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Définition de REFUSER
Prononciation : re-fu-zé
DÉFINITIONS
1
Ne pas accepter ce qui est offert, présenté. Refuser une offre. Il a refusé de se servir de mon bras.J'aurais refusé également la religion de Mahomet et celle de la Chine.... par cette seule raison que l'une n'ayant pas plus de marques de vérité que l'autre....
Les Juifs le refusent [Jésus], mais non pas tous ; les saints le reçoivent, et non les charnels
de Blaise PASCAL dans ib. XIX, 5 bis.
Comme il n'a jamais refusé ce qui était raisonnable étant vainqueur, il a toujours rejeté ce qui était faible et injuste étant captif
La paix que vous avez tant de fois refusée
de Esprit FLÉCHIER dans Turenne.
D'Alembert est pauvre, et il n'est pauvre que parce qu'il a refusé cinquante mille livres de rentes en Russie
Il se dit des pièces de théâtre que les auteurs présentent, et que les comédiens ne veulent pas jouer.
La tragédie de Sylla fut présentée aux comédiens et refusée
On assure que, Voltaire ayant fait présenter aux comédiens sa tragédie de Mérope, sans leur apprendre qu'il en était l'auteur, elle fut refusée, parce qu'il n'y avait point dans cette pièce d'autre amour que la tendresse maternelle
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Élog. la Chauss. note 2
2
Ne pas consentir à ce qui est demandé, ordonné. Il a refusé son consentement. Refuser obéissance.Que dirai-je des difficultés qu'on suscite dans l'exécution, lorsqu'on n'a pu refuser la justice à un droit trop clair ?
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans le Tellier.
On ne se trompe pas quand on attribue tout à la prière ; Dieu, qui l'inspire, ne peut lui rien refuser
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Mar.-Thér.
M. de Lamoignon refusa-t-il à quelqu'un la liberté de lui dire les choses nécessaires ?
de Esprit FLÉCHIER dans Lamoignon.
Et Pégase pour eux refuse de voler
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Disc. au roi.
Les dogmes de l'impiété n'ont rien de plus clair et de plus intelligible que les mystères de la religion ; et, en refusant de croire, on perd la foi, sans que la raison y gagne et s'éclaircisse
Je suis obligé de m'excuser de mon voyage à Berlin auprès d'un coeur comme le vôtre....j'ai refusé au roi de Prusse deux jours de plus qu'il me demandait
Le régent ne savait rien refuser ; et ce qu'il ne donnait pas, on le lui arrachait
de Charles Pinot, sieur DUCLOS dans Oeuv. t. V, p. 372
On offre les services, on refuse les secours
de Charles Pinot, sieur DUCLOS dans Consid. moeurs, 7
On refuse durement le nécessaire, on accorde aisément le superflu
de Charles Pinot, sieur DUCLOS dans ib.
Nature : Absolument.
Il s'est trouvé des hommes qui refusaient plus honnêtement que d'autres ne savaient donner
de Jean de LA BRUYÈRE dans VIII
L'impossibilité d'obéir n'a plus d'autre nom que la rébellion et la mauvaise volonté qui refuse
Pouvant refuser avec aménité, je refusai avec dureté, et voilà en quoi j'eus tort
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Conf. X
Refuser la porte à quelqu'un, ne pas lui permettre l'entrée de quelque lieu. Il se présenta pour entrer au bal, on lui refusa la porte.
3
Refuser quelqu'un, ne pas l'accepter. Ce domestique a été refusé. On lui présenta des commis ; il les refusa.Refuser une fille en mariage, veut dire qu'on la refuse à l'homme qui la demande, ou que l'homme à qui on la propose la refuse.
On dit de même, en parlant de mariage : Cet homme a refusé un bon parti ; Cette fille a refusé un parti avantageux ; On lui a refusé la main de cette jeune personne.
4
En parlant des personnes, ne pas leur accorder ce qu'elles demandent.Ce n'est pas toujours jeu sûr de refuser de plus grand que soi
de Jean-François Paul de Gondi, cardinal de RETZ dans II, 343
Ne les pressez point tant, ces dieux qui vous refusent ; Ils savent mieux que nous d'où dépend notre bien
de QUINAULT dans Agrippa, IV, 2
Dieu vous refuse ? mais c'est pour vous obliger de le prier plus longtemps
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Prière 2
Je dois te refuser, hélas ! et ne le puis
de Casimir DELAVIGNE dans le Paria, IV, 2
Refuser quelqu'un de quelque chose, ne pas lui accorder cette chose. Le comte : Qui peut mieux l'exercer [un emploi] en est bien le plus digne. - D.
