Définition de DORMIR

DÉFINITIONS - PROVERBES - REMARQUE - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE - SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE -

Prononciation : dor-mir

DÉFINITIONS

1
Reposer dans le sommeil. Il dort profondément. Le malade va mieux, il a dormi d'un bon somme. Il dormait quelquefois dans le jour.
Pourras-tu dans son lit dormir en assurance ?
Trop dormir fait mal à la tête, Et trop dormir c'est vivre en bête
Guillot, le vrai Guillot, étendu sur l'herbette, Dormait alors profondément
Cette réflexion embarrassant notre homme, On ne dort pas, dit-il, quand on a tant d'esprit
de Jean de LA FONTAINE dans ib. IX, 4
T'attendre aux yeux d'autrui, quand tu dors, c'est erreur
de Jean de LA FONTAINE dans ib. XI, 3
Je ne dormirai point sous de riches lambris ; Mais voit-on que le somme en perde de son prix ?
de Jean de LA FONTAINE dans ib. XI, 4
Ce n'est qu'à prix d'argent qu'on dort en cette ville
C'est là que le prélat, muni d'un déjeuné, Dormait d'un léger somme, attendant le dîné
Mais tout dort et l'armée et les vents et Neptune
La vie est un sommeil ; les vieillards.... ont eu un songe confus, informe et sans aucune suite ; ils sentent néanmoins, comme ceux qui s'éveillent, qu'ils ont dormi longtemps
de Jean de LA BRUYÈRE dans XI
Tout dort, tout est tranquille ; et l'ombre de la nuit....
La nuit finissait, il était quatre heures, tout dormait encore dans les bivouacs de Delzons, hors quelques sentinelles, quand tout à coup....
Dormir à bâtons rompus, être réveillé, se réveiller plusieurs fois sans pouvoir faire un somme continu.
Dormir comme un loir, dormir beaucoup, profondément, à cause que le loir est un animal hibernant, qui dort plusieurs mois de suite pendant l'hiver. On dit de même, dormir comme une marmotte.
Dormir comme une souche, être profondément endormi.
Dormir tout debout, ou, simplement, dormir debout, n'en pouvoir plus de sommeil, être accablé par le sommeil, au point de s'assoupir sans être couché ou assis.
Conte à dormir debout, propos fabuleux qui ne méritent aucune créance.
Voilà ce qui s'appelle des contes à dormir debout
Les contes à dormir debout que l'on vous fait
Dormir sur l'une et l'autre oreille, et, plus souvent, sur les deux oreilles, dormir profondément, et, figurément, être plein de sécurité.
.... Je lui conseille De dormir, s'il se peut, d'un et d'autre côté
de Jean de LA FONTAINE dans Coupe.
Dans un sens opposé, ne dormir que d'un oeil, être en une vigilance inquiète.
Certain jaloux ne dormant que d'un oeil
de Jean de LA FONTAINE dans On ne s'avise....
Dormir en lièvre, dormir les yeux ouverts, et, figurément, être toujours sur le qui-vive.
Cette crainte maudite M'empêche de dormir sinon les yeux ouverts
Il n'en dort pas, se dit d'un homme qu'une vive espérance, une crainte incessante, une préoccupation assiége constamment.
Sémantique : Fig.
Le feu qui semble éteint souvent dort sous la cendre
2
Dormir se dit aussi de ce qu'on a nommé le sommeil des plantes.
Le soir, de nos jardins parcourez les carreaux ; Voyez, ainsi que nous, sur leurs tiges baissées S'assoupir de ces fleurs les têtes affaissées, Et, dormant au lieu même où veilleront leurs soeurs, Du nocturne repos savourer les douceurs
3
Dans le langage biblique, dormir avec une femme, passer la nuit avec elle.
Sa maîtresse [de Joseph] le prit par son manteau, et lui dit encore : Dormez avec moi
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Genèse, XXXIX, 12
4
Dormir construit avec des substantifs et ayant en apparence, mais en apparence seulement, le sens actif. Le malade a dormi plusieurs heures de suite.
Dormir la grasse matinée (c'est-à-dire dormir pendant la grasse matinée), dormir jusqu'à onze heures ou midi. Vous deviez être au lit toute cette journée, Ou tout du moins dormir la grasse matinée, POISSON, le Fol raisonnable, dans LE ROUX, Dict. comique
Dormir sa réfection, dormir autant qu'on en a besoin, c'est-à-dire dormir autant que la réfection l'exige.
Le sommeil est nécessaire à l'homme ; et lorsqu'on ne dort pas sa réfection il arrive que....
