Définition de TENTER

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : tan-té

DÉFINITIONS

1
Mettre en usage quelque moyen pour faire réussir ce qu'on désire, ce qu'on entreprend.
Il est beau de tenter des choses inouïes, Dût-on voir par l'effet ses volontés trahies
J'ai tenté les moyens d'acquérir son suffrage
Dans l'âme, elle [une prude] est du monde, et ses soins tentent tout Pour accrocher quelqu'un, sans en venir à bout
Les nations septentrionales, qui habitaient des terres froides et incultes, attirées par la beauté et par la richesse de celles de l'empire, en tentent l'entrée de toutes parts
La mort se déclare, on ne tente plus de remède contre ses funestes attaques
[Un homme] qui se mesure avec ses forces, qui entreprend les choses difficiles, et ne tente pas les impossibles
Ils eurent fait en peu de jours trois mille barques, et tentèrent le passage en divers endroits
D'abord il a tenté les atteintes mortelles Des poisons que lui-même a crus les plus fidèles
L'admission de M. Diderot à l'Académie ne me paraît pas du tout impossible ; mais, si elle est impossible, il la faut tenter
Nous sommes dans un temps où l'on tente les ouvrages les plus singuliers, mais non pas où ils réussissent
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Mél. litt. Obs. sur Tristram Shandy
Tenter de, avec un infinitif.
Que la fortune ne tente donc pas de nous tirer du néant
On le construit quelquefois avec à.
Est-ce un crime de tenter à sortir d'esclavage ?
Tenter la fortune, tenter fortune, voy. FORTUNE, n° 1 et 2.
2
Hasarder, mettre au hasard.
Peut-être que je [moi sceptique] pourrais trouver quelques éclaircissements dans mes doutes.... mais... en traitant avec mépris ceux qui se travailleront de ce soin, je veux aller sans prévoyance et sans crainte tenter un si grand événement [la mort, la vie future]
[Il] laisse sa destinée éternelle entre les mains du hasard, et va tenter mollement un si grand événement
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Vérité d'un avenir.
Le czar, incertain s'il tenterait le lendemain le sort d'une nouvelle bataille
3
Dans le langage soutenu, tenter un lieu, essayer d'y pénétrer ; tenter une route, la suivre au loin.
L'autre [le renard] fit cent tours inutiles.... Partout il tenta des asiles, Et ce fut partout sans succès
Pourquoi tenter si loin des courses inutiles ?
C'est Dieu, pensais-je, qui m'emporte.... Quels cieux ne tenterons-nous pas ?
Je tentai du désert les routes incertaines
4
Dans le style de l'Écriture, éprouver la foi, la fidélité.
Dieu tenta Abraham et lui dit : Abraham, Abraham
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Genèse, XXII, 1
Ils souffrent ; mais la même main qui les éprouve les soutient, et ils ne sont pas tentés au delà de leurs forces
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Dégoûts.
Nature : Absolument.
Il y a bien de la différence entre tenter et induire en erreur ; Dieu tente, mais il n'induit pas en erreur
Tenter Dieu, lui demander des miracles, de nouveaux effets de la toute-puissance.
Vous ne tenterez pas le Seigneur votre Dieu, comme vous l'avez tenté au lieu de la tentation
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Deutéron. VI, 16
Sémantique : Fig. Tenter Dieu, se jeter dans des périls, dans des embarras dont on ne peut sortir sans miracle.
Quoi ! monsieur, vous voulez tenter Dieu ? quelle audace !
Savez-vous qu'un si grand retardement donne le temps à tout le royaume de parler, et que c'est tenter Dieu et le roi que de vouloir conduire si loin une affaire si extraordinaire ?
La Providence est la commune mère ; Fiez-vous-y, mais ne la tentez pas
de LAMOTTE dans Fabl. II, 16
Sire, on voit dans le ciel des nuages de feu ; Suspendez votre marche, il ne faut tenter Dieu
de Alfred DE VIGNY dans le Cor.
On dit de même en parlant des païens : tenter les dieux.
Pourquoi tenter les dieux ? pourquoi vous présenter Aux coups qu'il vous faut craindre et qu'on peut éviter ?
5
Solliciter au mal, au péché.
Et les occasions tentent les plus remis
Alors Jésus fut conduit par l'esprit dans le désert pour y être tenté par le diable
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Evang. St Matthieu IV, 1
Que nul ne dise, lorsqu'il est tenté, que c'est Dieu qui le tente ; car Dieu est incapable de tenter, et de pousser au mal
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans ib. St Jacq. Épît. cath. I, 13
Avec de et un infinitif Ils méprisèrent l'argent et toutes les richesses artificielles, qui ne sont richesses que par l'imagination des hommes, et qui les tentent de chercher des plaisirs dangereux, FÉN. Tél. XIX
6
Essayer de séduire.
Il y en a même qui ont pris cette occasion de tenter ma fidélité ; vous ne sauriez croire, monseigneur, quels avantages on m'a offerts pour me faire promettre de quitter votre parti cet hiver
Comme on ne lui laissait argent ni pierrerie, Le geôlier fut fidèle, elle eut beau le tenter
de Jean de LA FONTAINE dans Coupe.
On tenta le gouverneur hollandais, qu'on savait avare ; le marché fut conclu, et il introduisit l'ennemi dans la ville en 1641
7
Mettre à l'épreuve, en parlant de la patience, de la colère.
J'ai cent fois, dans le cours de ma gloire passée, Tenté leur patience et ne l'ai point lassée
Et tenter un courroux que je retiens à peine
Essayer de faire impression sur.
Tenter sa pitié, à mesure qu'il était plus inexorable
8
Donner désir, envie.
Cependant un sanglier, monstre énorme et superbe, Tente encor notre archer, friand de tels morceaux
Je suis tentée de sa proposition [de Mme de Vins, l'invitant à aller chez elle], de sorte que j'ai la mine de ne m'en aller que dimanche à la messe de Livry
La fausse gloire ne le tentait pas
Combien le trône tente un coeur ambitieux !
Pour fixer de certaines gens, il est bien aussi sûr de les tenter que de leur plaire
Espérant tenter les gens par le bon marché, en me mettant à leur discrétion
Tenter de, avec un substantif.
Les millions ne me pouvaient tenter d'une mésalliance, ni la mode, ni mes besoins me résoudre à m'y ployer
Tenter de, avec un infinitif.
Quand j'irai en province, je vous tenterai de revenir avec moi et chez moi
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à Mme de Grignan, 21 juin 1671
Se laisser tenter, céder.
Vous m'avez trop écrit, ma très chère ; vous vous laissez tenter à l'envie de causer
9
Inspirer des désirs amoureux.
Le coeur se gagne, on tente, on est tentée
Sa peau ne me tente guère, sa personne ne me plaît pas, ne me touche pas le coeur.
Et je vous verrais nu du haut jusques en bas, Que toute votre peau ne me tenterait pas
10
Sémantique : Terme d'escrime. Faire un tentement.

