Définition de ENIVRER

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : an-ni-vré, an prononcé comme dans antérieur ; quelques-uns disent é-ni-vré ; mais cette prononciatio

DÉFINITIONS

1
Causer l'ivresse. Un verre de vin l'enivre.
Du sommeil et du vin les vapeurs les enivrent
de Jacques DELILLE dans Énéide, IX
Nature : Absolument. Certains vins enivrent très vite. La fumée de tabac enivre.
Faire boire jusqu'à l'ivresse. Ses camarades l'enivrèrent.
On les invita à monter sur les vaisseaux, on les enivra, on les mit aux fers, on leva l'ancre, et l'on tira le canon sur tout ce qui restait d'Indiens au rivage
de Guillaume Thomas, abbé RAYNAL dans Hist. phil. XVIII, 21
2
Sémantique : Fig. Faire pour ainsi dire boire ce qui cause une ivresse morale. Enivrer quelqu'un de louanges.
Elle n'a point trouvé la pompe et la mollesse Dont la cour des Tarquins enivra sa jeunesse
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Brutus, I, 2
C'est moi qui, les regards attachés sur les siens, L'enivrai du poison de nos longs entretiens
de Jean-François DUCIS dans Othello. III, 5
Il se dit aussi des choses qui causent une ivresse morale.
Sotte présomption, vous m'enivrez sans boire
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat. XI
Il est d'autres erreurs dont l'aimable poison D'un charme bien plus doux enivre la raison
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. IV
Qu'heureux est le mortel qui, du monde ignoré, Vit content de soi-même en un coin retiré, Que l'amour de ce rien qu'on nomme renommée N'a jamais enivré d'une vaine fumée !
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Épît. VI
Tu avais un peu négligé mes préceptes quand la trop grande prospérité enivra ton coeur
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Dial. des morts anc. XXIV
L'amour, la gloire, le génie Ont trop enivré mes beaux jours
de Pierre Jean de BÉRANGER dans M. Stuart.
Nature : Absolument. La prospérité enivre.
L'Amour alors près de nos mères, Faisant chorus, battait des mains, Rapprochait les coeurs et les verres, Enivrait avec tous les vins
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Trinquons.
3
S'enivrer, Nature : v. réfl. Se mettre en état d'ivresse. Ce malheureux s'enivre en secret.
Ayant bu du vin, il s'enivra, et parut nu dans sa tente
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Genèse, IX, 21
Il hante la taverne et souvent il s'enivre
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. XII, 19
Le grand s'enivre de meilleur vin que l'homme du peuple : seule différence que la crapule laisse entre les conditions les plus disproportionnées, entre le seigneur et l'estafier
de Jean de LA BRUYÈRE dans IX.
Sémantique : Fig.
L'homme faible et léger.... S'enivre de faveur comme on le fait de vin
de François L'Hermite, sieur du Soliers, dit TRISTAN L'HERMITE dans Panthée, III, 5
Je n'aime point à m'enivrer d'écriture
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 224
Je l'ai vu vers le temple où son hymen s'apprête S'enivrer en marchant du plaisir de la voir
de Jean RACINE dans Andr. v, 2
Rends-lui compte du sang dont tu t'es enivrée
de Jean RACINE dans Athal. v, 5
Il s'enivre à vos yeux de l'encens des humains
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Brut. III, 7
C'était [Julien] un avocat qui pouvait s'enivrer de sa cause
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Philos. v, 413
Les femmes surtout s'enivrèrent et du livre et de l'auteur
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Conf. X
L'imprudente Didon tendrement le caresse, Le tient sur ses genoux, entre ses bras le presse, S'enivre de sa vue
de Jacques DELILLE dans Énéide, I
Bien qu'il ait besoin d'un avenir indéfini, il s'enivre du présent
de Anne Staël-Holstein, dite Mme DE STAËL dans Corinne, VIII, 2
Enivrons-nous de poésie, Nos coeurs n'en aimeront que mieux
de Pierre Jean de BÉRANGER dans les Sciences.
Sémantique : Familièrement. Il s'enivre de son vin, c'est-à-dire il a trop bonne opinion de lui-même, il s'entête de ses propres idées.

HISTORIQUE

1
XIIe s.
....Servir as feluns.... est ses saetes de sanc juste enivrer
dans Th. le mart. 89
E out cumanded à ses humes qu'il guetassent quant Amon fut enivrez, e, quant il leur dirreit, oceissent Amon
dans Rois, p. 166
N'ai beu ne vin ne el [autre chose], par unt [par quoi] l'um se poisse enivrer
dans ib. 4
2
XIIIe s.
C'est [l'amour] la soif qui tousjours est ivre, Yvresce qui de soif s'enyvre
dans la Rose, 4324
Trop sunt à grant meschief livré Cuer qui d'Amors sunt enivré
dans ib. 4630
Qui bien veut amor descrivre, Amors est et male et bone ; Le plus mesurable enivre, Et le plus sage embricone [rend fou]
dans Hist. littér. de la Fr. t. XXIII, p. 753
Cist henas [coupe] est li galices [calice] à qui sainz esperiz [le Saint Esprit] ennivre ses feels de s'amor
dans Psautier, f° 30
3
XIVe s.
Et la biauté qui a mon cuer ravi, Et le plaisir enyvré de folour, Le dous regart qui me mist en errour....
de MACHAUT dans p. 56
Qui s'enyvre, il se desnourrist, Car tout le foie se pourrist
de J. BRUYANT dans dans Ménagier, t. II, p. 14
4
XVIe s.
Vous n'oyez que cris, et d'enfants suppliciez, et de maistres enyvrez en leur cholere
de Michel de MONTAIGNE dans I, 183
Ny le drap enyvré des eaux du Gobelin
de Pierre de RONSARD dans 801

ÉTYMOLOGIE

1
Provenç. enieurar, eniurar ; du latin inebriare, de in, et ebrius, ivre.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
Arbre à enivrer, la coque du Levant, quelques phyllanthus
de BAILLON dans Dict. de bot. p. 247

Synonymes de ENIVRER

Termes proches de ENIVRER