Définition de SONGER

DÉFINITIONS - REMARQUE - SYNONYME - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : son-jé ; le g prend un e devant a et o : songeant, songeons

DÉFINITIONS

1
Faire un songe.
Saint-Aoust avait songé, la veille qu'il a été tué, qu'il avait eu un démêlé avec M. le prince d'Orange
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 6 sept. 1675
Penser avoir songé, douter de la réalité de ce que l'on voit.
Ils se regardèrent les uns les autres, étonnés comme gens qui pensaient avoir songé
de François de MALHERBE dans Le XXXIIIe livre de T. Live, ch. 32
Se dit avec de.
Vous aurez fait d'un mort la rencontre fâcheuse, Cassé quelque miroir et songé d'eau bourbeuse
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Tart. II, 4
Je m'en vais vous dire une chose plaisante dont Corbinelli est témoin ; je lui dis lundi matin que j'avais songé toute la nuit d'une Mme de Rus, que je ne comprenais pas d'où me revenait cette idée ; et que je voulais vous demander des nouvelles de cette sorcière ; là-dessus je reçois votre lettre, et justement vous m'en parlez, comme si vous m'aviez entendue
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 399
2
Sémantique : Fig. S'abandonner à ses rêveries.
Chacun songe en veillant ; il n'est rien de plus doux ; Une flatteuse erreur emporte alors nos âmes
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VII, 10
Un lièvre en son gîte songeait ; Car que faire en un gîte à moins que l'on ne songe ?
de Jean de LA FONTAINE dans ib. II, 14
Songer creux, rêver profondément à des choses chimériques.
Songer creux signifie aussi songer à quelque malice ; mais ce sens a vieilli.
3
Sémantique : Fig. Avoir en l'idée, considérer, se souvenir de, s'aviser de.
Ah ! n'allons point songer au mal qui nous peut arriver, et songeons seulement à ce qui peut donner du plaisir
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Festin, I, 2
Hors la maréchale de Grammont, on ne songe déjà plus au comte de Guiche [qui avait été tué]
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 176
Songez que cette gloire faisait le péril de Madame dans cette vie
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Duch. d'Orl.
Sans songer à cette terrible sentence de saint Paul : la veuve qui passe sa vie dans les plaisirs est morte toute vive
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Anne de Gonz.
À la Place Royale on me blâme, à Saint-Germain on me loue ; et nulle part on ne songe à me plaindre ni à me servir
de Françoise d'Aubigné, marquise de MAINTENON dans Lett. à Mlle de l'Enclos, 8 mars 1666
Quand je lus les Guêpes d'Aristophane, je ne songeais guère que j'en dusse faire les Plaideurs
de Jean RACINE dans Plaid. Préf.
Allez, allez, finissez vos débats, Si vous voulez redevenir les grâces, Et pour plaire n'y songez pas ; N'y point songer, c'est trop ; eh bien n'y songez guère
de LAMOTTE dans Fabl. V, 7
En arrivant je ne songeais qu'à bien dîner ; en partant je ne songeais qu'à bien marcher ; je sentais qu'un nouveau paradis m'attendait à la porte ; je ne songeais qu'à l'aller chercher
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Conf. IV
Il [Fénelon] était bien mieux que modeste ; car il ne songeait pas même à l'être
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Él. Fén.
Il se dit aussi avec de. Il songe toujours de fêtes, de chasses. Il songe rarement d'affaires.
Il s'est dit avec en ; ce qui a vieilli.
Dans cet espace de temps, je songeai, je vous l'avoue, trois à quatre fois en Mademoiselle***
de Vincent VOITURE dans Lett. 128
Songer à tout, ne rien omettre de ce qui doit être fait.
On m'envoie les gazettes ; vous songez à tout, vous êtes adorable
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 27 sept. 1684
Y songez-vous ! vous n'y songez pas ! à quoi songez-vous ! se dit par reproche à une personne qui dit ou qui fait une chose déraisonnable.
Songez-y, songez-y bien, se dit par menace ou comme avertissement.
Songez-y bien : il faut désormais que mon coeur, S'il n'aime avec transport, haïsse avec fureur
de Jean RACINE dans Andr. I, 4
Songez-y : vos refus pourraient me confirmer Un bruit sourd que déjà l'on commence à semer
de Jean RACINE dans Athal. III, 4
Songer à deux fois, considérer mûrement.
Toute l'Europe songera à deux fois comme elle se devra conduire avec Votre Excellence
