Définition de FR?N?SIE

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : san-si-bl'

DÉFINITIONS

1
Qui est doué de sensibilité. Les êtres sensibles et les êtres inanimés.
Il vaut mieux enlever l'esprit hors de ses réflexions, et traiter l'homme comme sensible, au lieu de le traiter comme raisonnable
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Lett. pers. 33
2
Sémantique : Par extension, qui jouit d'une sensibilité exquise, plus grande qu'à l'ordinaire. Un cheval qui a la bouche sensible.
En voilà pour tuer une oreille sensible
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Femm. sav. II, 6
Jamais oreille ne fut plus sensible à l'harmonie
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Mél. litt. Mme du Châtelet.
Sensible à l'éperon, se dit d'un cheval qui obéit à cette aide.
Qui reçoit une impression trop vive des objets. L'oeil est une partie fort sensible. Il est sensible aux moindres variations du temps.
Sensible aux mouches, se dit d'un cheval qui craint beaucoup la piqûre de ces insectes.
Sémantique : Terme de botanique. Se dit des plantes qui ferment leurs feuilles quand on y touche, ou qui ont des feuilles tellement délicates qu'on ne peut y toucher sans les froisser.
3
Sémantique : Fig. Qui reçoit une impression morale.
Puisque Rome le veut, puisqu'il est impossible De la rendre une fois à la pitié sensible
de Jean de MAIRET dans Mort d'Asdr. I, 4
Vous ne vous montrez point sensible à cet outrage !
de Pierre CORNEILLE dans Hor. II, 5
Aux larmes de sa mère il a paru sensible
de Jean RACINE dans Théb. II, 3
Peu sensible aux charmes d'Hermione
de Jean RACINE dans Andr. I, 1
À mes périls Atalide sensible
de Jean RACINE dans Baj. II, 5
Quels hommes [les Spartiates], s'écria par admiration l'un des seigneurs persans, qui ne sont sensibles qu'à l'honneur et point à l'argent !
de Charles ROLLIN dans Hist. anc. Oeuv. t. III, p. 231, dans POUGENS
Peu de gens aussi sensibles au mérite sont à portée de le favoriser, ou peu de gens à portée de le favoriser y sont aussi sensibles
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Ozanam.
On le dit avec à et un infinitif.
N'étant guère moins sensible à reconnaître les obligations que j'ai aux autres excellentes personnes...
de Vincent VOITURE dans Lett. 50
Sensible sur.
Vous n'êtes que trop vive et trop sensible sur ma vie et sur ma santé
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans à Mme de Grignan, 6 mai 1671
Mes parents sont si peu sensibles à ce que je fais pour eux, et le sont tant sur ce que je ne puis faire, que leur commerce ne me donne que du chagrin
de Françoise d'Aubigné, marquise de MAINTENON dans Lett. à M. d'Aubigné, 1er nov. 1683
On a dit, mais on ne le dit plus, sensible en.
Trop sensible en ton mal, de regret je me pâme
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Élég. II
Sémantique : Particulièrement. Être sensible à quelque chose, en éprouver un vif déplaisir.
Docile à la censure quand elle était juste, Moncrif y était pourtant très sensible
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Éloges, Moncrif.
Nature : Absolument.
Un plus sensible que moi se plaindrait du monde ; mais je me contente de l'oublier
de Jean-Louis GUEZ de BALZAC dans liv. V, lett. 25
C'est son endroit sensible, sa partie sensible, se dit en parlant des choses dont quelqu'un est le plus touché.
Ah ! tu sais me frapper par où je suis sensible
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, I, 2
S'il restait encore dans le coeur de Mme la Dauphine quelque endroit sensible, c'était à l'amour de la gloire et plus encore au salut de son époux
de Esprit FLÉCHIER dans Dauphine.
C'est l'attaquer par son endroit sensible
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Pet. carême, Gloire hum.
4
Nature : Absolument. Qui est aisément ému, attendri.
Son sort que tu plains te doit faire penser Que ton coeur est sensible et qu'on peut le percer
de Pierre CORNEILLE dans Pomp. IV, 1
Ma voix rendrait les bois et les rochers sensibles
de Jean de ROTROU dans St Gen. II, 3
Une personne si sensible et si délicate, qui ne pouvait seulement entendre nommer les maux, a souffert douze ans entiers et presque sans intervalle les plus vives douleurs
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Anne de Gonz.
Je me croirais un monstre si je cessais de l'aimer passionnément [le duc de Choiseul] ; je suis aussi sensible à l'âge de près de quatre-vingts ans qu'à vingt-cinq
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. Mme de St-Julien, 22 janv. 1772
Les âmes sensibles ont plus d'existence que les autres ; les biens et les maux se multiplient à leur égard
