Définition de DOUTER
Prononciation : dou-té
DÉFINITIONS
1
Ne savoir si l'on doit croire ou ne pas croire quelque chose. Je doute qu'il vienne. Je ne doute pas qu'il ne vienne.Doutez-vous que je sois malade ? S'il y a quelque justice dans le ciel, comme personne n'en doute....
Ils n'osent plus douter de nous avoir surpris
de Pierre CORNEILLE dans Cid, IV, 3
Et je doute comment vous portez cette mort
de Pierre CORNEILLE dans Hor. V, 2
Je doute quel rival s'en fait mieux écouter
de Pierre CORNEILLE dans Suréna, II, 3
Il ne faut point douter qu'il fera ce qu'il peut
Et je ne doute point, quoi qu'il n'en ait rien dit, Que tu ne sois de tout le complice maudit
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans ib. IV, 7
A vous dire vrai, je doute fort que vous puissiez réussir
Je ne doute point que la vraie dévotion ne soit la source du repos
de Jean de LA BRUYÈRE dans XIV
Ne doutez point, seigneur, que ce coup ne la frappe, Qu'en reproches bientôt sa douleur ne s'échappe
de Jean RACINE dans Brit. III, 1
Doutez-vous que l'Euxin ne me porte en deux jours Aux lieux où le Danube y vient finir son cours ?
de Jean RACINE dans Mithr. III, 1
Thésée est mort, madame, et vous seule en doutez
de Jean RACINE dans Phèd. II, 1
Je doute que le ris excessif convienne aux hommes qui sont mortels
de Jean de LA BRUYÈRE dans XI
Je doute que ce fût toi qui serais en reste
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Hél. VI, 5
Douter si. Je doute si je serai en mesure d'accomplir ma promesse.
Dorante : Et quel est ce portrait ? - Lise : Le faut-il demander, Et doutez-vous si c'est ma maîtresse elle-même ?
de Pierre CORNEILLE dans Suite du Ment. II, 6
Ingrat, je doute encor si je ne t'aime point
de Jean RACINE dans Andr. IV, 5
Livrer Psyché aux désirs d'un monstre ? y avait-il de la justice à cela ? aussi les parents de la belle doutèrent longtemps s'ils obéiraient
de Jean de LA FONTAINE dans Psyché, I, p. 30
Douter qui, quels, ne pas savoir qui.... quels....
Ce sage inébranlable [Caton], avant que de Pompée Il eût vu la vaillance injustement trompée, Doutant à qui l'État devait être soumis, Dans l'un et l'autre chef voyait ses ennemis
de BRÉBEUF dans Phars. IX
Ainsi, de tous côtés lorsque souffle l'orage, La mer doute à quels vents doit obéir sa rage
de Jacques DELILLE dans Trois règnes, V
Douter où, ne pas savoir en quel lieu.
Que les Romains, pressés de l'un à l'autre bout, Doutent où vous serez et vous trouvent partout
de Jean RACINE dans Mithr. III, 1
2
Douter de quelqu'un, n'avoir pas confiance en lui. Cet homme est suspect ; on doute de lui dans son parti. On doutait de sa probité.Et l'on doute d'un coeur qui n'a point combattu
de Pierre CORNEILLE dans Poly. I, 3
Je me fais de sa peine une image charmante, Et je l'ai vu douter du coeur de son amante
de Jean RACINE dans Brit. II, 8
Il doute de sa fille et de ses sentiments
Par la fortune Athènes détrônée Maudit Philippe et douta de ses dieux
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Waterl.
3
Être dans le scepticisme soit à l'égard des dogmes de la révélation, soit à l'égard des propositions de la philosophie. Il n'a jamais douté des mystères de la religion.Nature : Absolument. C'est avoir beaucoup avancé que d'avoir seulement appris à douter.
Non que j'imitasse pour cela les sceptiques, qui ne doutent que pour douter, et affectent d'être toujours irrésolus
de René DESCARTES dans Méth. III, 6
C'est une partie de bien juger que de douter quand il faut
Et qu'aux derniers moments les beaux esprits qui doutent Ne sont pas assurés que les dieux les écoutent
de BOURSAULT dans Ésope à la cour, III, 3
Leibnitz ne savait pas douter assez
de Charles BONNET dans Oeuvres mêlées, t. XVIII, p. 93, note 7, dans POUGENS.
4
Hésiter. Il ne douta pas un seul instant. Il doutait de recevoir un tel présent.Que ferez-vous ? - J'en doute
de Pierre CORNEILLE dans Suréna, II, 1
Pourriez-vous un moment douter de l'accepter ?
de Jean RACINE dans Athal. III, 4
Et vous doutez encor d'asservir ses fureurs
Ne douter de rien, trancher les questions qu'on ne connaît pas bien, se jeter sans réflexion dans des entreprises hasardeuses.
Les grands, une fois corrompus, ne doutent de rien
Ne douter de rien signifie aussi se faire illusion, voir tout du beau côté.
Il ne doute jamais, il ne suspend jamais son jugement, sa décision.
