Définition de HAÏR
Prononciation : ha-ir
DÉFINITIONS
1
Avoir pour quelqu'un un sentiment qui fait que nous lui voulons du mal.Rodrigue : Ton malheureux amant aura bien moins de peine à mourir de ta main qu'à vivre avec ta haine. - Chimène : Va, je ne te hais point
de Pierre CORNEILLE dans Cid, III, 4
Fais-toi des ennemis que je puisse haïr
de Pierre CORNEILLE dans Hor. I, 1
...Je hais tous les hommes, Les uns parce qu'ils sont méchants et malfaisants, Et les autres pour être aux méchants complaisants
Et jusqu'à je vous hais, tout s'y dit tendrement [dans les pièces de Quinault]
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. III
Vous me haïssez trop pour ne me plus aimer
de BOURSAULT dans Ésope à la cour, II, 1
Et je souhaiterais, dans ma juste colère, Que chacun le haït, comme le hait son père
de Jean RACINE dans Théb. I, 5
L'on hait avec excès lorsque l'on hait un frère
de Jean RACINE dans ib. III, 6
Ah ! je l'ai trop aimé, pour ne point le haïr
de Jean RACINE dans Andr. II, 1
Si je la haïssais, je ne la fuirais pas
de Jean RACINE dans Phèdre, I, 1
Quand vous me haïriez, je ne m'en plaindrais pas
de Jean RACINE dans ib. II, 5
Mais le roi qui le hait, veut que je le haïsse
de Jean RACINE dans Iphig. V, 1
Je l'aime [Mme de Montespan], et ne puis me persuader qu'elle me haïsse
Regretter ce qu'on aime est un bien, en comparaison de vivre avec ce qu'on hait
de Jean de LA BRUYÈRE dans IV
Tel vous aime, dit-il, n'en croyez rien, il ment ; Vous dit-on qu'on vous hait, croyez-le aveuglément
de DUFRÉNY dans Réconc. norm. II, 7
Albert : Vous ne m'aimez donc pas ? - Agathe : Non, mais, en récompense, Je vous hais à la mort
Il y a des hommes dont il est glorieux d'être haï
de Denis DIDEROT dans Claude et Nér. II, 2
On ne hait pas toujours ceux qu'on rend malheureux
de LA CHAUSSÉE dans Mélanide, V, 2
Et, pour se rassurer, en vain il [Louis XI] sacrifie Ceux qu'il hait, ceux qu'il craint, ceux dont il se défie
de MASSON dans Helv. II
Haïr quelqu'un ou quelque chose comme la peste, comme la mort, le haïr extrêmement.
En un sens particulier, haïr quelqu'un de, lui en vouloir à cause de.
Mais je hais vos messieurs de leurs honteux délais
Nature : Absolument.
Je hais quelquefois Et moins que je ne veux et moins que je ne dois
de Pierre CORNEILLE dans Sertor. III, 4
Dire qu'on ne saurait haïr, N'est-ce pas dire qu'on pardonne ?
Quand il hait une fois, il veut haïr toujours
de Jean RACINE dans Théb. II, 3
....il faut désormais que mon coeur, S'il n'aime avec transport, haïsse avec fureur
de Jean RACINE dans Andr. I, 4
On a dit en latin qu'il coûte moins cher de haïr que d'aimer
de Jean de LA BRUYÈRE dans IV
Vous qui croyez que ne pas perdre vos ennemis, c'est leur pardonner, et qui bornez la loi qui vous ordonne d'aimer, à ne haïr qu'avec mesure
Haïr est le tourment le plus affreux de tous
de LA CHAUSSÉE dans Gouvern. II, 6
Et pourquoi, monsieur, voulez-vous haïr quelqu'un ? la peine est toute du côté de celui qui hait
de LEGRAND dans le Philanthrope, sc. 14
Faire haïr, rendre odieux ; se faire haïr, se rendre odieux. Cela le fit haïr de ses voisins. Ce roi s'est fait haïr de ses sujets. Vous lui faites baïr ceux qu'il devrait aimer.
Faire haïr se construit aussi avec la préposition à.