de Charles Pinot, sieur DUCLOS dans Consid. moeurs, 4
À la moindre circonstance inopinée, l'homme sensible la perd [la tête] ; il ne sera ni un grand roi, ni un grand ministre, ni un grand capitaine, ni un grand avocat, ni un grand médecin
de Denis DIDEROT dans Parad. coméd. Mém. t. IV, p. 12, dans POUGENS
Je me connais sensible, je ne me crois pas faible
de Mme RICCOBONI dans Oeuv. t. IV, p. 50, dans POUGENS
Sois homme sensible, mais sois homme sage ; si tu n'es que l'un des deux, tu n'es rien
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Ém. IV
Soyez fermes et non pas opiniâtres ; courageux, et non pas tumultueux ; libres, mais non pas indisciplinés ; sensibles, mais non pas enthousiastes
de Honoré Gabriel Riqueti, comte de MIRABEAU dans Collection, I, p. 51
Sensible assez pour être aimante et bienfaisante, mais pas assez pour être le jouet de ses passions
de Jean-François MARMONTEL dans Mém. VIII
Sémantique : Particulièrement. Qui reçoit l'impression de l'amour.
Hermione est sensible ; Oreste a des vertus
de Jean RACINE dans Andr. II, 1
Hippolyte est sensible et ne sent rien pour moi
de Jean RACINE dans Phèdre, IV, 5
5
Au sens passif. Qui peut être senti, qui fait impression sur les sens. Les objets sensibles. Le monde sensible.
Les qualités excessives nous sont ennemies, et non pas sensibles : nous ne les sentons pas, nous les souffrons
de Blaise PASCAL dans Pens. I, 1, édit. HAVET.
Idées sensibles, idées immédiatement fournies par les sens.
Une idée abstraite veut être expliquée par une idée moins abstraite, et ainsi successivement, jusqu'à ce qu'on arrive à une idée particulière et sensible
de Etienne Bonnot de CONDILLAC dans Traité des syst. 2
6
Qui cause une impression pénible. Le froid a été très sensible cette année.
Sémantique : Par extension, douloureux. Le mal de dents est un mal très sensible.
Un coup de poignard ne me serait pas plus sensible
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 224
7
Sémantique : Fig. Qui fait une vive impression agréable ou pénible, qui est vivement senti en bien ou en mal.
Rome avec une joie et sensible et profonde
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, V, 3
Les reproches me sont sensibles ; il faut qu'ils me le soient beaucoup, puisque j'y ferai céder, s'il le faut, mes plus sensibles intérêts
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 325
Vous me parlez de la mort de M. de la Rochefoucauld ; elle est encore toute sensible en ce pays-ci
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 5 avr. 1680
Ce revers est sensible, il faut le confesser
de Thomas CORNEILLE dans Ariane, IV, 3
C'eût été un soutien sensible à une âme comme la sienne, d'accomplir de grands ouvrages pour le service de Dieu
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Anne de Gonz.
Encore s'il eût plu à Dieu de lui conserver ce goût sensible de la piété qu'il avait renouvelé dans son coeur au commencement de sa pénitence
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans ib.
Je fais cette lecture avec une sensible consolation
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Lett. 96
Ceux qui s'abandonnent à toutes sortes de divertissements très sensibles et très agréables, ne sont pas capables de pénétrer des vérités qui renferment quelque difficulté considérable
de Nicolas MALEBRANCHE dans Recherche, II, 2e part. ch. 8, 1
Amitiés sensibles qui font une impression plus vive sur le coeur, qui le touchent, qui l'affectionnent
de Louis BOURDALOUE dans Pensées, t. II, p. 255
Laissons aux infidèles ces longues et sensibles douleurs [pour la mort des personnes chères] que la religion ne modère pas
de Esprit FLÉCHIER dans Lamoignon.
Ce qui fut le plus sensible au général carthaginois [Annibal], fut de voir Capoue assiégée par les Romains
de Charles ROLLIN dans Hist. anc. Oeuv. t. I, p. 450, dans POUGENS
Ne me serait-il point sensible de vous voir faire une injuste préférence ?
de BARON dans l'Homme à bonnes fortunes, I, 3
Ce n'est pas, grand Dieu ! que ces consolations soient toujours sensibles à une âme fidèle
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Paraphr. Ps. XV, 5
8
Qui se fait percevoir, remarquer aisément, clairement.
Mon malheur m'est visible, Et mon amour en vain voudrait me l'obscurcir ; Mais le détail encor ne m'en est pas sensible
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Amph. II, 2
Pour me servir d'une comparaison qui sera plus sensible
de Blaise PASCAL dans Prov. II
C'est le coeur qui sent Dieu, et non la raison ; voilà ce que c'est que la foi : Dieu sensible au coeur, non à la raison
