Définition de SURPRENDRE

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : sur-pran-dr'

DÉFINITIONS

1
Prendre, saisir une chose à l'improviste.
On amorce le monde avec de tels portraits ; Pour les faire surprendre on les apporte exprès ; On s'en fâche, on fait bruit, on vous les redemande, Mais on tremble toujours de crainte qu'on les rende
de Pierre CORNEILLE dans Suite du Ment. II, 7
Sémantique : Fig.
Je voudrais que vous et M. de Grignan eussiez pu voir l'admiration naturelle dont il [Faucher] fut surpris [en voyant le portrait de Mme de Grignan]
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 4 sept. 1675
2
S'emparer par une attaque inattendue.
Ptolomée, fils de Lagus, surprit Jérusalem, et en emmena en Égypte cent mille captifs
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. II, 5
Ces barbares, qui espéraient de surprendre la ville, furent eux-mêmes surpris
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Tél. I
Sémantique : Fig.
Son âge [de Palmire], sa candeur ont surpris ma tendresse
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Mahom. III, 8
Attaquer celui qui n'est pas sur ses gardes.
Il tenait pour maxime qu'un habile capitaine peut bien être vaincu, mais qu'il ne lui est pas permis d'être surpris
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Louis de Bourbon.
Comme il avait affaire à des ennemis qui se dispersaient et se ralliaient à tous moments pour le surprendre, il résolut de les surprendre eux-mêmes
de Esprit FLÉCHIER dans Hist. de Théodose, I, 9
Le tyran m'a surpris sans défense et sans armes
de Jean RACINE dans Phèdre, III, 5
3
Arriver auprès de quelqu'un sans être attendu.
Dedans mon cabinet ils pourraient nous surprendre ; Ici nous parlerons en plus de sûreté
de Pierre CORNEILLE dans l'Illus. III, 9
Mais parliez-vous de moi quand je vous ai surpris ?
de Jean RACINE dans Bérén. II, 4
C'est donc ainsi que vous surprenez les gens ? qui vous croyait à Paris ?
de Alain René LESAGE dans Crisp. rival de son maître, 19
Nous étions si près de lui [Aristote] et nous avions été si longtemps sans le voir, que nous résolûmes de l'aller surprendre
de Auguste Marseille BARTHÉLEMY, dit L'ABBÉ BARTHÉLEMY dans Anach. ch. 62
Sémantique : Terme de manége. Surprendre un cheval, se servir trop brusquement des aides ; l'approcher à l'écurie sans l'avertir.
4
Saisir à l'improviste Je l'ai surpris à me dérober de l'argent.
Jésus-Christ a fait selon sa parole : il est venu surprendre la reine dans le temps que nous la croyions la plus saine, dans le temps qu'elle se trouvait la plus heureuse
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Mar.-Thér.
Merci, que le prince de Condé et le vigilant Turenne n'ont jamais surpris dans un mouvement irrégulier
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Louis de Bourbon.
Il surprit la nature sur le fait
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Tournefort.
Daniel fut surpris lorsqu'il faisait ses prières ordinaires, le visage tourné vers Jérusalem, et il fut jeté dans la fosse des lions
de Charles ROLLIN dans Hist. anc. Oeuv. t. II, p. 274, dans POUGENS
Qu'elle vous surprenne souvent priant Dieu
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Ad. et Th. t. I, p. 252, dans POUGENS
Sémantique : Fig. Surprendre dans les paroles, essayer de trouver dans les paroles de quelqu'un de quoi le convaincre, le condamner.
Les pharisiens, s'étant retirés, firent dessein entre eux de le surprendre [Jésus] dans ses paroles
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Évang. St Math. XXII, 15
5
Il se dit des choses qui saisissent tout à coup, attendues ou non.
Ma perte m'a surprise, et ne m'a point troublée
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, IV, 6
La mort ne surprend point le sage ; Il est toujours prêt à partir
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VIII, 1
Ni les maux que la reine d'Angleterre a prévus, ni ceux qui l'ont surprise, n'ont abattu son courage
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Reine d'Anglet.
La nuit l'eût surpris plongé encore dans la rêverie, si dom Narcisse ne fût venu lui-même le chercher
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Veillées du château t. I, p. 479, dans POUGENS
Il se dit particulièrement d'un mal qui arrive inopinément. Il a été surpris d'une attaque de goutte.
Il [Pompée] soupçonne aussitôt son manquement de foi [de Ptolémée], Et se laisse surprendre à quelque peu d'effroi
de Pierre CORNEILLE dans Pomp. II, 2
Combien ai-je connu dans le monde de personnes qui ont été surprises de la mort !
de Louis BOURDALOUE dans Instruct. sur la mort. Exhort. t. II, p. 330
6
Déconcerter, prendre par surprise.
C'est ainsi que, confondant nos conseils, surprenant nos désirs et anéantissant nos espérances, vous [ô Dieu] affermissez notre foi
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Or. fun. Villars.
7
Induire en erreur, tromper.
Celui qui a été surpris aura une grande adresse pour ne l'être plus
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Ecclésiastiq. XXXIV, 11
Il n'y avait rien de plus difficile ni de plus hasardeux que de surprendre ce grand magistrat
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans le Tellier.
Il [Théodose] se laissait quelquefois surprendre ; et, quoiqu'il eût les intentions bonnes, il était capable de faire de grandes fautes
de Esprit FLÉCHIER dans Hist. de Théod. IV, 3
Tout jaloux, tout défiant qu'il est, je suis plus difficile à surprendre que lui
de Alain René LESAGE dans Diable boit. 9
Paraître encore l'ami d'un homme quand on a cessé de l'être, c'est se réserver des moyens de lui nuire, en surprenant les honnêtes gens
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Conf. x.
Il se dit des choses en un sens analogue.
Les pleurs de Sophonisbe ont surpris ma raison
de Pierre CORNEILLE dans Sophon. II, 2
Ce jugement si éclairé et si incapable d'être surpris
de Esprit FLÉCHIER dans Duch. de Montaus.