Quel horrible péché me fait haïr des cieux, DESPORTES, ; je dirais plutôt haïr aux cieux ; et, de fait, on dit : Vous me l'avez fait haïr ; or, qui doute que me ne soit datif, comme : Vous me donnez ; on dit : Cette action l'a fait haïr au roi ; cela l'a fait haïr à tous ceux qui l'aimaient
de François de MALHERBE dans Comment. sur Desportes, Oeuvres, t. IV, p. 347
2
En parlant des choses, avoir de l'aversion, de la répugnance.Il n'aimait que la chasse et haïssait fort l'étude
de Paul SCARRON dans Rom. com. I, 13
Je hais ce qui est faux
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 507
Haïr mon âme, dit saint Augustin, c'est, dans le sens de l'Évangile, haïr mes propres haines et mes propres affections
de BOURDALOUE dans 3e dim. après la Pentecôte, Dominic. t. Il, p. 370
Je ne peux pas savoir auparavant Si j'aimerai le mariage ; Mais je sais bien que je hais le couvent
de IMBERT dans Jaloux sans amour, II, 5
Il se dit quelquefois des choses dont on reçoit quelque incommodité. Haïr le froid, le chaud.
Haïr que, avec le subjonctif.
M. de la Vallière est mort je ne sais comment ; je hais toujours que les hommes aient mal au derrière ; on lui a fait plusieurs opérations....
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 16 oct. 1676
3
Haïr à, avec un infinitif. Avoir de la répugnance pour.Je hais mortellement à vous parler de tout cela ; pourquoi m'en parlez-vous ? ma plume va comme une étourdie
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 440
Tel qui hait à se voir peint en de faux portraits, Sans chagrin voit tracer ses véritables traits
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Épît. IX
Ils haïssent autant à les voir [les femmes] avec de la céruse sur le visage, qu'avec de fausses dents
de Jean de LA BRUYÈRE dans III
4
Haïr avec la négation s'emploie familièrement dans le sens d'aimer assez, et alors il prend à ou de quand il est suivi d'un infinitif.Elles ne haïssent pas de primer dans ce nouveau genre de vie
de Jean de LA BRUYÈRE dans III
Des défauts dont nous ne haïssons pas à être raillés
de Jean de LA BRUYÈRE dans V
La bonne dame ne haïssait pas le vin d'Espagne
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 9
Peut-être ne haïssez-vous pas des abus qui vous laissent tranquilles
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Car. Mélange.
Mais à quoi jugez-vous que la comtesse ne le hait pas ?
de Pierre de MARIVAUX dans le Legs, I
Si je n'étais pas canusi [prêtre du Japon], je ne haïrais pas d'être quaker
Je ne hais pas à garder les dindons
Le bon vin me paraît une excellente chose, et je ne hais point à m'en égayer
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Hél. I, 23
5
Se haïr, Nature : v. réfl. Avoir de la haine pour soi.Je me hais de te voir ainsi mésestimée
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Élégie II
Excuse un malheureux qui perd tout ce qu'il aime, Que tout le monde hait et qui se hait lui-même
de Jean RACINE dans Andr. III, 8
Sémantique : En termes de religion, se haïr soi-même, haïr en soi la nature humaine.
Nulle autre religion [que la chrétienne] n'a proposé de se haïr ; nulle autre religion ne peut donc plaire à ceux qui se haïssent et qui cherchent un être véritablement aimable
Ils [ceux qui croient] ne veulent aimer que Dieu, ils ne veulent haïr qu'eux-mêmes
de Blaise PASCAL dans ib. XIII, 7
Avoir une haine réciproque. Cessez de vous haïr.
