Définition de TOURMENTER

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : tour-man-té

DÉFINITIONS

1
Faire souffrir quelque tourment corporel, quelque supplice.
Et depuis tant de temps que nous les tourmentons [les chrétiens], Les a-t-on vus mutins ? les a-t-on vus rebelles ?
Jeta dans les prisons ou envoya en exil, ou fit tourmenter cruellement un assez grand nombre de personnes
2
Causer de la douleur en parlant d'une maladie ou de tout autre accident. La goutte le tourmente. Nous étions tourmentés de cousins.
3
Sémantique : Fig. Donner des peines d'esprit.
Il faut surtout observer de ne pas tourmenter sa tête
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Lett. Corn. II
Ce n'est point le présent que je crains, c'est le passé qui me tourmente
Un désir inquiet tourmentait ma jeunesse
de P. LEBRUN dans Pallas, II, 3
Ô mon fils ! les hommes ont vécu pendant plusieurs siècles dans une ignorance qui ne tourmentait point leur raison
Nature : Absolument.
Maudite jalousie ! poursuivit-il, plus cruelle encore pour ceux qui tourmentent que pour ceux qui sont tourmentés !
Tourmenter sa vie, se donner bien de la peine de corps et d'esprit.
Oui, je suis las de tourmenter ma vie
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Enf. prof. III, 3
4
Importuner, harceler. Cet homme me tourmente avec ses visites. Ses créanciers le tourmentent.
Cessez de tourmenter une âme infortunée
Je ne puis croire que vous cherchiez à le tourmenter [J. J. Rousseau] dans sa solitude, où il est déjà assez malheureux par sa santé, par sa pauvreté, et surtout par son caractère
de Jean Le Rond D'ALEMBERT dans Lett. à Voltaire, 3 janv. 1765
Sémantique : Terme de manége. Tourmenter son cheval, le châtier, ou l'inquiéter mal à propos.
Le roi [Louis XIII] prit amitié pour Saint-Simon, à cause... qu'il ne tourmentait pas trop ses chevaux
5
Agiter violemment. La mer tourmenta longtemps notre vaisseau. Ce cheval tourmente son cavalier.
Il [le vent] frappe, élève, abaisse et tourmente les ondes
6
Déjeter.
La sécheresse dessèche les futailles, les tourmente, et fait transsuder le vin
de Stéphanie Félicité Ducrest de St-Albin, comtesse de GENLIS dans Maison rust. t. III, p. 303, dans POUGENS
7
Forcer.
Et, tourmentant sa voix pour appeler son frère, Lui pardonne des yeux et meurt
de Nicolas GILBERT dans Mort d'Abel, ch. VII
8
Travailler avec effort.
Les champs te prodiguaient leurs tributs volontaires : Il faudra tourmenter un avare terrain
9
Tourmenter un auteur, un texte, vouloir leur faire dire autre chose que ce qu'ils disent.
Une chose qui me surprend toujours également, c'est l'infatigable et cruel acharnement à tourmenter Tacite pour trouver des torts à Sénèque
10
Sémantique : Terme d'art et de littérature. Retravailler de telle façon que l'effort se fasse sentir.
L'artiste a tant consulté, si changé, si tourmenté sa composition, que je ne sais plus ce qu'il en reste
Boileau a tourmenté cet endroit de son poëme [le Lutrin] ; il avait mis d'abord un horloger à la place du perruquier ; il trouva que le personnage n'était pas assez comique, il changea et ne fit pas mieux
de Jean-François MARMONTEL dans Oeuv. t. IX, p. 175
Sémantique : Terme de peinture. Tourmenter des couleurs, les frotter après les avoir couchées. Tourmenter un dessin, le surcharger de traits.
11
Se tourmenter, Nature : v. réfl. Se remuer, s'agiter. Ce cheval se tourmente.
Elle [l'âme] se tourmente comme dans un songe ; on veut parler, la voix ne se suit pas....
Les cris redoublés de leur conductrice [poule ayant couvé des canards] qui, du rivage, les rappelle en vain, en s'agitant et se tourmentant comme une mère désolée
Le troisième se tourmentant sur sa chaise, cherchant une bonne posture et n'en trouvant point
12
Se déjeter. Le bois neuf se tourmente beaucoup.
Il est bien difficile d'empêcher que les barreaux ne se tourmentent, quand on les trempe
de BRISSON dans Traité de phys. t. III, p. 248
13
Se donner bien de la peine, s'inquiéter.
Voyez comme il est bon de se tourmenter un peu pour avoir des places
Ceux de Zurich.... s'en plaignent [d'un accord sur la cène] à Luther, qui se tourmente beaucoup pour les satisfaire
Elle [l'âme] se tourmente de voir son bien si détaché d'elle-même, si exposé au hasard, si soumis au pouvoir d'autrui
Vous cherchez, prince, à vous tourmenter
Pourquoi nous tourmenter de leurs ordres suprêmes [des dieux] ?
Il n'y a qu'une seule chose au-dessus de leur puissance [de mes ennemis], et dont je les défie : c'est, en se tourmentant de moi, de me forcer à me tourmenter d'eux
Se tourmenter à.
Qu'on ne se tourmente pas à chercher, comme on a fait jusqu'ici, les articles fondamentaux [de la réforme] ; voici le fondement des fondements [que le pape est l'antechrist]
On a dit aussi : se tourmenter de.
Quand je me tourmente de vouloir vous inspirer ici la même attention [à votre santé]
Se tourmenter qui...., se tourmenter pour savoir qui....
Vous vous tourmentez qui aura la première place