5
N'être pas sûr de conserver.Elle s'était trouvée malade jusqu'à faire douter de sa vie
de Paul SCARRON dans Rom. com. ch. XII
6
Se douter, Nature : v. réfl. Conjecturer, soupçonner. Je ne me doutais pas qu'il vînt. Pouvais-je me douter qu'il dût venir si tôt ? Je me doutais qu'il viendrait. Elle s'est doutée de ce qui se faisait. Je me doute qu'il viendra me voir.Je me doute à peu près quel est le gouverneur
....Je m'en doutais, seigneur, que ma couronne Vous charmait bien du moins autant que ma personne
de Pierre CORNEILLE dans Nicom. I, 2
Je me doutais bien aussi que les prophéties auraient été entièrement fausses à l'égard de Vardes
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans Lett. 27 mars 1671
Ne pas se douter, ignorer, ne pas soupçonner.
Moi qui.... Pour mourir, d'aucun mal ne me fusse douté
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat. XII
Il y voit des choses qui lui sont nouvelles dont il ne se doutait pas
de Jean de LA BRUYÈRE dans XI
REMARQUE
1
1. Douter suivi de que veut toujours le subjonctif : Je doute que cela soit vrai.2
2. Lorsque la phrase est négative, le verbe au subjonctif prend ne.Oui, je ne doute point que l'hymen ne vous plaise
Je ne crois pas qu'on puisse douter que Ninus ne se soit attaché à l'Orient
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. III, 4
Tous eurent le courage de lui être fidèles ; et lui, de ne pas douter qu'ils ne le fussent
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Éloges, milord Maréchal
3
3. Si la phrase est interrogative, en met ordinairement ne : Doutez-vous que cela ne soit vrai ? cependant ne peut être supprimé : Doutez-vous que cela soit vrai ?4
4. En cet emploi, douter peut se tourner par révoquer en doute ; et alors on peut, s'il s'agit d'une action qui n'est pas encore faite, mettre le futur de l'indicatif : Je ne doute pas qu'il fera tout ce qu'il pourra.5
5. Corneille a dit : Outre que le succès est encore à douter, Héracl. III, 1. Là-dessus Voltaire remarque : (r) Le succès est à douter est un solécisme. On ne doute pas une chose, elle n'est pas doutée. Le verbe douter exige toujours la préposition de. " Cela est incontestable dans l'usage actuel. Mais dans l'usage ancien il en était autrement ; et Corneille a seulement usé d'un archaïsme : douter, dans l'ancien français, est actif et signifie craindre, tenir pour suspect. Cet archaïsme se trouve aussi dans Molière : Sous couleur de changer de l'or que l'on doutait, l'Étour. II, 7.6
6. Douter dans l'ancienne langue signifiait redouter ; se douter signifia d'abord avoir peur, puis, par une extension facile, imaginer, soupçonner. Se douter rentre donc dans la catégorie des verbes se connaître, s'apercevoir, s'entendre, voy. S'APERCEVOIR, Remarque 2.HISTORIQUE
1
XIe s.Et Sarazin nes [ne les] ont mie dutez [craints]
dans Ch. de Rol. X
Et l'amiralz ne le craint ne nel dute
dans ib. CCLXI
2
XIIe s.De ce ne vous dotez [n'en doutez pas]
dans ib. p. 31
S'en serez plus doté [ainsi vous en serez plus redouté]
dans ib. p. 35
Que m'amor ne soit doubtée [mise en doute]
dans Couci, I
De vous prier [je] me dout et fais hardi [je crains et ose]
dans ib. VII
Ainçois me doute [je crains] qu'en trestout mon aage [je] Ne puisse assez li [elle] et s'amor servir
dans ib. XI
Ah ! gentis rois, quand Dieux vous fist croiser, Toute Egypte doutoit vostre renom
de QUESNES dans Romancero, p. 100
Seignor, par tel maniere, jà nuls n'en soit dotans, Fu meüe la guerre entre Saisnes et Francs
dans Sax. V
3
XIIIe s.Et ne fu mie merveille se il s'en doubta [en eut peur]
de Geoffroi de VILLEHARDOUIN dans CLXII
Bien ferai la besoigne, de ce n'estuet [il ne faut] douter
dans Berte, XVII
Car mout [elle] doutoit la bise, qui ert [était] tranchans et fiere
dans ib. X
Tant doute [elle craint] à couroucer Dieu et sainte Marie
dans ib. CXIX
Et s'ele l'a [ce voeu] voué, jà mar en douterez, [elle] Ne le briseroit mie pour l'or de dix citez
dans ib. CXXI
Il ne doutent pluie ne vent Ne nule autre chose grevant
dans la Rose, 2743
Lor demandes doivent estre mises en escrit ; et celes dont li executeur se doutent qu'eles ne sont pas vraies, il les convient prouver as demandeurs
de Philippe de BEAUMANOIR dans XII, 31
4
XIVe s.S'il n'i avoit que moi avec ma bonne gent, Si ne doubté-je mie qu'assez prochainement De Henri et des siens n'ayez le vengement
dans Guesclin. 15974
Le suppliant doubtant rigueur de justice
de Victor Henri-Joseph Brahain, dit DU CANGE dans absentandus.
