Définition de SUBSTANCE

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : sub-stan-s' ; au XVIe siècle, prononcé sustance, d'après Palsgrave, p. 23

DÉFINITIONS

1
Sémantique : Terme de philosophie. Ce qui subsiste par soi-même, à la différence de l'accident qui ne subsiste que dans un sujet.
Toute chose dans laquelle réside immédiatement comme dans un sujet, ou par laquelle existe quelque chose que nous apercevons, c'est-à-dire quelque propriété, qualité ou attribut dont nous avons en nous une réelle idée, s'appelle substance
de René DESCARTES dans Rép. aux secondes object. 61
Je soutiens que le temps n'est rien, parce qu'il n'a ni forme, ni substance ; que tout son être n'est que de couler, c'est-à-dire que tout son être n'est que de périr
Nous ne connaissons la matière que par quelques phénomènes ; nous la connaissons si peu, que nous l'appelons substance ; or le mot substance veut dire ce qui est dessous ; mais ce dessous nous sera éternellement caché
Leibnitz disait que les véritables substances étaient nécessairement actives
de Charles BONNET dans Oeuvr. mêlées, t. XVIII, p. 78, dans POUGENS
Si l'on ne veut parler des choses qu'autant qu'on se représente dans chacune un sujet qui en soutient les propriétés et les modes, on n'a besoin que du mot de substance
de Etienne Bonnot de CONDILLAC dans Conn. hum. v
L'objet de ce philosophe [Spinosa] est de prouver qu'il n'y a qu'une seule substance, dont tous les êtres, que nous prenons pour autant de substances, ne sont que les modifications ; que tout ce qui arrive est une suite également nécessaire de la nature de la substance unique
de Etienne Bonnot de CONDILLAC dans Traité des syst. 10
Dès que les qualités distinguent les corps, et qu'elles en sont des manières d'être, il y a dans les corps quelque chose que ces qualités modifient, qui en est le soutien ou le sujet, que nous nous représentons dessous, et que, par cette raison, nous appelons substance
de Etienne Bonnot de CONDILLAC dans Gramm. Préc. des leçons prél art. 1
Quand on a voulu pénétrer plus avant dans la nature de ce qu'on appelle substance, on n'a saisi que des fantômes
de Etienne Bonnot de CONDILLAC dans Gramm. II, 1
2
Sémantique : Par une déduction du sens philosophique, il se dit, avec une épithète ou un complément, des êtres spirituels, par opposition aux êtres matériels.
La substance qui pense y peut être reçue ; Mais nous en bannissons la substance étendue
Je me trouve fort bien d'être une substance qui pense et qui lit
Vous nous direz comme vous vous y trouvez [à Grignan], et comme cette pauvre substance qui pense, et qui pense si vivement, aura pu conserver sa machine si belle et si délicate
Il [Théodose] ordonnait que par tout son empire, selon la foi du saint concile de Nicée, on reconnût une seule substance indivisible dans la Trinité
On doit conclure de tout ceci, que les esprits créés seraient peut-être plus exactement définis, substances qui aperçoivent ce qui les touche ou les modifie, que de dire simplement que ce sont des substances qui pensent
Pour de l'esprit, continua-t-il, je ne crois pas qu'une substance céleste puisse en avoir plus que votre cousine : en un mot, c'est une personne d'un mérite accompli
Y a-t-il des substances dont l'essence soit de penser, qui pensent toujours, et qui pensent par elles-mêmes ?
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Phil. ignor. 29
Qu'il y ait des substances immatérielles et intelligentes, c'est de quoi je ne doute pas
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Micromégas, ch. 7
Leur substance [des anges], fluide et pure comme l'air, Comme lui peut braver les atteintes du fer
3
Matière dont un corps est formé, et en vertu de laquelle il a des propriétés particulières. Substance liquide, pierreuse, métallique. Substance compacte. Les substances employées en médecine.
Aux plus jeunes guerriers [ils] s'offrent pour aliment, Comme s'ils espéraient, changés en leur substance, être encore de Rome et l'âme et la défense
de DU RYER dans Scévole, II, 3
Si, dans le système de cet univers, il est nécessaire à la conservation du genre humain qu'il y ait une circulation de substance entre les hommes, les animaux et les végétaux, alors le mal particulier d'un individu contribue au bien général
Bergman observe qu'il faut considérer comme une substance particulière celle qui a des propriétés qui lui sont spéciales et que l'on peut toujours obtenir d'une manière semblable à elle-même
de SENNEBIER dans Ess. art d'observ. t. III, p. 101, dans POUGENS
On dit qu'un médicament est administré en substance, quand on le donne dans son état naturel et sans aucune préparation chimique ni pharmaceutique.
Sémantique : Terme d'anatomie générale. Substances organiques ou principes immédiats, corps liquides ou solides, qui ne sont ni cristallisables, ni volatils sans décomposition ; brûlant avec peu de flamme en se boursouflant ; dégageant des produits empyreumatiques ammoniacaux, azotés et d'odeur âcre, puis laissant un charbon brillant, volumineux, difficile à incinérer.
Substance fondamentale, voy. FONDAMENTAL.
4
Nature : Absolument. Ce qu'il y a de nourrissant, de succulent en quelque chose. Les plantes attirent la substance de la terre. Aliments qui ont peu de substance. La substance de la viande bouillie passe dans le bouillon.
Sémantique : Fig.
Qui de nous n'a pas été prodigue ? qui n'a pas dissipé sa substance par une vie déréglée et licencieuse ?
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans 1er panég. St Fr. de Paule, Préamb.
5
Sémantique : Fig. Ce qui nourrit l'esprit comme la substance nourrit le corps. Il y a beaucoup de paroles et peu de substance dans ce discours.
Il y a plus de substance dans une de ses pages que dans tous les volumes des détracteurs de Sénèque
Son langage était rapide, entrecoupé, plein de substance et de chaleur
6
Ce qu'il y a d'essentiel, d'important dans un écrit, un acte, une affaire, etc.
Laisse-moi de ce mot [billet] méditer la substance
Il ne me souvient peut-être pas des propres paroles ; mais je suis assuré que c'en était la substance
S'ils [les dominicains] sont conformes aux jésuites par un terme qui n'a pas de sens [grâce suffisante], ils leur sont contraires et conformes aux jansénistes dans la substance de la chose
La substance de presque tous les ordres émanés du trône était contenue dans ces mots : car tel est notre plaisir ; Louis XVI aurait pu dire : car telle est notre sagesse et notre bonté
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Pol. et lég. Édits de Louis XVI
Des révolutions qu'elle [la religion chrétienne] a souffertes, non dans la substance des dogmes, mais dans la manière de les enseigner
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Élog. Fleury.
7
Ce qui est absolument nécessaire pour la subsistance.
Ils consument en douleur leur substance et leurs jours
de PATRU dans Plaidoyers, I
On dévore la substance du pauvre, on ruine la veuve et l'orphelin
de Louis BOURDALOUE dans Carême, II, Richesses, 17
Si ceux qui passent leurs jours dans les travaux rustiques, avaient le loisir de murmurer, ils s'élèveraient contre les exactions qui leur enlèvent une partie de leur substance
Tous ces vils sénateurs dont l'avarice inique Dévore sans pitié la substance publique
de Marie-Joseph CHÉNIER dans Gracques, I, 2
8
En substance, Nature : loc. adv. En gros, sommairement. Voici en substance de quoi il s'agit.
Elle [une lettre] contenait en substance quelques particularités de la conduite de Dieu sur la vie et sur la maladie que je voudrais vous répéter ici
Les mémoires [des corporations] disaient tous en substance : Conserveznous et détruisez toutes les autres

