Définition de SACRIFIER

DÉFINITIONS - HISTORIQUE - ÉTYMOLOGIE -

Prononciation : sa-kri-fi-é

DÉFINITIONS

1
Offrir quelque chose à Dieu avec certaines cérémonies. Sacrifier des victimes. Abraham allait sacrifier son fils.
Nature : Absolument.
Nous trouvons une lettre de Julien l'apostat, par laquelle il promet aux Juifs de rétablir la sainte cité, et de sacrifier avec eux au Dieu créateur de l'univers
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. II, 12
C'était non seulement trop de bassesse, mais encore trop d'ingratitude au genre humain, de sacrifier à d'autres qu'à Dieu
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans ib.
Sémantique : Fig. et absolument.
Ils [les faux saints] appellent zèle une colère, et, quand ils tuent, ils pensent sacrifier
de Jean-Louis GUEZ de BALZAC dans Lett. 11, liv. VI
2
Chez les chrétiens, sacrifier le corps et le sang de Jésus-Christ, faire le sacrifice de la messe.
Quel homme fut jamais plus propre à sacrifier le corps et le sang de Jésus-Christ que celui qui lui avait fait un sacrifice de tous les moments de sa vie ?
de Esprit FLÉCHIER dans Panég. II, p. 110
Nature : Absolument.
Que peut-on imaginer de plus malheureux que de ne pouvoir conserver la foi sans s'exposer au supplice, ni sacrifier sans trouble, ni chercher Dieu qu'en tremblant ?
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Reine d'Anglet.
3
Il se dit des sacrifices offerts aux dieux, dans le polythéisme.
Pour obtenir les vents que le ciel vous dénie, Sacrifiez Iphigénie
de Jean RACINE dans Iph. I, 1
Les premiers hommes ne sacrifiaient que de l'herbe
de Charles-Louis de Secondat MONTESQUIEU dans Esp. IV, 25
Sanchoniathon, cité par Eusèbe, rapporte que les Phéniciens sacrifiaient dans les grands dangers le plus cher de leurs enfants
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Pol. et lég. Tolérance, si l'intolérance fut de droit divin
Ensuite on sacrifia des chevaux au soleil, des cerfs à Diane, des chiens à Hécate
de Auguste Marseille BARTHÉLEMY, dit L'ABBÉ BARTHÉLEMY dans Anach. ch. 21
Sémantique : Par extension.
Si votre esprit [M. Barillon, ambassadeur] plein de souplesse.... Peut adoucir les coeurs et détourner ce coup [la guerre], Je vous sacrifierai cent moutons : c'est beaucoup Pour un habitant du Parnasse
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VIII, 4
Nature : Absolument.
Ceux qui occupent des places comme la vôtre sont d'ordinaire traités comme des dieux ; plusieurs les craignent ; tous leur sacrifient
de Vincent VOITURE dans Lett. 34
La victime est choisie, et le peuple à genoux ; Et pour sacrifier on n'attend plus que vous
de Pierre CORNEILLE dans Poly. II, 5
Il [le roi de Babylone] commanda que l'on fît venir des victimes et de l'encens, et qu'on lui sacrifiât
de Isaac Louis Lemaistre de SACY dans Bible, Daniel, II, 46
Cette reine d'Israël, qui.. de retour à Samarie sacrifie à ses veaux d'or comme auparavant
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Carême, Inconst.
Sémantique : Fig. Sacrifier aux Grâces, mettre de la grâce dans ses manières, dans ses discours, dans son style.
Les Grecs recommandaient aux poëtes de sacrifier aux Grâces ; Milton a sacrifié au diable
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Dict. phil. Épopée.
Thomas sacrifia toujours à la vertu, à la vérité, à la gloire, jamais aux Grâces
de Jean-François MARMONTEL dans Mém. VI
Sémantique : Fig. Sacrifier à, écouter, obéir.
Cruel ! c'est à ces dieux [l'orgueil et l'ambition] que vous sacrifiez
de Jean RACINE dans Iphig. IV, 4