5
XVe s.Je feray volontiers et de bon coeur ce que vous me commandez, à mon loyal pouvoir, jamais n'en doutez
de Jean FROISSART dans I, I, 47
Or vous dis que le sire de Beaujeu, qui estoit dedans, capitaine de Mortaigne et moult sage guerroyeur, s'estoit bien douté de ces assauts
de Jean FROISSART dans I, I, 135
Le clerc se douta du chevalier, car il estoit crueux
de Jean FROISSART dans III, 22
Les bourgeois de la ville, qui douterent le leur à perdre, leurs femmes et leurs enfants, regarderent que, au long aller, ils ne se pourroient tenir
de Jean FROISSART dans I, I, 224
Très noble et douté seigneur monseigneur Jean de Hainaut
de Jean FROISSART dans Prol.
Pour povoir parler au roy en bonne seureté [le connestable], car il doubtoit de sa personne comme celluy qui sçavoit toute la conclusion qui avoit esté prinse [contrelui] à Bouvines
de Philippe de COMMINES dans III, 11
Doubtant qu'ils ne feissent ouverture à luy et à son frere
de Philippe de COMMINES dans I, 2
Il ne fault doubter que nul jour sans perte et gaigne ne se passa tant d'ung coté que d'autre, mais de choses grosses il n'y avoit riens
de Philippe de COMMINES dans I, 9
Je ne sçay s'ils disoient ainsi à part ; je me doubte que non
de Philippe de COMMINES dans II, 9
Et ne fault point doubter à ce que ceulx qui estoient avec le roy n'eussent....
de Philippe de COMMINES dans III, 3
6
XVIe s.Quand nous voyons des volleurs, qui ont commis quelque meurtre ou larrecin, nous ne doutons point de leur imputer la faute et de les condamner
de Jean CALVIN dans Instit. 224
Je me doubte que ne croyez asseurement ceste estrange nativeté
de François RABELAIS dans Garg. I, 6
Aultre chose ne me ameine, sinon le desir de sçavoir ce dont j'ay doubté toute ma vie
de François RABELAIS dans ib. II, 18
Adoncques le roy argenté change de place, doubtant la furye de la royne aurée
de François RABELAIS dans ib. II, 25
Je me doubte que, en Portugal, y ayt quelque sedition
de François RABELAIS dans Épil. 9
Pour quoy je me doubte que il y a de la fourbe en son cas
de François RABELAIS dans ib. 10
Haulsent l'espaule à mode de Lombars, Doubtans [ne croyant pas] qu'on eust dessus Genes victoire
de Jean des Mares ou Des Marets, dit Jean MAROT dans V, 26
Nos Allemans quelque petit doubterent, Voyans ce roch quasi inaccessible
de Jean des Mares ou Des Marets, dit Jean MAROT dans V, 27
Je croy que vous ne doubtés pas que mille occasions ne nous oustent de ce monde, suivant la voulenté de celuy qui nous y mit
Je me doubte d'estre au septiesme mois [de ma grossesse], qui y est, après l'huitiesme, le plus dangereux
Je pensoys aller digner à Amiens, mais me doubtant que j'y trouverois une poure maison bien desolée, je digneray icy
Vous advertir non seulement de ce que je say, mais de ce que je doubte, pour nous en conduire par vostre advis
La maladie du cardinal d'Armaignac est une fievre tierce, mais tant aigue, que ceux qui ne le congnoissent doubtent sa vie
C'est une science de laquelle ils doubtent que l'homme soit capable
de Michel de MONTAIGNE dans II, 230
La profession des pyrrhoniens est de doubter et enquerir
de Michel de MONTAIGNE dans II, 230
Nous doubtons sur Ulpian, et redoubtons encore sur Bartolus
de Michel de MONTAIGNE dans IV, 235
Il commencea à se doubter de la verité
de Jacques AMYOT dans Rom. 8
Je ne m'en fierois pas à ma propre mere, doubtant que par mesgarde elle ne meist la febve noire en cuidant mettre la blanche
de Jacques AMYOT dans Alc. 40
Il cria à haulte voix à ses gens de pied qu'ilz le suyvissent hardiment, et qu'ilz ne doubtassent de rien
de Jacques AMYOT dans Timol. 37
Il n'y en avoit pas un seul de qui il se doubtast, ne de qui il se deffiast tout comme il faisoit de Metellus
de Jacques AMYOT dans Marius, 49
Et si doubtoit aussi d'un autre costé de prendre son chemin par la montagne, pour autant qu'il estoit long
de Jacques AMYOT dans Lucull. 28
ÉTYMOLOGIE
1
Bourguig. d"ttai ; provenç. duptar, doptar ; catal. dubtar ; espagn. dudar ; portug. duvidar ; ital. dottare ; du latin dubitare, d'un radical dub, qui se trouve dans dubius et qui signifie double ; le grec se traduit par, double.