5
Dans le style élevé, il se dit du sommeil de la mort.
Elle va descendre à ces sombres lieux, à ces demeures souterraines, pour y dormir dans la poussière avec les grands de la terre, avec ces rois et ces princes anéantis....
Vous serez vous-même réduit en poudre au milieu des incirconcis, et vous dormirez avec ceux qui ont été passés au fil de l'épée
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Ézéchiel, XXXII, 28
Ses vices dormiront avec lui dans la poussière du tombeau
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Car. Impén.
....c'est ici que dorment nos aïeux
J'ai suivi mon époux jusqu'aux tombes sacrées Où dorment des Césars les cendres révérées
de Marie-Joseph CHÉNIER dans Tibère, III, 1
Les morts dorment en paix dans le sein de la terre ; Ainsi doivent dormir nos sentiments éteints
de Alfred DE MUSSET dans Poésies nouv. Nuit d'octobre.
6
Sémantique : Fig. Être en repos, en sécurité.
Nous ne connaissons que notre confiance dans le ministre et le malaise que nous éprouvons : nous ne dormons que parce qu'on dort au pied du Vésuve
7
Sémantique : Fig. Ne point agir quand on devrait le faire.
Aux menaces du fourbe on doit ne dormir point
L'habitude de se laisser voler par ses domestiques, jointe à la vigilance du coupable, à qui son maître ne pouvait reprocher d'avoir dormi dans son service, le portèrent à la clémence
Tu dors, Brutus, et Rome est dans les fers
Dans tous les lieux, sans cesse, ouvrant l'oeil et l'oreille, En paraissant dormir le gouvernement veille
de DUCIS. dans Othello, II, 7
En matière féodale, quand le vassal dort, le seigneur veille, ou quand le seigneur dort, le vassal veille, c'est-à-dire quand l'un des deux néglige d'user de ses droits, l'autre en profite.
Sémantique : Familièrement. Cet homme ne dort pas, se dit d'un homme à l'affût de toutes les circonstances qui lui sont favorables.
Dormir sur une affaire, la conduire lentement, doucement.
Laisser dormir un ouvrage d'esprit, attendre pour en mieux juger que l'imagination soit refroidie.
Oui je dormais sur un petit volume Qui me vaudra d'être encore étrillé
de Pierre Jean de BÉRANGER dans Gohier.
Laisser dormir une affaire, attendre pour y donner suite.
Laisser dormir les lois, en suspendre momentanément l'exécution.
Sparte elle-même a laissé dormir ses lois
Laisser dormir ses fonds, ses capitaux, ne pas les faire valoir.
Laisser dormir noblesse, se disait autrefois lorsqu'un gentilhomme, qui voulait faire le commerce, déclarait qu'il n'entendait être commerçant que pendant un certain temps.
8
Rester immobile, être sans mouvement, en parlant des choses. Il fait beau pêcher où l'eau dort.
On dit qu'un sabot, qu'une toupie dorment, quand le mouvement qui les anime est si rapide qu'ils semblent immobiles.
Sémantique : Fig. Dormir comme un sabot, dormir profondément.
Sémantique : Terme de marine. On dit que le sablier dort, quand on a oublié de le retourner ; qu'une rose des vents dort, quand elle ne tourne pas, le bâtiment changeant de route. Laisser dormir l'horloge, oublier de la remonter.
9
Nature : V. a. Dans le langage élevé et dans cette seule locution, dormir son sommeil.
Dormez votre sommeil, riches de la terre, et demeurez dans votre poussière
Tous les riches ont dormi leur sommeil, et, lorsqu'ils se sont éveillés, ils n'ont rien trouvé dans leurs mains
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Psaumes, LXXI, 6
Sémantique : Par une même figure grammaticale, mais dans le langage familier, dormir un bon somme, avoir un bon sommeil pendant un long espace de temps.
C'est par analogie de cet emploi que A. de Musset a hasardé dormi au passif : Suis-je pas belle encor ? pour trois nuits mal dormies Ma joue est-elle creuse et mes lèvres blêmies ? dans le Dict. de POITEVIN.
On trouvera à l'historique : dormir une éternelle nuit. Cela pourrait aussi très bien se dire.
10
Nature : S. m.
Le long dormir est exclu de ce lieu
de Jean de LA FONTAINE dans Papef.
Que les soins de la Providence N'eussent pas au marché fait vendre le dormir Comme le manger et le boire

