Définition de ENFLER

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : an-flé

DÉFINITIONS

1
Remplir de souffle, d'air.
Viendrai-je, en une églogue entouré de troupeaux, Au milieu de Paris enfler mes chalumeaux ?
Grossir, en remplissant d'air, de gaz. Enfler un ballon. Enfler ses joues.
De tels bienfaits enflent la bouche de la renommée
Le vent enfle les voiles, il les rend tendues par le souffle.
Le génie qui m'inspirait m'abandonna ; mon esprit et mon âme tombèrent languissants comme les voiles d'un navire auquel tout à coup manque le vent qui les enflait
Il voit les passions, sur une onde incertaine, De leur souffle orageux enfler la voile humaine
Sémantique : Fig. Enfler les voiles, se dit de ce qui favorise, fait avancer. Le vent de la faveur enflait leurs voiles.
Grossir en remplissant d'un liquide. L'eau enfle le ventre d'un hydropique.
Les efforts que le petit homme avait faits pour tirer son pied hors du pot l'avaient enflé
Tes prés [de la France] enflent de lait la féconde génisse
de André CHÉNIER dans Hymne à la France.
2
Sémantique : Fig. Faire paraître plus grand par une sorte d'enflure.
Bien différent de ceux qui rassemblent le plus de titres qu'ils peuvent et qui croient augmenter leur mérite à force d'enfler leur nom
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Hartsoeker.
Aussitôt.... tu verras poëtes, orateurs.... De tes titres pompeux enfler leurs dédicaces
3
Enfler la voix, un son, les renforcer.
Chasseur, tu rapportes ta bête, Et de ton cor enfles le son
de Pierre Jean de BÉRANGER dans D. chasse.
4
Augmenter par l'afflux d'un liquide. Les pluies ont enflé la rivière.
Sémantique : Fig.
De mille exploits fameux enfler ma renommée
Qu'importe de mon coeur, si je suis mon devoir, Et si mon hyménée enfle votre pouvoir ?
Dès l'abord il sut vaincre, et j'ai vu la victoire Enfler de jour en jour sa puissance et sa gloire
de Pierre CORNEILLE dans ib. v, 1
Ma voix, depuis dix ans qu'il commande une armée. A-t-elle refusé d'enfler sa renommée ?
Nous avons beau enfler nos conceptions, nous n'enfantons que des atomes
de Blaise PASCAL dans dans COUSIN
La pluralité des titres que vous possédez et qui enflent si fort votre revenu
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Confér. Reven. ecclésiast.
5
Exagérer, surfaire. Enfler la dépense.
On leur exagère toujours les inconvénients d'un état où l'intérêt d'une maison ne les demande pas ; on leur enfle les avantages et les agréments de celui auquel on les destine
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Car. Vocat.
Pas davantage, suivant notre calcul, que j'ai un peu enflé
Il y a apparence que ce prince [l'empereur Macrin] enflait les choses
M. Adam ignorait et cachait son mérite avec le même soin que tant d'autres se donnent pour étaler et pour enfler le leur
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Éloges, Jacq. Adam.
On ne m'accusera pas d'enfler mes mémoires
Sémantique : Terme de pratique. Enfler le cahier, les rôles, y mettre des choses inutiles, afin de les allonger et de se faire payer plus cher.
6
Donner plus de force à certains sentiments.
Ses satrapes enflaient ses espérances
de Claude Favre de VAUGELAS dans Q. C. liv. III, dans RICHELET
Cela enfle le courage des Tyriens
de Claude Favre de VAUGELAS dans ib. IV, dans RICHELET
Ne porter qu'un faux jour dans son obscurité, C'était de ce prodige enfler la cruauté
Non, j'ai peint votre coeur dans une indifférence Qui n'enfle d'aucun d'eux, ni n'abat l'espérance
L'orgueil de ma naissance enfle encor mon courage
[Il] Enfle l'avidité de mes ressentiments
Inspirer de l'orgueil, de la confiance, de la présomption.
Ce nouvel éclat de votre dignité Lui doit enfler le coeur d'une autre vanité
La gloire de ce choix m'enfle d'un juste orgueil
Quand la gloire nous enfle, il sait bien comme il faut Confondre notre orgueil qui s'élève trop haut
de Pierre CORNEILLE dans ib. v, 1
Cette haute vertu dont le ciel et le sang Enflent toujours les coeurs de ceux de notre rang
Les bons succès nous enflent
Les richesses qu'ils ont acquises par le commerce et la force de l'imprenable ville de Tyr, située dans la mer, avaient enflé le coeur de ces peuples
Les sciences nous enflent, l'ignorance nous égare
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Prière 2
Nature : Absolument.
Vous allez donc voir.... la force confondue par la faiblesse, la science qui enfle céder à la simplicité qui édifie
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Panég. St Franç. de P.
7
Enfler son style, écrire d'une manière ampoulée.
8
Sémantique : Terme d'orfévrerie. Agrandir au marteau, sur la bigorne, les parties inférieures des pièces d'argenterie qui doivent former le ventre, comme aux pots à l'eau, aux cafetières.
9
Nature : V. n. Devenir plus gros. Avec de l'eau bouillante on fait enfler l'orge d'un tiers. Le bras piqué enflait à vue d'oeil.
Sa gorge enfle, et du sang dont le cours s'épaissit Le passage se ferme ou du moins s'étrécit
Mais qui fait enfler la Sambre Sous les jumeaux effrayés ?
Le lait enfle, il se soulève par l'action de la chaleur.
10
S'enfler, Nature : v. réfl. Devenir enflé. Le ballon s'enfla lentement.
Une grenouille vit un boeuf Qui lui sembla de belle taille ; Elle qui n'était pas grosse en tout comme un oeuf, Envieuse, s'étend, et s'enfle et se travaille
Il y a dans l'esprit comme un levain d'orgueil qui s'enfle et se dilate par la science
de Esprit FLÉCHIER dans Panég. II, 233
Les voiles s'enflent d'un vent favorable
Devenir tuméfié. Il se donna une entorse, et son pied s'enfla beaucoup.
Cette gorge qui s'enfle
Être soulevé.
L'onde s'enfle dessous [les vaisseaux], et d'un commun effort Les Maures et la mer montent jusques au port
Devenir plus gros, plus ample.
Par qui le monde entier.... L'a vu [le peuple de Rome] cent fois marcher sur la tête des rois, Son épargne s'enfler du sac de leurs provinces
Leur trésor n'a pas besoin de s'enfler des faibles débris d'une famille malheureuse
Tout à coup la flamme engourdie S'enfle, déborde ; et l'incendie Embrase un immense horizon
11
S'enorgueillir.
Voyez comme elle s'enfle et d'orgueil et d'audace
Certes, si je m'enflais de ces vaines fumées Dont on voit à la cour tant d'âmes si charmées
Que veraient-ils en eux qu'ils pussent estimer, S'ils voyaient devant toi ce qu'est leur chair fragile ? Comment souffriraient-ils qu'une masse d'argile S'enflât contre la main qui vient de la former ?
Ne vous enflez donc pas d'une si grande gloire
Le zèle qui prend sa source dans la charité, c'est un zèle doux et patient : il ne s'irrite point, il ne s'enfle point
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Confér. Zèle p. le sal. des âmes.
Nous autres juges, [nous] ne nous enflons pas d'une vaine science
Il était impossible que la plupart des jésuites ne s'enflassent du vent de ces deux hommes [le P. de la Chaise et le P. le Tellier], et qu'ils ne fussent aussi insolents que les laquais du marquis de Louvois
Être exagéré.
Il y a tant d'hommes naturellement outrés et dans la bouche desquels tout s'enfle, tout grossit, tout sort de la vérité simple et naturelle
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Car Pard. des off.
Prendre un ton, un style ampoulé.
Un poëte s'enfle, se guinde, Et se croit au sommet du Pinde Pour de grands mots vides de sens
de LAMOTTE dans Odes, t. I, p. 421, dans POUGENS