Diègue : En être refusé n'en est pas un bon signe
de Pierre CORNEILLE dans le Cid, I, 6
Voilà tout mon souhait et toute ma prière ; M'en refuserez-vous ?
de Pierre CORNEILLE dans Hér. IV, 4
Vous ne l'avez jamais refusé de rien [le cardinal de Richelieu]
dans Lett. de l'Acad. franç. au chevalier Servien, dans PELLISSON, Hist. de l'Acad. IV
Quelle plus grande honte y a-t-il d'être refusé d'un poste que l'on mérite, ou d'y être placé sans le mériter ?
de Jean de LA BRUYÈRE dans VIII
Un homme de mérite se donne, je crois, un joli spectacle, lorsque la même place à une assemblée ou à un spectacle dont il est refusé, il la voit accorder à un homme qui n'a point d'yeux pour voir, ni d'oreilles pour entendre
de Jean de LA BRUYÈRE dans VIII
En le refusant [le régent] des 50000 livres de rente sur Lyon, il [Villeroy] ne refusait rien en effet
5
Ne pas accorder, sans idée que rien soit demandé.Ma voix, depuis dix ans qu'il commande une armée. A-t-elle refusé d'enfler sa renommée ?
de Pierre CORNEILLE dans Nicom. IV, 2
Si mon coeur prévenu refuse de vous croire ?
Avec tant de grandes et tant d'aimables qualités, qui eût pu lui refuser son admiration ?
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Duch. d'Orl.
On dit qu'il [Scipion Émilien] ne put refuser des larmes à la malheureuse destinée de Carthage
Au milieu des douleurs les plus aiguës, il refuse même à ses souffrances ces plaintes innocentes qui semblent les soulager
Ne pas consentir à, ne pas accepter.
Refusant tous les autres noms, elle s'obstine à dire qu'elle est la princesse
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Duch. d'Orl.
Refuser avec que et le subjonctif.
Puisque vous avez toutes autres sortes d'avantages sur moi, je ne refuserai point que vous ayez encore cettui-ci
de François de MALHERBE dans Lett. I, 13
Ne pas laisser aller à.
Quoique vous soyez de profession militaire, je ne vous refuse point aux affaires de notre métier
Des haines plus modérées et plus tranquilles.... qui, en refusant le coeur au devoir, ont assez d'empire sur elles pour donner les apparences au monde
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Pardon
6
Sémantique : Fig. Il se dit des choses auxquelles on attribue en quelque sorte un refus. La nature a refusé la vigne aux contrées équatoriales.[Le vieillard] Inhabile aux plaisirs dont la jeunesse abuse, Blâme en eux les douceurs que l'âge lui refuse
de Nicolas BOILEAU-DESPRÉAUX dans Art p. III
Des déserts que le ciel refuse d'éclairer
de Jean RACINE dans Alex. V, 1
7
Se priver de.Passer ses jours dans le repos et dans le plaisir, ne rien refuser à sa sensualité et à ses désirs
de Louis BOURDALOUE dans Pensées, t. III, p. 113
8
Se refuser une chose, la refuser à soi, s'en priver, ne pas se l'accorder.Ces idoles que le monde adore, à combien de tentations délicates ne sont-elles pas exposées ?... et que se peut refuser la faiblesse humaine, pendant que le monde lui accorde tout ?
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Duch. d'Orl.
Il ne se refusait aucune dépense
Sémantique : Familièrement. Il ne se refuse rien, il se donne tout ce qui lui est agréable.
Faire tout ce qu'on veut, vivre exempt de chagrin, Ne se rien refuser, voilà tout mon système ; Et de mes jours ainsi j'attraperai la fin
9
Sémantique : Terme de guerre. L'ennemi refusa sa droite, il évita de l'engager.10
Nature : V. n. Il ne refuse à rien, il se charge de toutes les besognes.11
Sémantique : Terme de manége. Ce cheval refuse, il ne peut pas ou ne veut pas obéir.12
Sémantique : En termes de métier, on dit d'un outil (mouton, couteau, charrue), qu'il refuse, quand il ne peut enfoncer, pénétrer, couper.Sémantique : Terme de marine. En parlant du vent, changer de direction, de manière à rendre impossible la continuation d'une route commencée au plus près.
À six heures et demie, les vents refusant de plus en plus, et la marée contraire étant assez forte....
de BOUGAINVILLE dans Voyage, t. II, p. 288
Refuser de virer, se dit d'un navire qui n'a pas exécuté le mouvement qui devait, portant sa proue dans le lit du vent, le faire virer ainsi vent devant.
13
Se refuser, Nature : v. réfl. Être refusé, n'être pas accepté. De pareilles propositions ne se refusent pas.N'être pas donné.
Achèverai-je d'accabler ton pauvre coeur, ou t'offrirai-je des consolations qui se refusent au mien ?
de Jean-Jacques ROUSSEAU dans Hél. I, 30
14
Se refuser à une chose, ne pas vouloir la faire. Il se refuse à travailler. Il se refuse à tout ce qu'on exige de lui.Il ne se refuse à rien, il est prêt à tout faire.
15
Se refuser à une chose, ne pas s'y livrer, ne pas s'y rendre.Cependant à leurs voeux votre âme se refuse, Tandis qu'en ses liens Célimène l'amuse
Lorsqu'on se voit tout d'un coup élevé aux places les plus importantes.... on ne se possède plus.... c'est aux hommes vulgaires un trop grand effort, que celui de se refuser à cette éclatante beauté qui se donne à eux
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans le Tellier.
