Définition de SOIN
Prononciation : soin ; l'n ne se lie pas : un soin extrême ; au pl. l's se lie : des soin-z extrêmes
DÉFINITIONS
1
Attention, application de l'esprit à une chose, à faire quelque chose.Où l'amour de la terre et le soin de la chair Aux fragiles plaisirs ayant ouvert la porte
de François de MALHERBE dans I, 4
Ainsi donc un sujet téméraire A si peu de respect et de soin de me plaire !
de Pierre CORNEILLE dans Cid, II, 6
Et comme à l'échauffer j'appliquerai mes soins
de Pierre CORNEILLE dans Nicom. I, 5
La chose allait à bien par son soin diligent
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VII, 10
Pour toi l'astre du jour prend des soins superflus [tu es aveugle, et le soleil luit en vain]
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VIII, 1
Eh bien, défendez-vous au sage De se donner des soins pour le plaisir d'autrui ?
de Jean de LA FONTAINE dans ib. XI, 8
Il y a trop d'affaires de se tirer d'un rhumatisme... je ne balance point de mettre tout mon soin au rétablissement parfait de ma santé
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 8 mars 1676
Les soins que vous avez de m'écrire me sont de continuelles marques de votre amitié
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 30 juin 1677
jamais plante ne fut cultivée avec plus de soin
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Ann. de Gonz.
La bonté du naturel prévint en M. le Tellier les soins de l'éducation
de Esprit FLÉCHIER dans le Tellier.
Même elle avait encor cet éclat emprunté Dont elle eut soin de peindre et d'orner son visage
de Jean RACINE dans Athal. II, 5
D'où vient que d'un soin si cruel L'injuste Agamemnon m'écarte de l'autel ?
de Jean RACINE dans Iphig. III, 2
Les soins que j'ai pris pour vous rendre sage
L'unique soin des enfants est de trouver l'endroit faible de leurs maîtres, comme de tous ceux à qui ils sont soumis
de Jean de LA BRUYÈRE dans XI
J'apprends avec plaisir le soin que tu te donnes de l'éducation de la tienne [fille]
Prendre soin de avec un infinitif, veiller à, faire en sorte que.
Le maître qui prit soin d'instruire ma jeunesse Ne m'a jamais appris à faire une bassesse
de Pierre CORNEILLE dans Nicom. II, 3
Quelle importune main, en formant tous ces noeuds, A pris soin sur mon front d'assembler mes cheveux ?
de Jean RACINE dans Phèdre, I, 3
Les amants de ma mère Pénélope furent surpris de mon départ ; j'avais pris soin de le leur cacher, connaissant leur perfidie
Prendre soin, avoir soin de quelque chose, veiller à ce que quelque chose se conserve, réussisse.
C'est lui [l'amour] qui, sous tes lois me tenant asservie, M'a fait en ta faveur prendre soin de ma vie
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, III, 4
Vous voyez bien que je regarde ma santé comme une chose qui est à vous, puisque j'en prends un soin si particulier
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 2 sept. 1676
En vérité, j'ai trop d'obligation à Euripide pour ne pas prendre quelque soin de sa mémoire, et pour laisser échapper l'occasion de le réconcilier avec ces messieurs
de Jean RACINE dans Iphig. Préf.
Je voulais en mourant prendre soin de ma gloire
de Jean RACINE dans Phèdre, I, 3
Prendre soin, avoir soin de quelqu'un, signifie aussi pourvoir à son salut, à ses besoins, à ses nécessités, à sa fortune.
De vous-même, seigneur, daignez mieux prendre soin
de Pierre CORNEILLE dans Héracl. I, 3
Il a parlé au roi qui lui a dit que, s'il servait avec application, on aurait soin de lui
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 500
Rois, prenez soin de l'absent Contre sa langue homicide [de la calomnie]
de Jean RACINE dans Esth. III, 3
Mais de vos premiers ans quelles mains ont pris soin ?
de Jean RACINE dans Athal. II, 7
Sémantique : Populairement. Avoir soin de ses fièvres, se bien nourrir.