REMARQUE
1
1.Ce fut Joachim du Bellay, au XVIe siècle, qui se permit l'un des premiers de dire je hais pour je haïs. Il en fut repris par Charles Fontaine, l'un de ses contemporains
de GÉNIN dans Variations du langage
2
2. Voltaire a deux fois manqué à aspirer l'h :Je meurs au moins sans être haï de vous
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Enf. prod. IV, 3
Aurait rendu comme eux leur dieu même haïssable
HISTORIQUE
1
XIe s.Sous ciel n'a home que tant [il] voille haïr
dans Ch. de Rol. XCIII
2
XIIe s.Dient Paien : cist mout fait à hahir
dans Ronc. p. 74
Paien s'en fuient, qui heent la meslée
dans ib. p. 146
En lui [elle] [il y] a tant de vigor Qu'el hée sa deshonor
dans Couci, I
Que vivre irez [irrité] et m'amie haïr
dans ib. IX
Pour ce [je] me hé et sui mes malveillanz
dans ib. X
Mais cil quatre felun e li Deu enemi [les ennemis de Dieu], Pur lur malvaise vie furent de Deu haï
dans Th. le mart. 136
Tus ceus qui cest conseil li dunerent harra [il haïra]
dans ib. 29
Biax niés [beau neveu], dist-il, molt par ies de haut pris [tu es de très haut prix], Bien hez de cuer trestoz tes anemis
dans Raoul de C. 209
E il avoit coraige de hayr le mal
dans Machab. II, 3
3
XIIIe s.Et se vos me laissiés, li Grieu me heent durement pour vos, et je reperdrai la terre
de Geoffroi de VILLEHARDOUIN dans LXXXVIII
Tant [elle] fist que mortalment partout se fist haïr
dans Berte, LXIII
Isabel et Aiglente que Berte ne het mie
dans ib. CXXVIII
Ainsi estoit sa fille au royaume haïe
dans ib. LXXII
Ne sai beste fors que Brun l'ors Que je tant hace conme vos, Mais vos hai-ge de fine mort
dans Ren. 20419
Et cil qui povres apparront, Lor propres freres les harront
dans la Rose, 8218
Li guerredons soit tels qu'ele me die : Amis, bien sai que [vous] ne me haez mie
de LE ROI JEAN DE BRIENNE dans Romanc. p. 141
Haï me vous [me haïssez-vous] que tant vous travailliez, Qu'aie mari et de ci me chassiez ?
dans Romanc. p. 74
Des or mais haic je ceste vie, Quant j'ai perdu ma douce amie
dans Fl. et Bl. 784
.... Ce estoit la femme que vous plus haiés, et vous en portez tel duel [deuil]
de Jean, PRINCE DE JOINVILLE dans 281
4
XIVe s.De moi [il] ne prenderoit ne or fin ne argent ; Car il me het à mort, il a jà longuement
dans Guesclin. 11236
Et j'ay bien oï dire quatorze ans accomplis, Que d'un enfant haï n'a biau jeu ne biaus ris
dans Baud. de Seb. XI, 80
5
XVe s.Et quand il rencontroit un homme qu'il heoit ou qu'il avoit en soupçon, il estoit tantost tué....
de Jean FROISSART dans I, I, 65
La chose du monde que plus il hayoit en son cueur, c'estoit la maison d'Yorth
de Philippe de COMMINES dans I, 5
6
XVIe s.Amy de paix, zelateur de justice, Hayant debatz, inventeur de concorde
de Jean des Mares ou Des Marets, dit Jean MAROT dans V, 152
Pour ceste foy serez persecutez, Hays du monde, à mort executez
de Jean des Mares ou Des Marets, dit Jean MAROT dans I, 271
Ainsi chascun, quelque part que tu sois, Hait et hairra ta fausse progenie
de Jean des Mares ou Des Marets, dit Jean MAROT dans IV, 159
Je hay la finesse
de Michel de MONTAIGNE dans I, 96
Aimez le [l'ami] comme ayant quelque jour à le haïr ; haïssez le [l'ennemi] comme ayant à l'aimer
de Michel de MONTAIGNE dans I, 215
Je hais à mort de sentir au flatteur
de Michel de MONTAIGNE dans I, 292
Les Gaulois haïssoient ces armes traistresses
de Michel de MONTAIGNE dans I, 363
Les medecins hayent les hommes sains, Car rien par eux ne leur est presenté
de ST-GELAIS dans 107
Quiconque soit celuy qu'en vivant il languisse, Et de chacun hay luy mesme se haysse
de Pierre de RONSARD dans 191
Oncques n'ayma bien qui pour si peu haït
de Randle COTGRAVE dans
ÉTYMOLOGIE
1
Wall. hére, hêre ; du germanique : gothique, hatan, haïr ; anglo-sax. hatian ; anc. sax. hetian ; allem. mod. hassen ; angl. to hate. La forme en ir indique que le mot vient plus particulièrement de l'anglo-saxon hatian ; le t est tombé comme tombe le t ou le d dans meür, du latin maturus, ouïr du latin audire, etc.