Définition de BROUILLER

DÉFINITIONS - SYNONYME - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : brou-llé, ll mouillées, et non brouyé

DÉFINITIONS

1
Mettre pêle-mêle, mêler. On a brouillé mes papiers.
Un des noms reste encore, et le prélat par grâce Une dernière fois les brouille et les ressasse
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Lutr. I
Nature : Absolument.
Elles filaient si bien, que les soeurs filandières Ne faisaient que brouiller auprès de celles-ci
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. V, 5
Sémantique : Fig. Brouiller les cartes, semer la discorde, mettre le désordre. Dans le même sens :
Tu courus chez Satan brouiller de nouveaux fils
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. XI
Brouiller des oeufs, les battre et les mêler.
Brouiller du vin, remuer du vin dans un tonneau, dans une bouteille, de manière que le dépôt se mêle avec le vin, ce qui le trouble.
Brouiller le teint, en troubler l'uni et la fraîcheur.
Ma mère en est la cause ; et ce qu'elle me dit Me brouille tout le teint, me sèche et m'enlaidit
de Jean-François REGNARD dans Distrait, III, 1
Brouiller une serrure, la déranger.
2
Sémantique : Fig. Brouiller les affaires. Brouiller la vue. Brouiller l'esprit, les idées. L'amour lui a brouillé la cervelle.
Brouiller la populace
de Pierre CORNEILLE dans Perthar. III, 4
Elle brouille tout notre sort
de Pierre CORNEILLE dans Héracl. V, 1
Là ma douleur trop forte a brouillé ces images
de Pierre CORNEILLE dans Poly. I, 3
Je n'ai qu'à dire un mot pour brouiller bien des choses
de Pierre CORNEILLE dans Othon, IV, 1
Les soucis, les ennuis nous brouillèrent la tête
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat. VI
L'empereur Constance brouillait tout dans l'Église
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. II, 12
Les hommes brouillaient les idées qu'ils avaient reçues
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. II, 2
Hérode brouille toutes choses
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. II, 5
Les musiciens ont étrangement brouillé ces distinctions
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Ém. II
Ronsard qui le suivit, par une autre méthode, Réglant tout, brouilla tout, fit un art à sa mode
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art p. I
Non, non ; faisons toujours ce que le ciel prescrit, Et d'aucun autre soin ne nous brouillons l'esprit
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Tart. IV, 1
J'avais les plus belles pensées du monde, et vos discours m'ont brouillé tout cela
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Festin, I, 2
3
Brouiller quelqu'un, lui ôter la netteté de ses idées, l'embarrasser.
Ce mot de grâce me brouille, je n'y suis point accoutumé
de Blaise PASCAL dans Provinc. 4
Les détails frivoles de son domestique le brouillent comme les affaires les plus importantes
de VAUVENARGUES. dans La libéralité.
Sévère incessamment brouille ma fantaisie
de Pierre CORNEILLE dans Poly. III, 1
4
Confondre les choses en parlant.
Que nous brouilles-tu ici de ma fille ?
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans l'Avare, IV, 3
5
Brouiller du papier, barbouiller du papier, écrire des choses inutiles.
6
Désunir des amis. Ils s'efforçaient de me brouiller avec vous.
J'aurai pu jusqu'ici brouiller tous les chapitres
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Lutrin, I
Plus on veut les brouiller, plus on va les unir
de Jean RACINE dans Andr. I, 1
La déesse Discorde ayant brouillé les dieux, Et fait un grand procès là-haut pour une pomme
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VI, 20
Ah ! ne me brouillez point avec la république
de Pierre CORNEILLE dans Nicom. II, 3
7
Nature : V. n. Semer l'intrigue et le trouble.
Appréhendant que les Français tranquilles chez eux ne portassent du secours aux rebelles des Pays-Bas, il saisit avidement cette occasion de brouiller
de ANQUET. dans Ligue, II, 254
8
Se brouiller, Nature : v. réfl. Se troubler. devenir confus. Ma mémoire se brouille.
Les affaires de Babylone se brouillent ; et le temps marqué par les prophéties pour le rétablissement de Juda arrive parmi tous ces troubles
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. II, 4
Tout se brouille en Occident
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. I, 11
Les affaires de l'empire se brouillaient d'une terrible manière
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. I, 10
Les affaires parurent ensuite se brouiller un peu
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Relat.
Cela s'était brouillé dans ma tête
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 462
Les idées se brouillent dans l'esprit du monde le plus net
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Nouv. myst. 10
Le temps se brouille, le ciel se couvre de nuages ; et figurément :
Le jeudi, le temps se brouilla [les affaires allèrent mal]
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 12
Se brouiller en parlant, s'embarrasser, se troubler.
9
Cesser d'être ami. Il se brouilla avec tous ses parents.
Licinius se brouille avec lui
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. I, 10
Pompée et César s'unissent par intérêt et puis se brouillent par jalousie
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. III, 7
Se brouiller avec, renoncer à....
Et ne nous brouillons point avec nos bons destins
de Pierre CORNEILLE dans Sertor. IV, 2
Les jansénistes ne se brouillent ni avec la foi ni avec la raison
de Blaise PASCAL dans Prov. 2
Sémantique : Familièrement. Se brouiller avec la justice, faire quelque action qui expose à être poursuivi en justice.
Je n'ai pas l'esprit comme toi de me brouiller avec la justice
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Fourb. I, 2
10
Sémantique : Terme de manége. On dit qu'un cheval se brouille quand, trop ardent, il confond ses mouvements, ou quand il ne peut bien se manier par la faute de celui qui le monte.

