Définition de ESSUYER

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : è-sui - ié

DÉFINITIONS

1
Ôter l'eau, la sueur, l'humidité, etc. en frottant. Essuyer une table. Essuyer de la vaisselle. Essuyer ses mains à une serviette, avec un linge.
Sémantique : Fig.
Louis seul court au-devant d'eux [le roi Jacques II et sa femme], les essuie du naufrage, offre un asile à la religion et à la royauté fugitives
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Or. fun. Louis le Grand.
Essuyer les larmes, les ôter du visage avec un mouchoir, un linge.
Puisque vous le voulez, je veux bien essuyer mes pleurs
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Scap. I, 3
Sémantique : Par extension.
[Elle] Trouble à regret le repos de Narcisse, Par cent baisers essuie à son réveil, Sur ses beaux yeux, les restes du sommeil
de MALFIL. dans Narc. III
Sémantique : Fig. Essuyer les larmes, les pleurs, consoler.
Qu'au milieu de mes pleurs qu'il devrait essuyer...
de Pierre CORNEILLE dans Rod. v, 4
Ses larmes n'auront plus de main qui les essuie
de Jean RACINE dans Phèd. I, 5
Tant de larmes répandues, les essuyez-vous ?
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Car. Pâq.
Le regret les répand [les larmes], et l'espoir les essuie
de Jacques DELILLE dans Par. perdu, XI
Essuyer les plâtres, occuper le premier un appartement dans une maison nouvelle ; et fig. s'exposer au premier inconvénient d'une affaire.
S'essuyer, essuyer à soi. Il s'essuyait les yeux à la dérobée. S'essuyer le front d'où la sueur dégoutte. Elle s'est essuyé les mains.
2
Sécher, en parlant de l'action du soleil, du vent. Le vent, le soleil essuie la terre qui a été trempée par la pluie.
3
Ôter une tache, un enduit. Il essuya la sauce qu'il s'était mise sur le visage.
4
Subir, supporter, souffrir.
Qu'il me faut de la sorte essuyer vos caprices
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans l'Étour. I, 10
La quantité de sottes visites qu'il faut essuyer est cause que je prends plaisir d'être seule
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Critique, 1
Ces conversations ne font que m'ennuyer, Et c'est trop que vouloir me les faire essuyer
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Mis. II, 4
On n'a point à louer les vers de messieurs tels, à donner de l'encens à madame une telle, Et de nos francs marquis essuyer la cervelle
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans ib. III, 7
C'est un supplice assez fâcheux que de se produire à des sots, que d'essuyer, sur des compositions, la barbarie d'un stupide
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Bourg. gent. I, 1
Plus d'une fois essuyant les dangers Des pirates, des vents, du calme et des rochers
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VII, 12
Elle a essuyé toutes mes humeurs et toutes mes lassitudes
de Françoise d'Aubigné, marquise de MAINTENON dans Lett. à M. de Villette, 23 mai 1683
Fallut-il essuyer à sa porte de mauvaises heures ?
de Esprit FLÉCHIER dans Lamoignon.
Je ne sais point en lâche essuyer un outrage
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. I
Essuyer l'inconstance au Parthe si commune
de Jean RACINE dans Mithr. III, 1
Il est des contre-temps qu'il faut qu'un sage essuie
de Jean RACINE dans Esth. III, 1
Il faisait un frais délicieux, qui nous récompensait d'une journée fort chaude que nous avions essuyée
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Mond. 1er soir.
J'essuyai tranquillement ce discours, parce qu'il ne m'eût servi de rien de m'en fâcher
de Alain René LESAGE dans Gil Blas, I, 6
Ah ! c'est trop essuyer tes indignes murmures
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Brutus, IV, 3
On n'essuya jamais des épreuves plus dures
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Tancr. v, 3
La flotte d'Alexandre, partant de Patale au mois de juillet, essuya bien des tempêtes, et le voyage fut long, parce qu'elle navigua dans une mousson contraire
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Esp. XXI, 9
Essuyer le feu de l'ennemi, recevoir des décharges de canons et de fusils ; et fig. essuyer le premier feu, recevoir le premier des manifestations de colère, des reproches, etc.
5
S'essuyer, Nature : v. réfl. Ôter l'humidité, les taches, l'enduit qu'on a sur soi.
Tandis que dans un coin en grondant je m'essuie [d'éclaboussures], Souvent, pour m'achever, il survient une pluie
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Sat. VI

HISTORIQUE

1
XIIIe s.
Je la vueil au soleil porter, Por le cuir en fere essuer.... Ters tes iex [yeux], essue ta face
dans Fabl. et contes anc. t. IV, p. 11 et 474
Jupiter, ce dist, le lavoit, Et Phebus la toaille avoit, Et se penoit de l'essuier
dans la Rose, 6533
2
XVe s.
Souffrez qu'assuisse à bandon Cez piez [de Jésus], quant il me fist pardon De mes pechiez, dont tant avoie
dans Rés. de J. C.
3
XVIe s.
Adonc estoyent tres-bien essuez et frottez, changeoyent de chemise
de François RABELAIS dans Garg. I, 23
Ilz commençarent cryer, myault, myault, feignans cependant s'essuer les oeilz, comme s'ilz eussent plouré
de François RABELAIS dans Pant. IV, 54
Sus donc et qu'on essuye Les pleurs et le soucy
de Joachim DU BELLAY dans II, 46, verso.
Il falut se sauver dans les bateaux et gagner Orleans, non sans essuyer quelques arquebusades, que la commune leur tira vers Boteilles
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans Vie, VIII
Vos larmes sont-elles des-jà essuiées ?
de Théodore Agrippa D'AUBIGNÉ dans Hist. III, 186
....Jusques à ce que les rayons du soleil eussent essuyé l'aigail de la fraiche rosée
de Jacques YVER dans p. 523

ÉTYMOLOGIE

1
Berry, essuger, et au participe essui, essuite, essuyé, essuyée ; bourguig. à l'essôtte, à l'abri ; provenç. eisugar, essugar, echucar, issugar ; espagn. enjugar ; portug. enxugar ; ital. asciugare ; du latin exsuccare, ôter le suc, l'humidité ; de ex, et succus (voy. SUC). D'après Scheler, essuyer au sens de supporter est un tout autre mot et vient de exsequi, qui, entre autres, signifie en effet supporter : exsequi aerumnas ; mais sequi a donné plusieurs formes dans le français, et aucune n'est suier. Il faut donc ne pas séparer ce mot en deux ; en effet, dans cet exemple de Mme de Maintenon, " Elle a essuyé toutes mes humeurs, toutes mes lassitudes, " par rapport à Mme de Maintenon qui parle, elle les a enlevées ; essuyer est ici au sens du n° 1 ; par rapport à elle-même, elle les a reçues, elle s'en est chargée, elle en a souffert, c'est le sens du n° 4. Il n'y a là qu'un changement de rapport, assez commun chez nous, par exemple saisir, dans saisir une chose et le mort saisit le vif.

Synonymes de ESSUYER

Termes proches de ESSUYER