HISTORIQUE

1
XIIe s.
Mezine [médecine] ki seichet les enflées choses
dans Job, p. 507
[De peur] ke la science, cant ele conoist et n'aimet mie, n'enflet
dans ib. 443
Il ot enflé le vis et le menton
dans Ronc. p. 100
Un des convers as monies [chez les moines] (ne le m'unt pas nummé) Out mult esté grevé de grant enfermeté, E out d'idropisie le ventre mult enflé
dans Th. le mart. 94
2
XIIIe s.
Se la mers est enflée ou coie [paisible], Ja ne sera qu'on ne la voie [l'étoile polaire]
dans Lais inédits, p. III
Li rois Ricars ot moult le cueur enflé [jaloux] dou roi Philippe, qui avoit l'honneur d'Acre
dans Chron. de Rains, p. 42
Dans Pieres, li hermites seoit devant son tré [tente], Li rois Tafurs i vint, et moult de son barné [de ses barons], Plus en i ot de mil qui sont de faim enflé
dans Ch. d'Ant. v, 6
Science, quand elle enfle, est chose si parverse, Qu'elle envenime tout, se la boe n'est terse [essuyée]
Quant je vien à mon osté [logis], Et ma feme a regardé Derier moi le sac enflé
de COLIN MUSET dans dans Hist. littér. de la Fr. t. XXIII, p. 558
3
XIVe s.
Le cuer enflé à mal faire et dire
dans Ménagier, I, 3
Et celle lui ala son amour presenter, Tant qu'elle fu enchainte [enceinte], qu'elle prist à enfler
dans Baud. de Seb. VI, 293
4
XVe s.
Si ils [les Parisiens] fussent venus servir le roi au point où ils sont quand il alla en Flandre, ils eussent mieux fait ; mais ils n'en avoient pas la teste enflée
Et tous jours depuis commença la chose à enfler entre les dicts deux ducs
de FENIN dans 1410
5
XVIe s.
[Depuis Ronsard, etc.] je ne vois si petit apprenti qui n'enfle des mots, qui ne renge des cadences à peu prez comme eulx
de Michel de MONTAIGNE dans I, 190
Il trouva la riviere si enflée et courant si roide qu'il ne s'osa approcher du fil de l'eau
de Jacques AMYOT dans Rom. 4
Les prosperitez enflent et elevent le cueur à ceux mesmes qui l'ont petit de leur nature
de Jacques AMYOT dans Eumènes, 17
Ce Vatinius avoit des escrouelles au long du col, à raison de quoy Ciceron, l'ayant un jour ouy plaider, l'appella orateur enflé
de Jacques AMYOT dans Cicéron, 32
Gabinius eut peur de se mettre sur la mer qui estoit desja enflée, à cause que c'estoit la saison d'hyver
de Jacques AMYOT dans Anton. 10
Il dit à ceux-là, que, s'il ne pouvoit leur enfler le coeur avec des dementis, il leur enfleroit le visage par des soufflets
Dès lors Maurice enfloit ses troupes au lieu de les congedier

ÉTYMOLOGIE

1
Provenç. enflar, eflar, uflar ; espagn. inflar ; ital. infiare ; du latin inflare, de in, en, et flare, souffler.

Synonymes de ENFLER

Termes proches de ENFLER

Phonétiquement proche de ENFLER