Définition de RONGER
Prononciation : ron-jé. Le g prend un e devant a et o : rongeant, rongeons
DÉFINITIONS
1
Couper avec les dents ou avec le bec à plusieurs reprises. Un chien qui ronge un os. Les vers rongent le bois.Un furieux oiseau de proie Sans cesse lui ronge le foie
de Paul SCARRON dans Virg. VI
N'étant pas de ces rats qui les livres rongeants, Se font savants jusques aux dents
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. VIII, 9
Cette guenon avait rongé une petite partie de sa queue
Ronger ses ongles, se dit du geste que l'on fait, pendant que l'on médite, que l'on réfléchit.
Attendez un peu que j'y songe, Pendant que mes ongles je ronge
de Paul SCARRON dans Poés. div. Oeuv. t. VII, p. 23, dans POUGENS
Sémantique : Fig. Se ronger les poings de quelque chose, en concevoir une vive irritation, un vif regret.
Sa femme s'en ronge les poings de fureur
Sémantique : Par exagération. Ronger sa litière, en être réduit à manger ce qui ne vaut guère mieux qu'une litière.
....j'étais résolu, faisant autant que trois, De boire et de manger comme aux veilles des Rois ; Mais, à si beau dessein défaillant la matière, Je fus enfin contraint de ronger ma litière
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat. X
Sémantique : Fig. Donner un os à ronger à quelqu'un, lui donner quelque emploi qui l'aide à vivre, ou lui faire quelque légère grâce pour se délivrer de ses importunités.
Sémantique : Par allusion à cette locution.
Je crains bien que notre mariage ne se rompe.... et, si l'on veut donner à ronger l'espérance d'un duc qui ne viendra point, Mlle d'Alerac a bien l'air d'en être la victime
de Marie de Rabutin-Chantal, marquise de SÉVIGNÉ dans 1er oct. 1684
On lui a donné un os à ronger, on lui a suscité quelque affaire qui l'occupe fort et qui l'empêche de nuire à autrui.
Ce cheval ronge son frein, il le mord, il le mâche.
Sémantique : Fig. Ronger son frein, dissimuler son dépit.
Jeanne, rongeant son frein, de mine s'apaisa
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Sat. X
Elle ronge son frein, Trouve le jour obscur, quoiqu'il soit fort serein
de BOURSAULT dans Fabl. d'Ésope, II, 3
Je ronge mon frein et mon âme bien tristement loin de mon cher ange
2
Sémantique : Par extension, consumer, corroder, entamer. L'eau-forte ronge les métaux. Un ulcère lui a rongé le nez. La goutte le ronge.Les restes de l'ancien pays que l'océan a rongé et couvert peu à peu
La salive est connue depuis longtemps comme rongeant ou oxydant assez promptement le fer et le cuivre
de FOURCROY dans Conn. chim. t. IX, p. 365
Nature : Absolument.
L'Arve, à force de ronger, s'est creusé un lit qui côtoie les jardins
de SAUSSURE dans Voy. Alpes, t. I, p. 16, dans POUGENS
3
Sémantique : Fig. Consumer le bien d'autrui Cet avoué ronge ceux qui ont affaire à lui.Si je connaissais sa maîtresse, j'irais lui conseiller de le piller, de le manger, de le ronger, de l'abîmer
de Alain René LESAGE dans Turcaret, IV, 12
4
Sémantique : Fig. Exercer sur l'âme une action comparée à un rongement.Cet animal [le lièvre] est triste, et la crainte le ronge
de Jean de LA FONTAINE dans Fabl. II, 14
Un songe, me devrais-je inquiéter d'un songe ? Entretient dans mon coeur un chagrin qui le ronge
de Jean RACINE dans Ath. II, 5
Les noirs soucis qui rongeaient son coeur
Là, Télémaque aperçut des visages pâles, hideux et consternés ; c'est une tristesse noire qui ronge ces criminels
de François de Salignac de La Mothe FÉNELON dans ib. XVIII
Un horrible soupçon me tourmente et me ronge
de Casimir DELAVIGNE dans Vêpr. sicil. IV, 1
Se ronger le coeur, se laisser aller à des inquiétudes, à des chagrins qui tourmentent.
Je me ronge le coeur, je n'ai point de repos
de Abbé Mathurin RÉGNIER dans Élég. II
Je ne crois pas qu'il puisse être content d'une personne qui ne lui donne pas tous les jours sujet de songer creux et de se ronger le coeur
de Bernard le Bouyer de FONTENELLE dans Lett. gal. II, 15
5
Nature : V. n. Détruire les couleurs.6
Sémantique : Terme de vénerie. On dit que le cerf ronge quand il rumine.7
Se ronger, Nature : v. réfl. Exercer sur soi un rongement.Et de quelque souci qu'en veillant je me ronge
de François de MALHERBE dans V, 21
Son orgueil [d'une âme mélancolique] fait son supplice ; elle se ronge, dans la solitude, du dépit secret d'être méprisée et oubliée
Être rongé.
Sentir son âme, usée en impuissant effort, Se ronger lentement sous la rouille du sort
de Alphonse de LAMARTINE dans Méd. II, 15
HISTORIQUE
1
XIIe s.Mais par tel serement quida Deu enginnier [il crut tromper Dieu] ; Mais dedenz cel an porent sa char li ver rungier
dans Th. le mart. 32
2
XIIIe s.Sovent li menbre [souvient] des jelines, [poules], Dont il selt rungier les eschines
dans Ren. 15193
[Je] Puis chascun jur runger les os, Dunt je me fas e cras e gros
de MARIE dans Fable 34
Li tans ki runge ceste vie
de GUI DE CAMBRAI dans Barl. et Jos. p. 18
Et quant il i a grant quantité de forage devant eux [les boeufs], il mangent lour [leur] saülée, et puis seient et ronngent
dans Bibl. des chartes, 4e série, t. II, p. 368
3
XIVe s.Si comme aucuns qui rugent as dens leur ungles
de Nicolas ORESME dans Eth. 203
Et passe l'espreuve [la sonde] duc à l'os [jusqu'à l'os], et le treuve aspre aussi comme se il fust rungié
de Henri DE MONDEVILLE dans f° 90
4
XVe s.Puisqu'il me faut ainsi ronger mon frain
de Eustache DESCHAMPS dans Poésies mss. f° 179
5
XVIe s.Triste et rongé du soing qui plus me nuict
de Joachim DU BELLAY dans IV, 86, verso.
ÉTYMOLOGIE
1
Berry, roûger ; poitev. rouger ; picard, rogner. Ronger veut dire ruminer, et, étant composé comme songer de somniari, représente rumniare, altération de ruminare, ou la forme latine peu usitée rumigare (voy. RUMINER). De ruminer à ronger, le passage est facile ; car le boeuf ronge ce qu'il rumine.Synonymes de RONGER
- ABSORBER
- ANÉANTIR
- AVALER
- BRÛLER
- COLLATIONNER
- CONSUMER
- CORRODER
- CROQUER
- DÉGUSTER
- DÉJEUNER
- DÉTRUIRE
- DÉVORER
- DÎNER
- DISSIPER
- EMBRASER
- EMPIFFRER
- GOINFRER
- GRIGNOTER
- INGURGITER
- MÂCHER
- MASTIQUER
- NOURRIR
- RESTAURER
- RUINER
- SOUPER
- SUSTENTER
- USER