Définition de FAILLIR

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : fa-llir, ll mouillées, et non fa-yir

DÉFINITIONS

1
Manquer le but, ne pas toucher ce qu'on vise.
Son coup [d'épée] par un bonheur coule au long d'une côte ; L'esclave avait failli
de DESMARETS dans Mirame, V, 8
Si je faux [avec ma flèche], dis qu'ils [les Perses] ont raison, et que je ne sais ce que je fais
de Paul Louis COURIER dans II, 157
Jouer à coup faillant, à coup failli, jouer à la place du premier des joueurs qui manque ; se dit au volant, à la paume, etc.
2
Faire défaut, manquer à.
Pas n'y faudrai, lui repartit la dame
de Jean de LA FONTAINE dans Coc.
Deux jours après, la commère ne faut De mettre un fil
de Jean de LA FONTAINE dans Gag.
M. Jourdain : Il suffit que, si je lui ai prêté de l'argent, il me le rendra bien. - Mme Jourdain : Oui attendez-vous à cela. - Assurément, ne me l'a-t-il pas dit ? - Mme Jourdain : Oui, oui, il ne manquera pas d'y faillir
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Bourg. gent. III, 3
J'irai là sans faillir, j'irai sans faute, sans y manquer.
En parlant des choses, faire défaut.
Supplice qui jamais ne faut Aux désirs qui volent trop haut
de François de MALHERBE dans V, 18
Tour ni détour, ruse ni stratagème Ne vous faudront
de Jean de LA FONTAINE dans Cuv.
Or la grâce ne peut faillir ; Puisqu'il sème, il doit recueillir
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Mon curé.
3
Se tromper, se méprendre en quelque chose. Ce sculpteur a failli dans les proportions.
Tu faux, de Pré, de nous portraire Ce que l'éloquence a d'appas ; Quel besoin as-tu de le faire ? Qui te voit ne la voit-il pas ?
de François de MALHERBE dans IV, 13
Prince, ne cachez plus ce que le ciel découvre, Vous devez être las de nous faire faillir
de Pierre CORNEILLE dans D. Sanche, IV, 2
Mais je dénie qu'ils faillent contre les règles
de Pierre CORNEILLE dans Épître à la Suite du Menteur.
Pas ne faillit dedans sa conjecture
de Jean de LA FONTAINE dans Mal.
4
Tomber en faute, avoir tort, pécher.
Il n'est pas bienséant à un homme sage d'avoir tant de regret pour une chose où il n'a point failli
de Vincent VOITURE dans Lett. 89
Non pas que je ne faille en cette préférence
de Pierre CORNEILLE dans Médée, II, 6
Quand le bras a failli, l'on en punit la tête
de Pierre CORNEILLE dans Cid, II, 9
Qu'une âme généreuse a de peine à faillir !
de Pierre CORNEILLE dans Cinna, III, 3
Ai-je failli de me payer moi-même ?
de Jean de LA FONTAINE dans Rich.
Si ma femme a failli, qu'elle pleure bien fort ; Mais pourquoi moi pleurer, puisque je n'ai point tort ?
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Sgan. 17
Les mauvais succès sont les seuls maîtres qui peuvent nous reprendre utilement et nous arracher cet aveu d'avoir failli qui coûte tant à notre orgueil
