Définition de MAÎTRESSE

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : mê-trè-s'

DÉFINITIONS

1
Celle qui domine, dirige, possède. Les domestiques et leur maîtresse.
Fille, femme, mère, maîtresse, reine, telle que nos voeux l'auraient pu faire
Il me laisse en ces lieux souveraine maîtresse
Du coeur d'Assuérus souveraine maîtresse, Éprouvez seulement son ardente amitié
[La femme] La nuit, le jour, veut être, à mon avis, Tant qu'elle peut, la maîtresse au logis
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Ce qui plaît, etc.
Dame et maîtresse, sorte de pléonasme qui se dit quelquefois dans le langage familier. Elle est ici dame et maîtresse.
Maîtresse de maison, la dame qui, à titre d'épouse, de parente ou autre, dirige une maison.
Une maîtresse de maison, attentive à faire ses honneurs, n'aurait pas, en pleine santé, pour des étrangers des soins plus marqués, plus obligeants, plus aimables que ceux que Julie mourante avait pour sa famille
Maîtresse de soi-même, femme qui peut disposer de son sort comme elle veut.
Maîtresse de moi-même, il veut bien qu'une fois Je puisse de mon sort disposer à mon choix
Libre dans vos bontés, maîtresse de vous-même
Quand je serai ma maîtresse, Je ferai comme ma tante, je me lèverai tard aussi
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Théât. d'éduc. la Bonne mère, I, 1
Maîtresse d'elle-même, se dit aussi d'une femme qui se possède.
Le roi trouva une grande différence dans l'humeur de Mme de Maintenon [par opposition à Mme de Montespan] ; il trouva une femme toujours modeste, toujours maîtresse d'elle-même
de Mme DE CAYLUS dans Souvenirs, p. 88, dans POUGENS
Être maîtresse de, être la maîtresse de, disposer à son gré.
Je suis peu maîtresse de mon temps
Nature : Absolument. Être la maîtresse, faire ce qu'on veut.
Vous me dites que je pleure, et que je suis la maîtresse ; il est vrai, ma fille, que je ne puis m'empêcher de pleurer : mais ne croyez pas que je sois tout à fait la maîtresse de partir, quand je le voudrai
Être maîtresse de, contenir, dominer.
La raison ne doit-elle pas être maîtresse de tous nos mouvements ?
Une émotion dont je ne suis pas maîtresse
D'un mouvement jaloux je ne fus pas maîtresse
Votre trouble à Mathan n'a-t-il point trop parlé ? - J'ai fait ce que j'ai pu pour m'en rendre maîtresse
Ces transports dont votre âme à peine est la maîtresse
2
Il se dit des armées qui s'emparent.
Pendant que le parlement d'Angleterre songe à congédier l'armée, cette armée, toute indépendante, réforme à sa mode le parlement, qui eût gardé quelques mesures, et se rend maîtresse de tout
Ses armées, maîtresses de Naples au nom de l'archiduc son frère, et maîtresses, en son propre nom, du Bolonais, du Ferrarais, d'une partie de la Romagne, menaçaient Rome
Sémantique : Fig.
Il n'aura point une multitude de femmes qui se rendent maîtresses de son esprit, ni une quantité immense d'or et d'argent
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Deutéron. XVII, 17
De ses derniers soupirs [de Claude mourant] je me rendis maîtresse
3
Sémantique : Fig. Il se dit de choses qu'on personnifie.
Et forçant sa vertu d'être encor la maîtresse
La rébellion longtemps retenue, à la fin tout à fait maîtresse
Le valeureux comte de Fontaines, qu'on voyait [à Rocroy] porté dans sa chaise, et, malgré ses infirmités, montrer qu'une âme guerrière est maîtresse du corps qu'elle anime
Ce n'est pas un défaut que d'avoir le cerveau propre pour imaginer fortement les choses et recevoir des images très distinctes et très vives des objets les moins considérables, pourvu que l'âme demeure toujours la maîtresse de l'imagination
Bientôt ils [les flatteurs] vous diront que les plus saintes lois, Maîtresses du vil peuple, obéissent aux rois
Déjà de tout le camp la discorde maîtresse Avait sur tous les yeux mis son bandeau fatal
4
Celle qui possède un pays à titre souverain.
Vous vîtes ces maîtresses du monde [Anne et Marie-Thérèse] vivre parmi vous [religieuses du Val-de-Grâce] comme vous qui l'avez quitté
Je songe quelle était autrefois cette ville [Troie], Si superbe en remparts, en héros si fertile, Maîtresse de l'Asie....
Mais Rome veut un maître et non une maîtresse
Maîtresse d'un État plus vaste que les siens [de Ninus], J'ai rangé sous vos lois vingt peuples de l'aurore, Qu'au siècle de Bélus on ignorait encore
La reine ma maîtresse, l'impératrice ma maîtresse, expressions qu'emploient les ambassadeurs et autres agents politiques en parlant de leur souveraine.
La maîtresse du monde, de la terre, des nations, Rome.
Et Rome est aujourd'hui la maîtresse du monde
Rome, toujours faible, toujours dans l'anarchie, esclave quelquefois des Allemands, et en proie à tous les fléaux, continua d'être la maîtresse des nations
Rome, dont le destin, dans la paix, dans la guerre, Est d'être en tous les temps maîtresse de la terre
Encor quelques moments, un dieu qui vous seconde Va mettre entre vos mains la maîtresse du monde
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Rom. sauv. II, 6
Rome, reine des rois, reine en héros féconde, La terreur, la maîtresse et l'exemple du monde
Dans le style biblique, la maîtresse des nations, Jérusalem.
La maîtresse des nations est devenue comme veuve, la reine des provinces a été assujettie au tribut
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Jérémie, Lament. I, 1
5
Fille ou femme recherchée en mariage, ou, simplement, aimée de quelqu'un, ainsi dite de l'empire qu'elle exerce sur l'homme qui l'aime.
Ils semblent, comme moi, servir une maîtresse
M'en croyez-vous, seigneur ? ne la revoyez point ; Portez en lieu plus haut l'honneur de vos caresses, Vous trouverez à Rome assez d'autres maîtresses, Et dans ce haut degré de puissance et d'honneur Les plus grands y tiendront votre amour à bonheur
Qui trahit sa maîtresse aisément fait connaître Que sans aucun scrupule il trahirait son maître
Plus on aime une maîtresse, plus on est près de la haïr
Quoique les maux se succèdent ainsi les uns aux autres [dans l'amour], on ne laisse pas de souhaiter la présence de sa maîtresse par l'espérance de moins souffrir ; cependant, quand on la voit, on croit souffrir plus qu'auparavant