HISTORIQUE

1
XIIIe s.
Esprueve mei, Diex, si me tante
dans Psaumes en vers, dans Liber psalm. p. 277
Et quant li archevesque le sot, si le fist tempter en moult de manieres, par quoi il relaissast çou [ce] qu'il avoit entrepris
dans Chr. de Rains, 243
Mes toutevois sunt il tenté D'user de franche volenté
dans la Rose, 14298
2
XIVe s.
Ils temptoient secretement les courages des nobles jouvenceaux, par quelle maniere les royauls peussent estre receuz dedens la ville
de Pierre BERCHEURE dans f° 28, verso.
Or convient il tempter à declarer ceste chose plus plenement
Pource que il a peu veu d'experience, et si est plus tempté des desirs corporels
de Nicolas ORESME dans ib. IV
Orgueil, ire et desdaing l'allerent si tenter, Que par despit li dit : faites ci amener Bertran du Guesclin ; je m'i veil acorder
dans Guesclin. 13421
3
XVe s.
Adonc va leurs playes tenter [sonder]. comme celle quibien s'en sçavoit ayder
dans Perceforest, t. I, f° 41
4
XVIe s.
Non que le vol de ma plume animée Soit pour tenter un vol icarien
Les bons escripts me tentent et remuent quasi où ils veulent
de Michel de MONTAIGNE dans II, 329
Si d'adventure tu te rends et es las de plus tenter la fortune
de Jacques AMYOT dans Cor. 35
Pour avoir failly le chemin, et n'avoir pas Lien tenté le guay en traversant le fleuve de Lycus
de Jacques AMYOT dans Démétr. 66
Il fut si outrecuidé, ou, pour mieux dire, si tenté du vin, ainsy qu'il le confessa

ÉTYMOLOGIE

1
Wallon, temmté, tourmenter ; provenç. temptar ; espagn. tentar ; ital. tentare ; du lat. tentare. On a cru que tentare était un fréquentatif de tenere ; mais, d'après les dernières recherches des érudits, il paraît que la forme certifiée par les manuscrits et les inscriptions est temptare, ce qui exclut soit tenere, soit tendere. Cependant Corssen, Auspr. I, 123, 2e édit. maintient tentare, regardant temptare comme une très ancienne faute d'orthographe.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
Et maintenant un mire acourt, Qui moult bien sa plaie regarde ; Tantée l'a, dist : n'aiés garde, Biaus sire, vous garirez bien

Synonymes de TENTER

Termes proches de TENTER

Phonétiquement proche de TENTER