On peut des plus grands rois surprendre la justice
de Jean RACINE dans Esth. III, 9
On aime mieux parler à l'imagination qu'au jugement, éblouir la raison que la convaincre, surprendre son approbation que la mériter
de Charles ROLLIN dans Traité des Ét. Disc. prél. II, 2
Assuérus ne crut pas déroger à la majesté de l'empire en déclarant, même par un édit public, que sa bonne foi avait été surprise par les artifices d'Aman
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Pet. carême, Écueils.
Il fallait surprendre la vigilance de ses gardiens
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Lett. pers. 69
Nature : Absolument.
Les justes sont plus exposés à être surpris, parce qu'ils ignorent eux-mêmes l'art de surprendre
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Pet. carême, Ecueils.
Le génie du ministre italien [Mazarin] était de vouloir surprendre ; celui de l'Espagnol était de s'empêcher d'être surpris
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Louis XIV, 6
8
Obtenir frauduleusement, par artifice, d'une manière indue. Il a surpris ma signature, mon consentement.
Le premier président parla fort hardiment contre cette manière de mener le roi au palais pour surprendre et pour forcer la liberté des suffrages
de Jean-François Paul de Gondi, cardinal de RETZ dans Mém. t. I, liv. II, p. 144, dans POUGENS
Pour ne vous pas surprendre un choix précipité, Je veux bien vous laisser en pleine liberté
de QUIN. dans Pausanias, II, 2
Ce marchand, étant banni de la république [de Genève].... surprit un passe-port de M. le commandant de Bourgogne, et entra dans Genève à la faveur de ce passe-port
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. Dupont, 10 oct. 1775
Surprendre des lettres, les intercepter, les prendre furtivement.
Les plaintes du roi [Louis XI] contre le duc de Bourgogne étaient d'autant mieux fondées, qu'on avait surpris la lettre qu'il écrivait aux Anglais
de Charles Pinot, sieur DUCLOS dans Oeuvr. t. II, p. 421
Lisez cette lettre que ma mère me montra hier, et que j'ai su lui surprendre ce matin
de A. DUVAL dans les Héritiers, sc. 5
Surprendre le secret de quelqu'un, découvrir son secret par adresse ou par hasard.
Surprenons, s'il se peut, les secrets de son âme
de Jean RACINE dans Brit. I, 1
Songez que vous avez surpris mon secret, et que vous ne devez pas en abuser
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Théâtr. d'éduc. Fausses délicatesses, III, 4
Surprendre la confiance de quelqu'un, la gagner par artifice.
Il se dit de tout autre sentiment Dans les pertes médiocres, on surprend ainsi la pitié des auditeurs, FLÉCHIER, Turenne Une autre de César a surpris la tendresse, RAC. Brit III, 4.
L'exagération du mal ne produit que le mépris, celle du bien surprend l'estime
de Auguste Marseille BARTHÉLEMY, dit L'ABBÉ BARTHÉLEMY dans Anach. ch. 47
9
Il se dit des actions, des gestes qui échappent à quelqu'un, et qui font découvrir malgré lui ce qu'il pense, ce qu'il éprouve.
Quand j'ai voulu parler contre ce coeur sans foi, Et qu'à cette infidèle imputant sa misère, J'ai cru surprendre un mot de haine ou de colère....
de Pierre CORNEILLE dans Sophon. II, 1
N'ai-je pas même entre eux surpris quelque regard ?
de Jean RACINE dans Bajaz. III, 7
J'ai surpris ses soupirs qu'il me voulait cacher
de Jean RACINE dans Iphig. II, 5
Surprendre à quelqu'un un moment de faiblesse, apercevoir en lui un moment de faiblesse.
10
Faire éprouver le sentiment de l'inattendu, étonner.
Je veux bien vous l'apprendre, Et vous en donne avis pour ne vous pas surprendre
de Pierre CORNEILLE dans Nicom. II, 3
La cour, qui lui préparait à son retour les applaudissements qu'il méritait, fut surprise de la manière dont il les reçut
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Louis de Bourbon.
Que faut-il que je croie D'un bruit qui me surprend et me comble de joie ?
de Jean RACINE dans Iphig. I, 2
Ce crime dans Assur n'a rien qui me surprenne
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Sémiram. IV, 2
Nature : Absolument.
Les âmes propres à l'amour demandent une vie d'action qui éclate en événements nouveaux.... la vie de tempête surprend, frappe et pénètre
de Blaise PASCAL dans Pass. de l'amour.
Au temps de Balzac, de Mairet.... on applaudissait à toute pensée qui surprenait par des images nouvelles qu'on appelait esprit
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Dict. phil. Esprit.
11
Faire une surprise.
Je sais qu'il souhaite de vous faire ce plaisir, il aime à surprendre agréablement
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 574
Sa Majesté eut contentement ; il voulait surprendre, et tout le monde fut surpris
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 26 mai 1663
Surprendre de quelque chose, faire une surprise à l'aide de quelque chose.
Il y a aux Rochers dix allées que vous ne connaissez pas ; et mon fils me doit surprendre d'un parterre et de deux places nouvelles
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 25 mai 1689
Nous jouissons, avec plaisir, des belles vues dont nous sommes surprises à tout moment
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 15 mai 1676
12
Saisir trop vivement, en parlant du feu. Le feu a surpris cette viande, cette pâtisserie.
13
Se surprendre à, Nature : v. réfl. Manifester tout à coup, par un mouvement dont on n'est pas le maître, le sentiment sous l'empire duquel on se trouve. Je me suis surpris à pleurer comme un enfant.
La plus brillante fortune ne mérite point ni le tourment que je me donne, ni les petitesses où je me surprends
de Jean de LA BRUYÈRE dans VIII
Combien de fois ne me suis-je pas surpris.... criant....
de Denis DIDEROT dans Él. de Richards.
14
Se prendre l'un l'autre sur le fait de quelque chose.
Ils [deux amants] se cherchaient à leur ordinaire ; mais ils se surprenaient occupés d'autres choses que d'eux-mêmes
de COMTE DE CAYLUS dans (GROSLEY), Oeuvr. t. IX, p. 101, dans POUGENS

