Définition de JURER

DÉFINITIONS - PROVERBES - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : ju-ré

DÉFINITIONS

1
Prendre, par serment, Dieu, ou quelqu'un, ou quelque chose à témoin.
Jurant même la mer et ses vagues profondes
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Élég. V
Je jure les rayons du jour qui nous éclaire Que tu ne mourras point que de la main d'un père
de Pierre CORNEILLE dans le Ment. V, 3
Moi, je jure des dieux la puissance suprême, Et, pour dire encor plus, je jure par vous-même
de Pierre CORNEILLE dans Pomp. v, 1
Le Dieu que j'ai juré connaît tout, entend tout
de Pierre CORNEILLE dans Théod. II, 4
Et l'assembleur de nuages Jura le Styx, et promit De former d'autres orages
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VIII, 20
Je jure les puissances De l'Olympe et du Styx, il en sera parlé
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. XI, 3
...je vous jure ma foi qu'invoquer saints....
de Jean de LA FONTAINE dans Orais.
Je jure le ciel que je le défendrai ici contre qui que ce soit.... et, pour adresser vos coups, il faudra que vous me perciez
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Festin, III, 5
Jurer ses grands dieux, affirmer de la façon la plus formelle.
Temple assura qu'elle ne regardait plus Rochester que comme un monstre de perfidie, et jura ses grands dieux qu'elle ne l'écouterait de sa vie
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 10
2
Assurer, promettre quelque chose par serment. Jurer fidélité au souverain. Il a juré de dire la vérité.
Ils [les Vaudois] défendaient de jurer pour rendre témoignage à la vérité devant le magistrat ; et en même temps ils juraient tout ce qu'on voulait pour tenir leur secte et leur croyance cachées
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Var. XI, § 48
Avec nous tu juras une sainte alliance
de Jean RACINE dans Esth. I, 4
Va lui jurer la foi que tu m'avais jurée
de Jean RACINE dans Andr. IV, 5
Idoménée et les autres rois jurent la paix
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Tél. X
Viens au pied de l'autel Me jurer à genoux un hommage éternel
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Mérope, vV 2
Correa terminait une guerre vive avec le roi de Pégu, et les deux partis devaient jurer l'observation du traité sur les livres de leurs religions ; Correa jura sur un recueil de chansons, et crut éluder un engagement par ce vil stratagème
de Guillaume Thomas, abbé RAYNAL dans Hist. phil. I, 24
3
Promettre fortement et comme par une espèce de serment.
Et jure à tous les deux des respects immortels
de Pierre CORNEILLE dans Pomp. V, 6
Ma bouche mille fois lui jura le contraire
de Jean RACINE dans Brit. II, 3
Hé quoi ! vous me jurez une éternelle ardeur, Et vous me la jurez avec cette froideur ?
de Jean RACINE dans Bérén. II, 4
Un reste de honte de violer nos promesses, un moment après que nous venions de les jurer aux pieds des autels, nous a soutenus les premiers jours
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Pâques.
Se jurer, jurer l'un à l'autre.
Conforme à cette amitié que vous vous êtes jurée
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 37
4
Résoudre fermement une chose, et comme si on en avait fait le serment.
Votre perte est jurée
de Pierre CORNEILLE dans Héracl. III, 1
Je sais bien qu'Amurat a juré ma ruine
de Jean RACINE dans Bajaz. I, 1
S'il est vrai qu'en ces lieux ma honte soit jurée
de CRÉBILLON dans Électre, I, 6
5
Blasphémer. Il ne fait que jurer le nom de Dieu. Jurer Dieu.
6
Nature : V. n. Faire serment. Il a juré faux.