HISTORIQUE

1
XIIe s.
Tormente ceaus [ceux] qui nos grevent et nos font outraige
dans Machab. II, 1
Se [je] seüsse de premiers à l'enprendre [la croisade] Que li congiés [départ] me tormentast ensi....
dans Couci, XXIV
De ce sui au cuer dolente, Que cil [son amant] n'est en cest païs, Que si sovent me tormente, Ke je n'ai ne jeu ne ris
dans DAME DE FAIELE, dans Couci
2
XIIIe s.
Joieusement [ils] chevauchent, n'est riens qui les tormente
dans Berte, CXXXIV
N'aura [il n'y aura] homme en la terre qui de riens vous tormente
dans ib. CXI
Et Berte rentre el bois dolente et tourmentée
dans ib. XLVI
Gar que fortune ne t'abate, Comment qu'el te tormente et bate
dans la Rose, 5902
Lors li ai dit : sachiés, biau sire, Amors durement [beaucoup] me tormente
dans ib. 2913
3
XIVe s.
Il ne se muent ou deportent de leur ire, sans ce que ceulx contre lesquels il sont irez soient tormentez ou punis
Et la mer se tourmente, uns grans vens va levant
dans Baud. de Seb. III, 251
4
XVe s.
Et disoit que le diable la tourmentoit, et sailloit en l'air, crioit et escumoit, et faisoit moult d'autres merveilles
de J. DE TROYES dans Chron. 1460
5
XVIe s.
Le remors qui tormente la conscience de Tibere
de Michel de MONTAIGNE dans IV, 62
Il estima que la chose publique seroit moins agitée et moins tourmentée, quand elle seroit affermie et arrestêe avec ces deux cours [de justice]
de Jacques AMYOT dans Solon, 33
Le sage medecin quelquefois aussi luy donne des medecines qui le travaillent et le tourmentent, pour le guarir
de Jacques AMYOT dans Péric. 32
Son cheval s'effraya si estrangement, et se tourmenta tant qu'il jetta le consul la teste devant par terre
de Jacques AMYOT dans Fab. v.
Estant la mer tourmentée, comme en la saison d'hvver
de Jacques AMYOT dans Agés. 67

ÉTYMOLOGIE

1
Tourment ; provenç. tormentar, turmentar ; espagn. tormentar ; ital. tormentare.

Synonymes de TOURMENTER

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