaise PASCAL dans Pens. IV, 1, éd. HAVET.
Plus on occupe son esprit, moins on sent le dangereux besoin d'occuper son coeur
de Mme RICCOBONI dans Sophie de Vallière, t. IV, p. 167, dans POUGENS
Occuper la postérité, figurer dans l'histoire de manière que la postérité se souvienne de nous.
De tous ceux qui donnèrent de l'éclat à cette secte [les quakers], le seul qui mérita d'occuper la postérité fut Guillaume Penn ; il était fils d'un amiral de ce nom
de Guillaume Thomas, abbé RAYNAL dans Hist. phil. XVIII, 4
9
Occuper de, faire que l'on songe à, que l'on ait présent à la pensée...
J'occupe ma raison d'utiles rêveries
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Ép. VI
....Peut-être avant ce temps Je saurai l'occuper de soins plus importants
de Jean RACINE dans Bajaz. I, 1
Tu occupais l'assemblée de toi-même, et moi je ne l'occupais que des affaires dont je parlais
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Dial. des morts anc. Démosthène, Cicéron.
Quand on éprouve une violente passion, et qu'on n'a plus l'espérance d'être aimé, on cherche et l'on saisit tous les moyens d'occuper de soi l'objet d'un sentiment si malheureux
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Voeux témér. t. I, p. 178, dans POUGENS
Sans plus occuper le public de moi, et sans plus m'occuper moi-même d'autre chose que d'achever paisiblement ma carrière
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Confess. X
10
Être, en parlant des choses, l'objet d'un travail, d'un soin de l'esprit, d'un souci de l'âme. Son métier l'occupe beaucoup.
La peur de leur départ occupe fort votre âme
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Mis. II, 5
Si quelque chose les empêche de régner sur nous, ces saintes et salutaires vérités, c'est que le monde nous occupe, c'est que les sens nous enchantent, c'est que le présent nous entraîne
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Duch. d'Orl.
Les chagrins qu'il me cause M'occuperont assez tout le temps qu'il repose
de Jean RACINE dans Brit. I, 1
Et tandis que l'Asie occupera Pharnace
de Jean RACINE dans Mithr. III, 1
Quels desseins maintenant occupent sa pensée ?
de Jean RACINE dans Bajaz. V, 1
Qu'un sentiment plus juste occupait tout mon coeur !
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Zaïre, III, 6
En parlant des personnes, occuper le coeur, être l'objet d'un tendre sentiment.
Que celui qui l'occupe [votre coeur] a de bonne fortune !
de Pierre CORNEILLE dans Nicom. I, 2
11
Nature : V. n. Sémantique : Terme de palais. Il se dit d'un avoué chargé d'une affaire en justice.
Sémantique : Fig. et par plaisanterie.
Mon autre nièce que voici présente, a de son côté aussi un soupirant qui est absent, mais elle en a procuration ; elle occupe pour lui, je parle pour eux
de Florent Carton, sieur d'Ancourt, dit DANCOURT dans Prix de l'arquebuse, sc. 11
Signifier un acte d'occuper, faire connaître par un acte qu'on occupe pour quelqu'un.
12
S'occuper, Nature : v. réfl. Employer son temps, travailler. Vous vous ennuyez, il faut vous occuper.
Souffrez que mon courage ose enfin s'occuper
de Jean RACINE dans Phèdre, III, 5
Occupez-vous beaucoup, mon cher ange ; je ne connais que ce remède dans l'état où vous êtes ; je suis malade dans mon lit, à quatre-vingts ans passés, au milieu des neiges ; je m'occupe, et cela seul me fait vivre
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. d'Argental, 23 déc. 1774
Aimer à s'occuper, aimer le travail.
13
S'occuper à une chose, y travailler. S'occuper à son jardin.
Pendant qu'il s'occupe à relever le prince abattu
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Louis de Bourbon.
On ne peut pas toujours travailler, prier, lire : Il vaut mieux s'occuper à jouer qu'à médire
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. X
Tandis que tout s'occupe à me persécuter
de Jean RACINE dans Mithr. III, 1
Sémantique : Par extension.
Une nuit que chacun s'occupait au sommeil
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VIII, 11
14
S'occuper de quelqu'un, de quelque chose, y penser.
Dans ces jours de trouble et de deuil, où l'on se sent comme frappé du spectacle sensible d'une mort récente et inopinée, on se renferme tout en soi-même, et l'on s'occupe de sa douleur
de Esprit FLÉCHIER dans Lamoignon.
L'homme n'aime pas à s'occuper de son néant, de sa bassesse
de Jean-Baptiste MASSILLON dans dans GIRAULT-DUVIVIER
Il faut périr.... mourons, sans nous occuper d'elle
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Tancr. IV, 2
J'ai beau savoir qu'il va s'occuper de moi, je ne saurais m'occuper de lui
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans 8e promenade.
Pourquoi Dieu ne pourrait-il pas s'occuper de la manière dont se doit plier l'aile d'un scarabée ? comment se plierait cette aile si Dieu ne s'en occupait pas ?
de Etienne Bonnot de CONDILLAC dans Trait. anim. ch. 6