Quiconque jure par le temple et par celui qui y habite
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Év. St Math. XXIII, 21
Ils craignaient Dieu, juraient en son nom
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. II, 3
On jure par plus grand que soi, c'est-à-dire on jure par son souverain, par son juge.... on jure par quelque chose d'immuable
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Polit. VII, V, 17
Ainsi que par César, on jure par sa mère
de Jean RACINE dans Brit. I, 2
Pour moi, qui le premier secondai vos desseins, Qui fis même jurer l'armée entre ses mains
de Jean RACINE dans ib. III, 3
J'en jure par les ondes du Styx
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Tél. VII
Il [Amilcar] me fit jurer [à moi Annibal] sur les autels, à l'âge de neuf ans, que je serais jusqu'à la mort ennemi des Romains
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Dial. des morts anc. 37
Jurez donc avec moi, jurez sur cette épée, Par le sang de Caton, par celui de Pompée
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Mort de Cés. II, 4
Il ne parierait pas, mais il en jurerait, locution qu'on attribue à ceux qui tiennent plus à l'argent qu'à un serment.
Je ne le parierais pas, mais j'en jurerais
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Écoss. II, 3
Sans complément.
Le président [du bureau d'élection] nous donna des billets... mais il fallait jurer d'abord ; nous jurâmes tous, nous levâmes la main de la meilleure grâce du monde et en gens exercés
de Paul Louis COURIER dans Lett. partic. II
Sémantique : Par extension.
Un honnête homme qui dit oui ou non mérite d'être cru ; son caractère jure pour lui, donne créance à ses paroles, et lui attire toute sorte de confiance
de Jean de LA BRUYÈRE dans V
Ne jurer que par quelqu'un, le croire en tout.
Vous étiez la coqueluche ou l'entêtement de certaines femmes qui ne juraient que par vous et sur votre parole
de Jean de LA BRUYÈRE dans V
Dès ce moment on ne jura plus dans l'hôtel de Son Excellence que par le seigneur Guzman
de Alain René LESAGE dans Guzman d'Alfar. III, 9
Jurer sur la parole du maître, accepter aveuglément tout ce que le maître dit.
On a dit en un sens analogue : jurer pour.
Il n'y a que la populace réfugiée et les ministres du tiers état, dont le nombre est vingt fois plus grand que celui des bonnes têtes et des savants, qui jurent pour lui [Jurieu]
de BAYLE dans Lett. à Minutoli, 27 août 1691
7
Promettre fortement comme par une espèce de serment.
Mon Dieu ! ne jurez point, de peur d'être parjure
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Éc. des f. IV, 8
Comme s'il eût juré de me poursuivre partout
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 8
Les janissaires jurèrent sur leur barbe qu'ils n'attaqueraient point le roi, et qu'ils donneraient les trois jours qu'il demandait
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Charles XII, 6
8
Affirmer comme par une espèce de serment.
Souvenez-vous.... Que c'est être à demi ce que l'on vient de dire, Que de vouloir jurer qu'on ne le sera pas
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Éc. des f. IV, 8
Quittez cette ingrate princesse Dont la haine a juré de nous troubler sans cesse
de Jean RACINE dans Alex. IV, 4
Il s'éleva un grand murmure ; Cicéron s'arrêta un moment ; et, renforçant sa voix noble et sonore, il dit pour toute harangue : je jure que j'ai sauvé la patrie ; l'assemblée enchantée s'écria : nous jurons qu'il a dit la vérité
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Dict. phil. Cicéron.