2
La charge, le devoir de prendre soin de quelque chose, d'y veiller. je vous confie le soin de veiller sur mes affaires. C'est lui qui a le soin de la cave.Le soin de la république
de PERROT dans Tacite, 11
[Vatel] dont la bonne tête était capable de soutenir tout le soin d'un État
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 24 avr. 1671
Et depuis encore ne s'est-elle pas appliquée en toutes rencontres à conserver cette même intelligence [entre les royaumes de France et d'Angleterre] ? ces soins regardent maintenant Vos Altesses Royales
Dès l'âge de quinze ans, elle [Henriette] fut capable de ces soins [protéger les catholiques anglais]
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans ib.
Le soin de tes sujets te rappelle à Versailles
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Épît. VIII
Et vous me chargez, moi, du soin de son supplice !
Le soin d'une injure, la charge de venger une injure.
Et je charge un amant du soin de mon injure
de Jean RACINE dans Andr. V, 2
Sémantique : Fig. Il laisse au temps le soin de venger sa mémoire.
Les soins du ménage, les détails du ménage et l'attention qu'ils demandent.
On dit de même : les soins d'une maison, d'une ferme.
3
Souci, inquiétude, préoccupation.Si mes amis ont quelque soin De ma pitoyable aventure
de François de MALHERBE dans V, 7
Je dors ici dix heures toutes les nuits, et sans que jamais aucun soin me réveille
de René DESCARTES dans Lett. à Balzac, 29 mars 1631
[Le chat vit] Son rat qui se tenait alerte et sur ses gardes ; Ah ! mon frère, dit-il, viens m'embrasser ; ton soin Me fait injure...
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VIII, 22
À quoi bon charger votre vie Des soins d'un avenir qui n'est pas fait pour vous ?
de Jean de LA FONTAINE dans ib. XI, 8
N'ayez aucun soin de cette affaire ; c'est la mienne et plus que la mienne
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 19 août 1675
Votre santé est l'unique soin de ma vie
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à Mme de Grignan, 9 juin 1677
En même temps, chrétiens, un autre soin me travaille ; ce n'est pas un ouvrage humain que je médite ; je ne suis pas ici un historien qui...
C'est prendre trop de soin [être trop curieux]
de Jean RACINE dans Brit. IV, 4
D'un soin cruel ma joie est ici combattue
de Jean RACINE dans Iphig. II, 2
Petit séjour commode et sain Où je vis, m'endors et m'éveille, Sans aucun soin du lendemain
de Jean-François DUCIS dans à son logis.
Être en soin, être inquiet, être en peine.
Je suis en soin de ce qu'elle put dire à ses parents....
de Jean de LA FONTAINE dans Diable en enfer
Changer de lieu, dit-il. - Comment le ferons-nous ? - N'en soyez point en soin : je vous porterai tous
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. X, 4
Ils ne sont jamais en soin de leur boire et de leur manger non plus que de leurs habits, coucher et lever, ce sont les maîtres qui en sont chargés
de VAUBAN dans Dîme, p. 82
4
Sollicitude.Tous les jours je l'invoque [Dieu], et d'un soin paternel Il me nourrit des dons offerts sur son autel
de Jean RACINE dans Athal. II, 7
5
Nature : Au plur. Services qu'on rend à quelqu'un, attentions qu'on a pour lui.Ô vous pour qui les dieux ont des soins si pressants, Bourbon, Conti....
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. XII, 25
Elle a des soins infinis de me divertir
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 595
Mme de Coulanges a des soins de moi admirables
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 4 sept. 1677
Mmes de Lavardin, de la Troche et de Villars m'accablent de leurs billets et de leurs soins
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 29 mai 1675
Je lui rendais [à Mme de la Fayette] beaucoup de soins, par le mouvement de mon coeur, sans que la bienséance ou l'amitié qui nous engage y eût aucune part
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 3 juin 1693
Les soins qu'il avait eus de mon enfance
Donner des soins à un malade, avoir des soins d'un malade, l'assister en qualité de médecin.
