Définition de NI

DÉFINITIONS - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : ni

DÉFINITIONS

1
Ni répété devant chacun des termes qu'il s'agit de nier.
La religion commande des choses difficiles, mais elle n'est ni affreuse, ni farouche, ni cruelle
de BENSERADE dans dans GIRAULT-DUVIVIER
Elle n'a ni parents, ni support, ni richesse
Il goûta le repos d'un homme heureusement dégagé à qui ni l'Église, ni le monde, ni son prince, ni sa patrie, ni les particuliers, ni le public n'avaient plus rien à demander
Les enfants n'ont ni passé, ni avenir, et, ce qui ne nous arrive guère, ils jouissent du présent
de Jean de LA BRUYÈRE dans XI
La boussole n'a point été trouvée par un marin, ni le télescope par un astronome, ni le microscope par un physicien, ni l'imprimerie par un homme de lettres, ni la poudre à canon par un militaire
de Louis RACINE dans la Religion, ch. V, note 173
Je n'ai l'avantage d'être, pour ma consolation, ni le plus grand capitaine, ni le plus grand roi ni le plus grand et le plus vrai philosophe de ce siècle, ni le protecteur de l'Allemagne, ni le réformateur de la justice, ni enfin l'exemple des souverains et des gens de lettres
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Lett. au roi de Pr. 15 sept. 1780
Ni le jour, ni les ténèbres, ni le bruit, ni le silence, rien ne peut mettre obstacle à l'esprit d'un homme qui sait penser
de Etienne Bonnot de CONDILLAC dans Art de penser, 2e part. ch. 3
L'usage est de répéter ni à chaque terme, et les grammairiens en font une règle. Cependant cette règle n'est fondée sur aucune raison péremptoire ; et voici des exemples où elle n'a pas été observée.
Que ferais-je à la cour, moi qui ne suis, seigneur, Hypocrite, jaloux, médisant, ni flatteur ?
de BOURSAULT dans Ésope à la cour, V, 3
Je ne veux l'un ni l'autre, il n'est pas temps de feindre
2
Ni l'un ni l'autre, voy. UN.
3
Ni mis une seule fois ; en cet emploi on ne s'en sert guère qu'avec des substantifs sans article ou avec des noms propres. Honneurs ni richesses ne font le bonheur.
Ils n'avaient tapis ni housse, Mais tous fort bon appétit
Dans ses meubles, dût-elle en avoir de l'ennui, Il ne faut écritoire, encre, papier, ni plumes
Quand je plaisais à tes yeux, J'étais content de ma vie, Et ne voyais rois ni dieux Dont le sort me fit envie
Je ne connais Priam, Hélène ni Pâris : Je voulais votre fille, et ne pars qu'à ce prix
Qui n'est bourgeois, abbé, robin ni militaire
4
Ni est quelquefois suivi immédiatement de ne, lorsqu'il joint deux propositions négatives ; dans ce cas la proposition liée rejette la particule pas ou point.
Jamais pécheur ne demanda un pardon plus humble, ni ne s'en crut plus indigne
Le prince n'a point d'autre but, ni n'en veut connaître
5
Ni joint quelquefois deux propositions négatives, comme fait et.
Si on n'aimait pas les justes, ni on ne les protégeait pas pour eux-mêmes, il les faudrait protéger pour le bien public
6
Quand ni n'est pas répété, il peut se construire avec pas ou point.
Est-il possible que ce même Sostrate qui n'a pas craint Brennus ni tous les Gaulois....
Que la fortune ne tente donc pas de nous tirer du néant, ni de forcer la bassesse de notre nature
Ma maison ni mon lit ne sont point faits pour vous
Mon esprit n'admet point un pompeux barbarisme, Ni d'un vers ampoulé l'orgueilleux solécisme
Personne ne souhaitera jamais plus que moi que vous goûtiez des plaisirs, mais des plaisirs qui ne vous passionnent ni ne vous amollissent point
7
Quand ni est répété, on ne met pas la particule point ou pas. On ne dit pas : Il ne faut pas être ni prodigue ni avare ; mais : Il ne faut être ni prodigue, ni avare. On ne dit pas : Ni la prudence ni l'humanité ne permettent pas une telle conduite ; mais : Ni la prudence ni l'humanité ne permettent une telle conduite.
Toutefois les meilleurs écrivains se sont affranchis de cette règle ou plutôt de cet usage.
Madame, mon amour n'emploiera pas pour moi Ni la loi du combat ni le vouloir du roi
Ce n'est pas tout encore, et tu ne conçois pas Ni tout ce qu'est l'amour ni ce qu'il a d'appas
Je ne décrirai point ni leur douleur amère, Ni les pleurs de Psyché, ni les cris de sa mère Qui du fond des rochers renvoyés dans les airs....
de Jean de LA FONTAINE dans Psyché, I, p. 34
Cela n'est pas capable ni de convaincre mon esprit, ni d'ébranler mon âme