de Blaise PASCAL dans Moyens, 1, édit. FAUGÈRE.
Si nos coeurs s'endurcissent après un avertissement si sensible [la mort rapide de Madame], que reste-t-il autre chose à la Providence que de nous frapper nous-mêmes sans miséricorde ?
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Duch. d'Orl.
Le compte est aisé à faire, et la suite le rendra sensible
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. I, 8
Dieu se rendit sensible par de continuels miracles
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans ib. II, 3
Faits qu'il a rendus sensibles aux plus ignorants
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans ib. II, 13
Le premier sujet de vos plaintes [de Fénelon] regarde l'altération de votre texte imputée à M. de Chartres : En voici, dites-vous, un exemple des plus sensibles....
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Rép. d'un théologien, 1
Le silence de la nuit, rendant les échos plus forts et plus sensibles, faisait paraître leurs cris comme des cris d'une troupe beaucoup plus grosse que la leur
de Charles ROLLIN dans Hist. anc. Oeuv. t. VII, p. 507, dans POUGENS
Les belles fables de l'antiquité ont encore ce grand avantage sur l'histoire qu'elles présentent une morale sensible
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Dict. phil. Fabl.
Cet exemple suffit pour rendre ma pensée sensible
de Etienne Bonnot de CONDILLAC dans Conn. hum. II, I, 9
9
Appréciable.
Presque toute la nation irritée longtemps contre sa propre félicité qui ne lui était pas encore sensible
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Russie, II, 10
En général, l'influence de la nourriture est plus grande et produit des effets plus sensibles sur les animaux qui se nourrissent d'herbes ou de fruits
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Quadrup. t. VII, p. 207
Il suffit de faire chauffer ou geler de l'eau, pour que l'air qu'elle contient reprenne son élasticité et s'élève en bulles sensibles à la surface
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Hist. min. 2e part. Oeuv. t. VI, p. 137
Il est certain que Saturne éprouve, dans son mouvement, des variations sensibles, et il est fort vraisemblable que Jupiter est la principale cause de ces variations
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Oeuv. t. XIV, p. 130
La courbure du globe terrestre est sensible à la surface des mers : le navigateur, en approchant des côtes, aperçoit d'abord leurs points les plus élevés
de LA PLACE dans Expos. I, 1
10
Sémantique : Terme de physique. Qui indique les plus légères différences. Un thermomètre, une balance sensible.
M. d'Arci imagina de suspendre un petit canon à un pendule, et de juger de la force de la poudre par l'arc que le recul ferait décrire à ce canon.... pour juger de la supériorité d'une poudre sur une autre, on trouverait difficilement un instrument plus sensible ou plus sûr
de Marie-Jean Antoine Caritat, marquis de CONDORCET dans d'Arci.
11
Sémantique : Terme de musique. Note sensible, ou, substantivement, la sensible, la note qui est à un demi-ton au-dessous de la tonique.
Beaucoup de chants populaires, pleins d'expression et de naïveté, sont dépourvus de note sensible
de H. BERLIOZ dans à travers chants, p. 13
Il y a deux sensibles : la sensible dure, qui produit un effet si majestueux dans le plain-chant, et qui est un peu délaissée par nos compositeurs modernes, et la sensible proprement dite ; c'est dans les modes 1, 2, 3, 4, 7 et 8 de la tonalité du plain-chant qu'existait la sensible dure ; M. Hector Berlioz, dans son beau mystère l'Enfance du Christ, a employé à plusieurs reprises ce degré, et toujours avec beaucoup de bonheur
de A. LOQUIN dans Notions élém. d'harmonie moderne, p. 3
Accord sensible ou dominant : les harmonistes de l'école de Rameau appelaient ainsi l'accord de septième de dominante.
12
Nature : S. m. Tout ce qui est sensible, susceptible d'être ému.
Vous pouvez dire, à coup sûr, de tout ce qui excite le sensible dans les comédies les plus honnêtes, qu'il attaque secrètement la pudeur
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Comédie, 5
Saint François de Sales, qui enseigne que les actes de piété, chassés et comme repoussés de tout le sensible, se retirent dans la haute pointe de l'esprit
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Ét. d'orais. X, 17
Objets des sens.
Il y a sensibles communs et sensibles propres : les sensibles propres sont ceux qui sont particuliers à chaque sens ; et les sensibles communs sont ceux qui sont communs à plusieurs sens
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Connaiss. I, 3