HISTORIQUE

1
XIIe s.
E la meie substance ensement cume nient devant tei
dans Liber psalm. p. 51
2
XIIIe s.
Feme sens et sustance trait d'home debonaire, Chastie-musart, dans RUTEB. II, p. 482. Por ce devons nos croire que ces trois personnes [de la Trinité] soient une sustance qui est touz puissanz et tout sachanz et touz bienveillanz
Nuls ne doit affoiblir sa corporel sustance Par boivre jusqu'à yvre....
Solempnité n'est pas de la sustance de mariage
dans Liv. de just. 178
Et encraissié d'autrui sustance
de BAUDOUIN DE CONDÉ dans t. I, p. 215
3
XIVe s.
Ne te chault s'il perdent chevance, Mais que tu aies leur substance ; Soies tousjours tout prest de prendre
de BRUYANT dans dans Ménagier, t. II, p. 25
4
XVe s.
Quant le roy eut ouye la substance de la charge de cest ambassadeur....
de Philippe de COMMINES dans V, 2
5
XVIe s.
Le mot grec [hypostase] emporte subsistence : et aucuns ont confondu le mot de substance comme si c'estoit tout un
Demetrius prononça le decret, lequel avoit esté ordonné par le peuple, dont la substance estoit telle....
de Jacques AMYOT dans Timol. 53
Nostre intention est d'escrire et traitter de la vertu que l'on appelle morale : quelle substance elle a, et comment elle subsiste
Pour l'honneur de Dieu, sustance [maintien] de la reigle et reformation
Pourquoy sous le nom de Dieu ne peut-on changer les substances de toutes choses, veu que sous le nom du roy on en a fait et fait-on tous les jours de si estranges metamorphoses et transsubstantiations ?

ÉTYMOLOGIE

1
Bourg. sustance ; provenç. sustancia ; espagn. substancia ; ital. sostanzia ; du lat. substantia, de substare, de sub, sous, et stare, être debout (voy. STABLE) : ne connaissant les êtres que par leurs qualités, nous plaçons sous ces qualités un sujet, que nous disons sub-stans, se tenant dessous.

Synonymes de SUBSTANCE

Termes proches de SUBSTANCE