En parlant de ce que le roi a fait de grand et d'utile, vous avez trouvé le secret de faire l'éloge d'un ministre votre ami [M. de Choiseul].... vous avez sacrifié à l'amitié et à la vérité
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. Beauvau, 5 avril 1771
Sacrifier aux préjugés, à la mode, au goût de son siècle, s'y conformer par faiblesse avec excès.
4
Sacrifier à ou pour, renoncer à.... pour l'amour de Dieu ou d'une personne. Sacrifier à Dieu son ressentiment. J'ai tout sacrifié pour vous. Il a sacrifié sa vie pour son pays. Je sacrifierais tout ce que je possède pour le sauver.
Il est du sang d'Hector, mais il en est le reste, Et pour ce reste enfin j'ai moi-même en un jour Sacrifié mon sang, ma haine et mon amour
de Jean RACINE dans Andr. IV, 1
Ces yeux.... Qui m'ont sacrifié l'empire et l'empereur
de Jean RACINE dans Brit. V, 1
Nature : Absolument.
Elle a toujours sacrifié ses ressentiments, et n'a jamais voulu nuire
de Esprit FLÉCHIER dans Mme de Montaus.
5
Perdre ou délaisser quelqu'un ou quelque chose en vue de quelque chose. Sacrifier sa fortune à son honneur. Il sacrifierait un ami à un bon mot.
Et je sacrifierais à de si puissants noeuds Amis, femme, parents et moi-même avec eux
de Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE dans Tart. V, 7
La vertu demande une vie uniforme, et sacrifie constamment à l'ordre et au devoir les inconstances d'une imagination légère et variable
de Jean-Baptiste MASSILLON dans Mystères, Passion, 2
Dans cette année malheureuse [1757], M. de la Rochefoucauld sacrifia soixante mille francs à faire travailler tous les habitants de sa terre
de Denis DIDEROT dans Salon de 1765, Oeuv. t. XIII, p. 151, dans POUGENS
On avait été forcé de sacrifier tout un jour au passage de la Nara et de son marais, ainsi qu'au ralliement des différents corps
de Philippe de SÉGUR dans Hist. de Nap. IX, 2
Sacrifier tout son temps, tout son loisir à une chose, l'y consacrer tout entier.
Sacrifier son repos, son bonheur, etc. à celui d'un autre, renoncer au repos, au bonheur, etc. pour les assurer à un autre.
Sacrifier tout à ses intérêts, faire céder toutes choses à ses intérêts.
On dit de même : sacrifier tout à sa passion, à sa gloire, à son ambition, à la vengeance, etc.
6
Sacrifier quelqu'un, le faire périr.
Dieu les frappe [les grands] pour nous avertir ; leur élévation en est la cause, et il les épargne si peu, qu'il ne craint pas de les sacrifier à l'instruction du reste des hommes
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Duch. d'Orl.
Eugène fut pris : il fallut le sacrifier à la vengeance publique
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Hist. I, 11
Sur le moindre soupçon il les sacrifiait à sa sûreté
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans Tél. VIII
Plusieurs des rois furent d'avis qu'il fallait, dans le doute, sacrifier Acanthe à la sûreté publique
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans ib. XX
7
Sacrifier quelqu'un, signifie aussi le rendre victime de quelque vue, de quelque passion, de quelque intérêt. Sacrifier quelqu'un à son ambition, à son ressentiment.
Nature : Absolument. On a sacrifié les meilleures troupes pour une attaque inutile.
César n'est point à lui [Cicéron], Crassus le sacrifie
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Catil. II, 1
Angélique : Croyez-vous, monsieur, que mon oncle veuille me sacrifier ? - Dorval : Qu'appelez-vous sacrifier ?
de GOLDONI dans Bourru bienf. II, 11
Louis XI, cédant à la nécessité, accorda tout pour sortir du péril où il s'était engagé par son imprudence, et sacrifia les Liégeois