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Reine d'Anglet.
Aucuns monstres par moi domptés jusqu'aujourd'hui Ne m'ont acquis le droit de faillir comme lui
de Jean RACINE dans Phèd. I, 1
Jeune si j'ai failli souvent, que ce jour acquitte ma vie
de Pierre Augustin Caron de BEAUMARCHAIS dans Mère coup. v, 8
5
Céder, manquer. Cet édifice a failli par le pied.
6
Être au bout, au terme. Le jour commençait à faillir.
À jour faillant, à la chute du jour.
À jour failli, après la chute du jour.
7
Il se dit des fonctions de la vie qui manquent, qui font défaut.
Ne te donna-t-on pas des avis, quand la cause Du marcher et du mouvement Quand les esprits, le sentiment, Quand tout faillit en toi
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VIII, 1
Exemple : Le coeur me faut, se dit quand on sent quelque faiblesse, quelque épuisement, et qu'on a besoin de manger.
Exemple : Le coeur faut, se dit aussi de l'effet d'impressions morales.
Le coeur me faut
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Éc. des f. II, 2
Quand, debout sur le faîte, Elle vit ce bûcher qui l'allait dévorer, Les bourreaux en suspens, la flamme déjà prête, Sentant son coeur faillir, elle baissa la tête, Et se prit à pleurer
de Casimir DELAVIGNE dans Jeanne d'Arc.
8
Sémantique : Terme de commerce. Faire faillite. Ce banquier, ce négociant a failli.
9
Être sur le point de.
Il leur tint un discours qui faillit à les faire tomber de leur haut
de Jean-Louis GUEZ de BALZAC dans 6e disc. sur la cour.
Quand la vieille P.... ...faillit à mourir l'année passée
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans (Bussy à Mme de Sévigné), 16 oct. 1677, éd. RÉGNIER.
Je faillis à mourir de rire
de Antoine HAMILTON dans Gramm. 3
Cette proposition faillit à reculer les affaires pour un temps, au lieu de les avancer
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Charles XII, 8
Le jeune homme faillit à se trouver mal
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Ém. IV
On peut supprimer, et aujourd'hui on supprime communément la préposition à.
On prétend qu'on faillit tout gâter en 1694 par l'ordre qu'on voulut mettre au blé
de Françoise d'Aubigné, marquise de MAINTENON dans Lett. à Mme de Brinon, t. II, p. 254, dans POUGENS
On dit aussi faillir de. J'ai failli de tomber.
Cette locution, qui s'établit dans le XVIe siècle, s'explique par l'historique, où l'on voit que faillir à signifie proprement ne pas réussir à ; de là le passage est facile au sens de être sur le point de se faire. Cela montre en même temps que la forme la plus correcte, presque exclusivement employée dans le XVIe siècle, est faillir à.
Il se conjugue avec l'auxiliaire avoir ; cependant on dira : la mémoire lui a failli ou lui est faillie ; cette race a failli ou est faillie ; ce négociant a failli ou est failli ; suivant qu'on voudra exprimer l'acte ou l'état.