HISTORIQUE

1
XIIIe s.
Vertuz morel, qui apartient à l'ame sensible ; vertuz intellectuel, qui appartient à l'ame raisonable
de Brunetto LATINI dans Trésor, p. 297
2
XIVe s.
Icelle Marion, qui est non sensible [intelligente], et ainsi comme toute folastre
de Victor Henri-Joseph Brahain, dit DU CANGE dans follis.
Nature et je [Vénus] faisons amer Bestes, oisiaus, poissons de mer, D'aigue courant et de paisible, K'il ont en iaus [eux] ame sensible
de J. DE CONDÉ dans t. III, p. 30
Les nerfz de la teste sont appelez sensibles, et si ne sont ilz pas du tout sans mouvement
de LANFRANC dans f° 28
3
XVIe s.
Mon ame ahanne en compaignie d'un corps si tendre, si sensible
de Michel de MONTAIGNE dans I, 165
Si nos facultez intellectuelles et sensibles sont sans fondement
de Michel de MONTAIGNE dans II, 318
Je ne saurois, dit-il, vivre ne converser avec un homme qui ait le palais et la langue plus sensible que le cueur
de Jacques AMYOT dans Cat. 18
L'air se fendit soudainement, sans que l'on eust au paravant apperceu aucune sensible mutation de temps
de Jacques AMYOT dans Lucull. 16

ÉTYMOLOGIE

1
Esp. sensible ; portug. sensivel ; ital. sensibile ; du lat. sensibilis, de sensus, sens. Dans l'anglais, sensible veut dire intelligent ; c'est un sens qu'il tient de l'ancien français.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
S. m. Ajoutez :
Ses enfants [de la mère du prince de Condé], qui étaient le sensible de son coeur
de Mme DE MOTTEVILLE dans Mém. p. 361
2
Proverbialement et populairement. C'est comme si vous chantiez femme sensible, se dit d'une demande qui ne doit pas avoir de résultat.
Cette locution vient d'une romance célèbre de l'opéra d'Ariodant (1799), musique de Méhul, paroles d'Hoffmann : Femme sensible, entends-tu le ramage De ces oiseaux qui célèbrent leurs feux ? Pour indiquer une demande vaine, on a dit d'abord : C'est comme si tu chantais femme sensible sur l'air de Malbroug, c'est-à-dire si tu détruisais par l'air ridicule l'effet des paroles sentimentales. Puis la locution s'est abrégée, comme il arrive souvent.

Synonymes de SENSIBLE

Termes proches de SENSIBLE