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans Au duc de Chaulnes, 15 mai 1691
4
S'occuper de, avoir en vue.
Ce jeune prince [Cyrus], sauvé de la prison et de la mort par sa mère Parysatis, songe à la vengeance
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. I, 8
Pendant que le parlement d'Angleterre songe à congédier l'armée, cette armée toute indépendante réforme elle-même à sa mode le parlement
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Reine d'Anglet.
Le prince de Condé avait pour maxime que, dans les grandes actions, il faut uniquement songer à bien faire, et laisser venir la gloire après la vertu
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Louis de Bourbon.
À la cour tout est couvert d'un air gai, et vous diriez qu'on ne songe qu'à s'y divertir
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Anne de Gonz.
L'âge viril plus mûr inspire un air plus sage.... Contre les coups du sort songe à se maintenir
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art p. III
Ctésiphon et Euphrosine se voient tous les jours, s'aiment, songent à s'épouser, s'épousent
de Jean de LA BRUYÈRE dans III
Molière a construit songer en ce sens, avec de ; ce qui ne se dirait plus qu'en vers.
Je vous dis, et vous redis encor Que Valère chez lui tient votre Léonor, Et qu'ils s'étaient promis une foi mutuelle, Avant qu'il eût songé de poursuivre Isabelle
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Éc. des mar. III, 6
Songer à soi, s'occuper de soi, de son sort.
L'âme possédée de l'amour de Dieu, transportée par cet amour hors de soi-même, n'a garde de songer à soi, ni par conséquent de s'enorgueillir
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans la Vallière.
Visir, songez à vous, je vous en averti, Et, sans compter sur moi, prenez votre parti
de Jean RACINE dans Bajaz. II, 3
Songer à quelqu'un, s'occuper de le satisfaire pour une affaire, pour une commande.
Avez-vous songé à moi, ma chère madame Thibaut ? vous avez tant d'affaires....
de Florent Carton, sieur d'Ancourt, dit DANCOURT dans Femme d'intrigues, V, 7
Il songe toujours à mal, à malice, à la malice, il songe à faire quelque malice, et, en un autre sens, il prête un sens trop libre à des choses dites innocemment, ou bien il interprète malignement tout ce qu'on dit ou fait.
Tandis que, sans songer à mal, tandis qu'innocemment, sans malice, comme un pauvre mouton, je vous regarde
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Préc. 10
Songer à mal signifie aussi avoir quelque mauvais dessein.
Une femme qui ne songeait point à mal
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 9
5
Nature : V. a. Voir en songe.
C'est une faveur que je ne sais encore si j'ai reçue ou songée
de Jean-Louis GUEZ de BALZAC dans Lett. 2, livre I
Pauline, sans raison, dans la douleur plongée, Craint et croit déjà voir ma mort qu'elle a songée
de Pierre CORNEILLE dans Poly. I, 1
Je ne songerai plus que rencontre funeste, Que faucons, que réseaux
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. IX, 2
J'ai songé encore un autre songe
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Philos. Bible expl. Genèse.
6
Sémantique : Fig. S'occuper de, avoir en l'idée.
Vraiment vous n'avez garde, en l'état où vous êtes, De songer des festins, des danses et des fêtes
de Jean de MAIRET dans Sophon. II, 3
Mascarille : C'est une faible ruse ; J'en songeais une.... - Lélie : Et quelle ?
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans l'Ét. I, 2
J'avais songé une comédie où il y aurait eu un poëte
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Impromptu, 1
Le monde ordinaire a le pouvoir de ne pas songer à ce qu'il ne veut pas songer.... mais il y en a qui n'ont pas le pouvoir de s'empêcher de songer, et qui songent d'autant plus qu'on leur défend
de Blaise PASCAL dans Pens. XXV, 20, éd. HAVET.
Songez.... non, ne songez à rien, laissez-moi tout songer dans mes grandes allées, dont la tristesse augmentera la mienne
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 56
Je ne songe et je ne respire que l'honneur de vous revoir
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 15 juin 1680

REMARQUE

1
1. Songer de, c'est faire un songe sur. Songer à, c'est avoir en l'idée, avoir en vue.
2
2. Du temps de Vaugelas, des puristes condamnaient songer employé au sens d'avoir en l'idée ; mais dès lors les meilleurs auteurs s'en servaient.

