Définition de ABREUVER
Prononciation : a-breu-vé
DÉFINITIONS
1
Faire boire des animaux. Rivière où l'on a coutume d'abreuver les bestiaux. Les puits qu'ils avaient creusés pour abreuver leurs troupeaux.On mena abreuver nos chevaux
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 155
2
Faire boire abondamment quelqu'un. Il abreuva largement la compagnie. On l'abreuvait pour lui faire perdre la raison et s'emparer de lui.Le cruel d'une main semblait m'ouvrir le flanc, Et de l'autre à longs traits m'abreuver de mon sang
de CRÉB. dans Atrée, II, 2
3
Mouiller, pénétrer d'eau, arroser. La terre est abreuvée. Ces prairies ont besoin d'être abreuvées. Le sol est abreuvé d'eau. Les cèdres qu'abreuve la rosée du ciel. Une grande abondance d'humeurs abreuve cette plaie ; il faut la dessécher.4
Sémantique : Fig. Remplir, saturer. Abreuver quelqu'un d'outrages. On abreuve les alliés de dégoûts.Tout le fiel.... Dont un amant fut jamais abreuvé
de François de MALHERBE dans v, 27
Tout le fiel dont on vous abreuva
de Louis BOURDALOUE dans Pens. t. III, p. 362
5
Sémantique : En termes d'art, mettre sur un fond poreux une couche d'huile, d'encollage, de couleur ou de vernis pour en boucher les pores et en rendre la surface unie.Sémantique : Terme de tonnelier. Abreuver des tonneaux, les emplir d'eau pour s'assurer s'ils ne fuient point.
Sémantique : En termes de marine, abreuver un vaisseau, y faire entrer de l'eau, avant de le lancer, pour voir s'il n'y a pas une voie d'eau.
6
S'abreuver, Nature : v. réfl. Les chevaux s'abreuvent ici. Après s'être abreuvé de vin S'abreuver largement.Les puits où vont le soir s'abreuver nos troupeaux
de Jean-François DUCIS dans Abuf. I, 5
7
Être humecté. La terre s'abreuve des pluies fécondantes. Le sol de la Grèce devait s'abreuver de sang. La javeline s'abreuve de leur sang.8
Sémantique : Fig. S'abreuver de larmes. Il s'abreuva du sang de la république. Néron s'abreuva de sang. Il s'abreuve aux sources les plus pures de la science.De son mortel poison tout courut s'abreuver
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. XI
HISTORIQUE
1
XIIIe s.Chascuns des vins se fit plus digne Par sa bonté, par sa puissance, D'abevrer bien le roi de France
dans Bat. des vins, Fabl. de Barb. 2e éd. t. II, p. 154
Li prudomme cui estoit cele fontaine, la fit aler por tout son champ pour lou abeuvrer
dans L. de just. 27
Qu'il ne l'abeivre [la bête achetée] ne face abevrer la matinée, et après rendre la, se elle ne lui siet
dans Ass. de Jér. I, 213
En un lit tout seul [elle] les coucoit [couchait les deux enfants], Andeux [tous deux] paissoit et abevroit
dans Fl. et Bl. 195
Et pour bien faire en ceste poine, Au souverain bien [la sagesse] la [l'âme] ramoine, Dont jonesse la dessevroit, Qui de vanités l'abevroit
dans la Rose, 4558
Et qu'il devra estre abevrés, Dès ains neïs qu'il soit sevrés....
dans ib. 10665
Tous les en aboivre à ses mains, Mès les uns plus, les autres mains [moins]
dans ib. 6849
Je euz fain, vous me saoulastes, Et si euz soif, vous m'abruvastes
2
XIVe s.Et si n'ara chascuns, tant qu'il porra durer, Qu'un soel pain de fourment tous les jours à disner, Et un lot d'iawe aussi pour son corpz abuvrer
dans Baud. de Seb. IX, 568
3
XVe s.Le duc de Bretagne suivit l'opinion du roi de France moult legerement, car il estoit, du temps passé, si abeuvré de l'information de son cousin le duc de Flandre, pour la rebellion de l'Eglise, que son coeur ne s'inclina onques à croire Clement pape
de Jean FROISSART dans III, IV, 36
4
XVIe s.Puis en passant au milieu de la plaine, De grans ruisseaux de sang s'abrevera
de Clément MAROT dans IV, 322
Quand les plis de leurs hoquetons furent abbreuvés d'eau, ils les chargerent encore plus
de Jacques AMYOT dans Timol. 38
Les Romains sortiz pour aller au fourrage ou pour abbreuver leurs chevaulx
de Jacques AMYOT dans Ant. 50
Chascun en ayant esté abbruvé cent fois [d'un récit]
de Michel de MONTAIGNE dans I, 35
Les premiers discours, de quoi on lui doibt abruver l'entendement....
de Michel de MONTAIGNE dans I, 172
Toutes leurs idoles s'abruvent de sang humain
de Michel de MONTAIGNE dans I, 229
Son esponge estoit abruvée de diverses peintures
de Michel de MONTAIGNE dans I, 254
La sotte imagination dont leur maistre des sentences les a abbruvez leur a perverti l'entendement
de Jean CALVIN dans Inst. 1128
Quand on viendroit abreuver la mule sus laquelle montoit sa femme...
de Bonaventure DESPÉRIERS dans Cont. 92
Encor que tout fust conduit secretement au possible, si est-ce que chacun en fut abreuvé [informé]
de Jacques YVER dans 562
Fol est qui se met en enqueste ; car le plus souvent qui mieux abreuve [ses témoins], mieux preuve
de Antoine LOYSEL dans 770
ÉTYMOLOGIE
1
Wall. abuvrer, abovrer ; picard, abruvrer ; provenç. abeurar ; espagn. abrevar ; ital. abbeverare ; bas-lat. abeverare, abebrare ; de ad, indiquant la direction de l'action, et bibere, boire (voy. BOIRE). L'ancien français est abeuvrer, sauf de rares exceptions, plus près de l'étymologie ; c'est au XVIe s. que l'r s'est déplacée définitivement et qu'on a dit abreuver.