Ni la prudence, ni la piété, ni la bonne théologie ne permettraient pas de décrier un concile qui a été universellement reçu, aussitôt que la doctrine en a été bien entendue
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Mém. sur la bibl. ecclés. de Dupin.
Ce n'est point ni un ennemi ni un étranger, c'est Judas, ce cher disciple, cet intime ami qui le trahit
La réponse ne pouvait pas être ni plus courte, ni plus certaine, ni plus décisive
de ID. dans 2e instruct. past. sur les prom. de J. C. à l'Église
Une parole, une raillerie nous trouble, et nous ne considérons pas ni de quoi ni par qui nous nous laissons troubler
de Louis BOURDALOUE dans 2e serm. pour le 2e dim. de l'avent.
Je n'ai point exigé ni serments, ni promesses
Des pièces que je ne voudrais point pour rien au monde ni avouer ni avoir faites
Celui qui n'a jamais réfléchi ne peut pas être ni clément, ni juste, ni pitoyable
8
Avec jamais on omet un des ni, mais aussi on le répète très bien. Je ne l'ai jamais vu, lui ni son frère.
La justice ne fut jamais ni si éclairée, ni si secourable
Il en est du substantif personne comme de l'adverbe jamais.
La nature n'avait donné à personne ni une âme plus élevée, ni un génie plus heureux, qu'à la fille de Théon
9
Lorsqu'il y a plusieurs verbes qui se suivent, le premier n'est point précédé de ni. Je ne veux, ni ne dois, ni ne puis obéir.
Cependant cet usage n'est pas absolu.
Un sot ni n'entre, ni ne sort, ni ne s'assied, ni ne se lève, ni ne se tait, ni n'est sur ses jambes, comme un homme d'esprit
de Jean de LA BRUYÈRE dans II
10
Ni liant non des mots, mais des propositions, peut se mettre en tête des propositions, surtout dans le style élevé.
Ni sa main n'est point raccourcie, ni ses trésors ne sont point épuisés
Ni l'édifice n'est plus solide que le fondement, ni l'accident attaché à l'être, plus réel que l'être même
11
Ni s'est construit avec sans.
Elle [la Brinvilliers] écouta son arrêt, dès le matin, sans frayeur ni sans faiblesse
Mon équipage est venu jusqu'ici sans aucun malheur, ni sans aucune incommodité
Aujourd'hui on mettrait et au lieu de ni.
12
Après un que conjonctif que précède un verbe accompagné d'une négation, le membre de phrase qui suit doit toujours commencer par ni.
Ne pense pas qu'au moment que je t'aime, Innocente à mes yeux, je m'approuve moi-même, Ni que du fol amour qui trouble ma raison Ma lâche complaisance ait nourri le poison
Cet usage est souvent violé, sans aucune faute.
13
Ni suivi de la préposition de et d'un nom pris partitivement.
Elle ne peut causer ni d'enflure ni d'enfoncement
de Blaise PASCAL dans Équil. des liqueurs, VII
Qu'il lui coûtait moins d'exposer sa vie que de dissimuler ses sentiments, et qu'il n'achèterait jamais ni de faveur ni de fortune aux dépens de sa probité
14
Ni se met quelquefois sans ne et sans verbe, et par la seule vertu d'une proposition sous-entendue. Comment la trouvez-vous ? Ni belle ni laide.
Ayant pour maxime inviolable avec mes amis de me montrer à leurs yeux exactement tel que je suis, ni meilleur, ni pire
15
Ni se dit quelquefois pour et en des phrases qui ont un sens négatif implicite.
J'ai grande peine à croire ce que vous me dites de madame ***, ni qu'elle ait pris votre parti contre moi
Désespérant de réduire Babylone ni par force ni par famine
J'ai peine à croire que MM. de Genève traduisent ni impriment mon livre
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Lett. 80
Défendit qu'un vers faible y pût jamais entrer, Ni qu'un mot déjà mis osât s'y remontrer
Bientôt ils défendront de peindre la prudence, De donner à Thémis ni bandeau ni balance
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans ib. III
Gardez donc de donner, ainsi que dans Clélie, L'air ni l'esprit français à l'antique Italie
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans ib. III
Pelletier écrit mieux qu'Ablancourt ni Patru
C'est cet emploi de ni qui rend correcte cette phrase : Il n'est pas possible ou il est impossible que ni le temps ni l'art apportent quelque amélioration à l'état de sa vue.
16
Ni sans ne, archaïsme tombé en désuétude et qui est aujourd'hui considéré comme une faute.
Elle n'ôte à pas un ni donne d'espérance
Une douceur que rien n'émeut ni aigrit
de Louis BOURDALOUE dans Pensées, t. I, p. 90
Lorsque le père n'instituait ni exhérédait son fils
17
Ni pris substantivement.
Ces deux ni avec point ne sont pas permis

