Définition de SUSPENDRE

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : su-span-dr'

DÉFINITIONS

1
Mettre, soutenir un corps en l'air de manière qu'il pende.
On lui lia les pieds, on vous le suspendit
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. III, 1
Ces boucliers, ces devises, ces armes qu'on suspendait dans la lice
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Tancrède, Épît.
On les suspendait [les protestants sur la place de l'Estrapade] au bout d'une longue poutre, posée sur une poulie au-dessus d'un poteau de vingt pieds de haut, et on les faisait descendre à plusieurs reprises sur un large bûcher enflammé
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Hist. Parl. XIX.
Au moindre tracas qui survient, on le suspend [l'enfant en nourrice] à un clou comme un paquet de hardes
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Ém. I
On suspend un cheval, c'est-à-dire on le soutient en l'air, dans certaines opérations, quelquefois pour le ferrer, quelquefois aussi dans certaines maladies, pour l'empêcher de rester couché.
2
Sémantique : Fig. Interrompre, discontinuer, remettre.
Elle [l'imagination] fait croire, douter, nier la raison ; elle suspend les sens, elle les fait sentir
de Blaise PASCAL dans Pens. III, 3, éd. HAVET.
Le ciel, qui semblait suspendre en faveur de la piété de la reine la vengeance qu'il méditait
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Reine d'Anglet.
Une mort soudaine et surprenante qui a suspendu le cours de nos victoires
de Esprit FLÉCHIER dans Turenne.
Dès qu'un léger sommeil suspendait mes ennuis
de Jean RACINE dans Iphig. I, 1
Votre absence en ces lieux suspend toute la joie
de Jean RACINE dans Esth. III, 2
Mes filles, c'est assez ; suspendez vos cantiques
de Jean RACINE dans Ath. II, 1
Donc, mes frères, vous que ce discours regarde, et qui vivez dans des habitudes de crime, que le devoir pascal n'a fait jusqu'ici que suspendre pour un moment
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, sur la communion.
Molière, ayant suspendu son chef-d'oeuvre du Misanthrope, le rendit quelque temps après au public, accompagné du Médecin malgré lui
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Vie de Molière.
Méchants, suspendez vos blasphèmes
de Nicolas GILBERT dans le Jugem. dern.
Elle [Marie d'Anjou] suspendit le payement de ses officiers pour le joyeux voyage de monsieur saint Jacques en Galice
de Charles Pinot, sieur DUCLOS dans Oeuvr. t. II, p. 196
Bientôt le silence de toute la nature l'invite au repos ; un calme délicieux suspend ses sens ; sa paupière s'appesantit, ses idées fuient, échappent, elle s'endort
de Etienne Bonnot de CONDILLAC dans Traité sens. III, 7
Le froid excessif des hivers qui suspendait le cours des fleuves
de Guillaume Thomas, abbé RAYNAL dans Hist. phil. XVI, 14
Il parut un arrêt du conseil en date du 13 août 1769, par lequel le roi suspendait le privilége exclusif de la compagnie des Indes
de Guillaume Thomas, abbé RAYNAL dans ib. IV, 26
Ces spectres, ces lutins rôdant dans les ténèbres, Vieux récits, dont le charme, amusant les hameaux, Abrège la veillée et suspend les fuseaux
de Jacques DELILLE dans Imag. IV
Suspendre un travail, des travaux, interrompre son travail, des travaux.
Suspendre ses payements, se dit d'une maison de commerce qui ne peut pas payer, momentanément au moins, ce qu'elle doit.
Suspendre son jugement, attendre, pour porter un jugement, qu'on soit plus éclairé.
L'art de disputer sur toutes choses, sans prendre jamais d'autre parti que de suspendre son jugement, s'appelle pyrrhonisme
dans Anal. de Bayle, t. III, p. 393
On doit faire ici ce que les hommes sages font à la lecture de toutes les histoires anciennes et même modernes : suspendre son jugement, et douter beaucoup
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Dict. phil. Dénombrement.
L'homme éclairé suspend l'éloge et la censure
de Jean-Baptiste Louis GRESSET dans Méch. IV, 4
3
Il se dit de la constitution, d'une loi qu'on interrompt pour un temps. à la suite des troubles la constitution fut suspendue.
La liberté du citoyen est si précieuse, que les lois seules peuvent en suspendre l'exercice
de Auguste Marseille BARTHÉLEMY, dit L'ABBÉ BARTHÉLEMY dans Anach. Introd. part. II, sect. 1
4
Arrêter pour quelque temps. Les troupes ont suspendu leur marche.
Que toujours dans vos vers le sens, coupant les mots, suspende l'hémistiche, en marque le repos
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art p. I
5
Sémantique : Fig. Interdire à quelqu'un l'exercice de ses fonctions, sans lui ôter le caractère dont il est revêtu. On a suspendu le maire de cette commune. Suspendre un prêtre de ses fonctions.
6
Tenir en suspens, attentif.
On demeura surpris : Cela suspendit les esprits
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VIII, 8
7
Sémantique : Terme de musique. Faire une suspension.
On ne peut guère passer raisonnablement d'un accord à l'autre, sans trouver une note qu'on peut suspendre et résoudre
de GRÉTRY dans Méth. pour prél. 15
8
Se suspendre, Nature : v. réfl. Se tenir suspendu.
Il [le fourmilier] monte sur les arbres, et se suspend aux branches par l'extrémité de sa queue
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Quadrup. t. IV, p. 56
9
Être interrompu.
En vérité, lorsqu'il m'arrive de penser que je suis dans le souvenir de ces deux personnes, pour ce moment toutes mes peines se suspendent
de Vincent VOITURE dans Lett. 51