SYNONYME

1
SONGER, PENSER. Songer indique plus particulièrement que la pensée roule dans l'esprit depuis plus ou moins de temps. Penser indique simplement l'existence de la pensée.

HISTORIQUE

1
XIe s.
Sunjat qu'il eret [était] al gregnor port de Fize
dans Ch. de Rol. LX
2
XIIIe s.
Lors commenceras à plorer, Et diras : Diex ! ai-je songié ?
dans la Rose, 2459
Un en i ot [à Antioche] plus riche, n'avoit laiens son per, Sis tors [six tours] ot à baillier et la porte et l'entrer ; Cil sonjoit toute nuit, quant devoit reposer, Que Diex venoit à lui visiblement parler
dans Ch. d'Ant. VI, 324
Et il sompnera tousjours pluves et rivieres
de ALEBRANT dans f° 16 (et, plus bas, songera).
Et en songe furent les sept vaches et les sept espis que Pharaons sonja
de Brunetto LATINI dans Trésor, p. 54
Li bien d'amours sont tout trespas de vent ; Tost sont passé ; on n'i fait fors songnier
dans Bibl. des ch. 4e série, t. V, p. 16
3
XVe s.
Nuit et jour je la sonjoie, La veoye Parler, aler et venir
de Charles D'ORLÉANS dans Rondeau.
Je m'en vais chausser mes souliers, et puis je ne songerai [tarderai] plus guere que je ne parte
de LOUIS XI dans Nouv. XCIII
Ceste fantaisie nouvelle Me faisoit songer en veillant, Qui est chose desnaturelle
de Alain CHARTIER dans Oeuvr. p. 724
4
XVIe s.
Les filles prophetizeront, les jeunes gens verront visions, et les anciens songeront songes
de Jean CALVIN dans Instit. 1151
Veillez, veillez pour pleurer cette perte : Ou, si dormez, en dormant songez-la ; Songez la mort, songez le tort qu'elle a
de Clément MAROT dans III, 299
Anne ma soeur, helas dont me surviennent Tant de songers, qui douteuse me tiennent ?
de Joachim DU BELLAY dans IV, 6, verso.
Iray-je songer au bransle du monde ?
de Michel de MONTAIGNE dans I, 174
Aulcuns nous songent deux ames, d'aultres deux puissances qui...
de Michel de MONTAIGNE dans II, 6
Mais il se songea [s'avisa] de....
de Bonaventure DESPÉRIERS dans Contes, LX.
Encore y en avoit il [à Athènes] qui songeoient desjà à conquerir la Thoscane
de Jacques AMYOT dans Péric. 42
Il ne songeoit d'autre chose la nuit en dormant, et ne parloit d'autre chose le jour avec ses amis en veillant
de Jacques AMYOT dans Marcell. 46
Tousjours truye songe bran
de Randle COTGRAVE dans
Par trop songer cerveau ronger
de Antoine LE ROUX DE LINCY dans Prov. t. II, p. 367

ÉTYMOLOGIE

1
Wallon, songî ; Berry, sunger, chonger ; bourg. sogeai ; prov. somjar, sognar, sompnhar, sompniar ; cat. somiar ; esp. soñar ; port. sonhar ; ital. sognare ; du lat. somniare, qui vient de somnium, songe. Dans songer il y a deux sens : faire un songe, et penser à ; le second de ces sens peut sans doute provenir du premier ; mais il y a eu aussi une influence de songe au sens de soin : XIIe s.
Par com grant songe l'om doit enquerre les pechiez
dans Job, p. 511

Synonymes de SONGER

Termes proches de SONGER