REMARQUE

1
1. Ni la douceur ni la force n'y peut rien ou n'y peuvent rien : les deux se disent également, suivant qu'on a dans l'esprit la conjonction ou la disjonction des sujets.
Ni mon grenier ni mon armoire Ne se remplit à babiller
Ni l'or ni la grandeur ne nous rendent heureux
de Jean de LA FONTAINE dans Phil. et Baucis.
2
2. Ni fait hiatus dans les vers, et on ne le met pas devant une voyelle. Cependant Malherbe a dit :
Ci-dessous gît monsieur l'abbé, Qui ne savait ni A ni B
de François de MALHERBE dans édit.de MÉNAGE, p. 275

HISTORIQUE

1
XIe s.
Mur ne citet n'i est remes [resté] à fraindre [briser]
dans Ch. de Rol. I
Ne n'ai tel gent qui la sue derompe
dans ib. II
2
XIIe s.
Il s'en ala avant, ne dist ne ço ne quei
dans Th. le mart. 46
3
XIIIe s.
Ne soiez vers les pauvres ne sure [aigre] ne amere
dans Berte, IV
Par un jour si très bel qu'il ne pleut ne ne vente
dans ib. x
Que ceens entre fame n'en hiver n'en esté
dans ib. XLV
4
XVe s.
Adonc fut la dame moult esbahie, et requit tout en pleurant conseil à monseigneur Robert d'Artois quelle chose elle en pourroit faire, ni où se traire à garant ni à conseil
Ne suis roy ni prince aussy, Je suis le sire de Coucy
dans Devise des Coucy
Dictes-moy où n'en quel pays Est Flora...
de François de Montcorbier, dit VILLON dans Ballade des dames du temps jadis.
Prince, n'enquerez de sepmaine, Où elles sont, ne de cest an
5
XVIe s.
Il ne resteroit innocence aucune n'en dits n'en faits, s'il suffisoit d'accuser
Il ne recognoist ni advoue pour son oeuvre les hommes vicieus et abastardis
de Jean CALVIN dans ib. 49
Tu ne te feras point image taillée, ne semblance aucune des choses qui sont en haut au ciel, ne çà bas en la terre, ni es caux dessous la terre ; tu ne les adoreras ni honoreras
de Jean CALVIN dans ib. 284
Il n'y a ni industrie ni labeur qui....
de Jean CALVIN dans ib. 723
Où sont vos forces, ni apprets, pour leur faire teste ?
de Vincent CARLOIX dans IV, 9
Il n'y gaigna rien ny pour soy ny pour les aultres
de Michel de MONTAIGNE dans I, 4
Ny n'entendent les stoïciens que....
de Michel de MONTAIGNE dans I, 50
Il n'y a ny statues ny trophées de marbre, ny arcs de triomphe, ny coulonnes, ny sepultures magnifiques, qui puissent combattre la durée d'une histoire eloquente
de Jacques AMYOT dans Préf. III, 28
Celuy devant qui rien n'est ne futur ne passé
de Jacques AMYOT dans ib. XII, 40
Les Atheniens les receurent à grande joye, ny plus ny moins que si c'eust esté Theseus luy mesme vivant
de Jacques AMYOT dans Thésée, 45
Venus n'a point ny myrte ny laurier Digne de toy ny digne de ma teste
de Pierre de RONSARD dans 48
Je ne sçay ny moyen, remede ny maniere De sortir de vos rets, où je vis en langueur
de Pierre de RONSARD dans 240
Je ne puis ny toucher, gouster, n'ouyr, ny voir
de Pierre de RONSARD dans 291
Mon appuy, mon Odet, que j'aime Mille fois plus ny que moy-mesme, Ny que mon coeur, ny que mes yeux
de Pierre de RONSARD dans 472

ÉTYMOLOGIE

1
Provenç. ne, ni ; anc. esp. ne ; esp. mod. ni ; port. nem ; ital. ne ; du lat. nec. L'ancien français est toujours ne ; on voit apparaître ni dans les écrits de Froissart ; puis dans le XVIe siècle ni s'introduit et entre en lutte avec ne, et souvent dans la même phrase on trouve les deux. Enfin dans le XVIIe siècle ne n'est plus qu'un archaïsme, aujourd'hui complétement tombé en désuétude, excepté quand on répète en plaisantant le ne plus ne moins du Malade imaginaire.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
3.
Saint-Simon a dit : Le prince de Conti me conta qu'il n'avait jamais été si embarrassé, ni tant souffert de sa vie
2
4. Remarquez cette tournure de Bossuet, très bonne d'ailleurs :
Il [Jurieu] ne connaît guère ce que c'est ni que l'esprit ni que le coeur
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans 2e avert. 16
3
5. Ni suivi immédiatement de pas ou point.
Qu'il soit le premier de sa race, et n'ait pas le liard en sa bourse, ni pas un valet après lui
de François de MALHERBE dans Lexique, éd. L. Lalanne.
Il faut qu'il n'y ait point de bien que la vertu, ni point de mal que le vice
de François de MALHERBE dans ib.

Phonétiquement proche de NI