PROVERBES

1
Exemple : Il n'y a pas de pire eau que celle qui dort, c'est-à-dire il faut se défier des gens qui ne manifestent rien de ce qu'ils ressentent.
Mais il n'est, comme on dit, pire eau que l'eau qui dort
2
Exemple : Qui dort dîne, c'est-à-dire en dormant on s'engraisse aussi bien qu'en mangeant. Ce proverbe se prend aussi dans un sens moqueur, pour reprocher l'indolence à un paresseux, et lui faire entendre que, s'il ne travaille pas, il ne dînera qu'en songe.
3
Exemple : Le bien, la fortune lui vient en dormant, c'est-à-dire il devient riche sans rien faire.
Les biens nous viennent en dormant, je vous assure
4
Jeunesse qui veille et vieillesse qui dort, c'est signe de mort.
5
Il ne faut pas réveiller le chat qui dort, il ne faut pas renouveler une méchante affaire qui est assoupie. À l'historique, on trouve : réveiller le chien qui dort, ce qui est mieux.

REMARQUE

1
Les douze heures que j'ai dormi et non dormies. L'apparence de verbe actif disparaît quand on restitue l'ellipse : Les douze heures pendant lesquelles j'ai dormi.

HISTORIQUE

1
XIe s.
Charles se dort, li empereres riches
dans Ch. de Rol. LV
Par touz les prez or se dorment li Franc
dans ib. CLXXX
2
XIIe s.
Que il m'avint anuit [cette nuit] en mon dormant
dans Ronc. p. 163
Ne fausse amors ne veut que s'entremete De moi laisser dormir ne reposer
dans Couci
Il dormirent lur somne
dans Liber psalm. p. 101
Li dormirs est partiz de mes eauz [yeux]
dans Machabées, I, 6
3
XIIIe s.
Là dormirent la nuit
de H. DE VALENC. dans II
Anuit avecques moi [je] ferai Bertain dormir
dans Berte, XII
De peine et de travail [elle] dort si ferm et si dur
dans ib. XLI
Nus selier ne autres ne doit sele tainte garnie livrer, devant que ele est esté vernicie, se ce n'est sele dormant
dans Liv. des mét. 213
Trop de ledes choses aviennent à ceux qui tex [tels] dormirs maintiennent
dans la Rose, 13664
L'en [on] se dort le soir [dans une navigation] là où en [on] ne scet se l'en se trouvera ou fons de la mer
4
XIVe s.
Quant l'en dort, il ne appert pas ne n'est manifeste qui est bon ou qui est malvois
Celui qui dort ne vit pas, fors de tele vie comme vit une plante
de Nicolas ORESME dans ib. 311
Mais Jehan tint leurs parolles Droictement comme frivolles, Et leur disoit : Vous faictes tort ; Vous esveillez le chien qui dort
dans Liv. du bon Jehan, 1033
5
XVe s.
Le deable, qui oncques ne dort, resveilla ceux de Bruges
Nos gens ne dormirent mie, ains saillirent contre eux par grande hardiesse à qui mieulx mieulx
dans Bouciq. II, ch. 22
Il fit faire sa sepulture pour dormir ses jours
dans Hist. de Louis III, duc de Bourbon, p. 371, dans LACURNE
Et tant fit qu'il se trouva en la chambre où la levriere se dormoit
de LOUIS XI dans Nouv. XXVIII
6
XVIe s.
L'esprit troublé de mon cher pere Anchise En mon dormant haste mon entreprise
Filz de deesse, en quelle seureté Es-tu icy au dormir arresté Si longuement ?
Mais quand l'homme a perdu ceste douce lumiere, La mort luy fait dormir une eternelle nuict
Nos voisins ne dorment pas, et n'ont que trop de connoissance de nos desordres
Agesilaus dit que pour ce jour là il falloit laisser dormir les loix
de Jacques AMYOT dans Agésil. 49
Les vents sont assoupis, les bois dorment sans bruit
de Pierre de RONSARD dans 744
Qui dort grasse matinée, trotte toute la journée
de Antoine LE ROUX DE LINCY dans Prov. t. II, p. 389
Trop dormir cause mal vestir
de Antoine LE ROUX DE LINCY dans ib. p. 429
L'autre sauvage qui avoit cependant dormy [perdu connaissance] du coup que le chevalier du dragon lui avoit donné, Don Flores de Grece, f° CXX, dans LACURNE. Neantmoins en y avoit-il bien de telx qui eussent eu grand mestier [besoin] de dormir le vin qu'ilz avoient beu à oultrage
de MENARD dans Hist. de du Guesclin. p. 528, dans LACURNE
Essuyez de tristes yeux Le long gemir ; Et me donnez pour le mieux Un doux dormir
dans la Marguerite des marguerites, cité dans Revue de l'Instr. publique, 19 juin 1862, p. 186

ÉTYMOLOGIE

1
Bourguig. dremi ; Berry, dourmir ; provenç. dormir, durmir ; espagn. dormir ; ital. dormire ; du latin dormire. Dans l'ancienne langue, dormir prend la forme réfléchie, comme d'autres verbes neutres la prenaient et la prennent encore. La conjugaison je dors, tu dors, il dort, etc. n'est point, dans la vérité, une irrégularité ; ces formes suivent la conjugaison latine : dórmio, dórmit, etc. où l'accent est sur dor.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1
Il se dit d'un végétal pendant le temps où la séve n'a pas de mouvement.
Je conseille aussi l'échaudage, pratiqué lorsque la vigne dort, comme complément de l'épontage
de PELLET dans dans Travaux de la Comm. départem. contre le phylloxéra, Perpignan, 1874, p. 91

Synonymes de DORMIR

Termes proches de DORMIR