Je n'ai pour tout accueil que des frémissements ; Tout fuit, tout se refuse à mes embrassements
de Jean RACINE dans Phèdre, III, 5
Un coeur qui se refusait aux excès, qui ne paraissait point fait pour le dérèglement
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Mot. de conv.
On l'a vu, en garde contre lui-même, se refuser aux goûts les plus innocents
Vous vous êtes si longtemps refusé à Dieu, malgré les plus vives inspirations de sa grâce
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Prière 1
Sémantique : Fig. Se refuser se dit de choses qui n'accomplissent pas leur office. La plume se refuse à décrire de pareilles horreurs.
La langue se refuse à la foi qui l'anime, les forces manquent, la parole cesse
Le temps se refuse à cela, les circonstances s'y refusent, le temps, les circonstances ne le permettent pas.
On dit de même : Ma fortune se refuse à une si grande dépense.
À Genève on dit : qui refuse n'use.
REMARQUE
1
1. Avec un infinitif, refuser prend ordinairement la préposition de : Il a refusé de marcher ; il vous a refusé de faire la démarche. Quand il s'agit de choses pour lesquelles, si on les accordait, on pourrait dire, donner à, refuser prend la préposition à : Il lui a refusé à dîner, à déjeûner.2
2. Corneille a dit :J'aurais peine, seigneur, à lui refuser grâce
de Pierre CORNEILLE dans Sertor. I, 3
HISTORIQUE
1
XIe s.Qui dreite lei et dreit jugement refusera
dans Lois de Guill. 41
2
XIIe s.Et mes fins cuers [coeur] me fait d'une amorete Si douz present que [je] ne l'os refuser
dans Couci, VI
Par sainte obedience [il] a mandé [à] saint Thomas, Que s'il puet faire pes, qu'il ne la refust pas
dans Th. le mart. 112
Mais altrement font ces choses li ellieu [les élus] et altrement li renfuseit [les refusés]
dans Job, p. 452
3
XIIIe s.Et cil [l'aiglon] qui les oils [yeux] remue [en face du soleil], est refusez et gitez dou nif comme bastars
de Brunetto LATINI dans Trésor, p. 196
La vie contemplative refuse le monde, et se delite [délecte] en Dieu seulement
de Brunetto LATINI dans ib. p. 458
Il oï parler de la grant carité de l'hospital d'Acre, et oï dire que nus mesaisiés [malade] n'i estoit refusés
dans Chr. de Rains, p. 107
Ele [la dame] a, espoir [peut-être], tel refusé Dont ele se repentiroit, S'ele recouvrer i pooit
dans Lai du conseil
Riens n'i perdent li refusé, Fors tant cum il i ont musé
dans la Rose, 7609
Qui ne les refuse [les juges] avant que jugement soit fes, il ne les pot refuser fors par apel
de Philippe de BEAUMANOIR dans LXVI, 1
4
XVe s.Ils refuserent à payer
de Jean FROISSART dans I, I, 275
[Ils] esperonnerent leurs chevaux de grand voulonté ; mais à ceste premiere lance ils faillirent, car les chevaux refuserent
de Jean FROISSART dans liv. IV, p. 41
Son mary l'a refusée d'une robbe, dont elle est bien couroucée
dans Les 15 joyes du mariage, p. 81, dans LACURNE
Tel reffuse au premier jour ung marché, qui au second le octroye
dans Perceforest, t. IV, f° 111
5
XVIe s.Chiron refusa l'immortalité
de Michel de MONTAIGNE dans I, 89
Qu'il ne semble pas reprocher à aultruy tout ce qu'il refuse à faire
de Michel de MONTAIGNE dans I, 166
La philosophie ne doibt estre refusée ny aux festins ny aux jeux
de Michel de MONTAIGNE dans I, 182
Je ne veulx pas qu'on refuse, aux charges qu'on prend, l'attention.... et le sang au besoing
de Michel de MONTAIGNE dans IV, 152
Il ne le demanda point [à être censeur], pour la doubte qu'il eut d'en estre refuzé
de Jacques AMYOT dans Marius, 55
Ilz refuzerent de passer oultre
de Jacques AMYOT dans Lucul. 63
Et qui plus est, quand il cuida entrer au logis de Caton, on luy refusa la porte, à cause que...
de Jacques AMYOT dans C. d'Ut. 49
ÉTYMOLOGIE
1
Provenç. refusar, refudar, refuidar ; espagn. rehusar ; ital. rifiutare. Mot incertain. L'italien rifiutare vient du latin refutare qui avait pris de bonne heure dans la basse latinité le sens de refuser. Mais le changement du t en s ne s'explique ni dans l'espagnol rehusar, ni dans le français refuser. Diez suppose qu'il y a eu confusion entre le latin recusare et refutare, et qu'il en est résulté un verbe mixte où se trouvent l'f et l's. Cette conjecture est ingénieuse, sans être tout à fait sûre. Recusare avait donné reüser.