HISTORIQUE

1
XIIe s.
Teu merite [telle récompense] a au chef deu tor Qui felon est e traïtor, Et pire assez, qu'en le sepent à hautes forches mult sovent
de Benoît de Sainte-Maure dans II, 8838
Quant l'arcevesque sout et bien li fut nuncié Qu'à Dovre erent li trei qui tant l'unt guerreié, Le brief à l'apostolie baille un vaslet à pié, U cil trei prelat erent suspendu e lacié
dans Th. le mart. 124
2
XIVe s.
Especialement en fievre l'usage du triacle [thériaque] soit souspendu
de Henri DE MONDEVILLE dans f° 87, verso.
3
XVe s.
Au moins estoit ce tenir les gens en crainte, et par especial ses officiers, dont aucuns avoit supendus pour pillerie
de Philippe de COMMINES dans VIII, 18
4
XVIe s.
Il se faisoit porter dedans un petit lict suspendu bien près de terre
de Jacques AMYOT dans Péric. 52
Sertorius avoit occupé l'Hespagne, tenant les Romains suspendus en grande crainte
de Jacques AMYOT dans Pomp. 25
Ilz mettoient leurs roys en justice, et les suspendoient de leur royauté, jusques à....
de Jacques AMYOT dans Agis et Cléom. 13
Ma maîtresse avoit un coche de clisse, qui n'estoit gueres supendu que de cordes
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans Faen. III, 2
Quelque edict qui surpendist la persecution des reformez
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans Hist. I, 93
Les larmes que cette aultre plus forte passion avoit suspendues
de Michel de MONTAIGNE dans I, 63
C'est l'enfileure de nos aiguilles [aimantées] suspendues l'une de l'aultre
de Michel de MONTAIGNE dans I, 266
Vault-il pas mieulx suspendre sa persuasion, que de... ?
de Michel de MONTAIGNE dans II, 232

ÉTYMOLOGIE

1
Provenç. suspendre ; espagn. suspender ; ital. sospendere ; du lat. suspendere, de susum, en haut, et pendère, pendre.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
Suspendre les pas, marcher avec précaution pour ne pas faire de bruit.
Voyez-moi ces délicats de qui le sommeil impose silence à toute une maison, pour qui tout ce qu'il est de serviteurs se ferment la bouche et suspendent les pas, s'ils s'approchent d'eux
de François de MALHERBE dans Lexique, éd. L. Lalanne.

Synonymes de SUSPENDRE

Termes proches de SUSPENDRE