de Charles Pinot, sieur DUCLOS dans Oeuv. t. II, p. 353
Comment, ma tante, vous iriez donner Sophie à ce vieux marin ! c'est la sacrifier
de A. DUVAL dans les Héritiers, sc. 12
8
Il se dit aussi dans un sens atténué pour subordonner, mettre dans un rang inférieur.
L'auteur a entièrement sacrifié ce rôle de Maxime [dans Cinna] ; il ne faut le regarder que comme un personnage qui sert à faire valoir les autres
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Comm. Corn. Rem. Cinna, III, 2
Il [Le Tourneur, traducteur de Shakespeare] l'appelle le dieu du théâtre ; il sacrifie tous les Français, sans exception, à son idole
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Lett. d'Argental, 19 juill. 1776
Ce qui la choqua le plus [Mme du Châtelet], ce fut de voir que ces trois ou quatre nations puissantes sont sacrifiées dans ce livre [l'Histoire universelle de Bossuet] au petit peuple juif, qui occupe les trois quarts de l'ouvrage
de François-Marie Arouet, dit VOLTAIRE dans Moeurs, Rem. I
Sacrifier un amant, le quitter pour un autre.
Marion de Lorme, qui était un peu moins qu'une prostituée, fut un des objets de son amour, et elle le [le cardinal de Richelieu] sacrifia à des Barreaux
de Jean-François Paul de Gondi, cardinal de RETZ dans Mém. t. I, liv. I, p. 16, dans POUGENS
9
Se sacrifier, Nature : v. réfl. S'offrir en sacrifice.
Que le plus coupable de nous Se sacrifie aux traits du céleste courroux
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VII, 1
Il [le Messie] devait.... se sacrifier pour eux [les hommes], être une hostie sans tache....
de Blaise PASCAL dans Pens. XVIII, 16, édit. HAVET.
Toutes ces pieuses observances avaient dans la reine l'effet bienheureux que l'Église même demande ; elle se renouvelait dans toutes les fêtes, elle se sacrifiait dans tous les jeûnes et dans toutes les abstinences
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Mar.-Thér.
10
Sémantique : Fig. Se rendre victime de quelque intérêt, de quelque dévouement.
Il mande à ses agents dans la conférence qu'il n'est pas juste que la paix de la chrétienté soit retardée à sa considération.... qu'on lui laisse suivre sa fortune ; ah ! quelle grande victime se sacrifie au bien public !
de Jacques-Bénigne BOSSUET dans Louis de Bourbon.
Je vais donc, puisqu'il faut que je me sacrifie, Assurer à Pyrrhus le reste de ma vie
de Jean RACINE dans Andr. IV, 1
Tous deux d'intelligence à nous sacrifier, Loin de moi, par mon ordre, il courait m'oublier
de Jean RACINE dans Mithr. IV, 4
Je me charge de vous excuser auprès de la marquise, n'en soyez pas en peine, et ne vous sacrifiez point
de Pierre de MARIVAUX dans Marianne, part. 9
Se consacrer entièrement.
Un homme capable comme lui de se sacrifier entièrement à l'algèbre n'est pas un présent que la nature fasse tous les jours aux sciences
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Rolle.
Se sacrifier pour quelqu'un, se dévouer à lui sans réserve.

HISTORIQUE

1
XIIe s.
E fist abatre le vergier où l'om lui soleit sacrefier [à Priape]
dans Rois, p. 302
2
XIIIe s.
Là ot deux chats sacrefiés Et deux colombiaus.... Pour encercher la verité
dans Bataille des sept arts
3
XIVe s.
Comme l'en raconte d'un qui occist et sacrifia sa mere et en menga
de Nicolas ORESME dans Eth. 203
4
XVIe s.
Des tyrans ont esté sacrifiez à la haine du peuple par les mains de ceulx mesmes qu'ils avoient iniquement advancez
de Michel de MONTAIGNE dans IV, 9

ÉTYMOLOGIE

1
Provenç. sacrificar, sacrifiar ; espagn. sacrificar ; ital. sagrificare ; du lat. sacrificare (voy. SACRIFICE).

Synonymes de SACRIFIER

Termes proches de SACRIFIER