J'ignore ce grand art qui gagne une maîtresse
Parmi tant de beautés qui briguent leur tendresse [des sultans], Ils daignent quelquefois choisir une maîtresse
Elle aura le pouvoir d'épouse et de maîtresse
Rome l'alla chercher [Cléopâtre] jusques à ses genoux [d'Antoine], Et ne désarma point sa fureur vengeresse Qu'elle n'eût accablé l'amant et sa maîtresse
Rien n'encourage plus aux actions vertueuses, que d'avoir pour témoin et pour juge de sa conduite une maîtresse dont on vent mériter l'estime
Vous vieillirez, Ô ma belle maîtresse, Vous vieillirez, et je ne serai plus
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Bonne vieille.
J'ai dit à mon coeur, à mon faible coeur : N'est-ce point assez d'aimer sa maîtresse ?
de Alfred DE MUSSET dans Chanson.
Faire une maîtresse, faire maîtresse, prendre une maîtresse.
Si l'on me dédaigne, je laisse La cruelle avec son dédain, Sans que j'attende au lendemain De faire nouvelle maîtresse
de D'URFÉ dans Astrée, I, 1
....Et déjà vous avez fait maîtresse ? - Dorante : Si je n'en avais fait, j'aurais bien peu d'adresse, Moi qui depuis un mois suis ici de retour
6
Femme ou fille qui vit avec un homme dans un commerce de galanterie.
Elle avait envie d'être la maîtresse du roi, elle l'est
La duchesse de Valentinois ne pouvait pardonner à Mme d'Étampes de lui avoir ôté le titre de maîtresse du roi
de Marie-Madeleine Pioche de la Vergne, comtesse de la Fayette, dite Madame DE LA FAYETTE dans Princesse de Clèves, Oeuv. compl. t. II, p. 43, dans POUGENS.
On lui reprochait [à Henri IV, empereur d'Allemagne] publiquement d'avoir des maîtresses
Il fallait une maîtresse [à Louis XV] : le choix tomba sur Mlle Poisson [Mme de Pompadour], fille d'une femme entretenue et d'un paysan de la Ferté-sous-Jouarre qui avait amassé quelque chose à vendre du blé aux entrepreneurs des vivres
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Comm. Oeuv. aut. Henr.
Dans un État purement monarchique tel que la France, une maîtresse avare ou dissipatrice ruine le peuple
Je possède jeune maîtresse Qui va courir bien des dangers
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Ma dern. chanson.
J'avais vingt ans, une folle maîtresse
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Grenier.
Maîtresse déclarée, nom qu'on donnait sous l'ancienne monarchie à la femme qui portait publiquement le titre de maîtresse du roi.
Mme de la Vallière fut la première maîtresse déclarée, et il [Louis XIV] la fit duchesse de Vaujour
de Charles Pinot, sieur DUCLOS dans Règne de Louis XIV, Oeuv. t. V, p. 178
Le roi sans doute aura des maîtresses ; mais il n'y en aura plus de déclarées
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Mme de Maintenon, t. I, p. 191, dans POUGENS
Sémantique : Fig. Épouser sa maîtresse, devenir possesseur d'une chose, et, par la possession même, s'en dégoûter.
J'aimerais mieux y demeurer par choix que d'y être forcée ; vous savez ce que dit l'abbé d'Effiat ; il a épousé sa maîtresse ; il aimait Véret quand il n'était pas obligé d'y demeurer ; il ne peut plus y durer, parce qu'il n'ose en sortir
7
Celle qui enseigne. Une maîtresse de piano, de chant. Une maîtresse de langue.
Je voudrais que vous sussiez que la maîtresse des novices est la plus importante charge de la maison, et, en un sens, plus que la supérieure
Les enfants voient fort bien les vices ou les vertus de leurs maîtresses ; il faut parler à une fille de sept ans aussi sensément qu'à une de vingt
Sémantique : Fig.
Imagination, c'est cette partie décevante dans l'homme, cette maîtresse d'erreurs et de fausseté....
Ce qu'une judicieuse prévoyance n'a pu mettre dans l'esprit des hommes, une maîtresse plus impérieuse, je veux dire l'expérience, les a forcés de le croire
L'oisiveté est la maîtresse de tous les crimes
de Louis BOURDALOUE dans Dim. de la Séptuagés. Dominic. t. I, p. 356
Maîtresse de pension, dame qui est à la tête d'un pensionnat de jeunes filles.
Maîtresse d'école, femme qui enseigne dans une école les éléments aux petites filles.
8
Maîtresse se joint à des qualifications injurieuses pour les renforcer. Une maîtresse coquine.
Il se joint aussi à des qualifications indifférentes ou louables, également pour les renforcer.
Un beau matin, sa femme, qui était une maîtresse commère, entre dans son cabinet
Une maîtresse femme, une femme capable, habile, résolue.
Elle parla avec tant de force qu'une nouvelle servante, qui l'entendait, l'interrompit en s'écriant : Pardi, voilà encore une maîtresse femme
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Mme de Maintenon, t. II, p. 273, dans POUGENS
Il se dit, dans un sens analogue, des choses inanimées, et signifie principal.
Cet heureux poëme n'a extraordinairement réussi que parce qu'on y voit les deux maîtresses conditions (permettez-moi cette épithète) que demande ce grand maître [Aristote] aux excellentes tragédies
Soit que l'âme ait le cerveau entier immédiatement sous sa puissance, soit qu'elle y ait quelque maîtresse pièce par où elle contienne les autres parties, comme un pilote conduit tout le vaisseau par le gouvernail
La capacité principale et la qualité maîtresse du président était pour les négociations
de STE-BEUVE dans Causeries, 15 mai 1854
Maîtresse pièce, la principale pièce d'un ouvrage quelconque.
Sémantique : Terme de marine. Maîtresse varangue, celle qui répond au maître couple.
Maîtresse ancre, la plus grosse ancre d'un bâtiment.
Maîtresse levée, la section verticale passant par l'axe ou le milieu de la largeur des branches du maître couple.
Maîtresses garcettes, les deux garcettes centrales d'une bande de ris, etc.
Sémantique : Terme de pêche. Maîtresse corde, la plus grosse des cordes dont on se sert pour le genre de pêche appelé pêche aux cordes.
9
Petite-maîtresse, femme qui est d'une élégance recherchée dans son ton, dans ses manières, dans sa parure, et qui a un air avantageux.
La coquetterie fait les plus extravagantes petites-maîtresses
Mme de Bose aurait été sa fille ; elle était brillante et petite-maîtresse