HISTORIQUE

1
XIIe s.
Dedens [il] la jette [son épée], car la mort le sosprent
dans Ronc. p. 106
Doucement [je] sui engigniez et soupris ; Car, s'ele veut, longuement serai pris
dans Couci, XVII
2
XVIIe s.
Vostre grant beautés entiere M'a si sorpris Que, se j'ere en paradis, J'en reviendroie arriere....
de QUESNES dans Romancero, p. 88
[Je] Ne puis sur piés ester, tant sui sosprise et vaine : à cest mot [elle] chet pasmée sans vois et sans halaine
de AUDEF. LE BAST. dans Romanc. p. 16
Si les seurpristrent si que cil du casal n'en sorent mot devant ce qu'il en orent assez ocis
de Geoffroi de VILLEHARDOUIN dans CLVI
Comme hom bevanz et seurprins par vin
dans Psautier, f° 96
[Ils] Dutent maufez [diables], male tempeste, Et du desert meinte aventure, Si surprent les la nuit obscure
dans Édouard le conf. v. 3494
La nuit de nuel [noel] le surprent Une fevre [fièvre] ki mult l'esprent
dans ib. v. 3635
Il furent si souspris qu'il n'orent pooir d'eus deffendre
dans Chr. de Rains, p. 6
Tu e il nous devez des leus [loups] d'enfer deffendre, Qui adès nous aguetent pour nos ames sousprendre
de Jean Chopinel, dit Jean DE MEUNG dans Test. 562
3
XVIe s.
Un quidam delibera de surprendre ma maison et moy
de Michel de MONTAIGNE dans IV, 226
Plusieurs bestes ont un soin extreme de surprendre tout ce qu'elles peuvent, et de le curieusement cacher
de Michel de MONTAIGNE dans II, 186
Le tyran Amulius fut surprins en son palais et tué
de Jacques AMYOT dans Rom. 12
Marcellus, sans aucune necessité urgente, sans celle fureur et ardeur qui surprent quelquefois les hommes vaillans au milieu du combat, s'alla....
de Jacques AMYOT dans Pélop. et Marcell. comp. 5
... de quoy Clitus, qui estoit desja un peu surpris de vin, se courroucea encore d'avantage
de Jacques AMYOT dans Alex. 87
On dit que l'homme surpris est à demi battu
de Pierre CHARRON dans Sagesse, p.330, dans LACURNE

ÉTYMOLOGIE

1
Sur 1, et prendre ; provenç. sorprendre. sosprendre, sobreprendre ; ital. soprapprendere. Quant au sens de tromper, il est très ancien, et appartient au bas-latin :
Si quis consortem suum superpriserit
dans Lex Rip. p. 117, § 2

Synonymes de SURPRENDRE

Termes proches de SURPRENDRE