Définition de REBUTER

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : re-bu-té

DÉFINITIONS

1
Rejeter avec dureté.
Je lui demandai s'ils ne décideraient pas formellement que la grâce est donnée à tous, afin qu'on n'agitât plus ce doute ; mais il me rebuta rudement, et me dit que ce n'était pas là le point
Diogène, étant connu à Athènes, alla trouver Antisthène, qui le rebuta fort....
Les prétextes dont vous vous servez tous les jours pour rebuter ces pauvres errants....
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Mauv. riche.
Pascal, abusant de ce principe [qu'il ne faut aimer que Dieu], traitait sa soeur avec dureté et rebutait ses services, de peur de paraître aimer une créature
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Rem. Pens. Pascal, X
2
Il se dit des choses qu'on repousse.
Vous rebutiez toujours nos fidèles avis
Vous rebutez mes voeux et me poussez à bout
Qu'ils [vos confrères] vous deviennent plus chers à mesure que vous voyez qu'ils s'égarent ; ne vous rebutez pas, quoiqu'ils paraissent rebuter eux-mêmes vos douces remontrances
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Confér. Retraite pour des curés
Pourrait-il rebuter les pleurs des malheureux ?
3
Écarter.
On rebute ceux qui ne sont bons que pour eux
Il se dit des femmes qui refusent l'hommage d'un amant.
Mais Alphée aujourd'hui n'est pas tant rebuté ; Vous ne fuyez plus sa présence
de QUIN. dans Proserp. II, 5
Assez coquette pour ne rebuter personne
J'ai rebuté Damis : quelle honte de retourner à lui !
de D'ALLAINVAL dans École des bourgeois, III, 5
4
Il signifie quelquefois simplement refuser. Rebuter une pièce de monnaie qui est de mauvais aloi.
Ne pas vouloir d'une chose.
Avant qu'un peu de terre obtenu par prière Pour jamais sous la tombe eût enfermé Molière, Mille de ses beaux traits aujourd'hui si vantés Furent des sots esprits à nos yeux rebutés
Il [l'oiseau royal] rebute celui [riz] qui n'est pas de bonne qualité
Si la fonte ne pesait pas au moins cinq cent vingt livres le pied cube, on rebuterait la pièce comme non recevable
de Georges Louis Leclerc, comte de BUFFON dans Hist. min. introd. part. exp. Oeuv. t. VIII, p. 143
5
Décourager, dégoûter par les difficultés, par les obstacles.
Si cette cruauté ne rebute un amant, Il a beaucoup d'ardeur ou peu de sentiment
Il est vrai, son humeur a rebuté la mienne
de Jean de LA FONTAINE dans Florent. I, 8
Ce qui rebute les mauvais chrétiens de la pratique de la vertu....
Le péril ne vous rebute point : cela est fier, cela est héroïque
L'opération de ranger les mots dans leur ordre naturel au milieu des inversions latines demande une contention d'esprit qui fait une véritable peine à leur cerveau [des enfants], et par conséquent qui les rebute
de DUMARS. dans Oeuv. t. I, p. 8
J'étais facile à rebuter
Il se dit avec de et un infinitif.
On la rebute de venir voir son nourrisson
Nature : Absolument.
Ce n'est point un honneur qui rebute en deux jours ; Et qui règne un moment aime à régner toujours
Il se dit de soldats qui refusent de continuer le combat.
Nos troupes semblent rebutées autant par la résistance des ennemis que par l'effroyable disposition des lieux
Ils vinrent plusieurs fois à la charge ; mais ils perdirent tant de monde, qu'ils furent enfin rebutés
M. de Luxembourg était, dit-on, quelque chose de plus qu'humain, volant partout, et même s'opiniâtrant à continuer les attaques dans le temps que les plus braves étaient rebutés
de Jean RACINE dans Lett. à Boileau, 36
Les Abydéniens se défendirent quelque temps avec beaucoup de courage, et ils ne désespéraient pas même de rebuter les ennemis
Sémantique : Terme de manége. Rebuter un cheval, exiger de lui plus qu'il ne peut faire, et finir par le rendre insensible aux aides et au châtiment.
6
Choquer, déplaire, dégoûter par la répugnance. Cet homme a des manières qui rebutent ceux qui ont affaire à lui.
Rien ne le rebuta, ni sa vue éraillée [de la femme qu'il voulait épouser], Ni sa masse de chair bizarrement taillée
Des moeurs grossières peuvent être comiques ; mais c'est un comique local, dont la peinture ne peut amuser que le peuple à qui elle ressemble, et qui rebutera un siècle plus poli, une nation plus cultivée
de Jean-François MARMONTEL dans Oeuv. t. IX, p. 397
Nature : Absolument.
Les vers les mieux pensés et les plus exacts rebutent quelquefois ; on en ignore la raison ; elle vient du défaut d'harmonie
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Comm. Corn. Rem. Rod. I, 2
7
Se rebuter, Nature : v. réfl. Se décourager.
Vous ne vous rebutez point, et, pied à pied, vous gagnez mes résolutions
Voyez, parlez, pressez ; pourquoi vous rebuter ?
de Thomas CORNEILLE dans Comtesse d'Orgueil, III, 5
Je suis éloigné de me rebuter de vos faiblesses
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Lett. Corn. 118
Il n'était pas homme à se rebuter pour un refus
Il [Voltaire] fut occupé huit années entières à leur faire rendre justice [aux Sirven], et ne se rebuta jamais ; il en vint à bout
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Comm. Oeuv. aut. Henriade.
Plus sensible au souvenir des bienfaits qu'à celui des outrages, il [le chien] ne se rebute pas par les mauvais traitements
Généralement les hommes sont moins constants que les femmes, et se rebutent plutôt qu'elles de l'amour heureux
Se rebuter de, avec un infinitif.
Celle [la profession] de perruquier, qui n'est jamais nécessaire, et qui peut devenir inutile d'un jour à l'autre, tant que la nature ne se rebutera pas de nous donner des cheveux
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans ib. III

HISTORIQUE

1
XIIIe s.
Blanceflor saut, avant s'est mise ; Et Floires la reboute arriere
dans Fl. et Bl. 2978
Et ce ne pot fere cil qui ne pot parler, et por ce doit il estre reboutés de estre arbitres
de Philippe de BEAUMANOIR dans XLI, 10
2
XVe s.
Quand messire Hue de Cavrelée se vit ainsi rebouté de cel evesque qui estoit de grand lignage
D'entour lui [il] doit touz menteurs rebouter
de Eustache DESCHAMPS dans Des vertus nécess. au prince
Seigneurs, ce present ne fait pas à rebouter, puisque c'est envoy de pucelle
dans Perceforest, t. V, f° 60
Il n'est homme qui n'en fust rompu et rebuté [d'éternels pâtés d'anguille]
de LOUIS XI dans Nouv. X
3
XVIe s.
Peu de temps après, il vint à demander le consulat, et fleschissoit desja la commune à sa requeste, ayant aucunement honte de rebuter et esconduire un tel personnage
de Jacques AMYOT dans Cor. 19
Il attenta par deux et trois fois de surprendre ce port de Piroee, ne se rebutant point pour avoir failly une fois
de Jacques AMYOT dans Aratus, 41
Les appetits charnels, rebutez et endormis
de Michel de MONTAIGNE dans I, 283
La priere me gaigne, la menace me rebute
de Michel de MONTAIGNE dans IV, 68

ÉTYMOLOGIE

1
Rebuter est le même que rebouter, de re..., et bouter : bouter arrière, repousser.

Synonymes de REBUTER

Termes proches de REBUTER