Définition de SOI

DÉFINITIONS - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : soi

DÉFINITIONS

1
Il se rapporte d'ordinaire à un mot général et indéterminé, tel que on, chacun, quiconque ; il se construit aussi avec un verbe à l'infinitif. L'amour de soi.
Et ne devoir qu'à soi le gain d'une bataille
Tout tend à soi ; cela est contre tout ordre : il faut tendre au général ; et la pente vers soi est le commencement de tout désordre
La nature de l'amour-propre et de ce moi humain est de n'aimer que soi et de ne considérer que soi
de Blaise PASCAL dans ib. II, 8
On est comme Mlle d'Aumale : on aime mieux dire du mal de soi que de n'en point parler
M. l'abbé de Louvois sentit plus que jamais, par tant de pertes importantes, combien il est à propos d'avoir un mérite qui soit à soi
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Abbé de Louv.
On se trouve même encore actuellement dans des engagements trop vifs, et qu'il n'est point en soi de rompre
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Avent, Délai de la convers.
La honte d'une action rejaillit sur les parents.... il est rare qu'on ne fasse du mal qu'à soi
On ne gagne jamais rien à parler de soi, et c'est une indiscrétion que le public pardonne difficilement, même quand on y est forcé
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Rép. au roi de Polog.
Des passions la plus triste en la vie, C'est de n'aimer que soi dans l'univers
de FLORIAN dans la Poule de Caux
Comme l'a dit un certain philosophe, il ne faut pas purger les petits-fils pour la maladie de leur grand-père ; chacun pour soi et Dieu pour tous
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Facéties, 1re anecd. sur Bélis.
2
Il se rapporte très bien à un mot déterminé, quand c'est un nom de chose.
Cet état porte avec soi des obligations, qu'il vous est d'une importance extrême de bien connaître
de Louis BOURDALOUE dans 2e dim. après l'Épiphanie, Dominic. t. I, p. 63
La recommandation que porte avec soi la vertu
Célébrez la gloire immortelle D'un coeur toujours maître de soi
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Endym. II, 11
Le crime traîne toujours après soi certaine bassesse, dont on est bien aise de dérober le spectacle au public
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Mystères, Visitation.
L'esprit de commerce entraîne avec soi celui de frugalité
3
Il se construit aussi avec un nom de personne pour sujet déterminé ; c'est l'usage des meilleurs auteurs.
....Une jeune merveille Seule semblable à soi
de François de MALHERBE dans V, 21
Qu'il fasse autant pour soi comme je fais pour lui
Si quelqu'un s'y joue, Il peut bien prendre garde à soi
Ils [les princes] sont environnés de personnes qui ont un soin merveilleux de prendre garde que le roi ne soit seul et en état de penser à soi, sachant bien qu'il sera misérable, tout roi qu'il est, s'il y pense
L'homme n'aime pas à demeurer avec soi
Le plus vil artisan eut ses dogmes à soi [chez les protestants]
Phèdre, malgré soi, perfide, incestueuse
Tout cela part d'un coeur toujours maître de soi
Charmant, jeune, traînant tous les coeurs après soi
Il faut laisser Aronce parler proverbe ; Mélinde parler de soi, de ses vapeurs, de ses migraines, de ses insomnies
Il n'ouvre la bouche que pour répondre ; il tousse, il se mouche sous son chapeau, il crache presque sur soi
de Jean de LA BRUYÈRE dans VI
Gnathon ne vit que pour soi
de Jean de LA BRUYÈRE dans XI
L'homme ne doit le vice et la vertu qu'à soi
4
Chez soi, dans sa demeure.
Aucun n'est prophète chez soi
Cette aimable personne A suivi le conseil que mon amour lui donne, N'a plus voulu songer à retourner chez soi
Il s'assied, il se repose, il est chez soi
de Jean de LA BRUYÈRE dans XI
Plus on avance dans sa carrière, et plus on est convaincu que l'on n'est bien que chez soi