Pecquet [le médecin] eut de moi des soins extrêmes
Politesse, galanterie.
Il rendait assez de soins à Camille
de Pierre CORNEILLE dans Hor. Examen.
Il n'est soins empressés, devoirs, respects, services Dont il ne nous ait fait d'amoureux sacrifices
Azélie épuisait tous ces soins délicats Qui voudraient être vus, mais ne se montrent pas
de Jacques DELILLE dans Imag. II
On l'a dit quelquefois au singulier.
Il rendait quelque soin à Mégiste, à Cyane
de Thomas CORNEILLE dans Ariane, I, 1
Rendre des soins à quelqu'un, le voir avec assiduité, lui faire la cour.
M. de Vence me rend des soins très obligeants
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 22 avr. 1672
Vous connaissez les soins qu'il me rend tous les jours
de Jean RACINE dans Alex. I, 1
Petits soins, toutes sortes de petites galanteries.
De tous les petits soins il devient incapable : Un amant sûr d'être aimé Cesse toujours d'être aimable
de DESHOUL. dans Poés. t. I, p. 68
Ces petits soins, la grande affaire Et le grand savoir des amants
de LAMOTTE dans Odes, t. I, p. 455, dans POUGENS
Les petits soins, les attentions fines
Dans le langage des romans de Clélie, de Cyrus, etc. Le village de Petits-Soins, un village de la carte du royaume de Tendre.
Il y a trois sortes de Tendre : Tendre sur estime, Tendre sur inclination et Tendre sur reconnaissance ; lorsque l'on veut arriver à Tendre sur estime, il faut aller d'abord au village de Petits-Soins
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Hér. de romans.
Être aux petits soins auprès de quelqu'un, avoir des attentions recherchées, délicates, de manière à lui épargner les moindres peines.
HISTORIQUE
1
XIe s.Por ço n'unt soign de helme ne d'osberc
dans Ch. de Rol. CCXXXV
2
XIIe s.Mais li reis d'Engleterre n'out suing de l'acorder
dans Th. le mart. 104
3
XIIIe s.Son vis [visage] n'a soig [besoin] de mireor, Ne son gent cors de bel ator
dans Partonopex, ms. de St-Germ. f° 151, dans LACURNE
4
XIVe s.La dame moult senée et sage De malades sot [sur] tout l'usage ; De lui garder fu en grant songne
de J. DE CONDET dans p. 87
5
XVe s.Disoit qu'il voudroit bien estre joyeux, mais que personne qui vient à soing ne le peut estre
dans Aresta amorum, p. 35, dans LACURNE
6
XVIe s.Estendre le soing de nous au delà de cette vie
de Michel de MONTAIGNE dans I, 15
Les bons legislateurs ont eu plus de soing de l'amitié que de la justice
de Michel de MONTAIGNE dans I, 207
Tous les jours je lis en des aucteurs, sans soing de leur science, y cherchant leur façon non leur subject
de Michel de MONTAIGNE dans IV, 43
Le soing caché se cognoit à la face
de Pierre de RONSARD dans 105
ÉTYMOLOGIE
1
Wallon, sogn, Nature : s. f. peur, besogne ; provenç. sonh, soing, suenh ; anc. ital. sogna. Origine douteuse. Plusieurs y voient un dérivé du bas-lat. sunnis, sunnia, sonia, qui signifie empêchement juridique, d'où l'idée de s'arrêter à une affaire difficile, de soin. Sunnis, qui se trouve dans les lois barbares, est un mot germanique. Cependant il faut dire qu'on n'a pas une série d'intermédiaires qui établissent comment le mot est venu du sens d'empêchement juridique à celui de soin ; à moins qu'on ne regarde comme tels es-soine, exemption, et ensoignié, chargé d'embarras, de soucis. Du Cange a mis en avant le lat. somnium, le trouvant dans un glossaire avec le sens de soin ; l'anç. franç. songne et le wallon sogn en viennent sans doute.