De fort savants esprits jurent sur leur salut Que vous êtes sur terre un fils de Belzébut
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Loi nat. 3e part.
Je vous jure, c'est-à-dire je vous affirme, je vous proteste.
Ce moi, plus tôt que moi, s'est au logis trouvé, Et j'étais venu, je vous jure, Avant que je fusse arrivé
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Amph. II, 1
Ah ! vous m'avez fait, je vous jure, Et trop de grâce et trop d'honneur, Quand vous dites....
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. roi de Prusse, 29 août 1742
Je ne jurerais pas, je ne voudrais pas jurer, c'est-à-dire je n'affirmerais pas.
Nous allons demain à Rennes ; on fait de si grands préparatifs pour nous recevoir, que je ne voudrais pas jurer que nous ne fussions nommées dans le Mercure galant
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 446
Malgré tout cela, je ne voudrais pas jurer que ma discrète mère n'eût point un troisième galant de race roturière
de Alain René LESAGE dans Guzm. d'Alfar. I, 4
On jurerait, c'est-à-dire on affirmerait, on se persuaderait.
On aurait juré que c'était une terre véritable
de Jacques Henri BERNARDIN DE SAINT-PIERRE dans Harm.
Jurer de, assurer, affirmer fortement.
Vous avez beau faire la garde, j'en ai juré, elle sera à nous
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Sicil. 9
Et l'on ne doit jamais jurer, sur de tels cas, De ce qu'on pourra faire ou bien ne faire pas
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Éc. des f. I, 1
Il ne faut jurer de rien, il ne faut jamais répondre de ce qu'on fera, ni de ce qui peut arriver.
Laisse faire le temps et ne jure de rien
de Thomas CORNEILLE dans l'Amour à la mode, I, 5
9
Jurer, faire des serments sans nécessité, par emportement, par mauvaise habitude. On ne croit pas ceux qui jurent tant.
10
Faire des jurements, blasphémer. Jurer comme un païen, comme un charretier.
Le voilà qui déteste et jure de son mieux
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VI, 18
Morbleu ! - vous jurez, monsieur, vous jurez, vous me faites trembler
de Florent Carton, sieur d'Ancourt, dit DANCOURT dans Bourg. à la mode, IV, 5
Je jure très joliment, et personne ne prononce mieux que moi un ventrebleu, un diable m'emporte, un la peste m'étouffe
de BOISSY dans Franç. à Londres, sc. 15
Monsieur jure après nous ; Mais à tout qu'il se fasse ; Du livre des époux Il n'est qu'à la préface
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Soir des noces.
Il est quelquefois actif en ce sens. Il jura un gros mot.
11
Produire une discordance comparée à un jurement, en parlant de choses dont l'union est choquante. Le vert jure avec le bleu.
Comme des couleurs mal assorties, comme des paroles qui jurent et qui offensent l'oreille
de Jean de LA BRUYÈRE dans VI
Un mari qu'on aime ! cela jure dans le grand monde ; on ne sait ce que c'est
de DALLAINVAL dans Éc. des bourg. I, 12
12
Faire entendre un son aigre, désagréable, en parlant d'instruments de musique.
....Son aigre fausset Semble un violon faux qui jure sous l'archet
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. III
La qualité d'avoir appris de son père à faire jurer une discordante guitare
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Lett. pers. 78
Hindfort, et vous Ginkel, vous dont le nom barbare Fait jurer de mes vers la cadence bizarre
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. roi de Pr. 29 juin 1741
13
Il se dit d'un grondement sourd que fait entendre le chat lorsqu'il est irrité.
14
Se jurer, Nature : v. réfl. Être assuré par serment. La paix se jura entre les deux adversaires.