HISTORIQUE

1
XIe s.
Il l'ament tant, ne li faldrunt nient
dans Ch. de Rol. XXIX
Charles, chevauche ; tei ne faldrat clarté
dans ib. CLXXV
2
XIIe s.
Li cuers lui faut, s'a [s'il a] la bouche serrée
dans Ronc. p. 147
Se ma vertu ne faut, vous le comparrez [payerez] cher
dans ib. p. 195
Sur toute joie est cele couronnée, Que j'ai d'amor ; Diex ! i faudrai-je donc [y échouerai-je] ?
dans Couci, VI
Car s'il [mon coeur] revient à moi, a il failli
dans ib. IX
S'ele seüst com s'amors me justise [tourmente], Ja ne faussist pitiez ne l'en fust prise
dans ib. XVII
Pour li [ma dame] [je] m'en vais souspirant en Syrie, Car je ne doi faillir mon creator
de QUESNES dans Romancero, p. 93
Quant Dex verra que ses besoins [de Quesnes] est grans, Il lui faudra, car il lui a failli
de HUES D'OISI dans ib. p. 103
Mielz valt filz à vilain, qui est prouz e senez, Que ne fait gentilz hum failliz e debutez
dans Th. le mart. 63
3
XIIIe s.
Petit s'en failli que toute l'os [armée] n'en fust perdue
de Geoffroi de VILLEHARDOUIN dans L.
Quant il orent tout porté, si i failli-il trente-quatre mil mars d'argent de la convenance [prix convenu]
de Geoffroi de VILLEHARDOUIN dans XXXVII
[Qu'] Il confonde Tybert le mauvais, le faillit
dans Berte, LIII
Mais li cuers lui failloit
dans ib. XXX
Ci faut [finit] li capitres de l'office as baillis
de Philippe de BEAUMANOIR dans 44
On ne doit tenir à heritage nule coze qui muire, car ce qui muert faut, et heritages ne pot faillir
de Philippe de BEAUMANOIR dans XXIII, 8
Tandis que il alloit le pertuis estouper, le pié li failli, et cheï [tomba] en l'yaue
de Jean, PRINCE DE JOINVILLE dans 287
4
XVe s.
Certes, dame, voyez ci votre chevalier qui ne vous fauldroit pour mourir, si tout le monde vous failloit
de Jean FROISSART dans I, I, 14
Et se partirent un samedi, après jour faillant, de Cambray
de Jean FROISSART dans I, I, 100
Et pouvoit estre environ jour failli
de Jean FROISSART dans I, I, 100
Le prince votre ains-né fils ne peut faillir qu'il ne soit encore grand sire sans l'heritage de Flandre [les Flamands deputés, vers le roi d'Angleterre]
de Jean FROISSART dans I, I, 249
Pour paour du traict commencerent une grande partie d'eulx à reculer et eux traire en sus, comme lasches et faillis que ils furent
dans Boucic. I, 24
Le roy faisoit parler à tous ceulx qu'il povoit penser qui lui pourroient ayder, et ne failloit pas à promettre
de Philippe de COMMINES dans II, 9
N'estoit point vray, mais toute mensonge, ou peu s'en failloit
de Philippe de COMMINES dans III, 2
5
XVIe s.
Le dyable me faille, si j'eusse failly de coupper les jarrets à messieurs les apostres
de François RABELAIS dans Garg. I, 39
Je vois bien que, s'il avoit besoin d'excuses, ne lui faudriez d'avocat
de Marguerite de Navarre, dite aussi de Valois, ou d'Angoulême, reine de Navarre dans Nouv. LXVI
Les estançons de bois venus à faillir
de Michel de MONTAIGNE dans I, 26
Icy fault la regle
de Michel de MONTAIGNE dans I, 27
Faillant à sa parole
de Michel de MONTAIGNE dans I, 30
Ne faillez sur vostre vie à me confesser la verité
de Michel de MONTAIGNE dans I, 127
L'archer qui oultrepasse le blanc fault, comme celuy....
de Michel de MONTAIGNE dans I, 224
Voyant que ses gens avoient failly d'enfoncer le battaillon des ennemis [n'avaient pas réussi]
de Michel de MONTAIGNE dans I, 367
La navire faillit la Sicile et fut poulsée contre la coste de Tarente
de Michel de MONTAIGNE dans III, 35
Je n'eusse gueres failly de faillir plustost que de bien-faire à leur mode
de Michel de MONTAIGNE dans III, 260
Quand ce vient à combattre, la moitié [des pistolles, pistolets] faillent [ratent]
de Francois LANOUE, dit Lanoue Bras de Fer dans 313
Ce messager faillit à estre pendu
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans Hist. I, 241
Ce sont coustumierement personnes de coeur failly, desquelles les pensées ne s'estendent point plus avant que les vies
de Jacques AMYOT dans Préf. VI, 32
Il mourut sans enfants, de sorte que sa race faillit en luy
de Jacques AMYOT dans Lyc. 67
Ils faillirent [ne réussirent pas] à s'entre-rencontrer
de Jacques AMYOT dans Pyrrhus, 14
Evalcus se jetta à costé, et luy tira un coup d'espée, duquel il faillit à lui couper la main, mais....
de Jacques AMYOT dans ib. 70
Il lui en prend comme aux poures orphelins qui sont moins avantagez que leurs freres, d'autant que leur pere est failli trop tost
de BÉZE dans Vie de Calvin, p. 2

ÉTYMOLOGIE

1
Namur. failli, amaigri ; provenç. falhir, faillir ; catal. falir, fallir ; portug. falir ; ital. fallire ; du latin fallere, changé par les langues romanes en fallire, d'où faillir, falhir, fallire ; et, par le français, en outre en fallere( le 1er e prend un accent long), d'où falloir (car c'est le même mot) ; comp. le verbe grec traduit par manquer, et l'allem. fallen, tomber ; la racine est le sanscrit sphal, vaciller. Le latin fallere a passé aisément du sens de tromper à celui de faillir.

Synonymes de FAILLIR

Termes proches de FAILLIR