REMARQUE

1
OCCUPER À, OCCUPER DE. Occuper à, réveille une idée de travail ; occuper de, une idée d'attention, par exemple : Il ne faut pas nourrir, par des aumônes, l'oisiveté du pauvre ; il faut le secourir en l'occupant à des choses utiles, c'est-à-dire en le faisant travailler. Qui ne s'occupe à rien s'occupe du mal, c'est-à-dire qui ne travaille pas, pense au mal. S'occuper de, marque une opération intellectuelle ; s'occuper à, désigne un acte extérieur.

HISTORIQUE

1
XIVe s.
L'une [une humeur] occupe tout le cuir
de H. DE MONDEV. dans f° 98
S'il estoit homme ou [au] monde, en tiere ne en mer, Qui de ceste besongne me vosist ocuper
dans Hugues Capet, V. 3323
Labeurs en quelx de ma jeunesse je me suy occupé pour plaire à Dieu et proufiter au monde
de Pierre BERCHEURE dans f° 1
À toy apartient, dit elle, o tu Servius, occuper le royaume, non pas à ceuls qui par autrui mains ont perpetré cestui cruel outrage
de Pierre BERCHEURE dans f° 20, verso
Leurs pensées terriennes occupent les lumieres espirituelles
dans Modus, f° LXIV, verso
2
XVe s.
Si le deffendant a un bras affolé, on doit occuper un bras à l'appellant, tellement qu'il ne s'en puisse aider
de Olivier DE LA MARCHE dans Gage de bat. f° 26, dans LACURNE
Tantost que ses parens sceurent qu'elle avoit gecté Lancelot hors de prison, ils l'occuperent [accusèrent] de la mort de Meleagant, et fut dit que s'elle ne trouvoit qui l'en deffendist, que l'en feroit d'elle telle justice que l'en devoit faire de femme qui son frere avoit occis
dans Lancelot du lac, t. II, f° 32, dans LACURNE
3
XVIe s.
Le logyz des dames comprenoyt depuys.... les hommes occupoyent le reste
de François RABELAIS dans Garg. I, 55
Pour luy faire ung paeslon à cuyre sa bouillye, feurent occupez tous les pesliers de Villedieu
de François RABELAIS dans Pant. II, 4
Ilz avoyent tué son filz premier, par avarice de occuper le total heritaige
de François RABELAIS dans ib. III, 44
Ils sont occupez d'une telle outrecuidance ou stupidité, qu'ils ne font nul scrupule de requerir à Dieu qu'il complaise à leurs cupiditez
de Jean CALVIN dans Instit. 675
Il dechassa ceulx qui muroient les passages pour le garder de passer en la Syrie, et les occupa luy mesme
de Jacques AMYOT dans Démétr. 69

ÉTYMOLOGIE

1
Provenç. occupar ; espagn. ocupar ; ital. occupare ; du lat. occupare, de ob, et capere, prendre.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
OCCUPER. - HIST. Ajoutez : XIIe s.
Occupeiz à faire les cures [soins, affaires] de la conteit [du comté], [il] faisoit les terrienes choses et temporeiles
dans li Dialoge Gregoire lo pape, 1876, p. 230

Synonymes de OCCUPER

Termes proches de OCCUPER