PROVERBES

1
Exemple : S'il ne tient qu'à jurer, la vache est à nous, se dit d'un homme sans foi à qui un faux serment ne coûte rien.
2
Exemple : On vous croit sans jurer, se dit à celui qui affirme une chose connue.

HISTORIQUE

1
IXe s.
Si Lodhwigs sagrament quae son fradre jurat, conservat [garde le serment qu'il jure à son frère]....
dans Serment
2
XIe s.
S'il nel pot truver, si jurrad que....
dans Lois de Guill. 4
Guenes li fels a nostre mort jurée
dans Ch. de Rol. CXI
[Olivier] Qui me jura come sa pair [femme] à prendre
dans ib. CCLXX
3
XIIe s.
Il vous estuet [vous faut] trestouz sur sainz jurer
dans Ronc. p. 157
Il jure Deu, qui tout a à garder
dans ib. 185
Et d'ambes parz [des deux côtés] très bien jurer et fiancier Que ne feront jamais guerre recommencier
dans Sax. IV
En cel contemple ad fait li reis Henris jurer Henri son fil à rei, e sil fist coruner
dans Th. le mart. 68
E cil li jurerent que il ne savoient où Judas estoit
dans Machab. II, 14
4
XIIIe s.
Bien en poés estre asseür ; La rien que plus aim [je] vous en jur [j'en jure par celle que j'aime le plus]
dans Fl. et Bl. 2445
Et tant nous retrait li livres, que il ne furent, par devers la partie as François, que douze qui le serement jurassent, ne plus n'en porent avoir de [que] ces douze
de Geoffroi de VILLEHARDOUIN dans LIII
Et li Grieu [Grecs] li jurerent la feauté qui mauvaisement fu tenue
de Geoffroi de VILLEHARDOUIN dans CLI
Je vous pri sur la foy que vous m'avez jurée
dans Berte, XVI
Tant i ot de croisiés, Bien près de deux cent mil, qui tout jurent lor chiés [par leurs têtes], Que, se Jhesus lor laisse outre la mer nagier, Chascuns se penera de Mahon laidengier [mettre à mal]
dans Ch. d'Ant. I, 884
Qui lors veïst le lion braire, Par mautalent ses crins detraire, Et jurer la vie et la mort....
dans Ren. 10439
Et puis li rei se lieve et jure au patriarche un tel seirement....
dans Ass. de Jérus. I, 29
Une chose soit ton affermer et ton jurer
de Brunetto LATINI dans Trésor, p. 405
Je fus bien XXII ans en sa compaignie [de Louis IX], que onques Dieu ne li oy jurer ne sa mere, ne ses sains
de Jean, PRINCE DE JOINVILLE dans 293
Nous voulons et establissons que touz nos prevos et nos baillifs se tiegnent de jurer parole qui tiengne au despit de Dieu
de Jean, PRINCE DE JOINVILLE dans 295
5
XIVe s.
J'ay par mon ire esmeu plusieurs à jurer moult vilainement et de moult vilains sermens
dans Ménagier, I, 3
6
XVe s.
Et les jurerent [les trêves] le roi d'Angleterre et le duc de Normandie à tenir
de Jean FROISSART dans I, I, 211
Gautier de Passac avoit juré l'ame de son pere que nuls n'en seroient pris à merci ne à rançon
de Jean FROISSART dans II, III, 23
7
XVIe s.
Il jura de s'en venger
de Michel de MONTAIGNE dans I, 22
Ennemy juré de....
de Michel de MONTAIGNE dans I, 103
Le secret que j'ay juré ne deceler à nul autre
de Michel de MONTAIGNE dans I, 217
Une assemblée notable seroit requise pour mieux deliberer de toutes choses, et jurer ce qui auroit esté arresté
de Francois LANOUE, dit Lanoue Bras de Fer dans 400
Qui jure trop, il se damne
de Antoine LE ROUX DE LINCY dans Prov. t. II, p. 394
Hé cors Dieu !... - Comment, dist Ponocrates, vous jurez, frere Jan ? - Ce n'est, dist le moyne, que pour orner mon languaige ; ce sont couleurs de rhetorique ciceroniane
de François RABELAIS dans II, 39

ÉTYMOLOGIE

1
Provenç. et espagn. jurar ; ital. giurare ; du lat. jurare, de jus, juris, le droit. Jus tient au radical yu, lier (voy. JOINDRE, JOUG) ; jurare, pour jusare, en est le dénominatif ; l'u (u long) dans jus (u long) et jurare (u long) est pour le primitif jous, qui représente le gouna de l'u de yu ; comparez ducem (u bref), ducere (u long).

Synonymes de JURER

Termes proches de JURER