Définition de BOIRE

DÉFINITIONS - PROVERBES - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : boi-r'

DÉFINITIONS

1
Avaler un liquide. Il boit du vin. Vous boirez de la tisane. Il but du poison. Buvez un verre d'eau.
2
Dépenser à boire.
Il [mon aïeul] but ainsi son héritage ; Que son âme soit en repos !
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Enfant de b. maison.
Buvons gaîment l'argent de mon tombeau
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Mon tomb.
À boire ! locution pour demander qu'on verse à boire.
3
Sémantique : Fig.
Que tout seul, s'il se peut, je boive tout le fiel Que répandrait sur vous la colère du ciel
de Jean de MAIRET dans Sophon. IV, 1
Et d'enfants à sa table une riante troupe Semblait boire avec lui la joie à pleine coupe
de Jean RACINE dans Esth. II, 9
La céleste troupe, Dans ce jus vanté, Boit à pleine coupe L'immortalité
de Jean-Baptiste ROUSSEAU dans Bacchus, cantate.
Le germe des douleurs infecte leur repas ; Et dans des coupes d'or ils boivent le trépas
de THOMAS dans Ép. au peuple.
Quand pourrai-je.... Boire l'heureux oubli des soins tumultueux
de Jacques DELILLE dans L'hom. des ch. IV
Adieux, regrets, baisers.... Mon âme s'en troublait, mon oreille ravie Buvait languissamment ces prémices de vie
de Alphonse de LAMARTINE dans Joc. I, 36
Boire, dans le sens d'être obligé d'endurer.
Honorable défaite.... Encores derechef me la fallut-il boire
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat. VIII
Qui gai fait une erreur, la boit à repentance
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat. X
Ayant bu la première honte
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 11
Malheureux que je suis ! il faut que je boive l'affront
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Préc. 18
Mon frère, doucement il faut boire la chose
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Éc. des mar. III, 20
Ils boivent les affronts comme l'eau
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Ém. II
Il boit, en expirant, le plus horrible affront : Les pieds d'un malheureux suspendu sur sa tête Renversaient sa couronne et lui battaient le front
de MASSON dans les Helvétiens, III
4
Nature : Absolument, boire du vin. On buvait pendant des jours entiers. Boire beaucoup, boire avec excès, bien boire. Il avait bu copieusement. Aimer à boire.
Vous buviez sur son reste, et montriez d'affecter Le côté qu'à sa bouche elle avait su porter
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans l'Étour. IV, 5
Soyons bien buvants, bien mangeants, Nous devons à la mort de trois l'un en dix ans
de Jean de LA FONTAINE dans Fab. VI, 19
J'ai soupé hier avec trois des plus jolies femmes de Paris ; nous avons bu jusqu'au jour....
de Alain René LESAGE dans Turc. III, 5
Boire son soûl, boire autant qu'on veut.
Boire à la santé de quelqu'un, faire des voeux pour quelqu'un en buvant. Nous buvons à votre heureux retour.
Qu'on boive aux maîtres de la terre, Qui n'en boivent pas plus gaîment
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Trinquons.
On dit aussi, boire la santé de quelqu'un, au lieu de boire à sa santé.
Je voudrais bien les remercier d'avoir bu ma santé ; la vôtre fut bue avant-hier chez la princesse de Tarente
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 441
Boire sec. Cet homme boit sec, c'est-à-dire il boit beaucoup.
Le roi boit ! la reine boit ! Acclamation usitée dans les repas du jour des Rois, lorsque le roi ou la reine de la fève boivent.
Boire, être ivrogne. Cet homme a le défaut de boire.
Donner à boire, tenir un cabaret.
Chanson à boire, chanson de table.
Elle chanta vingt chansons à boire
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 407
Chanter un air à boire
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Bourg. IV, 1
Donner pour boire, donner une gratification en outre du salaire.
Je lui donnerai de quoi boire
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 15
Après boire, après avoir bu, à son aise.
Un poëte n'est bizarre et fâcheux qu'après boire
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat. VIII
Un beau jour, après boire
de Jean de LA FONTAINE dans Mazet.
Eh bien ! nous lirez-vous quelque chose aujourd'hui ? Me dit un curieux qui s'est toujours fait gloire D'honorer les neuf soeurs et toujours, après boire, Aime à dormir au bruit des vers psalmodiés
de André CHÉNIER dans Ép. 2
Sémantique : Fig.
Ils boiront dans la coupe affreuse, inépuisable, Que tu présenteras au jour de ta fureur, à toute la race coupable
de Jean RACINE dans Ath. II, 9
En langage poétique, boire à la source d'Hippocrène, faire des vers.
Boire, courir risque de se noyer. On est allé à son secours ; il commençait à boire. Il faillit se noyer et but beaucoup. On dit dans le même sens, boire un coup.
Sémantique : Terme de manége. Un cheval qui boit dans son blanc, est un cheval qui a le nez blanc ; un cheval qui boit la bride, a le mors trop enfoncé dans la bouche.
5
S'imbiber, s'imprégner de. L'éponge boit l'eau. La terre brûlée longtemps par le soleil, but la pluie.
Nature : Absolument. Ce papier boit, il se laisse pénétrer par l'encre.
Sémantique : Fig.
La terre humectée But à regret le sang des neveux d'Érecthée
de Jean RACINE dans Phèdre, II, 1
Telle est Iris, quand un nuage obscur, Chargé de pluie, altéré de lumière, Boit le soleil, et vers notre paupière Réfléchit l'or et la pourpre et l'azur
de MALF. dans Narcisse, III
6
Nature : V. n. Sémantique : Terme de tannerie. Faire boire les peaux, les mettre à la rivière.
7
Sémantique : Terme de couturière. Faire boire du taffetas, du linge, une étoffe, tenir en cousant une pièce lâche contre l'autre tendue, de manière qu'avec des longueurs inégales elles arrivent au même point.
Sémantique : Terme de marine. Faire boire la voile, tenir la voile lâche en la cousant à sa ralingue.
En ces deux derniers emplois, boire se dit pour être béant, à demi ouvert, et cela se comprend, puisque boire exige que la bouche soit ouverte.
8
Se boire, Nature : v. réfl. Être bu. Ce vin se boit au dessert.