HISTORIQUE

1
XIIIe s.
[Il] A respondu : dame prestresse, Jà fustes vous sa maïstresse
dans Lai d'Ignaurès
2
XVe s.
Celle maistresse [gouvernante] estoit vieille dame, si sçavoit assez de charmes et d'enchantemens.
dans Lancelot du lac, t. II, f° 30
La dame en sa maistresse chambre, gisante sur une couchette
dans ib. t. I, f° 30
3
XVIe s.
Ame maistresse de ses passions
de Michel de MONTAIGNE dans I, 83
Lui presentant Bradamante ou Angelique pour maistresse à jouir
de Michel de MONTAIGNE dans I, 176
Brantôme, citant ces mots de J. de Saintré : sa dame et amoureuse, ajoute : Car de ce temps ce mot de maistresse ne s'usoit
dans Dames galantes, t. II, p. 221, dans LACURNE
Vous qui, pipez d'amour, d'erreur et de jeunesse, Adorez vainement une folle maistresse

ÉTYMOLOGIE

1
Dérivé de maître ; bourguig. moitresse ; provenç. majestra, magestra, maistra ; espagn. maestra ; portug. mestra ; ital. maestra.
Au XIIe siècle on trouve maistriere dans le sens de femme avec qui on a commerce d'amour : S'uns gentils hom fist de moi sa maistriere
dans Raoul de C. 54

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
MAÎTRESSE. - REM. Ce passage de Molière montre bien l'emploi ordinaire, dans le XVIIe siècle, de maîtresse au sens de femme qu'on recherche en mariage.
[Harpagon dit à sa fille en lui parlant de Marianne, qu'il veut épouser : ] Pour vous, ma fille,... préparez-vous à bien recevoir ma maîtresse qui vous doit venir visiter

Synonymes de MAÎTRESSE

Termes proches de MAÎTRESSE