C'est depuis Charles-Quint et François Ier que dure cette politique entre les princes catholiques d'armer les protestants chez autrui, et de les poursuivre chez soi
On dort si bien sur une chaise ! On est ici comme chez soi
de Jean-François MARMONTEL dans Zém. et Az. I, 1
Vivre chez soi, vivre sans liaisons au dehors.
Heureux qui vit chez soi, De régler ses désirs faisant tout son emploi !
Sémantique : Familièrement. Avoir un chez-soi, une habitation en propre.
Il n'y a pas de petit chez-soi, on est toujours mieux chez soi que chez les autres.
5
Rentrer en soi, faire de plus sérieuses, de plus sages réflexions.
Revenir à soi, reprendre ses esprits.
Idoménée, revenant à soi, les remercie
Sémantique : Fig. Revenir à soi, reprendre son sang-froid, son bon sens.
Leur funeste rigueur, qui l'avait poursuivie, Méprisait le conseil de revenir à soi
de François de MALHERBE dans I, 2
6
Être à soi, ne dépendre de rien, de personne. Quand on est au service de quelqu'un, on n'est plus à soi.
Être à soi, être en face de ses propres pensées.
Possédé d'un ennui qu'il ne saurait dompter [Alexandre], Il craint d'être à soi-même et songe à s'éviter
N'être pas à soi, signifie aussi avoir perdu le sens. Dans le délire on n'est plus à soi.
Sémantique : Terme de fauconnerie. Être à soi, se dit de l'état d'un oiseau qui n'a jamais été pris par les fauconniers.
7
En certaines tournures, soi est employé comme une sorte de nom et sans servir de régime.
On a souvent besoin d'un plus petit que soi
Il n'est meilleur ami ni parent que soi-même
de Jean de LA FONTAINE dans ib. IV, 22
Cela [la douleur d'estomac] se passe dans un endroit si intérieur et si intime, c'est tellement soi qui souffre, que....
La vie retirée y contribuait [à son originalité].... on s'accoutume trop dans la solitude à ne penser que comme soi
Il n'y a que deux personnes à consulter en telles affaires [explications], soi-même et la personne à qui l'on écrit
Il faut être tout à fait comme les autres, ou tout à fait comme soi ; pensez-y
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans à M. d'Ivernois, Corresp. t. VI, p. 159, dans POUGENS.
Être soi, garder son caractère. On n'est jamais bien que soi-même ; Et me voilà tel que je suis GRESSET, Ep. Bougeant.
Changeons de goûts avec les années, ne déplaçons pas plus les âges que les saisons ; il faut être soi dans tous les temps, et ne point lutter contre la nature
Qui ne voudrait pas renaître fille et mère, et comment serait-on soi si l'on ne ressentait plus les mêmes amitiés ?
8
De soi, de sa nature.
Il est, de soi, si évident que c'est moi qui doute, qui entends et qui désire....
Cet accident, de soi, doit être indifférent
Qu'ai-je fait, s'il vous plaît, de si brillant de soi, Pour me plaindre à la cour qu'on ne fait rien pour moi ?
Certaines lois fondamentales contre lesquelles on ne peut rien faire qui ne soit nul de soi
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans 5e avert. 56
L'entendement, de soi, est fait pour entendre
9
En soi, dans sa nature.
Chacun pris dans son air est agréable en soi
Il sera toujours vrai, en soi, que la même chose ne peut tout ensemble être et n'être pas
10
Sur soi, sur son corps, sur sa personne. Porter des armes sur soi. La santé demande qu'on soit propre sur soi.
Cette diversité dont on vous parle tant, Mon voisin léopard l'a sur soi seulement : Moi je l'ai dans l'esprit
La malpropre sur soi, de peu d'attraits chargée, Est mise sous le nom de beauté négligée
11
Sémantique : Familièrement. à part soi, en son particulier. Faire des réflexions à part soi.
12
Quant-à-soi, Nature : subst. (voy. QUANT 2, n° 2).
13
Soi-même, voy. MÊME, n° 12.
Nature : Substantivement. Un autre soi-même, voy. MÊME, n° 12.
Sémantique : Terme d'art du moyen âge. De soi-même, de sa nature, de sa couleur et de sa masse.
Un animal émaillé de soi-même, c'est-à-dire de sa couleur naturelle ; un vase avec les anses de soi-même, c'est-à-dire prises dans la masse