PROVERBES

1
Boire comme un templier, comme une éponge ; boire excessivement. Les chevaliers de l'ordre du Temple étaient accusés d'être ivrognes.
2
Boire le vin du marché, boire ensemble après la conclusion d'un marché.
3
Boire le vin ou le coup de l'étrier, boire un verre de vin quand on est près de partir.
4
Exemple : À petit manger bien boire, c'est-à-dire lorsqu'on a peu à manger, il est bon de boire un bon coup.
5
Exemple : Il y a à boire et à manger, c'est-à-dire l'affaire présente de bons et de mauvais côtés ; se dit aussi, au propre, d'un liquide trouble, par exemple du café mal filtré.
6
Exemple : Qui bon l'achète, bon le boit, c'est-à-dire il ne faut point plaindre l'argent à bonne marchandise.
7
Exemple : On ne saurait faire boire un âne s'il n'a soif, c'est-à-dire on ne saurait déterminer une personne entêtée à faire ce qu'elle n'a pas envie de faire.
8
Qui fait la faute la boit, on porte la peine des fautes qu'on fait.
9
Exemple : On ne saurait si peu boire qu'on ne s'en sente, c'est-à-dire boire un peu trop expose toujours à quelque sottise.
10
Exemple : Croyez cela et buvez de l'eau, se dit d'une chose qui ne mérite pas de croyance. On dit dans un sens à peu près analogue : buvez frais ; buvez du meilleur.
Prononcez seulement ces mots in, cum, sub, et buvez du meilleur
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Dial. 10
11
Exemple : C'est la mer à boire, se dit d'une chose trop difficile, qui ne se peut faire. Ce n'est pas la mer à boire, se dit d'une chose qui ne présente pas de grandes difficultés.
Si je pouvais remplir mes coffres de ducats ! Si j'apprenais l'hébreu, les sciences, l'histoire ! Tout cela c'est la mer à boire
de Jean de LA FONTAINE dans Fab. VIII, 25
12
Exemple : Il n'y a pas de l'eau à boire, c'est-à-dire à ce travail, à ce métier, à ce marché, il n'y a rien à gagner.
13
Exemple : Le vin est tiré, il faut le boire, c'est-à-dire il n'y a plus à hésiter, à reculer, et aussi, vous avez commencé, il faut achever.
14
Exemple : Qui a bu boira, c'est-à-dire on ne se corrige pas de ses vieux défauts.