SYNONYME

1
BROUILLER, EMBROUILLER. Brouiller est le simple, sans aucune idée accessoire ; aussi peut-il également s'employer en bien comme en mal : on brouille des drogues, on brouille des oeufs, c'est-à-dire on les mélange comme ces substances doivent être mélangées. Au contraire, embrouiller a toujours un sens défavorable : c'est porter un brouillement qui trouble et qui met le désordre. Puis, même dans les cas où ces deux verbes ont le même sens, c'est-à-dire expriment désordre et confusion, ils n'ont pas le même emploi : brouiller est encore ici plus général : on brouille toute espèce de chose, du vin, des papiers, du fil ; mais on n'embrouille que ce qui, étant brouillé, se trouve dérangé et mal en ordre. Par une conséquence analogue d'idées, embrouiller implique maladresse, malhabileté, ce que brouiller n'implique pas du tout : brouiller les affaires peut être un acte d'habileté, malfaisante sans doute, mais réelle ; tandis que embrouiller les affaires, c'est y porter le désordre par défaut d'intelligence et de lumières.

HISTORIQUE

1
XIIIe s.
Nus poissonniers de Paris ne puet ne ne doit brooueiller poisson, come morue salée, maqueriau salé et harenc blanc
dans Liv. des mét. 272
2
XVe s.
Meschant est qui te brouille [qui mêle le vin avec de l'eau] ; Je parle aux taverniers
de BASSELIN dans XVIII
Vecy un passage que je ne sçay comment tu feras passer ton acteur [auteur] parmi, sans estre broullié beaucop ; car il est moult estroit
de Georges CHASTELAIN dans Exposition sur verité.
Hélas ! avocats emparlés, Mainte fois nous avez brouillés, Et maintenus en plaidoyers
de Enguerrand de MONSTRELET dans Complainte du commun de France.
Il n'eut guere allé, avant que le ventre lui brouillast tellement qu'il fut contraint de....
de LOUIS XI dans Nouv. LXXIX.
3
XVIe s.
Combien qu'aujourd'hui beaucoup de sottes bestes se meslent de brouiller le papier
de Jean CALVIN dans 313
Soillez, broillez de leur sang, pluye et fanges
de Jean des Mares ou Des Marets, dit Jean MAROT dans V, 138
Peut estre aussi que les ans, Après un long et long aage, Par estrangers courtisans Brouilleront nostre langage
de Joachim DU BELLAY dans III, 34, recto.
Que l'eternelle tempeste Qui brouille dedans ma teste Mille tourbillons enclos
de Joachim DU BELLAY dans III, 78, recto.
Là fut le vase, où les sorts se brouilloient
de Joachim DU BELLAY dans IV, 40, verso.
.... car la guerre en avoit la serrure brouillée
de Joachim DU BELLAY dans VI, 33, recto.
Il bat et brouille l'eau pour d'aultres pescheurs
de Michel de MONTAIGNE dans I, 121
Les avirons desrobbant le vaisseau soubs nous, je me sens brouiller la teste et l'estomach
de Michel de MONTAIGNE dans IV, 4
Si ta force et vertu [du vin] surprend Et brouille nostre fantasie
de JEAN LEHOUX dans XII
Nous l'augmentons, et la brouillons encore d'avantage [la colère]
de Jacques AMYOT dans Comment refrén. la col. 42
Un vin brouillé et demy d'eau
de STRAPAROLE dans Nuits, t. II, p. 160, dans LACURNE SAINTE-PALAYE

ÉTYMOLOGIE

1
Provenç. bruelhar, brolhar, bruillar, bourgeonner, surgir ; catal. brollar, même sens ; ital. brogliare, brouiller, remuer ; d'après Diez, du même radical que breuil (voy. ce mot) ; la série des sens étant bourgeonner, surgir, pousser, remuer, troubler. On ne peut le rattacher à brouillard, qui, en raison de la forme brouas, ne concorde pas par les lettres, et qui n'a pas le sens de brouiller. Scheler, écartant le prov. brolhar, voit dans brouiller l'all. brudeln, bouillonner.

Synonymes de BROUILLER

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