REMARQUE

1
1. L'usage tend continuellement à substituer lui ou elle à soi ; mais il faut résister à cette tendance, soi étant plus clair que lui ou elle.
2
2. Soi est de rigueur avec un nom indéterminé, on, chacun, et avec un verbe à l'infinitif.
3
3. Avec un nom déterminé de personne, on emploie plus souvent lui ou elle que soi ; même des grammairiens prétendent que c'est une faute de mettre soi ; mais on n'a qu'à lire les exemples rapportés, et on verra que l'usage des bons auteurs soutient très bien l'emploi de soi avec un nom de personne.
4
4. Quand le nom est un nom de chose, soi est préférable à lui ou à elle.
5
5. Des grammairiens ont prétendu que soi était toujours singulier. C'est une erreur ; de sa nature, soi n'est pas plus singulier que se ; et ces exemples-ci le montrent au pluriel.
Ce sont choses, de soi, qui sont belles et bonnes
Tant de profanations que les armes traînent après soi
6
6. La Fontaine a employé soi au lieu de se : c'est un archaïsme tombé en désuétude.
Tant ne songeaient au service divin, Qu'à soi montrer....
de Jean de LA FONTAINE dans Mazet.

HISTORIQUE

1
XIe s.
Li home mort senz devise [testament], si departent li enfant l'erité entre sei per uwel [égal]
dans Lois de Guill. 36
Ses mellurs homes [il] enmeinet ensemble od sei
dans Ch. de Rol. XXXVII
2
XIIe s.
Cil qui pert soi meïsme de son voisin ne jot [ne jouit]
dans Sax. XVII
3
XIIIe s.
....De sa robe, et la dame entour soi la renoue
dans Berte, XXXIII
Mais je cuit qu'il me venist miex Li alers que se j'i envoi ; L'en dit : n'i a tel comme soi
dans Lai de l'ombre
Il s'est atornez por movoir, Soi tierz [lui troisième] de compaignons, sanz plus
dans ib.
4
XVe s.
Et perdirent plus les Genevois qu'ils n'y gagnerent, ainsi qu'il vient souvent en soi trop follement abandonnant
Les pluyes les plus grandes qu'il est possible de dire, et le pays de soy tant fangeux et mol que à merveilles
de Philippe de COMMINES dans II, 3
5
XVIe s.
Les seaux qui sont mis et apposez aux lettres et instrumens publiques, prins en soy, ne sont rien
....Et n'ont le goust ny la couleur si franche, Quand de soy mesme ilz tumbent de la branche
Qui ayme plus grand que soy, Luy mesme se donne loy
Il semble que l'ame se perde en soy mesme
de Michel de MONTAIGNE dans I, 21
Interrogé lequel il estimoit le plus, ou Chabrias, ou soy-mesme
de Michel de MONTAIGNE dans I, 67
Faisant requeste à Dieu de l'appeler à soy
de Michel de MONTAIGNE dans I, 252
Ilz furent contraints de soy retirer au dedans de leurs Alpes
de Jacques AMYOT dans Fab. 4
Et en fut l'effroy si grand, qu'il n'y avoit homme qui fust à soy, ne qui eust le sens rassis
de Jacques AMYOT dans ib. 8
Mais luy mettant tout son espoir de victoire en soy mesme....
de Jacques AMYOT dans ib. 11
La vertu est honorée pour l'amour de soy mesme, et non pour estre joincte à la noblesse
de Jacques AMYOT dans Sylla et Lysand. 6
Ce ne fut pas, à considerer la chose en soy, un grand exploit de guerre
de Jacques AMYOT dans ib. 7
Il rendit ses citoyens pires que soi
de Jacques AMYOT dans ib. 6
Il pouvoit veritablement dire ce que le roy Agamemnon dit de soy mesme en la tragoedie d'Euripides
de Jacques AMYOT dans Nicias, 9
On trouve souvent le lendemain les intestins reduits de soy-mesmes
de Ambroise PARÉ dans VI, 15
De tous les animaux qui marchent sur la terre L'homme est le plus chetif ; car il se fait la guerre Luy-mesmes à soy-mesme, et n'a dans son cerveau Autre plus grand desir que d'estre son bourreau
de Pierre de RONSARD dans 815

ÉTYMOLOGIE

1
Autre forme de se. Moi et me, toi et te, soi et se sont identiques, et ne diffèrent que parce que moi, toi, soi représentent me, te, se latins, avec un reforcement dû à l'accent, tandis que me, te, se, étant proclitiques, sont réduits à l'e muet.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
Soi pour soi, expression créée par Geoffroy Saint-Hilaire pour désigner la tendance des organes similaires à s'unir.
Dans les monstres doubles, les organes se mêlent et se confondent par l'attraction de soi pour soi, expression où il faut voir une figure de rhétorique et non un théorème de mécanique
de DUMAS dans Éloge d'Is. Geoffroy Saint-Hilaire

Synonymes de SOI