HISTORIQUE

1
XIe s.
Li mieux gariz [protégés] en ont boüd [se sont noyés] itant
dans Ch. de Rol. CLXXVI
2
XIIe s.
S'il en bevoit, ne fust mort erramment
dans Ronc. p. 105
Onques Tristans, cil qui but le brevage, Plus loiaument n'ama sans repentir
dans Couci, XI
3
XIIIe s.
Et quant il lui donnoit à boire et à manger
dans Berte, XI
Volentiers [elle] en beüst, mais trouble ert [était l'eau] com godale [sorte de bierre]
dans ib. XXVII
À son plaisir elle a et mangié et beü
dans ib. LI
Illuec [il] eüst esté noiiés ; Mais li peschieres à esploit S'en vint au comte qui buvoit
dans Bl. et Jeh. 2711
Si ot non li legas de France maistre Robiers de Crescon et estoit englois, preudomme, mais volentiers buvoit ; par Dieu ! ainsi sont maint preudome
dans Chron. de Rains, p. 87
Il convient que il [le fripier] doint au roy pour le mestier XXV deniers de la haubanerie, et XII deniers à boivre aus compaignons
dans Liv. des mét. 202
Il est bien raison que l'anui Que je ai porchacié reçoive ; Droiz est que ma folie boive
dans Ren. 15748
Je ne sui mie encore morz ; Moult avez tost le duel beü Que vos avez de moi eü
de ID. dans 12775
À ce sunt cil bien cognoissant Qui vont les dames traïssant, Qui dient por eus [els, elles] losengier Qu'il ont perdu boivre et mengier
dans la Rose, 2566
Et quant il vint à la fontaine Que li pins de ses rains [branches] covroit, Il se pensa que il bevroit
dans ib. 1488
Il n'est nus qui de celi boive, Boive en neïs plus qu'il ne doive [même s'il en boit plus qu'il ne doit], Qui sa soif en puisse estanchier, Tant a le boivre dous et chier
dans ib. 6012
S'il fist folie, si la boive
de RUTEBEUF dans 79
Et li dit que il looit [conseillait] qu'il se traïsist [retirât] à main destre sur le flum, pourceque ses serjans eussent à boire
de Jean, PRINCE DE JOINVILLE dans 226
Ses chevaliers sarrazins se mistrent en la ville et comencerent à boivre des vins, et furent maintenant touz ivres
de Jean, PRINCE DE JOINVILLE dans 248
4
XIVe s.
Et semblablement ne desirent pas touz unes meismes viandes ou boires
de Nicolas ORESME dans Eth. 95
5
XVe s.
Et usent grand foison d'espices, par especial de sucre et aussi de lait de chevres ; ce sont les communs boires des Turs et des Sarrazins
de Jean FROISSART dans III, IV, 58
Pensez à vos besognes, car jamais je ne buverai ni ne mangerai tant que vous soyez en vie
de Jean FROISSART dans II, III, 76
[Les Anglais naufragés sur la côte d'Irlande] burent assez
de Jean FROISSART dans II, II, 59
L'endemain, après messe et après boire, les traiteurs [les négociateurs] vinrent ensemble en la dite chapelle....
de Jean FROISSART dans I, I, 143
Puisqu'il est trait [tiré], il le faut boire
de Charles D'ORLÉANS dans Rép. à Fred.
Il lui falloit adviser necessairement comment il pourroit mieulx boire ce qu'il avoit brassé, car boire le luy falloit
de Georges CHASTELAIN dans Chron. du duc Philippe, Introd.
En l'an de mon trentieme eage, Que toutes mes hontes j'eu beues, Ne de tout fol encor ne sage
de François de Montcorbier, dit VILLON dans Gr. Test.
6
XVIe s.
Plus tost beuront [boiront] les Partes Araris
de Clément MAROT dans IV, 6
[Les rivières] Qui d'une part en la terre se boivent : Autres plusieurs en la mer se reçoivent
de Clément MAROT dans IV, 13
Je boiray par Dieu et à toy, et à ton cheval
de François RABELAIS dans Garg. I, 39
Ils en perdent le boire, le manger et le repos
de Michel de MONTAIGNE dans I, 64
Boire chaud, boire froid
de Michel de MONTAIGNE dans I, 164
Qui fait la faute, il la boit
de Antoine LOYSEL dans 825
Les premiers harquebusiers qu'on avoit poussez beurent seuls quelque fumée, et firent la pluspart du meurtre en attendant les autres
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans Hist. I, 153
Premier que de joindre, il lui fallut boire la volée de 14 canons
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans ib. I, 167
Parmi les pleurs et la tristesse, ce prince beut les remonstrances des pasteurs et des amis [les accueillit], et rompit les mauvaises esperances de la cour, en espousant la soeur du duc de Longueville
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans ib. I, 198
Si peu de pieces qu'ils menoient n'eussent peu passer du costé du Vivarets, d'où les montagnes vont boire dans la riviere
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans ib. I, 320
Ceux qui firent cette sortie, et qui en beurent le premier peril sont en cette compagnie
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans ib. II, 305
En mesme temps commença la tranchée, qui vint percer la contr'escarpe et boire dans le fossé
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans ib. III, 29
Un Allemand de la garde s'estoit fort beu
de Ambroise PARÉ dans IX, 1er disc.
La terre les eaux va boivant, L'arbre la boit par sa racine, La mer salée boit le vent, Et le soleil boit la marine ; Le soleil est beu de la lune, Tout boit soit en haut ou en bas : Suivant ceste reigle commune, Pourquoy donc ne boirons-nous pas ?
de Pierre de RONSARD dans 507
Point ne parle à celui qui boit
de GÉNIN dans Récréat. t. II, p. 247

ÉTYMOLOGIE

1
Bourguig. borre ; Berry, bere, beuvre ; provenç. beure ; catal. beurer ; espagn. beber ; ital. bevere ; du latin bibere ; rattaché au grec, boire, par le sanscrit pâ, boire, dans les védas pib, d'où, par assimilation de la consonne, la réduplication bib. Boire est régulièrement formé, ayant l'accent tonique sur la même syllabe que bíbere.

Synonymes de BOIRE

Termes proches de BOIRE

Phonétiquement proche de BOIRE